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16/05/2018 | FRANCE | N°16-20684

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mai 2018, 16-20684


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 avril 2016), que le cabaret exploité par la SAS Prodiv, dirigée par Mme Y..., ayant rencontré des difficultés financières, le capital de cette société a fait l'objet d'une réduction à zéro, suivie d'une augmentation, souscrite principalement par la société CSI Finances, constituée par M. X..., la réalisation de cette augmentation de capital ayant eu lieu le 17 septembre 2009 ; qu'une procédure collective a été ouverte au bénéfice de la société Prodiv ;

que reprochant à Mme Y... la diffusion de fausses informations les ayant con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 avril 2016), que le cabaret exploité par la SAS Prodiv, dirigée par Mme Y..., ayant rencontré des difficultés financières, le capital de cette société a fait l'objet d'une réduction à zéro, suivie d'une augmentation, souscrite principalement par la société CSI Finances, constituée par M. X..., la réalisation de cette augmentation de capital ayant eu lieu le 17 septembre 2009 ; qu'une procédure collective a été ouverte au bénéfice de la société Prodiv ; que reprochant à Mme Y... la diffusion de fausses informations les ayant conduits à investir dans le capital de cette société, la société CSI Finances et M. X... l'ont assignée en responsabilité, sur le fondement, respectivement, des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société CSI Finances et M. X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action engagée par la première contre Mme Y... alors, selon le moyen :

1°/ que celui qui acquiert ou conserve des titres au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice subit un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale, et directement lié à la qualité d'associé qu'il acquiert de la sorte ; qu'il peut dès lors engager la responsabilité du dirigeant de cette société à l'origine de l'émission des informations litigieuses, peu important le moment exact de l'acquisition de sa qualité d'associé ; qu'en décidant toutefois que « la société CSI Finance n'a acquis la qualité d'actionnaire de la société Prodiv que le 17 septembre 2009 et elle n'avait pas, en conséquence, la qualité d'actionnaire au moment des faits reprochés, puisqu'elle n'a acquis cette qualité qu'au moment de l'augmentation du capital », pour en déduire que, « dans ces conditions, l'action engagée par la société CSI Finance doit être déclarée irrecevable », la cour d'appel a violé les articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce ;

2°/ que celui qui acquiert ou conserve des titres au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice subit un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale ; qu'il peut dès lors engager la responsabilité du dirigeant de cette société à l'origine de l'émission des informations litigieuses ; qu'en décidant que « la société CSI Finance n'a acquis la qualité d'actionnaire de la société Prodiv que le 17 septembre 2009 et elle n'avait pas, en conséquence, la qualité d'actionnaire au moment des faits reprochés, puisqu'elle n'a acquis cette qualité qu'au moment de l'augmentation du capital », pour en déduire que, « dans ces conditions, l'action engagée par la société CSI Finance doit être déclarée irrecevable », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le comportement dolosif de Mme Y... n'avait pas conduit à ce que la société CSI Finances décide de conserver ses titres, et donc sa qualité d'associé, de la société Prodiv, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce ;

Mais attendu que le principe invoqué par le moyen ne vise que les hypothèses où une société faisant appel public à l'épargne, tenue, en vertu de la réglementation qui lui est applicable, de donner au public une information exacte, précise et sincère, porte atteinte à la bonne information du public en communiquant ou diffusant une information inexacte, imprécise ou trompeuse ; qu'il est sans application dans le cas d'une action fondée sur le dol imputé au dirigeant d'une société ne faisant pas appel public à l'épargne ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société CSI Finances et M. X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action engagée par ce dernier contre Mme Y... alors, selon le moyen :

1°/ que les dirigeants engagent leur responsabilité à l'égard des tiers en présence d'une faute détachable de leurs fonctions ; qu'en retenant toutefois, pour écarter la responsabilité de Mme Y... à l'égard de M. X..., qu'« il convient de noter que l'investissement qu'il a réalisé a été opéré alors qu'il n'avait par la qualité d'actionnaire de la société Prodiv, qu'il n'en a jamais été l'associé », la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

