LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Reçoit la SCI Te Hau Piti en son intervention volontaire ;
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'EURL Pacific Pierres et la société Espace paysages ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans un litige opposant Mme Y... à M. X..., le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete, par ordonnance du 10 juin 2013, a condamné M. X... à enlever des enrochements se situant en surplomb de la propriété de Mme Y... sous astreinte ; que ce dernier a interjeté appel de cette décision ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt, par confirmation de l'ordonnance dont appel, de le condamner à enlever les enrochements et ce sous astreinte, d'ordonner l'enlèvement du muret de soutènement et de la clôture situés sur le lot 249 du lotissement [...] en limite du lot 241 de Mme Y... et lui enjoindre d'y procéder, de lui enjoindre d'installer en limite de son lot et de celui de Mme Y... un filet pare-blocs d'une conception, d'une résistance et d'une implantation qui seront attestées comme étant conformes à la réglementation, aux normes, aux règles de l'art et à son usage par un architecte, de révoquer la suspension de l'astreinte et dire que l'enlèvement des enrochements, y compris des rocs déplacés, du muret de soutènement et de la clôture, ainsi que la pose du filet pare-blocs, devront être accomplis par lui-même, personnellement ou ès qualités de dirigeant de droit ou de fait de la SCI Te Hau Piti, sous astreinte, de 50 000 F CFP par jour de retard à s'exécuter passé deux mois après la signification de l'arrêt, alors selon le moyen :
1°/ que dans ses écritures devant la cour d'appel, Mme Y... sollicitait l'enlèvement sous astreinte des blocs de pierre et du muret litigieux en se prévalant du risque de danger qu'ils auraient présenté pour la sécurité ; qu'en ordonnant ces mesures, motifs pris qu'elles étaient les seules propres à faire cesser le trouble manifestement illicite qu'aurait révélé la décision de l'administration de transmettre un constat d'infraction au procureur de la République en raison du fait que les travaux entrepris « par M. X... SCI Te Hau Piti sur son lot 249 du lotissement [...] » n'auraient pas bénéficié de l'autorisation administrative nécessaire, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
2°/ qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que cette décision de transmission aurait « laissé paraître » que les enrochements et le muret avec clôture litigieux étaient des ouvrages dont l'édification constituait un trouble manifestement illicite et de ce que ce trouble était toujours actuel, faute pour M. X... d'établir qu'il avait « régularisé son ouvrage illicite » sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire en violation de l'article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Mais attendu que, sous couvert des griefs non fondés de méconnaissance des termes du litige et de violation du principe de la contradiction, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des faits et de la valeur probante de l'ensemble des éléments versés aux débats qui ont conduit la cour d'appel à confirmer l'ordonnance du juge des référés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Attendu qu'en liquidant le montant de l'astreinte provisoire prononcée par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2015 et en condamnant M. X... à payer la somme correspondant à cette liquidation à Mme Y..., alors qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que celle-ci avait formé une demande en ce sens, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il liquide au montant de 500 000 F CFP l'astreinte prononcée par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2013 [lire 2015] à l'encontre de Stéphane X... et condamne Stéphane X... à payer à Virginie Y... la somme de 500 000 F CFP en paiement de ladite astreinte provisoire, l'arrêt rendu le 23 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Te Hau Piti.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation de l'ordonnance dont appel, a condamné M. Stéphane X... à enlever les enrochements et ce sous astreinte, et, statuant à nouveau du chef infirmé, a ordonné l'enlèvement du muret de soutènement et de la clôture situés sur le lot 249 du lotissement [...] en limite du lot 241 de Virginie Y... et enjoint à Stéphane X... d'y procéder, et en ce qu'il a enjoint à Stéphane X... d'installer en limite de son lot et de celui de Virginie Y... un filet pare-blocs d'une conception, d'une résistance et d'une implantation qui seront attestées comme étant conformes à la réglementation, aux normes, aux règles de l'art et à son usage par un architecte, a révoqué la suspension de l'astreinte et dit que l'enlèvement des enrochements, y compris des rocs déplacés, du muret de soutènement et de la clôture, ainsi que la pose du filet pare-blocs, devront être accomplis par Stéphane X..., personnellement ou ès qualités de dirigeant de droit ou de fait de la SCI Te Hau Piti, sous astreinte, de 50 000 F CFP par jour de retard à s'exécuter passé deux mois après la signification de l'arrêt ;
Aux motifs que dans son premier rapport du 29 juillet 2012, l'expert B... désigné par ordonnance de référé du 24 octobre 2011, a conclu notamment que :
"Les blocs mis en place sont considérés comme dangereux et la solution la plus appropriée est leur enlèvement. Également le muret tel que conçu présente un risque et la mise en place d'une clôture simple avec caniveau étanche associé sans soubassement maçonné eut été préférable. L'enlèvement du muret est conseillé et la mise en place d'un filet pare blocs en lieu et place permettrait également de proposer une solution alternative à l'enlèvement des blocs. Ce filet pare blocs devra être dimensionné par le maître d'oeuvre.
