LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 janvier 2017), que suite à un arrêté ayant reconnu la commune d'Antony en état de catastrophe naturelle pour des mouvements de terrains différentiels consécutifs à un épisode de sécheresse, M. X..., propriétaire d'un bien immobilier situé dans cette commune, a effectué, le 23 février 2008, une déclaration de sinistre auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) ; que le bien immobilier a été vendu à M. Y..., lequel l'a revendu à M. et Mme B... ; que par jugement du 15 avril 2009, le tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré irrecevables les demandes en indemnisation de ses préjudices formées par M. X... à l'encontre de la société Axa ; que par ordonnance du 5 mars 2013, le juge des référés, saisi par assignations des 24 et 26 juin 2009, a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise formée par MM. X... et Y... ; que par acte du 17 juillet 2013, MM. X... et Y... ont assigné la société Axa pour obtenir paiement de la garantie due à M. X... au titre de la catastrophe naturelle ; que la société Axa a opposé la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances ;
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes, alors, selon le moyen, que l'interruption de la prescription n'est réputée non avenue que si la demande est rejetée ; dès lors, en déclarant que la décision du juge des référés du 5 mars 2013 de rejet de la demande de désignation d'un expert a fait perdre aux assignations des 24 et 26 juin 2009 leur effet interruptif, pour dire irrecevables les demandes formées par MM. X... et Y... contre la société Axa, quand l'ordonnance du 5 mars 2013 n'a pas véritablement rejeté la demande mais a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise en retenant que, s'agissant pour les demandeurs d'une expertise sur pièces, si des pièces et documents suffisants existent, un juge du fond peut les examiner et statuer au fond, la cour d'appel a violé l'article 2243 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une exacte analyse de l'ordonnance du 5 mars 2013 ayant dit n'y avoir lieu à référé en l'absence de motif légitime que la cour d'appel a retenu que cette décision avait rejeté la demande d'expertise formée par MM. X... et Y... pour en déduire à bon droit que cette ordonnance avait fait perdre aux assignations des 24 et 26 juin 2009 leur effet interruptif ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. X... et Y..., les condamne à payer à la société Axa France IARD la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. X... et M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevables les demandes formées par M. Paul X... et M. Tristan Y... contre la société AXA France IARD ;
AUX MOTIFS QUE « le tribunal a, à raison, jugé que les demandes formées devant lui s'analysaient comme une action par laquelle l'assuré demande à l'assureur d'exécuter ses obligations contractuelles, s'agissant du paiement d'une indemnité à la suite d'un sinistre ; qu'elles dérivent donc du contrat d'assurance au sens de l'article L. 114-1 précité et sont soumises au délai prévu par ces dispositions, quand bien même les appelants visent l'article 1147 du code civil dans leurs conclusions ; que le point de départ du délai de prescription est la déclaration de sinistre, intervenue le 23 février 2008 ;
qu'il est de principe que la disposition de l'article 2243 du code civil, aux termes de laquelle l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue si la demande est rejetée, est absolue et ne comporte aucune distinction selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou qu'elle est repoussée soit par un moyen de forme, soit par une fin de non-recevoir laissant subsister le droit d'action ;
qu'il est également de principe que cette disposition ne distingue pas selon que la demande a été formée devant le juge des référés ou devant le juge du fond ;
qu'il a pu ainsi être jugé qu'en application de cette règle, l'interruption de la prescription résultant de l'action en référé-provision est non avenue si la demande est rejetée ; que, de la même façon, en se déclarant incompétent en raison de l'existence d'une contestation sérieuse, la décision du juge des référés rend non avenue l'interruption de la prescription ;
qu'au cas présent, par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 15 avril 2009, les demandes formées par Paul X... ont été jugées irrecevables au motif que les assignations n'avaient pas été délivrées conformément à l'autorisation préalablement donnée par son président d'assigner à jour fixe ; que cette décision, par laquelle la juridiction a mis fin au litige en rejetant les demandes pour un moyen de forme, doit s'analyser comme une décision de rejet au sens de l'article précité de sorte que les assignations délivrées les 31 octobre et 3 novembre 2008 sont non avenues ;
que, saisi par actes des 24 et 26 juin 2009 d'une demande formée par Paul X... et Tristan Y... tendant à la désignation d'un expert sur le fondement des articles 145 et 809 du code de procédure civile, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre (désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, qui s'était déclaré incompétent) a rejeté cette demande le 5 mars 2013, jugeant que le motif légitime exigé par l'article 145 précité n'existait pas ; que le juge a fait observer que le bien immobilier avait été détruit, ce qui n'avait pas conduit les demandeurs à modifier en quoi que ce soit la mission qu'ils voulaient voir assigner à l'expert, ceux-ci se contentant de préciser au cours des débats qu'il s'agirait désormais d'une « expertise sur pièces » ;
que cette décision de rejet a fait perdre aux assignations des 24 et 26 juin 2009 leur effet interruptif ;
que le retard regrettable pris pour transmettre le dossier du tribunal de grande instance de Paris à celui de Nanterre, à l'évidence non imputable aux justiciables, a conduit le juge à rejeter le moyen tiré de la péremption d'instance ; mais qu'il est nécessairement sans incidence sur l'effet rétroactivement non avenu des assignations originaires ; qu'il sera de surcroît observé que rien n'interdisait aux appelants de délivrer à l'encontre de l'assureur l'un des actes prévus à l'article L. 114-2 du code des assurances afin d'interrompre utilement la prescription ;
que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré les demandes formées par les consorts X... Y... irrecevables car prescrites » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 15 avril 2009 a déclaré les demandes formées par M. X... irrecevables ; que cette décision, par laquelle la juridiction a mis fin au litige en rejetant les demandes pour un moyen de forme, constitue une décision de rejet au sens de l'article 2243, lequel ne comporte aucune distinction selon que la demande est écartée par un moyen de forme, par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; que dès lors, l'interruption de la prescription qui résultait de ces demandes, formées par acte d'huissier en date des 31 octobre et 3 novembre 2008, doit être regardée comme non avenue ;
que la même analyse sera faite des demandes soumises au juge des référés du tribunal de grande instance de Paris selon exploit d'huissier en date des 24 et 26 juin 2009, l'ordonnance de référé rendue par la juridiction de renvoi, le 5 mars 2013, ayant rejeté la demande d'expertise au motif que les éléments fournis par MM. X... et Y... ne permettaient pas de constater l'existence du motif légitime exigé par l'article 145 du code de procédure civile ;
qu'ainsi, il y a lieu de constater que nul acte interruptif de prescription n'est intervenu entre le 23 février 2008 et le 17 juillet 2013 ; que la prescription est donc acquise et les demandes sont irrecevables » ;
ALORS QUE l'interruption de la prescription n'est réputée non avenue que si la demande est rejetée ; que dès lors, en déclarant que la décision du juge des référés du 5 mars 2013 de rejet de la demande de désignation d'un expert a fait perdre aux assignations des 24 et 26 juin 2009 leur effet interruptif, pour dire irrecevables les demandes formées par MM. X... et Y... contre la société AXA France IARD, quand l'ordonnance du 5 mars 2013 n'a pas véritablement rejeté la demande mais a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise en retenant que, s'agissant pour les demandeurs d'une expertise sur pièces, si des pièces et documents suffisants existent, un juge du fond peut les examiner et statuer au fond, la cour d'appel a violé l'article 2243 du Code civil.