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16/05/2018 | FRANCE | N°16-18183

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mai 2018, 16-18183


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 225-38, L. 225-39 et L. 225-42 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société anonyme Néotion (la société Néotion), ayant comme président M. Y..., lequel était associé au sein de la société civile immobilière Azur (la SCI), a pris à bail l'immeuble appartenant à cette dernière selon convention du 31 mars 2005, conclue pour une durée de neuf ans, comportant la faculté pour le preneur d'y mettre

fin à l'expiration de chaque période triennale en donnant congé par acte extra-judici...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 225-38, L. 225-39 et L. 225-42 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société anonyme Néotion (la société Néotion), ayant comme président M. Y..., lequel était associé au sein de la société civile immobilière Azur (la SCI), a pris à bail l'immeuble appartenant à cette dernière selon convention du 31 mars 2005, conclue pour une durée de neuf ans, comportant la faculté pour le preneur d'y mettre fin à l'expiration de chaque période triennale en donnant congé par acte extra-judiciaire, au moins six mois avant l'expiration de la période triennale en cours ; qu'un nouveau bail commercial a été signé, le 5 février 2007, pour neuf ans, entre la SCI et la société Néotion, représentée par M. Y... en qualité de directeur général délégué, ne permettant au preneur de ne donner congé qu'à l'échéance de la deuxième période triennale ; que l'immeuble a été acheté par la société Sheet Anchor France ; que lors de cette cession, un nouveau bail commercial a été signé le 3 mai 2007 par la société Néotion, représentée par M. Y... en qualité de directeur général délégué, avec la société Sheet Anchor France, sous la condition suspensive de la résiliation amiable et anticipée du bail du 5 février 2007 ; que le nouveau bail conclu pour neuf ans comportait la faculté pour le preneur de donner congé à l'expiration de la deuxième période triennale ; que la société Néotion a donné congé le 12 février 2008 pour le 31 mars 2008 et a quitté les lieux le 12 août 2008 ; que la société Sheet Anchor France ayant assigné la société Néotion en paiement des loyers qu'elle estimait dus jusqu'au 3 mai 2013 sur le fondement du bail du 3 mai 2007, cette dernière a invoqué la nullité du bail pour n'avoir pas été soumis à la procédure des conventions réglementées et pour fraude ;

Attendu que pour écarter le moyen de la société Néotion tiré de la nullité du bail du 3 mai 2007, dire que ce bail lie les parties et condamner la société Néotion à payer à la société Sheet Anchor France certaines sommes, l'arrêt retient que ce bail, qui était connu des dirigeants de la société Néotion, ne fait pas partie des conventions visées à l'article L. 225-38 du code de commerce ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., directeur général délégué de la société Néotion et associé de la SCI propriétaire des locaux cédés à la société Sheet Anchor France, était indirectement intéressé à la conclusion de la convention du 3 mai 2007, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une convention soumise à la procédure prévue par l'article L. 225-38 du code de commerce, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Sheet Anchor France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Néotion la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Néotion.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le bail du 3 mai 2007 liait les parties, D'AVOIR en conséquence validé le protocole de résiliation de bail du 2 mai 2007 conclu sous condition suspensive de la conclusion du bail Neotion/Sheet Anchor France et D'AVOIR condamné la société Neotion à payer à la société Sheet Anchor France la somme de 602 756,68 € à titre de loyers et charges arrêtés le 2 mai 2013 avec intérêts au taux légal ainsi que celle de 72 330,80 € TTC à titre de clause pénale ;