2°/ que le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'au soutien de ses prétentions, M. X... faisait valoir que Mme Y... devrait « être condamnée à verser à M. X..., qui a ainsi été amené à associer son nom et sa réputation au Paradis des Sources sur la foi d'informations déloyales, l'euro symbolique de dommages-intérêts », ce dont il ressort qu'il invoquait l'existence d'un préjudice personnel ; qu'en se contentant de relever que M. X... « ne peut démontrer l'existence d'un préjudice qui lui est personnel dès lors que, seule la société CSI Finances a investi dans la société Prodiv », sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'ayant relevé que « la lecture de l'annexe 22 du dossier déposé par les appelants laisse supposer qu'il s'agit d'un mail, dont l'original n'est pas produit aux débats, sur lequel figure le nom de la destinataire et des personnes à qui le message était destiné en copie, mais dont on ne connaît pas exactement la provenance et dont la composition n'est pas celle habituelle d'un message électronique », ce dont il résulte que les juges du fond ont remis en cause l'authenticité et la provenance dudit courriel, lesquelles n'étaient pas contestées par Mme Y... dans ses conclusions, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'au soutien de ses prétentions, M. X... faisait valoir que « dès les premiers contacts, il n'a pas été dissimulé à M. X... que la situation du Paradis des Sources, respectivement des sociétés qui en assuraient l'exploitation, à savoir les sociétés Prodiv et Prodiv Services, était très précaire, sinon proche du dépôt de bilan, mais qu'il existait de réelles perspectives d'exploitation, confortées par les réservations enregistrées, permettant d'escompter une résorption de ces difficultés », ce dont il résulte que ce n'est pas tant la situation de l'établissement que son potentiel qui a motivé les exposants à investir ; qu'en retenant, à propos du courriel dans lequel Mme Y... reconnaît avoir « truqué » lesdites réservations en ne faisant pas figurer les annulations, qu'il « ne peut être considéré comme déterminant dans la décision prise par les parties appelantes dès lors qu'un audit a déposé un dossier prévisionnel pour les périodes de mai 2009 à avril 2012 et que cet audit précise en page 3 que l'exercice clos au 30 avril 2009 a dégagé une perte de quatre 887 143 euros », sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le jugement doit être motivé ; que ne satisfait pas à cette exigence le juge qui se prononce sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'au soutient de ses prétentions, M. X... invoquait le témoignage de l'ancien directeur artistique du Paradis des Sources qui venait confirmer que Mme Y... était « très au courant » de l'ampleur du phénomène d'annulation des réservations, ce dont il résulte qu'elle savait parfaitement que le fait de ne pas mentionner lesdites annulations conduirait à donner une image fausse de la société et de son potentiel ; qu'en se contentant d'affirmer que « la situation précaire, sinon proche du dépôt de bilan, de la société n'a jamais été dissimulée à M. X..., et ce, dès les premiers contacts », sans analyser même sommairement cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le préjudice de réputation invoqué par M. X..., qui n'a pas directement investi dans le capital de la société Prodiv, s'analyse en un préjudice subi en conséquence de celui, financier, prétendument subi par la société CSI Finances qu'il a constituée afin d'entrer dans le capital de la société Prodiv ; que la cour d'appel ayant, par les motifs vainement critiqués par le premier moyen, écarté l'action en responsabilité formée par la société CSI Finances, le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir également écarté la demande de M. X..., est sans portée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société CSI Finances et M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société CSI Finances et M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action engagée par la société CSI Finances contre Madame Y... ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « il résulte de la lecture des pages 2 et 5 des dernières conclusions de la société CSI Finance et de Monsieur X... Francis, en date du 21 novembre 2014, que la société CSI Finance a fondé ses demandes indemnitaires sur les dispositions des articles L. 225-252 et L. 227-8 du Code de commerce et que le fondement des demandes indemnitaires de Monsieur X... Francis est constitué par les dispositions de l'article 1382 du Code civil.
Dans le cadre de son appel incident, Madame Y... Marie-Josée soutient que les demandes ainsi présentées par la société CSI Finances et par Monsieur X... Francis sont irrecevables.
Par application des dispositions de l'article L. 225-252 du Code de commerce, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées par décret, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle le cas échéant les dommages-intérêts sont alloués.
La recevabilité de l'action exercée par un associé à l'encontre des dirigeants d'une société faisant l'objet d'une procédure collective pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui subi par la personne morale, peu important que la procédure collective fasse apparaître une insuffisance d'actif.
En revanche, lorsque les actionnaires de la société ont été incités à investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d'une rétention d'informations et d'une présentation aux actionnaires de comptes inexacts le préjudice ainsi invoqué revêt un caractère personnel.
Or, en l'espèce, la société CSI Finance n'a acquis la qualité d'actionnaire de la société Prodiv que le 17 septembre 2009 et elle n'avait pas, en conséquence, la qualité d'actionnaire au moment des faits reprochés, puisqu'elle n'a acquis cette qualité qu'au moment de l'augmentation du capital.
Dans ces conditions, l'action engagée par la société CSI Finance doit être déclarée irrecevable » ;

