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16/05/2018 | FRANCE | N°17-82503

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mai 2018, 17-82503


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

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Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier,
La société Sud de France développement anciennement Prodexport, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 27 mars 2017, qui a débouté la seconde de ses demandes après relaxe de M. Philippe E... du chef d'abus de biens sociaux et de Mme Marie-Isabelle F... du chef de recel ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publiqu

e du 5 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de pro...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
-

Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier,
La société Sud de France développement anciennement Prodexport, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 27 mars 2017, qui a débouté la seconde de ses demandes après relaxe de M. Philippe E... du chef d'abus de biens sociaux et de Mme Marie-Isabelle F... du chef de recel ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, et de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande et en défense produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. E... a été poursuivi, d'une part, en tant que gérant de fait de la société anonyme d'économie mixte Prodexport, du chef d'abus de biens sociaux notamment par mise à charge de cette société du coût, sans réelle contrepartie pour ladite société, de deux contrats d'intelligence économique d'un montant de 129 413 euros en faveur d'une société Advanced Design UK et de 186 114 euros au profit d'une société Envol, d'autre part, des chefs de faux et usage par falsification de documents portant mensongèrement l'en-tête d'Advanced Design UK au préjudice de la société Prodexport ; que sa compagne, Mme F... a été poursuivie du chef de recel d'abus de biens sociaux pour avoir bénéficié du produit de ces délits, soit des sommes précitées versées en définitive, par l'intermédiaire de sociétés de façade, sur son compte personnel ouvert dans un établissement bancaire en Espagne ; que le tribunal correctionnel les a déclarés coupables et condamnés à régler à la partie civile la somme de 315 527 euros ; qu'ils ont interjeté appel de cette décision de même que le ministère public ;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen proposé par la SCP Lyon-Caen et Thiriez pris de la violation des articles 441-1 du code pénal, 388, 512, et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Sud France Environnement, anciennement dénommée Prodexport, de sa demande de dommages et intérêts, après avoir relaxé les prévenus ;

"alors que lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction, le juge pénal doit statuer sur l'ensemble des faits relevés par l'ordonnance ; que M. E... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y répondre de faits qualifiés d'abus de biens sociaux, pour avoir fait payer à la société Prodexport des prestations fictives aux sociétés Advanced Design uk et Envol, qui se sont avérées des sociétés taxis n'ayant aucune activité, dont les revenus étaient reversés à une société luxembourgeoise Intranet dont son épouse, Mme F... , était le bénéficiaire économique ; qu'il était également renvoyé devant le tribunal correctionnel pour faux et usage de faux, pour avoir fait rédiger des courriers émanant prétendument Advanced Design Uk et Envol, afin de justifier de leur activité et de leur rémunération ; que Mme F... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour complicité d'abus de biens sociaux et recel ; que, la cour d'appel a relaxé les prévenus, après avoir considéré qu'en l'état des éléments de preuve, les abus de biens sociaux n'étaient pas établis ; que la cour d'appel qui ne s'est pas prononcée sur les faits poursuivis sous la qualification de faux et usage de faux a méconnu l'article 388 du code de procédure pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;

Attendu que les juridictions correctionnelles doivent statuer sur l'ensemble des faits dont elles sont saisies par l'ordonnance de renvoi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt que M. E... a été renvoyé devant le tribunal des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage et que la cour d'appel, infirmant le jugement qui l'avait déclaré coupable de l'ensemble des faits reprochés, a relaxé le prévenu des faits d'abus de biens sociaux ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans statuer sur les faits de faux et usage, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le deuxième moyen de cassation proposé par la SCP Lyon-Caen et Thiriez pris de la violation des articles 1382 (devenu 1240) du code civil, L. 242-6 3° et L. 246-2 du code de commerce, 463, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Sud France Developpement, anciennement dénommée Prodexport, de ses demandes de dommages et intérêts, après avoir relaxé M. E... des fins de la poursuite pour abus de biens sociaux ;

