La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2018 | FRANCE | N°18-10956

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 mai 2018, 18-10956


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X..., expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Montpellier, a sollicité sa réinscription ; qu'une décision, du 5 novembre 2015, de l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel rejetant sa demande a été annulée par la Cour de cassation (2e Civ., 23 juin 2016, recours n° 16-10.621), ainsi qu'une seconde, du 3 novembre 2016 (2e civ., 1er juin 2017, recours n° 17-10.122) ; que par décision du 9 novembre 2017, l'assemblée générale

des magistrats du siège de cette cour d'appel a à nouveau rejeté la dem...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X..., expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Montpellier, a sollicité sa réinscription ; qu'une décision, du 5 novembre 2015, de l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel rejetant sa demande a été annulée par la Cour de cassation (2e Civ., 23 juin 2016, recours n° 16-10.621), ainsi qu'une seconde, du 3 novembre 2016 (2e civ., 1er juin 2017, recours n° 17-10.122) ; que par décision du 9 novembre 2017, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a à nouveau rejeté la demande de Mme X... ; qu'elle a formé un recours contre cette décision ;

Sur le deuxième grief, qui est préalable :

Attendu que Mme X... fait grief à l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de rejeter sa demande de réinscription, alors, selon le grief, que la décision par laquelle l'assemblée générale des magistrats du siège d'une cour d'appel se prononce sur la demande de réinscription d'un expert sur la liste des experts judiciaires est prise après avis motivé d'une commission associant des représentants des juridictions et des experts, et qu'aux termes de l'article 14 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif à la procédure de réinscription sur la liste des experts judiciaires, la commission « peut entendre ou faire entendre le candidat par l'un de ses membres » ; qu'en l'espèce, la commission chargée de l'examen des candidatures à la réinscription sur la liste des experts judiciaires 2018 a, dans sa séance du 29 juin 2017, émis un avis défavorable à la réinscription quinquennale de Mme X... au motif que celle-ci n'offrirait pas de garanties suffisantes de neutralité dans l'exécution des missions d'expert, sans l'avoir préalablement entendue ou fait entendre par l'un de ses membres, mais en précisant qu'elle serait ultérieurement convoquée par son président, M. B..., pour être entendue sur ces faits ; qu'en effet, M. B..., président de la commission, a entendu le 23 octobre 2017 Mme X..., d'où il suit que la commission a émis son avis avant même que Mme X..., dont pourtant elle a estimé nécessaire qu'elle soit entendue par l'un de ses membres, puisse s'expliquer sur les griefs retenus a son encontre ; qu'il s'ensuit que la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier, rendue au vu d'un avis irrégulier puisque émis avant même que Mme X... soit entendue par M. B..., président de la commission, alors pourtant que cette commission avait jugé utile cette audition, doit être annulée, pour violation des dispositions du texte susvisé, ensemble l'article 15 du même décret ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 14 du décret du 23 décembre 2004 que la commission de réinscription n'est pas tenue d'entendre le candidat à la réinscription préalablement à l'émission de son avis sur les mérites de sa candidature, cette audition pouvant valablement être faite postérieurement, par un membre de la commission ou le rapporteur désigné par le premier président de la cour d'appel ;

D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;

Mais sur le cinquième grief :

Vu l'article 15 du décret du 23 décembre 2004 ;

Attendu que l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel se prononce après avoir entendu le magistrat chargé du rapport ;

Attendu que le procès-verbal de l'assemblée générale des magistrats du siège ne mentionne pas que celle-ci a statué après avoir entendu un magistrat chargé du rapport et ne fait pas état de la désignation d'un tel magistrat ;

D'où il suit que la décision de cette assemblée générale doit être annulée en ce qui concerne Mme X... ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier, troisième, quatrième et sixième griefs :

ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier en date du 9 novembre 2017, en ce qu'elle a refusé la réinscription de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par Mme Maunand, conseiller, conformément aux dispositions des article 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit. GRIEFS ANNEXES au présent arrêt

Griefs produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN D'ANNULATION

Il est reproché à l'assemblée générales des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier d'avoir décidé de ne pas procéder à l'inscription de Mme Alia X..., épouse Y..., sur la liste des experts près la cour d'appel 2018, sous la rubrique « H-lnterprétariat- Traduction », dans la spécialité « H-0 1. 02.0 1-Arabe » ;

POUR LE MOTIF SUIVANT:

« Risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions, semble souvent laisser son émotion prendre la place du professionnalisme. Sa lettre de motivation pour la fonction d'expert judiciaire montre davantage une envie de côtoyer les lieux de justice que de mettre au service de l'institution une véritable compétence technique » ;

ALORS QUE la demande de Mme X..., épouse Y..., était une demande de réinscription sur la liste des experts près la cour d'appel et non une demande d'inscription ; que la procédure gouvernant l'instruction d'une demande d'inscription initiale sur une liste d'experts dressée par une cour d'appel (articles 6 à 9 du décret n ° 2014-1463 du 23 décembre 2004) est différente de celle gouvernant l'instruction d'une demande de réinscription d'un expert précédemment inscrit (articles 10 à 16 du même décret), de même que diffèrent la durée des effets d'une décision favorable, limitée à trois ans en cas de décision d'inscription (article 6 du décret n ° 2004-1463 du 23 décembre 2004) quand elle est de cinq ans pour une décision de réinscription (article 10 du même décret ) ; qu'en décidant dès lors de ne pas procéder à l'inscription de Mme X..., épouse Y..., sur la liste des experts près la cour d'appel, cependant que l'intéressée demandait non pas son inscription sur la liste des experts, mais sa réinscription sur cette liste, l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier s'est méprise sur l'objet de la demande dont elle était saisie et sur laquelle elle devait se prononcer et a, pour cette raison déjà, exposé sa décision à une annulation certaine.