ALORS en premier lieu QUE celui qui acquiert ou conserve des titres au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice subit un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale, et directement lié à la qualité d'associé qu'il acquiert de la sorte ; qu'il peut dès lors engager la responsabilité du dirigeant de cette société à l'origine de l'émission des informations litigieuses, peu important le moment exact de l'acquisition de sa qualité d'associé ; qu'en décidant toutefois que « la société CSI Finance n'a acquis la qualité d'actionnaire de la société Prodiv que le 17 septembre 2009 et elle n'avait pas, en conséquence, la qualité d'actionnaire au moment des faits reprochés, puisqu'elle n'a acquis cette qualité qu'au moment de l'augmentation du capital », pour en déduire que, « dans ces conditions, l'action engagée par la société CSI Finance doit être déclarée irrecevable » (arrêt, p. 3, dernier §, et p. 4, § 1er), la cour d'appel a violé les articles L. 225-252 et L. 227-8 du Code de commerce ;

ALORS en second lieu QUE, en tout état de cause, celui qui acquiert ou conserve des titres au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice subit un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale ; qu'il peut dès lors engager la responsabilité du dirigeant de cette société à l'origine de l'émission des informations litigieuses ; qu'en décidant que « la société CSI Finance n'a acquis la qualité d'actionnaire de la société Prodiv que le 17 septembre 2009 et elle n'avait pas, en conséquence, la qualité d'actionnaire au moment des faits reprochés, puisqu'elle n'a acquis cette qualité qu'au moment de l'augmentation du capital », pour en déduire que, « dans ces conditions, l'action engagée par la société CSI Finance doit être déclarée irrecevable » (arrêt, p. 3, dernier §, et p. 4, § 1er), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le comportement dolosif de Madame Y... n'avait pas conduit à ce que la société CSI Finances décide de conserver ses titres, et donc sa qualité d'associé, de la société PROVID, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du Code de commerce ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action engagée par Monsieur Francis X... contre Madame Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur l'action en responsabilité engagée par Monsieur X... Francis, il convient de noter que l'investissement qu'il a réalisé a été opéré alors qu'il n'avait par la qualité d'actionnaire de la société PRODIV, qu'il n'en a jamais été l'associé et qu'il ne peut démontrer l'existence d'un préjudice qui lui est personnel dès lors que, seule la société CSI Finances a investi dans la société PRODIV.
Par ailleurs, la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions ; il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
En page 7 de leurs écritures, Monsieur X... Francis et la société CSI Finances ont soutenu qu'ils justifiaient par la production de leur annexe 22, que Madame Y... Marie-Josée avait délibérément falsifié les informations données aux experts-comptables pour établir les prévisionnels de fréquentation et en donnant des instructions pour que toutes les annulations ne soient pas mentionnées sur les tableaux de réservation.
La lecture de l'annexe 22 du dossier déposé par les appelants laisse supposer qu'il s'agit d'un mail, dont l'original n'est pas produit aux débats, sur lequel figure le nom de la destinataire et des personnes à qui le message était destiné en copie, mais dont on ne connaît pas exactement la provenance et dont la composition n'est pas celle habituelle d'un message électronique.