"aux motifs que M. E... conteste avoir été le dirigeant de fait de la SAEM Prodexport ; que le dirigeant de fait d'une société est la personne physique ou morale, qui exerce en toute indépendance une activité de gestion et de direction de la société ; qu'au stade de l'instruction et du jugement de première instance, il a été retenu pour caractériser la gestion de fait, l'existence d'une délégation de pouvoir accordée le 20 janvier 1987 par le président du conseil d'administration de la société à M. E... par laquelle il disposait de tous pouvoirs pour assurer le fonctionnement de la personne morale, pouvant ainsi la représenter auprès de toutes les administrations, procéder à toutes les opérations rendues nécessaires par sa gestion, faire fonctionner tous ses comptes en banque et assurer le placement de trésorerie, signer tous les actes relatifs aux acquisitions ou cession de matériel, fournitures, services dans le cadre des opérations confiées à la société, souscrire ou dénoncer tout contrat d'abonnement, d'entretien, de prestations de services ; qu'il était également retenu les auditions de plusieurs membres du personnel, desquelles il ressortait qu'il procédait lui-même aux embauches et définissait seul les objectifs à atteindre pour chacun des exercices ; que la délégation de pouvoir en date du 20 janvier 1987 ne peut être retenue dans la mesure où elle avait été consentie par M. Jacques Z..., président de la Région dans le cadre d'une autre structure dont il était président du conseil d'administration, la société régionale du Languedoc-Roussillon pour l'exportation ; que par contre, M. E... engagé en tant que directeur salarié de la SA Prodexport le 1er décembre 1996, bénéficiait d'une délégation tout aussi large du conseil d'administration de cette société le 24 juin 1997, pour représenter la société auprès des établissements bancaires, assurer le fonctionnement des comptes bancaires, à cet effet donner toutes signatures et généralement, faire le nécessaire dans l'intérêt de la société ; qu'il assurait ainsi les actes de gestion courante de la société dans le cadre de ses fonctions de directeur salarié ; qu'il disposait ainsi des pouvoirs de signatures sur les huit comptes bancaires de la société et des trois comptes bancaires attachés à ces comptes ; que plusieurs salariées confirment ce rôle de gestion de la société au quotidien, notamment Mme A..., Mme B... ; qu'ainsi, Mme B..., responsable de gestion en charge de la comptabilité déclarait que M. E... avait tout pouvoir pour diriger la société Prodexport dans tous les domaines ; que c'était le directeur qui avait le pouvoir d'engager les dépenses sous forme de commandes, devis ou contrats ; qu'elle ajoutait que la comptabilité était supervisée par M. C..., ami personnel de M. E... qui lui donnait des directives afin de simplifier le libellé des opérations et de ne pas trop détailler les libellés, ce qu'elle avait tendance à faire lorsqu'une opération lui paraissait litigieuse ; que les auditions de quelques salariées montraient gue M. E... avait un rôle actif dans les recrutements ; que Mme D..., salariée de Prodexport à compter de janvier 1991, indiquait avoir été engagée par M. E... , alors directeur de la communication au Conseil régional et directeur de Prodexport ; que Mme A... déclarait avoir été engagée en qualité de secrétaire de direction en mai 1995 par M. E... ; qu'il convient toutefois de relever que ces embauches étaient anciennes par rapport à la date des faits poursuivis et que les contrats de travail n'ont pas été recueillis, de telle sorte qu'il ne peut être établi que M. E... a procédé à ces recrutements en totale autonomie et sans contrôle ; que l'examen des procès-verbaux du conseil d'administration de Prodexport montrait qu'il n'y était pas fait mention des contrats signés au cours de l'exercice par le directeur M. G... tant sur le plan informatique que sur l'intelligence économique ; qu'il ressortait des procès-verbaux que ce dernier rendait compte verbalement des réalisations de l'exercice écoulé et du programme prévisionnel ; que le PV d'assemblée générale du 4 juillet 2001 faisait état dans le compte-rendu d'activité 2000 du relais-terrain Mercosur ainsi que des nouvelles technologies de l'information et de la communication ; que le procès-verbal d'assemblée générale du 10 septembre 2003 mentionnait le rapport du directeur sur « internet une dynamique incontournable » ; qu'il n'était fait aucun compte-rendu d'assemblée sur les contrats informatiques ou d'intelligence économique ; que M. E... a accepté un devis non daté de la société Advance Design pour un montant de 132 699 euros HT pour des prestations d'intelligence économique ; qu'il signait également le 20 janvier 2004 le contrat avec la société Envol pour des prestations portant sur l'intelligence stratégique, la veille, la recherche de contenus pour un montant de 156 375 euros ; que M. Jacques Z... par attestation du 22 février 2008, écrit que le pouvoir donné à M. E... de représentation auprès des établissements bancaires n'était pas général ; que celui-ci en charge des opérations courantes agissait dans le cadre des résolutions prises par les organes de la société, que les augmentations de salaires n'avaient jamais été le fait de celui-ci et que le recrutement du personnel ne lui était pas confié ; que Mme B..., en charge de la comptabilité précisait que le conseil d'administration approuvait les comptes annuels mais que la plupart des administrateurs étaient des institutionnels et que les conseils se passaient très rapidement, les propositions du directeur étant la plupart du temps entérinées sans beaucoup de débat ; que de ces éléments, il apparaît établi que M. E... a engagé la SAEM Prodexport sous sa seule signature pour plusieurs contrats, dont notamment les contrats Advanced design Uk et Envol et qu'il ne peut être retiré des procès-verbaux des conseils d'administration des éléments permettant de caractériser un réel contrôle des organes délibérants sur les engagements souscrits par le directeur salarié pour le compte de la société ; que de la même façon, l'attestation de M. Z... apparaît contradictoire avec les éléments de l'enquête et notamment avec les termes de la délégation générale consentie à M. E... sous son autorité en tant que président du conseil d'administration ; que dirigeant de droit de la structure, M. Z... n'a pas été entendu et ne s'est ainsi pas expliqué sur l'autonomie dont disposait le directeur de Prodexport et l'étendue du contrôle qui était exercé ; que de la même façon, n'ont pas été entendus les membres du conseil d'administration qui auraient pu expliquer le contrôle exercé par cet organe sur les engagements souscrits au nom de la société par M. E... ; que celui-ci se prévaut du contrôle exercé par le commissaire aux comptes et produit la certification des comptes par celui-ci sur les années en cause ; que si le document de certification ne permet pas d'appréhender le détail des opérations comptables contrôlées notamment pour les contrats litigieux, il convient là encore de constater que le commissaire aux comptes n'a pas été entendu ; que n'a pas été davantage entendu comme il est d'usage en matière d'abus de biens sociaux et de direction de fait d'une société, l'expert comptable pourtant mis en cause pour sa proximité avec M. E... ; que dès lors, s'il est certain que M. E... en tant que directeur salarié disposait d'une très large délégation de pouvoir et a pu dans ce cadre engager de son propre chef la société Prodexport sur plusieurs contrats importants, il reste insuffisamment établi qu'il l'a fait en totale indépendance et autonomie ; hors du contrôle effectif du dirigeant de droit, des organes délibérants de la société et des organes en charge de la vérification de la comptabilité ; qu'en conséquence, un doute subsiste quant à la gestion de fait de la Saem de la société Prodexport par M. E... , doute qui doit lui profiter et qui ne permet de retenir à son encontre le délit d'abus de biens sociaux à l'encontre de cette société ; que Mme F... , poursuivie pour recel et complicité des abus de biens sociaux imputés à M. E... sera également renvoyée des fins de la poursuite, ces abus de biens sociaux n'étant pas caractérisés ;

"1°) alors que le délit d'abus de biens sociaux peut être imputé, en vertu de l'article L. 246-2 du code de commerce, à toute personne qui, directement ou par personne interposée, a, en fait, exercé la direction, l'administration ou la gestion desdites sociétés sous le couvert ou au lieu et place de leurs représentants légaux ; que si le dirigeant de fait d'une société doit exercer son pouvoir de direction en toute indépendance, l'article L. 246-2 précité n'exige pas qu'il agisse hors de tout contrôle des organes de la société ou des professionnels chargés de contrôler l'activité de la société ; que, pour relaxer le prévenu, la cour d'appel a estimé que s'il disposait d'une large délégation de pouvoirs et s'il avait pu engager la société de son propre chef, il n'était pas établi qu'il ait agi hors de tout contrôle des organes de la société ou du commissaire aux comptes, ce qui établissait un doute sur son indépendance et ainsi sur sa qualité de dirigeant de fait ; que, dès lors qu'elle avait constaté la large délégation de pouvoirs confiée au prévenu, directeur salarié de la société, mettant à sa disposition la signature bancaire et la gestion de la société, et le fait qu'il pouvait engager la société de son propre chef en passant des contrats de service, tels les deux contrats fictifs en cause dans les poursuites, ce que confirmait la responsable de gestion en charge de la comptabilité, le contrôle des organes de la société ou du commissaire aux comptes sur ses actes n'étant pas de nature à remettre en cause ses pouvoir et l'indépendance dont il disposait de fait pour diriger la société, la cour d'appel a méconnu les articles L. 242-6 3° et L. 246-2 du code de commerce ;

"2°) alors que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, estimer qu'il existait un doute sur la qualité de dirigeant de fait du prévenu, en l'absence d'élément permettant de connaître le contrôle exercé par les organes de la société ou le commissaire au compte sur son activité, dès lors qu'elle relevait que les procès-verbaux du conseil d'administration ne mentionnaient pas les contrats litigieux, ce qui établissait que cet organe de la société ne contrôlait pas tous les actes du prévenu, et notamment pas la passation et l'exécution des contrats litigieux ;

"3°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en ne recherchant pas si le prévenu n'avait pas dissimulé son activité en établissant de faux justificatifs d'activité des sociétés, faits qui étaient également visés aux poursuites, et permettant de caractériser le fait que le prévenu se soustrayait au contrôle des organes de la société Prodexport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"4°) alors qu'il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité ; que, pour relaxer le prévenu, la cour d'appel a estimé qu'il existait un doute sur la qualité de dirigeant de fait du prévenu, dès lors que s'il disposait d'une large délégation de pouvoirs et qu'il avait engagé la société de son propre chef, il n'était pas établi qu'il l'avait fait en totale indépendance et autonomie ; hors du contrôle effectif du dirigeant de droit, des organes délibérants de la société et des organes en charge de la vérification de la comptabilité, faute d'audition, pendant l'enquête et l'instruction, des organes sociaux ou du commissaire aux comptes ; qu'en prononçant ainsi, sans ordonner les mesures d'instruction dont elle reconnaissait la nécessité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"5°) alors qu'il appartient aux juges de rechercher toute faute entrant dans les limites des faits poursuivis et susceptible d'avoir causé le préjudice allégué par la partie civile, avant de la débouter de ses demandes ; qu'en relaxant le prévenu et en déboutant la partie civile de ses demandes de réparation du préjudice résultant du détournement de ses fonds, aux motifs qu'il n'était pas possible de retenir la qualification d'abus de biens sociaux, dès lors qu'il n'était pas établi que le prévenu pouvait être qualifié de dirigeant de fait de la société, la cour d'appel qui n'a pas recherché, si à tout le moins, le fait de payer des prestations fictives en connaissance de cause, n'était pas constitutif d'abus de confiance, de nature à caractériser la faute ayant causé le dommage allégué par la partie civile, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale" ;

Vu les articles L. 242-6 3° et L. 246-2 du code de commerce, l'article 1240 du code civil et l'article 2 du code de procédure pénale ;

Attendu que le premier de ces textes définit l'abus de biens sociaux comme le fait pour le dirigeant d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement ; que ces dispositions ne subordonnent pas l'appréciation de la fraude à l'occasion de l'accomplissement de l'acte abusif à la réalité ou à l'absence de contrôle des actes du gérant de fait par les organes sociaux, le gérant de droit ou le commissaire aux comptes ; que selon le deuxième de ces textes, sont applicables les peines réprimant l'abus de biens sociaux à toute personne qui, directement ou par personne interposée, a, en fait, exercé la direction, l'administration ou la gestion d'une société sous le couvert ou au lieu et place de ses représentants légaux ;

Attendu que, selon les dispositions combinées des deux articles suivants, le dommage dont la partie civile peut obtenir réparation de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite ;

Attendu que, pour dire que M. E... n'avait pas abusé des biens sociaux et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt infirmatif énonce notamment qu'il a, seul, signé, pour la société Prodexport, les deux contrats non causés d'intelligence économique, dont aucune pièce n'établit qu'il en a été rendu compte à l'assemblée générale, d'un coût cumulé de 315 527 euros, somme versée en définitive, via des sociétés-taxis et pour la majeure partie, sur le compte personnel de sa compagne ; qu'il recrutait le personnel et avait les pouvoir les plus larges pour engager la société, par commandes, devis ou contrats, et a disposé de la signature sur les huit comptes bancaires sociaux et les trois cartes bancaires qui y étaient attachées et qu'il ne peut être tiré des procès-verbaux du conseil d'administration, qui entérinait ses propositions sans débats, des éléments permettant de caractériser un contrôle des organes délibérants sur les engagements par lui souscrits pour le compte de la société ; que les juges du second degré ajoutent qu'un doute subsiste toutefois quant à la réalité de la gestion de fait de la société Prodexport par M. E... dont il n'a pas été établi qu'il ait agi en totale indépendance, hors du contrôle effectif du dirigeant de droit, des organes sociaux délibérants et de ceux chargés de vérifier la comptabilité ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations par lesquelles elle retient l'accomplissement d'actes abusifs matérialisés par la signature de deux contrats contraires à l'intérêt social, susceptibles d'établir une faute civile ouvrant droit à la réparation des préjudices de la partie civile, par M. E... dont elle a relevé la totale autonomie de gestion de fait de la société anonyme Prodexport, a méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit, que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le troisième moyen proposé par la scp Lyon-Caen et Thiriez pris de la violation des articles 121-6 et 121-7 et 321-1 du code pénal, 242-6 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Sud France Environnement, anciennement Prodexport, de ses demandes de dommages et intérêts, après avoir relaxé Mme Marie-Isabelle F... poursuivie pour complicité d'abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que Mme F... , poursuivie pour recel et complicité d'abus de biens sociaux imputés à M. E... sera également renvoyée des fins de la poursuite, ces abus de biens sociaux n'étant pas caractérisés ;

"alors que la cassation qui interviendra sur le deuxième moyen, emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a relaxé Mme F... poursuivie des chefs de complicité d'abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux, aux motifs que l'infraction principale d'abus de biens sociaux n'est pas établie" ;

Attendu que, pour relaxer de recel d'abus de biens sociaux Mme F... , compagne de M. E... , poursuivie comme bénéficiaire de ses agissements par le versement final au crédit de son compte personnel de la majeure partie des sommes acquittées par la société Prodexport à la suite des contrats contraires à l'intérêt social conclus par ce dernier dont elle a estimé que la qualité de gérant de fait n'était pas démontrée lors de la conclusion desdits contrats, la cour d'appel énonce qu'elle ne saurait être tenue pour responsable d'un délit de conséquence en l'absence de survenance d'un délit principal auquel il serait lié ;

Mais attendu que la cassation prononcée sur le deuxième moyen emporte la cassation sur ce troisième moyen ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 27 mars 2017, en ce qu'il a omis de statuer sur l'action publique des chefs des délits de faux et usage reprochés et en ses dispositions relatives aux intérêts civils, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-82503
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 27 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mai. 2018, pourvoi n°17-82503


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.82503
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