"Le défendeur a répondu partiellement à ses obligations de drainage des eaux pluviales et d'évacuation (...)
"Il n'a pas été constaté de dégâts sur le fonds de Mme Y..., même si lors du constat d'huissier des écoulements boueux ont pu être constatés, écoulement dus vraisemblablement aux travaux paysagers (
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"Les travaux paysagers réalisés par M. X... ont eu certes pour objectif de parfaire l'architecture de la propriété. Il est regrettable que ces enrochements (superposition de blocs de pierre) aient été mis en place sur un versant naturel sensible à l'érosion et sans étude préalable (...) Concernant la clôture, aucune garantie structurelle n'est donnée et n'a aucune utilité technique."
L'ordonnance dont appel a retenu que :
Il ne lui appartenait pas d'homologuer le rapport de l'expert ce qui relève de la compétence de la juridiction du fond.
La contestation par Stéphane X... de sa qualité de propriétaire n'était pas sérieuse.
L'absence d'autorisation de travaux, un constat d'huissier du 28 mars 2011 et les conclusions de l'expert B... motivaient la mesure d'enlèvement des enrochements sous astreinte.
Les autres préconisations de l'expert ne revêtaient pas le même caractère d'urgence.
Dans son second rapport du 26 mars 2014, l'expert B... a précisé, notamment, que :
L'enlèvement des rochers ne pouvait être réalisé que par intervention manuelle (cassure des blocs au marteau-piqueur ou par forage. La purge arrière du remblai du mur pouvait être également envisagée manuellement. Cette opération ne présenterait aucun risque pour les propriétés et pouvait être accomplie dans un délai d'un mois.
Le muret pourrait être maintenu en étant amélioré (purge des remblais en amont, pose de barbacanes, réalisation d'un caniveau), ou sinon démoli. Ces deux solutions présentaient des avantages et des inconvénients, une étude préalable était nécessaire.
Les mesures à réaliser d'urgence étaient: la purge amont du muret, la mise en place de barbacanes, la réalisation d'un caniveau étanche, le retalutage partiel et la revégétalisation.
L'aléa avait été réduit et était considéré comme faible concernant les blocs.
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La juridiction des référés peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Elle peut aussi, même hors les cas d'urgence, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
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Les enrochements dont l'enlèvement a été ordonné par la décision dont appel ont été réalisés en 2011 à des fins décoratives par la SARL Espace Paysages pour le compte de la SCI Te Hau Piti des époux X.... Cette entreprise leur a attesté les avoir réalisés dans les règles de l'art. L'expert B... a relevé que le permis de construire de la SCI Te Hau Piti ne mentionnait pas d'aménagements paysagers. Il a constaté que les enrochements primitifs présentant un risque avaient été partiellement démolis et que les blocs enlevés avaient été positionnés sans ancrage en aval du muret en limite des deux propriétés.
Ce muret de parpaings et la clôture dont la démolition n'a pas été ordonnée par la décision entreprise ont été réalisés en 2011 par l'EURL Pacific Bâtiment pour le compte de la SCI Te Hau Piti des époux X.... L'expert B... a relevé que cet ouvrage n'avait pas été mentionné dans la demande de permis de construire.
Par courrier du 24 octobre 2011, le chef du service de l'urbanisme de la Polynésie française a indiqué à Virginie Y..., en réponse à un signalement de celle-ci, que les travaux entrepris par M. X... SCI Te Hau Piti sur son lot 249 du lotissement [...] ne bénéficiaient pas de l'autorisation administrative nécessaire et qu'un constat d'infraction avait été transmis au procureur de la République.
Stéphane X... ne justifie pas avoir contesté cette décision de l'administration, alors que celle-ci laisse paraître que ses enrochements et son muret avec clôture sont des ouvrages dont l'édification constitue un trouble manifestement illicite. Celui-ci est toujours actuel, quoique S. X... ait déplacé certains rochers sur une autre partie de son terrain, car il n'établit pas qu'il ait ce faisant régularisé son ouvrage illicite.