Dans ce document, attribué à Madame Y... Marie-Josée, il est indiqué : "j'ai demandé à Marine et Anaïs de ne pas m'enlever toutes les annulations car ils analysent ses tableaux à la loupe. (...) Bref, je souhaite que tu motives tout le monde, que tu pousses les gens à l'extérieur et comme c'est des commerciaux qu'ils travaillent sans regarder leur montre
".
Quand bien même ce document aurait été rédigé et envoyé par Madame Y... Marie-Josée, il ne peut être considéré comme déterminant dans la décision prise par les parties appelantes dès lors qu'un audit a déposé un dossier prévisionnel pour les périodes de mai 2009 à avril 2012 et que cet audit précise en page 3 que l'exercice clos au 30 avril 2009 a dégagé une perte de quatre 887 143 €.
Dans ces conditions, Monsieur X... Francis ne peut invoquer une faute d'une particulière gravité détachable des fonctions de Madame Y... Marie-Josée.
Les demandes présentées par Monsieur X... Francis et la société CSI Finances doivent être déclarées irrecevables » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement entrepris, « il est reproché à Mme Marie-Josée Y... d'avoir fourni dans le cadre de son mandat social de dirigeante de la société PRODIV des éléments prévisionnels qu'elle savait inexacts et d'avoir ainsi commis un dol.
Il est en effet admis que "la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions. Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales » (cf. Cour de cassation, arrêt du 20 mai 2003).
Il est constant que des éléments prévisionnels ont été établis par la société PRODIV. Ces prévisions ont été communiquées au conseil de M. Francis X..., conduisant les experts comptables respectifs de M. Francis X... et de la société PRODIV à définir ensemble un prévisionnel.
Les prévisions sont à établir sur la base d'éléments raisonnables mais, par définition, s'appliquent à des éléments futurs donc incertains.
Le rapport de mission établis par Hôtels etamp; Services Conseils le 19 avril 2009 précise, dans sa conclusion : "Le plus difficile dans ce type d'entreprises est d'établir la potentialité réelle en termes de spectateurs. Etant donnée l'inexistence d'une véritable étude de marché, cette donnée essentielle est manquante depuis le début du projet et rend très aléatoire les prévisionnels et notamment l'objectif des 66.000 clients dès 2009".
Monsieur Francis X..., qui a été un industriel avisé, ne pouvait ignorer cet aléa qui, en l'occurrence, lui a été rappelé et précisé, ni que le contrat de société comporte une part d'acceptation du risque.
L'article 1116 du Code civil dispose que : "Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé".
Il en ressort qu'il doit y avoir des manoeuvres avec une volonté intentionnelle de tromper un tiers. Cela n'est en rien démontré.
La situation précaire, sinon proche du dépôt de bilan, de la société n'a jamais été dissimulée à M. Francis X..., et ce, dès les premiers contacts.
Par ailleurs, lors de la restructuration de la société, Mme Marie-Josée Y... a indirectement souscrit au capital à hauteur de 256.300 euros, ce qu'elle n'aurait jamais fait si elle avait su que les éléments prévisionnels étaient manifestement erronés et qu'il n'y avait pas l'espoir d'améliorer la situation et de revenir à meilleure fortune.
Aucune faute personnelle n'étant établie à l'encontre de Madame Y... l'action intentée à son encontre par les parties demanderesses doit être rejetée » ;