SECOND MOYEN D'ANNULATION

Il est reproché à la décision attaquée d'avoir rejeté la demande de Mme Alia X..., épouse Y..., tendant à sa réinscription sur la liste des experts judiciaire près la cour d'appel de Montpellier ;

POUR LE MOTIF SUIVANT :

« Risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions, semble souvent laisser son émotion prendre la place du professionnalisme. Sa lettre de motivation pour la fonction d'expert judiciaire montre davantage une envie de côtoyer les lieux de justice que de mettre au service de l'institution une véritable compétence technique » ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la décision par laquelle l'assemblée générale des magistrats du siège d'une cour d'appel se prononce sur la demande de réinscription d'un expert sur la liste des experts judiciaires est prise après avis motivé d'une commission associant des représentants des juridictions et des experts, et qu'aux termes de l'article 14 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif à la procédure de réinscription sur la liste des experts judiciaires, la commission « peut entendre ou faire entendre le candidat par l'un de ses membres » ; qu'en l'espèce, la commission chargée de l'examen des candidatures à la réinscription sur la liste des experts judiciaires 2018 a, dans sa séance du 29 juin 2017, émis un avis défavorable à la réinscription quinquennale de Mme X..., épouse Y..., au motif que celle-ci n'offrirait pas de garanties suffisantes de neutralité dans l'exécution des mission d'expert, sans l'avoir préalablement entendue ou fait entendre par l'un de ses membres, mais en précisant qu'elle serait ultérieurement convoquée par son président, M. B..., pour être entendue sur ces faits ; qu'en effet, M. B..., président de la commission, a entendu le 23 octobre 2017 Mme X..., épouse Y..., d'où il suit que la commission a émis son avis avant même que l'exposante, dont pourtant elle a estimé nécessaire qu'elle soit entendue par l'un de ses membres, puisse s'expliquer sur les griefs retenus à son encontre ; qu'il s'ensuit que la décision attaquée de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier, rendue au vu d'un avis irrégulier puisque émis avant même que Mme X..., épouse Y..., soit entendue par M. B..., président de la commission, alors pourtant que cette commission avait jugé utile cette audition, doit être annulée, pour violation des dispositions du texte susvisé, ensemble l'article 15 du même décret ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel se prononce après avoir entendu le ministère public ; qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucune des mentions de la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier que le représentant du ministère public ait été entendu avant que la décision attaquée ait été rendue ; que cette décision est donc intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en violation de l'article 15 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE seuls des magistrats du siège de la cour d'appel, ainsi que des représentants des tribunaux de grande instance, tribunaux de commerce et conseils de prud'hommes du ressort de la cour d'appel disposant d'une voix simplement consultative, peuvent composer l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel, à l'exclusion des magistrats du parquet ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de la décision attaquée que, lorsqu'elle s'est prononcée en formation restreinte le 9 novembre 2017 sur la demande de réinscription de Mme X..., épouse Y..., l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier a statué en présence notamment de M. Pierre Denier, avocat général à la cour d'appel de Montpellier ; qu'elle était donc irrégulièrement composée et que par suite la décision attaquée devra être annulée pour avoir été rendue en méconnaissance des dispositions de l'article 8 du décret n ° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;

ALORS EN QUATRIEME LIEU, QUE l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel se prononce, lorsqu'est dressée la liste des experts, après avoir entendu le magistrat chargé du rapport ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des mentions de la décision attaquée qu'avant de se prononcer sur la demande de réinscription de Mme X..., épouse Y..., l'assemblée générale des magistrats de siège de la cour d'appel de Montpellier ait, comme elle en avait l'obligation, entendu le magistrat chargé du rapport ; que dès lors, cette décision encourt l'annulation, la Cour de cassation n'étant pas en mesure, à sa lecture, de vérifier qu'elle a été rendue en conformément aux prescriptions du cinquième alinéa de l'article 15 du décret n ° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;

ET ALORS, EN DERNIER LIEU ENFIN, QUE les décisions de refus de réinscription sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d'appel doivent être motivées ; qu'en rejetant la demande de réinscription de Mme X..., épouse Y..., motif pris d'un « risque de manque de neutralité dans l'exécution des missions, semble souvent laisser son émotion prendre la place du professionnalisme. Sa lettre de motivation pour la fonction d'expert judiciaire montre davantage une envie de côtoyer les lieux de justice que de mettre au service de l'institution une véritable compétence technique », sans fonder cette mise en cause sur des faits objectifs, vérifiables et pertinents, l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Montpellier n'a dans tous les cas pas donné de motifs suffisants et pertinents à sa décision, qui par suite encourt l'annulation pour violation de l'article 2 de la loi du 29 juin 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-10956
Date de la décision : 17/05/2018
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 09 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 mai. 2018, pourvoi n°18-10956


Composition du Tribunal
Président : Mme Brouard-Gallet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.10956
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award