LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Enedis du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 24 novembre 2016 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 29 décembre 2011, Mme Z..., propriétaire d'une maison endommagée par un incendie survenu le 26 février 2010, et son assureur, la société Aviva assurances, ont fait assigner en indemnisation la société ERDF et la société Moulard et fils ; qu'un jugement du 11 avril 2014 a condamné la société ERDF à payer une certaine somme à l'assureur, débouté Mme Z... de toutes ses demandes et débouté l'assureur et la société ERDF de toutes leurs demandes à l'égard de la société Moulard et fils ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en garantie formée par la société ERDF à l'encontre de la société Moulard et fils, l'arrêt retient que c'est le 22 avril 2010, à l'occasion de l'expertise diligentée à l'initiative de l'assureur, que la société ERDF a eu connaissance de ce que l'incendie avait pris naissance dans la ventilation mécanique contrôlée, que pour écarter la prescription triennale prévue à l'article 1386-17 du code civil, la société ERDF explique que c'est dans des conclusions du 29 juin 2012 que pour la première fois elle a formé une demande de partage de responsabilité à l'encontre de la société Moulard et fils, soit dans les trois ans s'étant écoulés depuis le 22 avril 2010, que cependant, la pièce n° 16 qu'elle vise au soutien de cette affirmation est un jeu de conclusions émanant de l'assureur et de Mme Z..., que le jugement entrepris fait état de conclusions de la société ERDF du 3 mai 2013 et qu'en conséquence, faute pour cette dernière de justifier qu'elle a formé des demandes à l'encontre de la société Moulard et fils, au travers de conclusions devant les premiers juges, avant le 22 avril 2013, elle est prescrite en son action ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier d'une pièce qui figurait au bordereau annexé aux dernières conclusions de la société ERDF, sous la mention « pièce n° 16 - conclusions régularisées le 29 juin 2012 en perspective de l'audience de mise en état du 17 septembre 2012 », et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en garantie formée par la société ERDF à l'encontre de la société Moulard et fils sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Moulard et fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Enedis
Il est fait grief à l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Versailles du 26 mai 2016 d'avoir déclaré irrecevable la demande en garantie formée par la société ERDF à l'encontre de la société MOULARD et fils, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil,
AUX MOTIFS QUE
« Sur la prescription,
La société MOULARD et fils oppose à la société ERDF, qui dans le dernier état de ses écritures, fonde son action à son encontre sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, la prescription de trois ans prévue par l'article 1386-17 du même code.
L'article 1386-17 prévoit que l'action en réparation fondée sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
C'est le 22 avril 2010 à l'occasion de l'expertise diligentée à l'initiative d'Aviva, à laquelle a participé ERDF, via son propre expert, que cette dernière a eu connaissance de ce que l'incendie avait pris naissance dans la VMC, et il résulte du rapport d'expertise amiable que lors de cette réunion, ERDF avait déjà indiqué que « si toutefois ce sinistre était d'origine électrique et imputable à la surtension sur le réseau de distribution (consécutive à la rupture du conducteur neutre), alors la VMC devait supporter la surtension », mettant ainsi en cause la conformité de cet appareil et de l'installation.
Or, pour écarter la prescription susvisée, ERDF explique que c'est dans des conclusions du 29 juin 2012 que pour la première fois elle a formé une demande de partage de responsabilité à l'encontre de la société Moulard et Fils (90 % pour cette dernière), soit dans les trois ans s'étant écoulés depuis le 22 avril 2010.
Cependant, la pièce n° 16 qu'elle vise au soutien de cette affirmation est certes un jeu de conclusions, mais elles émanent de la société Aviva et de Mme Z....
Le jugement entrepris fait état de conclusions d'ERDF du 3 mai 2013.
En conséquence, faute pour ERDF de justifier qu'elle a formé des demandes à l'encontre de la société Moulard et Fils fondées sur les articles 1386-1 et suivants du code civil, au travers de conclusions devant les premiers juges, avant le 22 avril 2013, elle est prescrite en son action. »
ALORS QUE, d'une part, aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer lui-même le principe de la contradiction, que le juge ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce invoquée par une partie et dont la communication n'avait pas été contestée, sans inviter les parties à s'en expliquer ;
que dans ses « conclusions d'appel n°4 » du 9 mars 2016, visées dans l'arrêt (p. 3), la société ERDF fait valoir que :
« Dans ses conclusions récapitulatives n°2, la société MOULARD et fils soutient que la société ERDF serait prescrite à rechercher sa responsabilité en sa qualité de fabricant de la VMC à l'origine de l'incendie.