ALORS en premier lieu QUE les dirigeants engagent leur responsabilité à l'égard des tiers en présence d'une faute détachable de leurs fonctions ; qu'en retenant toutefois, pour écarter la responsabilité de Madame Y... à l'égard de Monsieur X..., qu'« il convient de noter que l'investissement qu'il a réalisé a été opéré alors qu'il n'avait par la qualité d'actionnaire de la société PRODIV, qu'il n'en a jamais été l'associé » (arrêt, p. 4, § 2), la cour d'appel a violé l'article 1240 du Code civil ;

ALORS en deuxième lieu QUE le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'au soutien de ses prétentions, Monsieur X... faisait valoir que Madame Y... devrait « être condamnée à verser à Monsieur Francis X..., qui a ainsi été amené à associer son nom et sa réputation au Paradis des Sources sur la foi d'informations déloyales, l'euro symbolique de dommages et intérêts » (conclusions d'appel des exposants, p. 6, § 6), ce dont il ressort qu'il invoquait l'existence d'un préjudice personnel ; qu'en se contentant de relever que Monsieur X... « ne peut démontrer l'existence d'un préjudice qui lui est personnel dès lors que, seule la société CSI Finances a investi dans la société PRODIV » (arrêt, p. 4, § 2), sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS en troisième lieu QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'ayant relevé que « la lecture de l'annexe 22 du dossier déposé par les appelants laisse supposer qu'il s'agit d'un mail, dont l'original n'est pas produit aux débats, sur lequel figure le nom de la destinataire et des personnes à qui le message était destiné en copie, mais dont on ne connaît pas exactement la provenance et dont la composition n'est pas celle habituelle d'un message électronique » (arrêt, p. 4, § 5), ce dont il résulte que les juges du fond ont remis en cause l'authenticité et la provenance dudit courriel, lesquelles n'étaient pas contestées par Madame Y... dans ses conclusions (p. 12, § 5 et 6), la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QUE le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'au soutien de ses prétentions, Monsieur X... faisait valoir que « dès les premiers contacts, il n'a pas été dissimulé à Monsieur X... que la situation du Paradis des Sources, respectivement des sociétés qui en assuraient l'exploitation, à savoir les sociétés PRODIV et PRODIV Services, était très précaire, sinon proche du dépôt de bilan, mais qu'il existait de réelles perspectives d'exploitation, confortées par les réservations enregistrées, permettant d'escompter une résorption de ces difficultés » (conclusions d'appel des exposants, p. 2, antépénultième §), ce dont il résulte que ce n'est pas tant la situation de l'établissement que son potentiel qui a motivé les exposants à investir ; qu'en retenant, à propos du courriel dans lequel Madame Y... reconnaît avoir « truqué » lesdites réservations en ne faisant pas figurer les annulations, qu'il « ne peut être considéré comme déterminant dans la décision prise par les parties appelantes dès lors qu'un audit a déposé un dossier prévisionnel pour les périodes de mai 2009 à avril 2012 et que cet audit précise en page 3 que l'exercice clos au 30 avril 2009 a dégagé une perte de quatre 887 143 € » (arrêt, p. 4, § 7), sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS en cinquième lieu QUE le jugement doit être motivé ; que ne satisfait pas à cette exigence le juge qui se prononce sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'au soutient de ses prétentions, Monsieur X... invoquait le témoignage de l'ancien directeur artistique du Paradis des Sources qui venait confirmer que Madame Y... était « très au courant » de l'ampleur du phénomène d'annulation des réservations (conclusions d'appel des exposants, p. 8, § 2 ;
témoignage de M. Z...), ce dont il résulte qu'elle savait parfaitement que le fait de ne pas mentionner lesdites annulations conduirait à donner une image fausse de la société et de son potentiel ; qu'en se contentant d'affirmer que « la situation précaire, sinon proche du dépôt de bilan, de la société n'a jamais été dissimulée à M. Francis X..., et ce, dès les premiers contacts » (arrêt, p. 4, § 7), sans analyser même sommairement cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-20684
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 20 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 mai. 2018, pourvoi n°16-20684


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20684
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