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16/05/2018 | FRANCE | N°16-18764

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mai 2018, 16-18764


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... et les sociétés Recherche et exploitation minière aurifère et Rexea que sur le pourvoi incident relevé par M. Y... et les sociétés Inter invest, Antilles investissements et Etoile Courcelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 11 avril 2016), que les sociétés Recherche et exploitation minière aurifère (la société Rexma) et Rexea dont le dirigeant est M. X... ainsi que les sociétés Inter invest et Antilles investissements, dirigé

es par M. Y..., et leur filiale, la société Etoile Caraïbes, devenue Etoile Cou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... et les sociétés Recherche et exploitation minière aurifère et Rexea que sur le pourvoi incident relevé par M. Y... et les sociétés Inter invest, Antilles investissements et Etoile Courcelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 11 avril 2016), que les sociétés Recherche et exploitation minière aurifère (la société Rexma) et Rexea dont le dirigeant est M. X... ainsi que les sociétés Inter invest et Antilles investissements, dirigées par M. Y..., et leur filiale, la société Etoile Caraïbes, devenue Etoile Courcelles, étaient en relations pour mettre en oeuvre le dispositif de défiscalisation dit « Girardin industriel », consistant pour des contribuables de métropole à investir, par l'intermédiaire d'une société et pendant une certaine durée, dans des biens industriels neufs destinés à être loués à des entreprises d'outre-mer, en bénéficiant, en contrepartie, d'une réduction d'impôt correspondant à un pourcentage de l'investissement, dont une partie devait être rétrocédée à l'exploitant ; que ces sociétés et leurs dirigeants ont conclu, le 22 juin 2011, un protocole d'accord comprenant un accord commercial destiné à faciliter le développement des affaires de la société Rexea, d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, avec faculté pour chaque partie d'y mettre fin en respectant un préavis de trois mois, aux termes duquel la société Rexea s'est engagée à confier aux sociétés Inter invest et/ou Antilles investissements tous les financements de ses ventes et toutes les opérations de défiscalisation lors des ventes à ses clients, et M. Y..., ès qualités, s'est engagé, en contrepartie, à faire tous ses efforts pour permettre le financement des ventes que la société Rexea soumettrait à celles-ci ; que les 26 et 28 octobre 2011, M. Y... et les sociétés Inter invest et Antilles investissements ont rompu les relations au motif que le matériel à financer présenté comme neuf par M. X... ne l'était pas, puis ces sociétés et la société Etoile Courcelles ont assigné ce dernier et les sociétés Rexma et Rexea en paiement de certaines sommes consécutivement à la dénonciation du protocole du 22 juin 2011 ; que M. Y... est intervenu à l'instance ; que les défendeurs ont demandé reconventionnellement la réparation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que M. X... et les sociétés Rexma et Rexea font grief à l'arrêt de dire que les sociétés Inter invest et Antilles investissements ont de manière légitime rompu l'ensemble des relations contractuelles et qu'elles sont recevables et fondées à demander la restitution des avances de trésorerie consenties alors, selon le moyen :

