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16/05/2018 | FRANCE | N°17-16197

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 mai 2018, 17-16197


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., qui avait réservé auprès de la société VPG (la société) un séjour en Egypte du 19 au 26 avril 2014, a assigné cette dernière en réparation des conséquences dommageables, pour lui-même, son épouse et leurs trois enfants (les consorts Y...), de l'annulation tardive de la prestation ; que la société a fait valoir la clause du contrat stipulant le recours obligatoire à une médiation avant la sa

isine du juge ;

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attendu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., qui avait réservé auprès de la société VPG (la société) un séjour en Egypte du 19 au 26 avril 2014, a assigné cette dernière en réparation des conséquences dommageables, pour lui-même, son épouse et leurs trois enfants (les consorts Y...), de l'annulation tardive de la prestation ; que la société a fait valoir la clause du contrat stipulant le recours obligatoire à une médiation avant la saisine du juge ;

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attendu que la société soulève l'irrecevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté ;

Mais attendu que le caractère abusif de la clause de médiation préalable obligatoire a été soulevé devant les juges du fond ; que le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable ;

Et sur le moyen :

Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, et R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, du même code ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes des consorts Y..., l'arrêt retient, d'abord, que le fait de prévoir dans un contrat une médiation préalable à une action en justice ne constitue pas en soi un déséquilibre entre les parties ; qu'il relève, ensuite, que la clause était explicite et ne privait pas en définitive le consommateur de la possibilité de saisir la justice ; qu'il constate, enfin, que la médiation préalable n'imposait pas à ce dernier de charge financière supplémentaire, que l'instance de médiation était neutre et compétente, et que sa mise en oeuvre était indiquée avec précision au contrat ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société VPG aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à MM. X... et Romain Y..., et Mmes Fabienne, Z... et Paloma Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y..., personnellement et en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur Romain, alors mineur, et Mmes Z... et Paloma Y....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR accueilli la fin de non-recevoir invoquée par la société VPG résultant du non-respect de l'article 18 des conditions générales de vente de la société VPG imposant une médiation préalable à la saisine de toute juridiction, et déclaré irrecevable l'ensemble des demandes des consorts Y... ;

AUX MOTIFS QUE : « sur la connaissance par M. Y... de la clause : M. Y..., estimant que la clause de médiation est « restrictive de responsabilité », soutient que son attention n'a pas été attirée particulièrement sur cette disposition. Il apparaît que la commande de M. Y... a été passée sur le site internet de la société VPG. A l'issue du processus de commande, M. Y... a coché une case face à la mention « J'accepte les conditions générales de vente de [...] pour les passagers listés ci-dessus ». Il ne peut donc affirmer qu'il n'a pas eu connaissance de la clause litigieuse prévue à l'article 18 des conditions générales. Il ne peut davantage être soutenu que la société VPG devait attirer particulièrement l'attention du client sur cette clause dans la mesure où il ne s'agit pas d'une disposition restreignant la responsabilité de la société VPG mais d'une simple clause prévoyant un processus préalable de médiation qui ne nécessite pas d'information particulière. Sur le caractère abusif ou non de la clause de médiation : « les consorts Y... soutiennent que la clause de médiation est abusive et doit être considérée, conformément au code de la consommation, comme non écrite. La société VPG fait valoir que cette clause est conforme aux règles du code civil, qu'elle est inscrite dans le contrat et est donc la loi des parties. L'article 18 des conditions générales de vente de la société VPG consacré à la médiation est ainsi rédigé : « En cas de différend qui viendrait à se produire à propos de la validité, de l'interprétation, de l'exécution ou de l'inexécution, de la modification ou de la résiliation du contrat, l'utilisateur et VPG s'efforceront de trouver une solution amiable. A ce titre, en l'absence de suite estimée satisfaisante, par l'utilisateur ou par VPG, à une réclamation formulée dans les conditions stipulées à l'article 17 des présentes, la partie la plus diligente soumettra le différend au médiateur du tourisme et des voyages. Pour la plus parfaite information de l'utilisateur, il lui est indiqué que le médiateur du tourisme et des voyages est une procédure gratuite pour lui, quand bien même il serait à l'initiative de sa saisine. Pour en savoir plus sur le médiateur du tourisme et des voyages : http://mtv.travel. En cas d'échec de la médiation, l'utilisateur et VPG pourront saisir la juridiction française compétente ». Aux termes de l'article 1528 du code de procédure civile, les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent Livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l'assistance d'un médiateur, d'un conciliateur de justice ou, dans le cadre d'une procédure participative, de leurs avocats. Le fait de prévoir dans un contrat une clause prévoyant une médiation préalable à une action en justice ne constitue pas en soi un déséquilibre entre les parties, dès lors que cette clause est explicite, qu'elle ne prive pas en définitive le consommateur de sa possibilité de saisir la justice et ne lui impose pas de charge financière supplémentaire, que l'instance de médiation est neutre et compétente et que la mise en oeuvre de cette médiation est indiquée avec précision au contrat. En l'espèce, l'article 18 inséré aux conditions générales de vente est clair et dépourvu de toute ambiguïté. Il prévoit de façon précise les conditions de la saisine en indiquant l'autorité chargée de la médiation en renvoyant sur le site concerné. Aucune critique n'est formulée sur la neutralité ou la compétence de l'autorité de médiation. Il est prévu de plus que cette médiation est gratuite. Il n'apparaît donc pas que la clause critiquée soit abusive. Sur les suites de la fin de non-recevoir : aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Il en résulte que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées. La clause licite d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine de la justice constitue une fin de non-recevoir qui s'impose aux juges si une partie l'invoque. En l'espèce, la société VPG a soulevé dès la première instance cette fin de non-recevoir. Il y a donc lieu d'accueillir la fin de non-recevoir invoquée par la société VPG résultant de son respect de l'article 18 des conditions générales de vente de VPG imposant une médiation préalable à la saisine de toute juridiction, de déclarer les demandes des consorts Y... irrecevables et d'infirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions » ;

ALORS 1°) QU'en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de ce que la société VPG n'avait mentionné la prétendue clause de médiation préalable obligatoire ni dans la facture adressée à M. Y... ni dans le courrier électronique qu'elle lui a adressé pour confirmer la commande, ni lorsque les parties ont échangé plusieurs courriers en suite de la réclamation de M. Y... et que ce n'était qu'une fois le tribunal saisi et trois semaines avant l'audience qu'elle avait, pour la première fois, invoqué cette clause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 2°) QUE dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ; qu'en considérant que l'article 18 des conditions générales de vente de la société VPG prévoyant une médiation préalable obligatoire n'aurait pas créé de déséquilibre significatif entre les parties de sorte qu'elle ne serait pas abusive quand il résulte de ses propres constatations qu'aucune liberté d'accepter ou de refuser le préalable de la conciliation n'était laissée au consommateur auquel elle s'imposait, la cour d'appel a violé les articles L. 132-1 et R. 132-2 10° du code de la consommation, dans leur version applicable à l'espèce ;

ALORS subsidiairement 3°) QUE la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie des conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en accueillant la fin de non recevoir invoquée par la société VPG et fondée sur une clause de prétendue médiation préalable obligatoire, laquelle n'indiquait ni le délai de saisine du médiateur ni la durée de la médiation et ne précisait pas que M. Y... avait pris connaissance du règlement du Médiateur du tourisme et des voyages ni qu'il l'avait accepté, la cour d'appel a violé les articles L. 132-1 et R. 132-2 10° du code de la consommation, dans leur version applicable à l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-16197
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 mai. 2018, pourvoi n°17-16197


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16197
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