Toutefois, une fois encore, la société ERDF a formulé une demande de partage de responsabilité, à hauteur de 90 % pour la société MOULARD et fils, dès ses conclusions régularisées le 29 juin 2012 devant le tribunal de grande instance de Nanterre (pièce n° 16 – conclusions régularisées le 29 juin 2012 en perspective de l'audience de mise en état du 17 septembre 2012).
Cette demande n'est donc nullement prescrite, tout comme celles formulées à l'encontre de la société MOULARD et fils, au titre du choix et de l'installation d'un matériel non conforme et de la négligence fautive commise le jour de la survenance de l'incendie »,
que cette « pièce n° 16 », censée être des conclusions d'ERDF du 29 juin 2012 devant le tribunal de grande instance de Nanterre, est bien mentionnée, à la fin des conclusions, parmi les « pièces visées »,
qu'en l'état, la cour d'appel n'a pu se borner à constater que « la pièce n° 16 », visée par ERDF relative à des conclusions du 29 juin 2012 formulées par elle contre la société MOULARD et fils, dans le délai de prescription de trois ans à compter du 22 avril 2010, « est certes un jeu de conclusions mais elles émanent de la société AVIVA et de Madame Z... », alors qu'aux « conclusions en réplique » de la société AVIVA ASSURANCES et de Mlle Z..., communiquées par erreur par la société ERDF sous le numéro 16, étaient joints deux messages précisant qu'il s'agissait des conclusions d'ERDF envoyées le 29/06/2012-, et à indiquer en sus « que le jugement entrepris fait état de conclusions d'ERDF du 3 mai 2013 » alors que ledit jugement ne vise que « les dernières conclusions » de la société ERDF, qu'en conséquence, « faute pour ERDF de justifier qu'elle a formé des demandes à l'encontre de la société MOULARD et fils, fondées sur les articles 1386 et suivants du code civil au travers de conclusions devant les premiers juges, avant le 22 avril 2013, elle est prescrite en son action »--, ce sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence de correspondance entre les conclusions de première instance annoncées par ERDF du 29 juin 2012, en pièce 16, présentées comme étant des conclusions formulées par elle-même contre la société MOULARD et fils et la pièce communiquée sous ce numéro n° 16 qui était des « conclusions en réplique » d'AVIVA ASSURANCES et de Mlle Z..., en vue de la même audience de mise en état du 17 septembre 2012, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
ALORS QUE, d'autre part, et en tout état de cause,
La cour n'a pu régulièrement déclarer irrecevable la demande en garantie formée par la société ERDF à l'encontre de la société MOULARD et fils sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil pour défaut de justification de cette demande au travers des conclusions devant les premiers juges, avant le 22 avril 2013, du fait que les conclusions invoquées d'ERDF du 29 juin 2012, visées en pièce 16, émanent non d'ERDF mais de la société AVIVA et de Mme Z..., et que « le jugement entrepris fait état de conclusions d'ERDF du 3 mai 2013 » – , sans prendre en considération les « conclusions ERDF du 28 décembre 2012 » produites par la société MOULARD et fils elle-même à l'appui de ses « conclusions récapitulatives n° 2 » du 8 mars 2016, conclusions d'ERDF régularisées le 28 décembre 2012 par la société ERDF en vue de l'audience de mise en état du 14 janvier 2013 mettant nommément en cause la société MOULARD et fils en l'appelant en garantie, 2ème jeu de conclusions d'ERDF qui attestent bien des demandes formées à l'encontre de la société avant le 22 avril 2013, date d'expiration du délai de prescription, l'arrêt est bien entaché, d'un manque de base légale au regard des textes susvisés, faute d'examen des conclusions d'ERDF du 28 décembre 2012, produites par la société MOULARD et fils elle-même.