1°/ que l'intention de tromper d'un contractant doit s'apprécier au regard des éléments dont il disposait au moment des faits reprochés, propres à caractériser sa connaissance du caractère répréhensible de ses agissements ; que dans leurs conclusions récapitulatives, les appelants soutenaient que lorsque la société Rexea avait proposé la revente d'un bulldozer de démonstration, en septembre 2011, il était admis dans le secteur des travaux publics qu'un tel engin était considéré comme une machine neuve et que la société Inter invest, loin de refuser d'en financer l'acquisition, s'était elle-même interrogée sur le point de savoir si ce matériel devait être considéré comme neuf ou d'occasion, outre que les difficultés d'interprétation des dispositions du code général des impôts visant la notion de matériel neuf avait conduit le juge pénal à retenir un doute sur la réalité d'une tromperie au bénéfice de M. X... pour un matériel analogue à celui litigieux ; qu'en se fondant de manière inopérante sur les réponses de l'administration fiscale des 21 et 23 avril et du 20 août 2015, soit bien postérieures à la rupture unilatérale notifiée les 26 et 28 octobre 2011, d'autre part, sur un commentaire émanant de l'administration fiscale du 30 janvier 2007 qui n'évoquait pas le matériel de démonstration, pour en déduire que la société Rexea n'avait pas pu légitimement penser que ce bulldozer était un matériel neuf, sans mieux caractériser qu'au moment de la livraison envisagée, la société Rexea n'avait pu penser que le bien en cause était neuf au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la résiliation unilatérale d'un contrat à durée déterminée suppose la preuve, à la date de cette résiliation, d'une faute du cocontractant caractérisée et suffisamment grave pour justifier sans délai la rupture de ce contrat avant son terme ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'à la réception, le 14 septembre 2011, de la photographie du compteur du bulldozer en cause, indiquant que celui-ci avait été utilisé 1 957 heures, le directeur administratif et financier de la société Inter invest n'avait pas refusé immédiatement le financement de la vente et s'était borné à interroger le fournisseur sur le point de savoir si un tel nombre d'heures d'utilisation devait amener à considérer que le matériel était « neuf » ou « d'occasion », d'autre part, que les sociétés Inter invest et Antilles investissements avaient attendu les 26 et 28 octobre 2011 pour rompre les relations contractuelles au prétexte qu'elles avaient été contraintes de refuser le financement de l'acquisition de ce bulldozer six semaines plus tôt ; qu'en déduisant de ces constatations la caractérisation d'une faute de la société Rexea justifiant la rupture immédiate des relations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que sauf urgence, une partie à un contrat ne peut résilier unilatéralement un contrat, sans mettre préalablement en demeure le cocontractant de s'expliquer sur le manquement qui lui est imputé ; qu'en affirmant que le comportement déloyal en cause constituait une faute caractérisée suffisamment grave pour justifier à elle seule la rupture immédiate des relations commerciales, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sociétés Inter invest et Antilles investissements, avant de rompre unilatéralement leurs relations contractuelles avec les appelants, leur avaient demandé de s'expliquer sur le comportement qui leur était imputé ou, à défaut, de constater l'urgence justifiant la résiliation unilatérale sans préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que le commentaire du dispositif fiscal applicable, publié au bulletin officiel des impôts du 30 juin 2007, qui était antérieur de quatre ans à la revente du bulldozer litigieux et prévalait sur la conception de professionnels du secteur des travaux publics s'agissant de la mise en oeuvre de mesures de défiscalisation, énonce que, pour ouvrir droit à réduction d'impôt, l'investissement productif doit être considéré comme neuf, ce qui correspond à un bien venant d'être fabriqué ou construit n'ayant pas encore été utilisé, et ne prévoit qu'un seul tempérament dans l'hypothèse d'un rachat d'un bien ayant déjà fait l'objet d'une première utilisation, si le rachat a eu lieu peu de temps après la première utilisation et avant toute mise en service ; qu'il relève encore que les réponses fournies par trois directions régionales des finances publiques d'outre-mer, lesquelles étaient de nature à corroborer l'application pratique de cette position, avaient indiqué, en 2015, qu'un bulldozer fabriqué deux ans avant sa date de commercialisation et présentant 1700 heures d'utilisation, ne pouvait être considéré comme neuf ; qu'il retient que la société Rexea ne peut légitimement soutenir avoir pu penser qu'un matériel datant de 2007, soit quatre ans avant la date prévue pour sa commercialisation, et ayant déjà été utilisé 1957 heures est un matériel neuf; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la société Rexea, qui n'avait pu se méprendre sur l'absence de caractère neuf du bulldozer en cause, avait, néanmoins, essayé d'obtenir le financement d'un tel matériel par les sociétés Inter invest et Antilles investissements et tenté de les tromper, en toute connaissance de cause, la cour d'appel a pu retenir que cette société avait fait preuve d'un comportement déloyal exempt de bonne foi, constitutif d'une faute suffisamment grave pour justifier la rupture immédiate des relations commerciales, peu important que celle-ci soit intervenue après un délai de quelques semaines, nécessaire à la vérification par les sociétés Inter invest et Antilles investissements du véritable état du matériel vendu, et sans qu'elle soit précédée d'une mise en demeure, laquelle n'avait pas lieu d'être délivrée, eu égard à la perte de confiance résultant de la tromperie commise par la société Rexea ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen de ce pourvoi :
Attendu que M. X... et les sociétés Rexma et Rexea font grief à l'arrêt de dire que les sociétés Inter invest, Antilles investissements et Étoile Courcelles sont recevables et bien fondées à demander la restitution des avances de trésorerie consenties, de condamner les sociétés Rexma et Rexea à payer in solidum à la société Étoile Courcelles la somme de 1 453 360 euros avec intérêts au taux légal, capitalisés, et de rejeter les demandes reconventionnelles indemnitaires de M. X... et des sociétés Rexma et Rexea alors, selon le moyen :

1°/ que le mandataire ne peut obtenir en son nom propre la restitution des sommes qui sont dues à son mandant ; qu'en l'espèce, s'il était constant que les fonds avancés aux sociétés Rexma et Rexea par les sociétés Inter invest et Antilles investissements l'avaient été par l'entremise de la société Etoile Caraïbes, devenue Etoile Courcelles, M. X... et les sociétés Rexma et Rexea reprochaient à M. Y... et aux sociétés Inter invest et Antilles investissements de ne pas préciser qui était créancier, ni de dire quel était le fondement de leur demande de remboursement ; que l'arrêt a relevé que c'était pour le compte des sociétés Inter Invest et Antilles investissement que la société Etoile Courcelles avait procédé à ces avances ; qu'en condamnant néanmoins les sociétés Rexma et Rexea à rembourser ces avances à la société Etoile Courcelles es nom, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que cette dernière avait avancé les fonds en qualité de mandataire des sociétés Inter invest et Antilles investissements, en violation des articles 1984, 1997 et 1998 du code civil ;

2°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en l'espèce, M. X... et les sociétés Rexma et Rexea reprochaient à M. Y... et aux sociétés Inter invest et Antilles investissements de ne pas préciser qui était créancier des avances consenties, ni de dire quel était le fondement de leur demande de remboursement ; que dès lors, en condamnant les sociétés Rexma et Rexea à verser une somme de 1 453 360 euros à la société Etoile Courcelles es nom, parce qu'elle avait procédé à des avances « pour le compte » des sociétés Inter invest et Antilles Courcelles, sans mieux préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la demande de remboursement des sommes avancées aux sociétés Rexma et Rexea par les sociétés Inter invest et Antilles Investissements était justifiée en son principe en raison de la résolution du protocole d'accord, et constaté que la société Etoile Courcelles réclamait la somme de 1 453 360 euros au titre des avances en fonds de roulement effectuées au profit de la société Rexea, tandis que ce versement par la société Etoile Courcelles, comme son montant, n'étaient pas discutés, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel a retenu que cette société était fondée à en obtenir la restitution; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi :

Attendu que M. X... et les sociétés Rexma et Rexea font grief à l'arrêt de condamner celles-ci in solidum à payer à la société Étoile Courcelles la somme de 1 453 360 euros alors, selon le moyen, qu'une condamnation in solidum suppose que les personnes condamnées soient co-auteurs d'un même dommage ; que le dommage qui résulte de l'inexécution d'une promesse de porte-fort, qui constitue un engagement de faire, n'est pas de même nature que le dommage qui découle de l'inexécution par le tiers de son obligation de payer ; qu'en condamnant néanmoins in solidum la société Rexma, en qualité de porte-fort des engagements de la société Rexea tenue d'un engagement de faire, au titre de l'inexécution par cette dernière de son obligation de payer, la cour d'appel a violé les principes qui gouvernent les condamnations in solidum, ensemble l'article 1120 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Rexea avait reçu des avances de trésorerie en exécution du protocole d'accord qu'elle devait rembourser à la suite de sa résolution et que la société Rexma s'était portée fort de l'exécution par la société Rexea de son obligation de rembourser, l'arrêt retient que la société Rexma, qui n'a pas satisfait à son obligation de porte-fort, a causé un préjudice qu'il convient d'évaluer au montant de la dette de remboursement ; que c'est sans méconnaître les principes régissant l'obligation in solidum que la cour d'appel a condamné in solidum les sociétés Rexea et Rexma à la réparation du dommage unique qu'elles avaient causé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et troisième branches, ni sur le moyen unique du pourvoi incident, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X... et les sociétés Recherche et exploitation minière aurifère et Rexea

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés Inter invest et Antilles investissements, représentes par M. Y..., avaient de manière légitime rompu l'ensemble des relations contractuelles entretenues avec les sociétés Rexma et Rexea en ce compris le protocole d'accord du 22 juin 2011 et, en conséquence, d'AVOIR dit que les sociétés Inter invest, Antilles investissements et Étoile Caraïbes, devenue Étoile Courcelles, étaient recevables et bien fondées à solliciter la restitution des avances de trésorerie consenties, d'AVOIR condamné la société Rexma à payer à la société Étoile Courcelles la somme de 168 660,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2012 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière et pour la première fois le 3 janvier 2013 pour les intérêts échus entre le 3 janvier 2012 et le 3 janvier 2013, d'AVOIR condamné les sociétés Rexma et Rexea à payer in solidum à la société Étoile Courcelles la somme de 1 453 360 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance pour la société Rexea et à compter du jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne du 16 mai 2012 pour la société Rexma, avec capitalisation des intérêts, d'AVOIR rejeté les demandes reconventionnelles en indemnisation de leurs préjudices présentées par les appelants et d'AVOIR condamné in solidum M. Jean-Pierre X... et les sociétés Rexma et Rexea à payer aux sociétés Étoile Courcelles, Inter invest et Antilles investissements une somme de 1 500 euros chacune ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « si dans les contrats à exécution successive dans lesquels un terme a été prévu, le contrat doit en principe être exécuté jusqu'à son terme, la gravité du comportement d'une partie peut toutefois justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls peu important les modalités de résiliation prévues contractuellement. La résiliation fautive d'un contrat à exécution successive à durée déterminée engage la responsabilité de son auteur et donne lieu à des dommages et intérêts. En l'espèce, l'accord commercial développé à l'article 4 du protocole du 22 juin 2011 était applicable pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, moyennant faculté pour chaque partie d'y mettre fin avec un préavis de trois mois. Les motifs de rupture des relations entre les parties tels que libellés dans les courriers des 26 et 28 octobre 2011 sont les suivants : - "il y a quelques jours, j'ai découvert à l'occasion d'un échange de correspondance entre Monsieur Jean-Pierre X... et notre directeur Monsieur Vincent A... que votre société avait présenté comme neuf et fourni à la location en décembre 2010 un matériel fabriqué en 2008 et présentant plus de 1 700 heures au compteur." – "courant septembre 2011, nous avons été contraints de refuser de financer le dossier d'un locataire relatif à un bulldozer Komatsu D65PX15, fourni par la société REXEA comme prétendument neuf, alors que ce matériel était d'occasion pour avoir plus de 2 000 heures au compteur. Cet état nous a été confirmé par le fournisseur." Il sera considéré que seuls doivent être pris en considération ces motifs énoncés dans la lettre de rupture et non d'autre motifs que les sociétés intimées ont invoqués dans le cadre judiciaire. Dès lors, il est indifférent de rechercher si les sociétés appelantes ont violé la clause dite d'exclusivité insérée dans le protocole (article 4) ou si les sociétés appelantes ont commis un détournement de gage. - sur le premier motif : Les appelantes soulèvent l'autorité de la chose jugée au civil sur le pénal. Par arrêt du 3 avril 2014, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Cayenne a relaxé Jean-Pierre X..., lequel était poursuivi "en sa qualité de chef d'entreprise" du chef d'escroquerie pour avoir : "à Cayenne entre décembre 2010 et septembre 2011, par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, l'abus d'une qualité vraie ou l'emploi de manoeuvres frauduleuses, en l'espèce, en ayant vendu un tracteur sur chenille de marque KOMATSU DEX 65, facturé comme neuf, alors que cet engin fabriqué en 2008 indiquait 1 690 heures d'utilisation, trompé l'organisme de défiscalisation Inter Invest - Guyane Investissement - en le déterminant ainsi, au préjudice de l'acquéreur, des investisseurs (SNC) et des services fiscaux, à remettre des fonds, valeurs, ou bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation de décharge, en l'espèce, permettre l'octroi d'avantages fiscaux sur un engin non éligible à la défiscalisation". Par arrêt de la cour de cassation du 16 décembre 2015, le pourvoi des intimés a été rejeté de sorte que l'arrêt du 3 avril 2014 est irrévocable en ce qui concerne la relaxe du chef d'escroquerie. L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé. En particulier, la décision de la juridiction pénale qui relaxe un prévenu, fût-ce au bénéfice du doute, établit à l'égard de tous l'inexistence de l'infraction poursuivie. En l'espèce, il résulte des motifs de l'arrêt du 3 avril 2014 que la chambre des appels correctionnels a considéré qu'il existait "à tout le moins un doute sur la réalité de la tromperie", les parties invoquant "des thèses contraires étayées par des consultations d'éminents fiscalistes relativement à la définition du matériel neuf au regard des dispositions fiscales concernées". Il en ressort que la cour ne peut dans le cadre de la présente instance considérer que la société Rexea dirigée par M. X... a trompé les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements en fournissant en décembre 2010 un matériel présenté comme neuf, qui était en réalité d'occasion, alors que le juge pénal a considéré qu'il n'y avait pas tromperie, même au bénéfice du doute. Dans ces conditions, la cour ne peut considérer ce premier motif comme pouvant légitimer la rupture des relations commerciale. - sur le second motif : Aucune autorité de la chose jugée au pénal ne peut être soulevée, le juge pénal n'ayant pas eu à connaître de ces faits, de sorte que le juge commercial retrouve son entière liberté. Il résulte des pièces produites qu'aux termes d'un échange de courriels du 14 septembre 2011 entre la société BMTP-EOM et la société Inter Invest au sujet de la livraison d'un bulldozer Komatsu D65PX15 commandé à la société BMTP-EOM par la société Rexea en vue de la livraison par celle-ci à une des SNC créées par la société Antilles Investissement, la société Inter Invest a appris que le matériel était "de démonstration année 2007" et a obtenu une photographie du compteur de cet engin de chantier, portant mention de 1 957 heures d'utilisation. La société Rexea dont les relations avec les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements étaient anciennes et bien antérieures à la signature du protocole du 22 juin 2011 savait parfaitement que les sociétés intimées étaient spécialisées dans les montages d'opérations de défiscalisation et que dans ce cadre les dispositions fiscales subordonnent la réduction d'impôts accordée aux investisseurs privés au caractère "neuf" des "investissements productifs". Les intimés produisent : - le commentaire des dispositions fiscales applicables, publié au Bulletin Officiel des Impôts (5 B-2-07) n°15 du 30 janvier 2007 qui précise : "Conformément aux dispositions du 1er alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition ... est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. (...) Doit être considéré comme neuf, un bien qui vient d'être fabriqué ou construit et qui n'a pas encore été utilisé En règle générale, les biens neufs doivent donc être achetés directement à des fabricants ou des commerçants revendeurs. (...) Toutefois, dans l'hypothèse où elle serait rachetée à une entreprise, une immobilisation devrait être regardée comme ayant conservé son état neuf, bien qu'elle ait déjà fait l'objet d'une première vente à un utilisateur, si le rachat a eu lieu peu de temps après la première utilisation et avant toute mise en service." - trois réponses des 21, 23 avril et 20 août 2015 des directions régionales des Finances Publiques de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion qui reprenant la documentation administrative susvisée précisent clairement qu'un bulldozer Komatsu fabriqué deux ans avant sa date de commercialisation et présentant 1 700 heures d'utilisation ne peut être considéré comme un bien neuf. Ces documents émanant directement de l'administration fiscale seront évidemment préférés à la consultation du cabinet d'avocat Dentons du 11 septembre 2013, obtenu pour les besoins de l'instance pénale par M. X.... Ainsi, la société Rexea ne peut légitimement soutenir qu'elle a pu penser qu'un matériel datant de 2007, soit quatre ans avant la date prévue pour sa commercialisation, et ayant été utilisé déjà 1957 heures est un matériel neuf. Dès lors, en essayant d'obtenir des sociétés Inter Invest et Antilles Investissements le financement de la vente d'un tel matériel, elle a tenté en toute connaissance de cause de les tromper, le fait que le financement n'ait pas été obtenu du fait de la vigilance de la société Inter Invest qui s'est aperçue de la supercherie est indifférent. Est également sans importance le fait qu'à réception de la photographie du compteur, le directeur administratif et financier de la société Inter Invest n'ait pas immédiatement refusé le financement de la vente et se soit initialement étonné en interrogeant le fournisseur sur le point de savoir si un tel nombre d'heures d'utilisation devait amener à considérer que le matériel était "neuf" ou "d'occasion". Un tel questionnement ne peut aucunement être analysé comme la reconnaissance par la société Inter Invest de ce que qu'un "matériel de démonstration, non encore immobilisé comptablement (est) éligible à la défiscalisation" comme les appelants le soutiennent. Ce comportement déloyal, exempt de la bonne foi qui devait présider aux relations contractuelles entre les parties en application de l'article 1134 du code civil, constitue une faute caractérisée suffisamment grave pour justifier à elle seule la rupture immédiate des relations commerciales. En outre, l'imbrication des relations entre les parties tant avant qu'après la signature du protocole du 22 juin 2011 est telle qu'il ne saurait y avoir de rupture limitée aux relations entre les sociétés Antilles Investissements et Inter Invest et la seule société Rexea. D'ailleurs selon l'article 7 du protocole du 22 juin 2011 stipule : "les parties déclarent chacune pour ce qui la concerne que le présent protocole constitue un tout unique et indivisible". Sur le fait que les sociétés intimées auraient manqué à leurs obligations découlant du protocole, force est de constater que les appelants n'en tirent aucune conséquence précise sur la rupture des relations commerciales, se bornant à réclamer des dommages et intérêts. Ainsi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que la rupture des relations contractuelles était légitime » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « les demandeurs invoquent en premier lieu le non respect de l'engagement des sociétés défenderesses de procéder exclusivement à l'achat de matériel neuf. Les demanderesses soutiennent dans leurs écritures que quelle que soit l'opposabilité des dispositions fiscales aux sociétés de Monsieur X... il n'en demeure pas moins qu'elles étaient contractuellement tenues à une obligation de ne livrer que du matériel neuf. Les défenderesses soutiennent à contrario d'une part qu'il n'y a aucune fraude de leur part dans la mesure où les acquéreurs et les sociétés de financement étaient parfaitement informées qu'il s'agissait de matériel de démonstration avec un certain nombre d'heures d'utilisation, ce qui pouvait difficilement être dissimulé. Sur ce point précis, l'analyse des échanges de courriels à l'occasion de la vente d'un bulldozer de marque KOMATSU au prix de 163.000 € en septembre 2011 à la société REXEA par la société BMTP (pièce numéro 5 des demandeurs) démontre clairement que le caractère de démonstration du matériel était connu. En effet il est clairement mentionné qu'il s'agit d'un matériel de démonstration de l'année 2007 alors que la vente se situe 4 ans plus tard en 2011. Par ailleurs le prix de 163.000 € ne correspond pas à du matériel neuf récent. Manifestement il ne s'agit pas d'un matériel neuf. Or le virement des fonds par la société ETOILE CARAÏBES supposait effectivement qu'il corresponde à du matériel neuf comme là encore la lecture des courriels le confirme. C'est donc de manière totalement erronée que la société REXEA a informé la société de financement qu'elle procédait à l'acquisition d'un matériel neuf alors que tel n'était pas le cas. C'est donc de manière légitime que la société INTERINVEST a refusé de financer l'achat en septembre 2011. (
) Les sociétés REXMA et REXEA ne pouvaient ignorer que les financements apportés par INTER-INVEST suppos[aient] l'acquisition de matériel neuf dés lors qu'il devait à chaque opération d'achat et de financement déclarer qu'il s'agissait de matériel neuf. En procédant ainsi ces deux sociétés ont manifestement trompé la confiance des demanderesses et trahi leurs obligations contractuelles (
) en septembre 2011 postérieurement à la signature. Ce comportement est de nature à légitimer la rupture de confiance de la part de la société INTER-INVEST la société ANTILLES INVESTISSEMENTS, de la SNC ETOILE CARAÏBES et de Monsieur Y... et leur volonté de rompre le protocole d'accord » ;

1. ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en affirmant, pour statuer comme elle l'a fait, que des documents émanant de l'administration fiscale « seront évidemment préférés » à la consultation d'un cabinet d'avocat obtenus pour les besoins de l'instance pénale par M. X..., la cour d'appel a entaché son arrêt d'un préjugé subjectif incompatible avec les exigences du procès équitable, en violation de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2. ALORS QUE l'intention de tromper d'un contractant doit s'apprécier au regard des éléments dont il disposait au moment des faits reprochés, propres à caractériser sa connaissance du caractère répréhensible de ses agissements ; que dans leurs conclusions récapitulatives (p. 11 à 15), les appelants soutenaient que lorsque la société REXEA avait proposé la revente d'un bulldozer de démonstration, en septembre 2011, il était admis dans le secteur des travaux publics (v. productions n° 17 à19) qu'un tel engin était considéré comme une machine neuve et que la société Inter invest, loin de refuser d'en financer l'acquisition, s'était elle-même interrogée sur le point de savoir si ce matériel devait être considéré comme neuf ou d'occasion, outre que les difficultés d'interprétation des dispositions du Code général des impôts visant la notion de matériel neuf avait conduit le juge pénal à retenir un doute sur la réalité d'une tromperie au bénéfice de M. X... pour un matériel analogue à celui litigieux ; qu'en se fondant de manière inopérante sur les réponses de l'administration fiscale des 21 et 23 avril et du 20 août 2015, soit bien postérieures à la rupture unilatérale notifiée les 26 et 28 octobre 2011, d'autre part, sur un commentaire émanant de l'administration fiscale du 30 janvier 2007 qui n'évoquait pas le matériel de démonstration, pour en déduire que la société REXEA n'avait pas pu légitimement penser que ce bulldozer était un matériel neuf, sans mieux caractériser qu'au moment de la livraison envisagée, la société REXEA n'avait pu penser que le bien en cause était neuf au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3. ALORS QUE le commentaire de l'article 199 undecies B du code général des impôts publié au Journal officiel des impôts du 30 janvier 2007 énonçait seulement, sans évoquer le cas des matériels de démonstration, que « dans l'hypothèse où elle serait rachetée à une entreprise, une immobilisation devrait être regardée comme ayant conservé son état neuf, bien qu'elle ait déjà fait l'objet d'une première vente à un utilisateur, si le rachat a eu lieu peu de temps après la première utilisation et avant toute mise en service » ; qu'en déduisant de ce texte que la société REXEA, qui avait revendu un matériel de démonstration, n'avait pas pu légitimement penser que ce bulldozer était un matériel neuf, la cour d'appel a dénaturé la portée de cet écrit, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4. ALORS QUE la résiliation unilatérale d'un contrat à durée déterminée suppose la preuve, à la date de cette résiliation, d'une faute du cocontractant caractérisée et suffisamment grave pour justifier sans délai la rupture de ce contrat avant son terme ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé, d'une part, qu'à la réception, le 14 septembre 2011, de la photographie du compteur du bulldozer en cause, indiquant que celui-ci avait été utilisé 1 957 heures, le directeur administratif et financier de la société Inter invest n'avait pas refusé immédiatement le financement de la vente et s'était borné à interroger le fournisseur sur le point de savoir si un tel nombre d'heures d'utilisation devait amener à considérer que le matériel était « neuf » ou « d'occasion », d'autre part, que les sociétés Inter invest et Antilles investissements avaient attendu les 26 et 28 octobre 2011 pour rompre les relations contractuelles au prétexte qu'elles avaient été contraintes de refuser le financement de l'acquisition de ce bulldozer six semaines plus tôt ; qu'en déduisant de ces constatations la caractérisation d'une faute de la société REXEA justifiant la rupture immédiate des relations contractuelles, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5. ALORS QUE sauf urgence, une partie à un contrat ne peut résilier unilatéralement un contrat, sans mettre préalablement en demeure le cocontractant de s'expliquer sur le manquement qui lui est imputé ; qu'en affirmant que le comportement déloyal en cause constituait une faute caractérisée suffisamment grave pour justifier à elle seule la rupture immédiate des relations commerciales, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sociétés Inter invest et Antilles investissements, avant de rompre unilatéralement leurs relations contractuelles avec les appelants, leur avaient demandé de s'expliquer sur le comportement qui leur était imputé ou, à défaut, de constater l'urgence justifiant la résiliation unilatérale sans préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés Inter invest, Antilles investissements et Étoile Caraïbes (devenue Étoile Courcelles) étaient recevables et bien fondées à solliciter la restitution des avances de trésorerie consenties, d'AVOIR condamné les sociétés Rexma et Rexea à payer in solidum à la société Étoile Courcelles la somme de 1 453 360 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance pour la société Rexea et à compter du jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne du 16 mai 2012 pour la société Rexma, avec capitalisation des intérêts, d'AVOIR rejeté les demandes reconventionnelles en indemnisation de leurs préjudices présentées par les appelants et d'AVOIR condamné in solidum M. Jean-Pierre X... et les sociétés Rexma et Rexea à payer aux sociétés Étoile Courcelles, Inter invest et Antilles investissements une somme de 1 500 euros chacune ;

AUX MOTIFS QUE « la demande des intimés tendant au remboursement des sommes avancées aux sociétés appelantes dans le cadre de leurs relations commerciales est justifiée en son principe eu égard à la rupture de ces relations. Sur les sommes réclamées par la société Etoile Courcelles au titre des avances en fonds de roulement effectuées au bénéfice de la société Rexea : Il est réclamé par la société Etoile Courcelles une somme de 1 453 360 euros au titre des avances en fonds de roulement effectuées au profit de la société Rexea (et non de 1 469 860 euros comme soutenu par les appelants). M. C. et ses sociétés contestent d'abord que le créancier soit la société Etoile Courcelles. Or, il est établi que cette société dont les associées sont les sociétés Inter Invest et Antilles Investissements a pour objet social la réception des apports en compte courant, le paiement des fournisseurs et le paiement de toute somme. Dans ce cadre, elle a procédé, pour le compte de ses associées dans le cadre de l'exécution du protocole du 22 juin 2011 (article 4) et avant même la signature de ce protocole, à des avances en fonds de roulement à la société Rexea ou aux founisseurs de matériels commandés par cette dernière. Il est donc légitime qu'elle en réclame le remboursement. (
)Sur les sommes réclamées par la société Etoile Courcelles à la société Rexma : Il s'agit d'une somme de 168 660,50 euros que la société Rexma a expressément reconnu devoir dans le courriel de son dirigeant Jean-Pierre C. du 21 octobre 2011, dans les termes suivants "A aujourd'hui : (...) REXMA : montant BFR : 168 660,50 euros." La société Rexma se borne à contester cette somme sans justifier des paiements qui auraient pu la réduire. Ainsi, il convient de réformer le jugement déféré en portant la somme due par la société Rexma à la société Etoile Courcelles à la somme de 168 660,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2012, date de l'assignation devant le tribunal mixte de commerce et capitalisation des intérêts dus pour une année entière » ;

1. ALORS QUE le mandataire ne peut obtenir en son nom propre la restitution des sommes qui sont dues à son mandant ; qu'en l'espèce, s'il était constant que les fonds avancés aux appelantes par les sociétés Inter invest et Antilles investissements l'avaient été par l'entremise de la société Etoile Caraïbes, devenue Etoile Courcelles, les appelants reprochaient aux intimés de ne pas préciser qui était créancier, ni de dire quel était le fondement de leur demande de remboursement (v. concl. p. 23, 24 et 34) ; que l'arrêt attaqué a relevé que c'était pour le compte des sociétés Inter Invest et Antilles Investissement que la société Etoile Courcelles avait procédé à ces avances ; qu'en condamnant néanmoins les appelantes à rembourser ces avances à la société Etoile Courcelles es nom, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que cette dernière avait avancé les fonds en qualité de mandataire des sociétés Inter invest et Antilles investissements, en violation des articles 1984, 1997 et 1998 du code civil.

2. ALORS en tout état de cause QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en l'espèce, les appelants reprochaient aux intimés de ne pas préciser qui était créancier des avances consenties, ni de dire quel était le fondement de leur demande de remboursement (v. concl. p. 23, 24 et 34) ; que dès lors, en condamnant les sociétés REXMA et REXEA à verser une somme de 1.453.360 euros à la société Etoiles Courcelles es nom, parce qu'elle avait procédé à des avances « pour le compte » des sociétés Inter Invest et Antilles Courcelles, sans mieux préciser le fondement juridique de sa décision, la Cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Rexma, in solidum avec la société Rexea, à payer à la société Étoile Courcelles la somme de 1 453 360 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance pour la société Rexea et à compter du jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne du 16 mai 2012 pour la société Rexma, avec capitalisation des intérêts et, en conséquence, d'AVOIR condamné in solidum M. Jean-Pierre X... et les sociétés Rexma et Rexea à payer aux sociétés Étoile Courcelles, Inter invest et Antilles investissements une somme de 1 500 euros chacune ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'agissant de la condamnation in solidum de la société Rexma avec la société Rexea, les sociétés intimées produisent pour la fonder une "attestation de porte-fort" du 21 juillet 2011 par laquelle la société Rexma "déclare ... se porter fort, en application de l'article 1120 du code civil, des avances de trésorerie au titre du Besoin en Fonds de Roulement et d'une façon générale des engagements pris par la société Rexea ....auprès des sociétés Inter Invest, ... Antilles Investissements ... et Etoile Caraïbes ...". Il en résulte que la société Rexma s'est engagée à faire en sorte que la société Rexea exécute son obligation de rembourser les avances de trésorerie. Il est d'abord manifeste, contrairement à ce que soutiennent les appelants que cet engagement de porte-fort a une cause. En effet, faisant partie du même groupe de sociétés et également signataire du protocole du 22 juin 2011, la société Rexma avait un intérêt économique à ce que des avances de trésorerie soient consenties à la société Rexea. En outre, l'engagement de porte-fort pris par la société Rexma constitue un engagement de faire, de sorte que l'article 1326 du Code civil ne lui est pas applicable. Enfin, force est de constater en l'espèce que la société Rexma, porte-fort, n'a pas satisfait à son obligation puisque la société Rexea n'a pas remboursé les avances de trésorerie perçues. Il convient donc qu'elle répare le préjudice ainsi causé à la société Etoile Courcelles et qui doit être chiffré au montant de la dette de la société Rexea soit 1 453 360 euros, qu'elle sera condamnée à payer in solidum avec la société Rexea. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2012, date de l'assignation devant le tribunal mixte de commerce, s'agissant de la condamnation de la société Rexea et à compter du 16 mai 2012, date du jugement déféré, s'agissant de la condamnation de la société Rexma, tenue au paiement d'une indemnité. Il convient par ailleurs d'autoriser la capitalisation des intérêts dus pour une année entière » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « la validité de la promesse de porte-fort de la société REXMA des engagements pris par la société REXEA est contestée par les défenderesses. Toutefois ces contestations manquent manifestement de sérieux. Ces deux sociétés rompues aux affaires ne pouvaient ignorer la portée réelle de leurs engagements » ;

ALORS QU' une condamnation in solidum suppose que les personnes condamnées soient co-auteurs d'un même dommage ; que le dommage qui résulte de l'inexécution d'une promesse de porte-fort, qui constitue un engagement de faire, n'est pas de même nature que le dommage qui découle de l'inexécution par le tiers de son obligation de payer ; qu'en condamnant néanmoins in solidum la société REXMA, en qualité de porte-fort des engagements de la société REXEA tenu d'un engagement de faire, au titre de l'inexécution par cette dernière de son obligation de payer, la cour d'appel a violé les principes qui gouvernent les condamnations in solidum, ensemble l'article 1120 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y... et les sociétés Inter invest, Antilles investissements et Etoile Courcelles

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé les gages consentis par la société Rexea à la société Guyane Investissements en date du 16 juin, 21 juillet et 13 septembre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « l'article 2233 du Code civil dispose que "Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs.
Les créances garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables".
En l'espèce, il est constant que le prix des matériels sur lesquels des gages ont été inscrits au bénéfice de l'établissement guyanais de la société Antilles Investissement a été payé aux fournisseurs de la société Rexea par la société Etoile Caraïbes devenue Etoile Courcelles. C'est donc cette dernière qui est créancière de la société Rexea et qui a d'ailleurs demandé et obtenu ci-dessous le remboursement des avances de trésorerie effectuées.
La société Antilles Investissement n'étant pas créancière ne pouvait donc se faire consentir les gages litigieux et il importe peu que :
- la société Etoile Courcelles cède "ultérieurement" ses créances à la société Antilles Investissements ; il ne s'agit pas en l'état d'une créance future de la société Antilles Investissement mais d'une créance seulement éventuelle ;
- le protocole du 22 juin 2011 prévoit la constitution de gages au profit d'Inter invest ou d'Antilles Investissements : en effet si cet acte prévoyait le nantissement au profit de ces deux sociétés des matériels financés c'était en garantie des avances de fonds qu'elles feraient aux fournisseurs de la société Rexea ; or, force est de constater que les avances ont été faites par une société tierce, même si elle fait partie du même groupe.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le gage du 16 juin 2011, de le réformer en ce qui concerne le rejet de la demande d'annulation des gages des 21 juillet et 13 septembre 2011 et en conséquence d'annuler ces gages » ;

ALORS en premier lieu QUE les créances garanties par un gage peuvent être présentes ou futures ; que, dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que les créances visées étaient déterminables puisqu'elles correspondaient aux sommes versées à la société Rexea ; qu'en décidant cependant qu'il « importe peu que la société Etoile Courcelles cède "ultérieurement" ses créances à la société Antilles Investissements ; il ne s'agit pas en l'état d'une créance future de la société Antilles Investissement mais d'une créance seulement éventuelle » (arrêt, p. 14, § 8), c'est-à-dire en exigeant de surcroît que lesdites créances soient certaines, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, violant l'article 2233 du Code civil ;

ALORS en deuxième lieu QUE l'associé dispose en cours de vie sociale d'un droit latent sur le boni de liquidation ; que la dissolution de la société est un événement certain, le contrat de société étant impérativement à durée déterminée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel reconnaissait elle-même que les associés de la société Etoiles Courcelles sont les sociétés Inter invest et Antilles Investissement, dont son établissement Guyane Investissements (arrêt, p. 11, dernier §) ; qu'en décidant cependant qu'il « importe peu que la société Etoile Courcelles cède "ultérieurement" ses créances à la société Antilles Investissements ; il ne s'agit pas en l'état d'une créance future de la société Antilles Investissement mais d'une créance seulement éventuelle » (ibid., p. 14, § 8), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les sommes dues à la société Etoiles Courcelles ne devaient pas impérativement, lors de sa dissolution, revenir à la société Antilles Investissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2333 du Code civil ;

ALORS en troisième lieu QUE toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ; qu'en présence de plusieurs conventions, c'est au regard de cet ensemble que les divers engagements pris doivent être interprétés ; qu'en décidant que « le protocole du 22 juin 2011 prévoit la constitution de gages au profit d'Inter invest ou d'Antilles Investissements : en effet si cet acte prévoyait le nantissement au profit de ces deux sociétés des matériels financés c'était en garantie des avances de fonds qu'elles feraient aux fournisseurs de la société Rexea ; or, force est de constater que les avances ont été faites par une société tierce, même si elle fait partie du même groupe » (arrêt, p. 14, § 9), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'ensemble des opérations n'étaient pas liées, l'inscription de gages étant la contrepartie du financement du matériel, peu important que ledit financement soit effectué par une autre société du même groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1156 et 1161 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-18764
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Cayenne, 11 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 mai. 2018, pourvoi n°16-18764


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18764
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