L'ordonnance entreprise sera donc réformée pour faire également droit aux demandes de Virginie Y... concernant la démolition du muret. Celle-ci, comme l'enlèvement de tous les enrochements, même s'ils ont été déplacés, sont les seules mesures propres à faire cesser ce trouble qui perdure depuis cinq ans. Une astreinte sera mise en oeuvre afin d'y parvenir (arrêt attaqué, p. 7 et 8) ;
1°/ Alors que dans ses écritures devant la cour d'appel, Mme Y... sollicitait l'enlèvement sous astreinte des blocs de pierre et du muret litigieux en se prévalant du risque de danger qu'ils auraient présenté pour la sécurité ; qu'en ordonnant ces mesures, motifs pris qu'elles étaient les seules propres à faire cesser le trouble manifestement illicite qu'aurait révélé la décision de l'administration de transmettre un constat d'infraction au procureur de la République en raison du fait que les travaux entrepris « par M. X... SCI Te Hau Piti sur son lot 249 du lotissement [...] » n'auraient pas bénéficié de l'autorisation administrative nécessaire, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
2°/ Alors en outre qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que cette décision de transmission aurait « laissé paraître » que les enrochements et le muret avec clôture litigieux étaient des ouvrages dont l'édification constituait un trouble manifestement illicite et de ce que ce trouble était toujours actuel, faute pour M. X... d'établir qu'il avait « régularisé son ouvrage illicite » sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire en violation de l'article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
3°/ Alors en tout état de cause que tout jugement doit être motivé ; qu'en retenant, pour ordonner l'enlèvement des enrochements ainsi que du muret de soutènement et de la clôture que par courrier du 24 octobre 2011 le chef du service de l'urbanisme de la Polynésie française avait indiqué à Virginie Y..., que les travaux entrepris « par M. X... SCI Te Hau Piti » sur son lot 249 du lotissement [...] ne bénéficiaient pas de l'autorisation administrative nécessaire et qu'un constat d'infraction avait été transmis au procureur de la République, et que cette décision « laisse paraître » que ces enrochements et son muret avec clôture sont des ouvrages dont l'édification constitue un trouble manifestement illicite, la cour d'appel, qui n'a pas précisé la nature exacte des travaux visés par ce courrier et s'est prononcée par des motifs dubitatifs, a méconnu l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
4°/ Alors encore que tout jugement doit être motivé ; qu'en enjoignant à M. X... d'installer en limite de son lot et de celui de Mme Y... un filet pare-blocs d'une conception, d'une résistance et d'une implantation qui seront attestées comme étant conformes à la réglementation, aux normes, aux règles de l'art et à son usage par un architecte, en révoquant la suspension de l'astreinte, et en disant que l'enlèvement des enrochements, y compris des rocs déplacés, du muret de soutènement et de la clôture, ainsi que la pose du filet pare-blocs, devront être accomplis par Stéphane X..., personnellement ou ès qualités de dirigeant de droit ou de fait de la SCI Te Hau Piti, et ce sans énoncer aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
5°/ Et alors enfin et en tout état de cause que le juge peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en ordonnant tout à la fois l'enlèvement des enrochements et du muret et l'installation d'un filet pare-blocs, la cour d'appel qui a ainsi ordonné, sans autrement s'en expliquer, des mesures tendant à la fois à remédier au trouble et à en supprimer l'origine, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué a liquidé au montant de 500 000 F CFP l'astreinte prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2013 à l'encontre de Stéphane X... et a condamné Stéphane X... à payer à Virginie Y... la somme de 500 000 F CFP en paiement de ladite astreinte provisoire ;
Aux motifs que Stéphane X... soutient qu'il a exécuté l'injonction faite sous astreinte par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2015. Il prétend en justifier par la production d'un devis accepté le 10 décembre 2015 de l'entreprise Professionnels du bâtiment d'un montant de 90 400 F CFP pour une journée de déblaiement par quatre ouvriers de terres au niveau d'un muret de séparation en parpaings.
Mais l'expert B... a pertinemment relevé que ces travaux minimaux et inadéquats ne répondaient pas à l'injonction qui a été faite de lui communiquer une attestation de réalisation de travaux de sécurisation sur son mur en retirant des matériaux qui font pression sur cet ouvrage afin de prévenir un risque d'effondrement en raison des intempéries qui avait été faite à Stéphane X.... Le second rapport de l'expert recommandait en effet qu'aucune contrainte ne doive s'exercer sur ce muret si celui-ci était maintenu.
Compte tenu de la résistance une nouvelle fois manifestée par Stéphane X... à exécuter les décisions de justice, il échet de liquider à 500 000 F CFP le montant de l'astreinte provisoire fixée par l'ordonnance du 3 décembre 2015 (arrêt attaqué, p. 8 et 9) ;
1°/ Alors que selon l'article 718 du code de procédure civile de la Polynésie française, l'astreinte est liquidée par le juge qui l'a ordonnée ; qu'en procédant à la liquidation de l'astreinte provisoire prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2015, la cour d'appel, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé les dispositions de ce texte ;
2°/ Et alors, en tout état de cause, que le juge doit se prononcer sur ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en liquidant le montant de l'astreinte provisoire prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2015 quand cela ne lui était pas demandé par Mme Y... qui en était la bénéficiaire, la cour d'appel a en tout état de cause violé l'article 3, 3ème al. du code de procédure civile de la Polynésie française.