LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 24 janvier 2017), que M. X... bénéficie d'un bail rural, conclu le 23 avril 1992, sur des parcelles de terre, cadastrées section [...] , [...] et [...] et appartenant à Mme Françoise Y... Z..., Mme A... Y...–Z..., Mme Anne Y... B..., Mme Virginie Y..., Mme F... Y..., sous la tutelle de l'Udaf, M. Daniel C..., Mme Esther C..., M. D... C..., Mme Carole C..., M. André E..., M. Cédric E... (les consorts Y...), qui ont sollicité, en référé, l'expulsion de M. X... de deux autres parcelles de terre, cadastrées section [...] et [...], en soutenant qu'il les occupait sans droit ni titre ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le bail du 23 avril 1992, qui précise les parcelles concernées, ne mentionne pas celles dont il est demandé l'expulsion, que M. X... ne fournit aucun élément démontrant l'échange de parcelles et n'oppose aucune contestation sérieuse sur l'étendue de ce bail ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si un bail verbal n'avait pas été consenti à M. X... sur les parcelles dont il était demandé son expulsion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne Mme Françoise Y... Z..., Mme A... Y...–Z..., Mme Anne Y... B..., Mme Virginie Y..., l'association Union départementale des associations familiales, en qualité de tuteur de Mme F... Y..., M. Daniel C..., Mme Esther C..., M. D... C..., Mme Carole C..., M. André E..., M. Cédric E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Françoise Y... Z..., Mme A... Y...–Z..., Mme Anne Y... B..., Mme Virginie Y..., l'association Union départementale des associations familiales, en qualité de tuteur de Mme F... Y..., M. Daniel C..., Mme Esther C..., M. D... C..., Mme Carole C..., M. André E..., M. Cédric E... et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR, tout en renvoyant les parties au fond, ordonné cependant, à titre provisoire, l'expulsion de M. X... des parcelles [...] et [...] situées sur le territoire de la commune d'Etrepigny dans les vingt-quatre heures à compter de sa décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, et D'AVOIR condamné M. X... au paiement d'une indemnité provisionnelle de 1 000 euros,
AUX MOTIFS PROPRES QUE si l'article L. 491-1 du code rural donne compétence exclusive au tribunal paritaire des baux ruraux pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux, ce texte ne s'applique pas lorsque le litige concerne un propriétaire et un occupant sans droit ni titre du fait de l'absence de bail rural souscrit entre les parties ; que dans cette situation, le juge des référés tire de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile le pouvoir de faire cesser le trouble manifestement illicite causé par une occupation sans droit ni titre du bien d'autrui et de l'alinéa 2 du même texte le droit d'allouer une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tel est le cas en l'espèce, de sorte que le juge des référés est compétent pour connaître du litige ; que l'essentiel des contestations soulevées par . X... à l'appui de son appel consiste à reprendre les arguments développés dans le cadre de la procédure initiée devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Charleville-Mézières ; or, au moment où elle statue, la cour ne peut que constater : - que cette juridiction, par décision du 30 septembre 2011, a prononcé la résiliation du bail rural du 23 avril 1992 consenti à M. X... portant sur les parcelles sises sur la commune de Saint Marceau cadastrées [...] pour défaut de paiement des fermages, - que le tribunal a précisé qu'il ne saurait être sérieusement contesté que le bail rural porte exclusivement sur ces parcelles, - que ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Reims le 12 décembre 2012 qui a également indiqué que M. X... ne saurait être sérieusement suivi dans le débat qu'il tente d'instaurer sur l'étendue du bail alors que sont produits aux débats le bail portant sur les parcelles et la superficie ci-dessus désignés ainsi que le relevé de propriété de M. H... reprenant exactement les mêmes parcelles, - que la cour d'appel, après cassation pour l'unique motif constitué par le fait que l'irrégularité de fond de l'exercice d'une action au nom d'une personne décédée ou dépourvue de capacité à agir ne pouvait être couverte, a infirmé le jugement sur ce point mais confirmé toutes les autres dispositions du jugement entrepris, - qu'il est dès lors indifférent que M. X... ait formé un nouveau pourvoi contre cette décision dans la mesure où, par application de l'article 500 du code de procédure civile, l'arrêt rendu par la cour d'appel a force de chose jugée ; que M. X... est donc dans l'impossibilité de faire valoir une contestation sérieuse sur l'étendue du bail qui lui avait été consenti ; que l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue en elle-même un trouble manifestement illicite ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que le juge des référés, juge de l'évidence, a considéré que M. X... occupait de manière illicite les parcelles [...] et [...] sises à Etrepigny ; que la décision sera confirmée en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à l'astreinte qui s'appliquera, à défaut d'exécution de la décision, à compter du quinzième jour suivant la signification de l'arrêt (arrêt, pp. 3 - 4),
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 809 du code de procédure civile dispose que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le juge des référés peut accorder une provision dès lors que l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable ; que si aux termes des dispositions de l'article L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux, ces dernières ne peuvent recevoir application dès lors que le litige ne concerne nullement une contestation entre bailleurs et preneurs, mais celle existant entre un propriétaire et un occupant sans titre du fait de l'absence de bail contracté par les parties ; qu'en l'espèce, les demandeurs sollicitent que soit expulsé M. X... au motif qu'il n'aurait ni droit ni titre pour occuper les parcelles A. 108 et A 109 situées sur le territoire d'Etrepigny ; qu'il ne saurait être sérieusement contesté, par M. X..., l'étendue du bail, alors que celui-ci est versé au débat et qu'il précise expressément les parcelles concernées sans faire mention des parcelles visées par les demandeurs à l'instance ; que M. X... ne fournit par ailleurs aucun élément démontrant l'échange de parcelles invoquées ; que dès lors, la preuve d'une contestation sérieuse n'est pas rapportée ; que par ailleurs, le fait de se maintenir sans droit ni titre sur des terres en en dépit de l'absence de bail est constitutif du trouble manifestement illicite visé à l'article 809 du code de procédure civile ; qu'il convient d'ordonner l'expulsion de M. X... des parcelles A. 108 et A 109 situées sur le territoire d'Etrepigny ; qu'il en résulte un préjudice non sérieusement contestable subi par les consorts Y... notamment de ne pas avoir pu jouir des parcelles susmentionnées, qu'il convient de condamner M. X... à payer la somme de 1000 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour location illicite des terrains (ordonnance, pp. 3 - 4),
1°/ Alors que le tribunal paritaire des baux ruraux a une compétence générale pour connaître de toutes les contestations dont le bail rural est l'objet, la cause ou l'occasion ; qu'en retenant que le juge des référés du tribunal de grande instance était compétent pour connaître d'un litige portant sur l'expulsion de l'exploitant de deux parcelles, en l'état de l'existence d'un désaccord des parties sur l'existence d'un bail rural verbal, contestation qui relevait de la seule compétence du tribunal paritaire des baux ruraux, la cour d'appel a méconnu les articles L. 411-4 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ Alors que, en toute hypothèse, un bail rural peut être conclu aussi bien verbalement que par écrit ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite, que les deux parcelles litigieuses n'étaient pas incluses dans le bail écrit dont était précédemment titulaire M. X... (arrêt, p. 3, ult. § - p. 4, § 1 ; ordonnance, p. 3), sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... ne s'était pas vu délivrer un bail verbal sur les parcelles en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 809, alinéa premier du code de procédure civile, et L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime