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16/05/2018 | FRANCE | N°17-81311

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mai 2018, 17-81311


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

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M. Patrick X...,
M. Jean-René X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2017, qui, pour escroquerie, les a condamnés à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pé

nale : M. Soulard, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
-
M. Patrick X...,
M. Jean-René X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2017, qui, pour escroquerie, les a condamnés à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseillerLARMANJAT, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'au terme d'une information judiciaire, MM. Jean-René et Patrick X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef d'escroqueries en bande organisée par l'emploi de manoeuvres frauduleuses ayant consisté à organiser des réunions au cours desquelles ils invitaient les participants, dont Mme A... , partie civile, et d'autres personnes non identifiées, à verser une somme d'argent, en espèces, dans la perspective de gains plus importants ; que les juges du premier degré ont constaté la prescription de l'action publique et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la personne précitée ; que le ministère public a relevé appel de cette décision ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 7 et 8 du code de procédure pénale, 203, 388, 591, 593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement en ce qu'il a constaté la prescription de l'action publique ;

"aux motifs que, selon les articles 7 et 8 du code de procédure pénale l'action publique en matière délictuelle se prescrit après trois années révolues si dans l'intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite mais il résulte d'une jurisprudence constante que ce délai ne commence à courir que le lendemain du jour où l'infraction a été commise et se calcule de quantième à quantième ; qu'en l'espèce, l'infraction est constituée par la remise de fonds par Mme A... et même en retenant, la date du 29 juin 2007, telle que visée par la prévention, le délai de prescription a commencé à courir le 30 juin 2007 pour prévention, le délai de prescription a commencé à courir le 30 juin 2007 pour s'achever le 30 juin 2010 à minuit de sorte que le soit transmis du parquet de Toulouse daté du 30 juin 2010 a interrompu la prescription, le cachet portant la date du 30 juillet 2010 n'étant que le tampon d'arrivée au service chargé de l'enquête ; qu'il est par ailleurs constant que tout acte interruptif de prescription concernant une infraction a le même effet à l'égard des infractions connexes et que les faits dénoncés par Mmes A... et Z... s'inscrivent dans la définition posée à l'article 203 du code de procédure pénale comme impliquant les mêmes auteurs et procédant d'une conception unique ; que la prescription à son égard a donc été interrompue par le même soit transmis avant qu'elle ne soit acquise, la remise des fonds datant du 5 février 2008 ;

"1°) alors que saisi in rem, le juge répressif ne peut statuer que sur les faits visés à l'acte qui le saisit, sauf accord exprès du prévenu d'être jugé sur les faits non compris dans les poursuites ; qu'en l'espèce, MM. Patrick X... et Jean-René X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour des faits qui auraient été commis entre le 30 juin 2007 et courant 2010 ; qu'en retenant le 29 juin 2007, comme date de remise des fonds et point de départ de la prescription quand cette date n'était pas comprise dans la période visée par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine en violation des textes susvisés ;

" 2°) alors que la prescription commence à courir le lendemain du jour où se produit l'événement ; qu'en l'espèce la date de remise des fonds était le 29 juin 2007, et que le point de départ du délai de la prescription de trois années de l'action publique, était donc le 30 juin 2007, en sorte que le délai de trois années révolues avait déjà pris fin à la date du soit-transmis le 30 juin 2010, puisqu'il expirait le 29 juin 2010 à minuit, et non le 30 juin 2010 comme l'indique inexactement la cour d'appel ; que celle-ci a méconnu le sens et la portée des textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 313-1, 313-2, 313-7, 313-8 du code pénal, 388, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré MM. Patrick X... et Jean-René X... coupables d'escroquerie au préjudice de Mmes A... et Z... ;

"aux motifs qu'il est reproché aux prévenus d'avoir employé des manoeuvres frauduleuses pour tromper Mmes A... et Z... à leur remettre des fonds, étant précisé que les manoeuvres qui peuvent résulter de l'intervention d'un tiers destiné à leur donner force et crédit, doivent avoir été déterminantes de la remise des fonds dont la loi n'exige pas qu'elle soit faite entre les mains de l'auteur de l'infraction ni même de ses complices ;

"et aux motifs que M. Patrick X... était l'organisateur des réunions au cours desquelles il distribuait des cartes mentionnant ses coordonnées téléphoniques et recueillait celles des personnes intéressées qui le contactaient quand elles souhaitaient être remboursées ; qu'après avoir contesté avoir reçu de l'argent de Mme A... il a concédé avoir réceptionné les 10 000 euros mais pour le compte d'un tiers prénommé « Gabriel » ; qu'il a également assisté à la remise par Mme Z... de la somme de 2 000 euros à sa mère, évoquant un système de tremplin dont il faisait évoluer les règles à sa guise ; que M. Jean René X... était quant à lui au centre du cercle auquel appartenait Mme A... ce qui en faisait le destinataire naturel de la somme de 10 000 euros ; que, en tant que témoin lors des réunions et de la remise des fonds il apportait une caution à l'opération et a été en contact avec Mme A... lorsqu'elle a réclamé le remboursement de sa mise ; que ces éléments caractérisent ainsi, de la tenue des réunions aux modalités de remise des fonds, une mise en scène destinée à appâter et rassurer les investisseurs et qui s'est avérée déterminante pour les deux plaignantes ; qu'au-delà du mobile peut être différent qui animait chacun des prévenus, ils ne pouvaient ignorer, compte tenu de l'anonymat des investisseurs et de l'opacité des transferts de fonds, qu'ils seraient dans l'impossibilité d'assurer le remboursement des mises et à fortiori le versement du profit annoncé ce qui constitue l'élément intentionnel de l'infraction ;

"1°) alors que saisi in rem, le juge répressif ne peut statuer que sur les faits visés à l'acte qui le saisit, sauf accord exprès du prévenu d'être jugé sur les faits non compris dans les poursuites ; qu'en l'espèce, MM. Patrick X... et Jean-René X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour des faits qui auraient été commis entre le 30 juin 2007 et courant 2010 ; qu'en retenant le 29 juin 2007, comme date de remise des fonds constitutive du délit d'escroquerie reproché quand cette date n'était pas comprise dans la période visée par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine en violation des textes susvisés ;

"2°) alors que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; que le simple fait d'organiser des réunions et de distribuer des cartes avec ses coordonnées téléphoniques ne constitue pas les manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie ; que pour déclarer M. Patrick X... coupable d'escroquerie, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que celui-ci organisait des réunions et distribuait des cartes avec ses coordonnées téléphoniques ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"3°) alors que l'emploi de manoeuvres frauduleuses incriminé par l'article 313-1 du code pénal s'entend exclusivement d'un acte positif et ne peut donc être constitué par un silence ou une omission ; que le fait d'être témoin d'une réunion n'est pas constitutif d'un acte positif d'emploi de manoeuvres frauduleuses au sens de ce texte ; que pour déclarer M. Jean-René X... coupable d'escroquerie par emploi de manoeuvres frauduleuses, la cour d'appel a énoncé que celui-ci avait été témoin des réunions ; qu'en retenant ainsi que le comportement de M. Jean-René X... s'était manifesté par le fait d'avoir été témoin, la cour d'appel a ainsi caractérisé une omission, là où il lui appartenait, pour entrer en voie de condamnation, de caractériser un fait positif émanant de M. Jean-René X..., et a donc ainsi méconnu les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble l'article 593 du même code ;

Attendu qu'en application du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés dans la prévention ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et déclarer que les faits, objet de l'ordonnance du juge d'instruction, n'étaient pas prescrits, l'arrêt énonce qu'en l'espèce, l'infraction est constituée par la remise de fonds de la part de Mme A... et que, même en retenant la date du 29 juin 2007 telle que visée par la prévention, le délai de prescription ayant commencé à courir le 30 juin 2007 pour s'achever le 30 juin 2010, a été interrompu par les instructions du procureur de la République datées de ce dernier jour, ainsi, qu'en application des dispositions de l'article 203 du code de procédure pénale, s'agissant d'infractions impliquant les mêmes auteurs et procédant d'une conception unique, par une autre remise de fonds, de la part de Mme Z..., le 5 février 2008 ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables d'escroquerie au préjudice tant de Mme A... que de Mme Z..., l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens et retient, notamment, que l'un des prévenus était l'animateur des réunions de présentation du concept et, pour inciter à la remise de fonds sans risque, avec récupération possible de la mise à tout moment, utilisait un discours convaincant; qu'il est également relevé que M. Patrick X... était l'organisateur des réunions et que M. Jean-René X..., au centre du cercle où se tenait Mme A... , était le destinataire des fonds remis et, enfin, que, compte tenu de l'anonymat des investisseurs et de l'opacité des transferts de fonds, aucun des prévenus ne pouvait ignorer que le remboursement des mises était impossible comme le versement du profit annoncé ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, si c'est à bon droit que les juges ont retenu que la prescription des escroqueries commises n'était pas acquise le 30 juin 2010, dernier jour du délai de prescription et date des instructions du procureur de la République, et que le délit d'escroquerie au préjudice de Mme Z... était caractérisé en tous ses éléments constitutifs, l‘arrêt encourt cependant la censure pour les faits d'escroquerie commis au préjudice de Mme A... , la seule date de remise de fonds citée par l'arrêt pour cette victime étant celle du 29 juin 2007, date antérieure à celles visées à la prévention, alors que les juges n'ont pas constaté que les prévenus avaient accepté d'être jugés pour des faits commis à une date non visée à la prévention, la cour d'appel ayant ainsi méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 25 janvier 2017, en ses seules dispositions ayant déclaré les demandeurs coupables d'escroquerie au préjudice de Mme A... , ayant statué sur les peines et les intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81311
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 25 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mai. 2018, pourvoi n°17-81311


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.81311
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