AUX MOTIFS QUE la SA Neotion soutient la nullité du bail daté du 3 mai 2007 comme entaché de fraude en invoquant une collusion frauduleuse entre son dirigeant M. Y... et la SARL Sheet Anchor France par l'usage de droits exercés dans un but illicite atteignant des intérêts généraux en application de l'article L. 225-41 alinéa 1er du code de commerce ; considérant l'inutilité du bail du 3 mai 2007 en l'état du bail préexistant du 31 mars 2005 dont la SARL Sheet Anchor France ne pouvait ignorer l'existence ainsi que l'augmentation des charges imposées par ce bail constituées par l'impossibilité de donner congé avant l'expiration de la deuxième période triennale, la SA Neotion impute à la SARL Sheet Anchor France une complicité avec M. Y... de dissimulation de ce bail aux organes sociaux de la société alors qu'il n'est relevé à l'encontre de la SARL Sheet Anchor France aucun acte positif permettant d'établir une collusion de sa part avec le représentant de la SA Neotion, le bailleur faisant de plus valoir que celle-ci, par l'intermédiaire de Monsieur Z..., Président directeur général depuis le 9 novembre 2006, a le 12 juin 2007, signé un avenant au bail du 3 mai 2007 par lequel le bailleur autorise la sous-location, l'allégation selon laquelle cette signature a été portée de façon fortuite par Monsieur Z... étant battue en brèche par la signature d'un bail de sous-location le 15 juin 2007 avec la SA Neotion TNT France, aucun comportement frauduleux ou déloyal ne pouvant être imputé dès lors à la SARL Sheet Anchor France ; la SA Neotion soutient la nullité du bail daté du 3 mai 2007 également sur le fondement de l'article L. 225-45 du code de commerce qui prévoit que les conventions visées à l'article L. 225-38 et conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société, s'agissant de toute convention intervenant directement ou par personnes interposées entre la société et son directeur général ou l'un de ses directeurs généraux délégués, ce afin d'éviter les conflits d'intérêts entre ceux de la société et ceux de ses dirigeants ; qu'en l'espèce, le bail conclu avec la société Sheet Anchor France ne fait pas partie des conventions visées à l'article L. 225-38 du code de commerce ; ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, Monsieur Z... a signé un avenant de sous-location le 12 juin 2007 en référence expresse au bail du 3 mai 2007 et le 15 juin 2007, a consenti un contrat de sous-location avec la SA Neotion TNT France, filiale de la SA Neotion d'une durée de 8 ans et 10 mois se terminant le 2 mai 2016, soit la durée restant du bail principal, tous éléments dont il résulte la connaissance de ce bail par les dirigeants de la SA Neotion, ce d'autant que dans le cadre du mandat de recherche d'un sous locataire donné par la SA Neotion à la société DTZ Jean A..., c'est bien le bail du 3 mai 2007 qui a été fourni ; il se déduit des éléments qui précèdent que le bail du 3 mai 2007 lie les parties, le jugement devant être infirmé en ce qu'il a, pour débouter la SARL Sheer Anchor France de ses demandes, considéré que ce bail était irrégulier ;

1°) ALORS QU'en application de l'article L. 225-38 du code de commerce, sont soumises à l'autorisation préalable du conseil d'administration d'une société anonyme, les conventions auxquelles un directeur général délégué est indirectement intéressé ; qu'il est constant que la société Neotion occupait un immeuble à la Ciotat en vertu d'un bail commercial consenti le 1er avril 2005 par la SCI Azur pour une durée de neuf ans avec faculté pour la société Neotion de donner congé à l'expiration de chaque période triennale dont la première venait à échéance le 31 mars 2008 ; qu'en se bornant à affirmer que le bail conclu sur le même immeuble entre la société Neotion et la société Sheet Anchor France le 3 mai 2007 ne faisait pas partie des conventions visées à l'article L. 225-38 du code de commerce sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si M. Y..., directeur général délégué de la société Neotion, n'était pas intéressé à la conclusion de cette convention laquelle, en interdisant à la société Neotion de donner congé avant l'expiration de la deuxième période triennale, avait permis à la SCI Azur, dont M. Y... était associé avec son épouse, de garantir à la société Sheet Anchor France la sécurité de son investissement grâce au maintien dans les lieux pendant six ans d'un locataire parfaitement solvable et de conclure ainsi la vente de son immeuble, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 225-38, L. 225-41 et L. 225-42 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE la nullité d'une convention conclue sans autorisation préalable du conseil d'administration ne peut être couverte que par un vote de l'assemblée générale des actionnaires intervenant sur rapport spécial du commissaire aux comptes exposant les circonstances en raison desquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie ; qu'en rejetant la demande de nullité du bail du 3 mai 2007 au motif que les dirigeants de la société Neotion avait connaissance de cette convention, la cour d'appel a violé les articles L. 225-38, L. 225-41 et L. 225-42 du code de commerce ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QU'une convention peut être annulée si elle est entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessein de l'exclure du champ d'application des conventions réglementées par les articles L. 225-38 et suivants du code de commerce ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si en présence du bail conclu le 31 mars 2005 entre la société Neotion et la SCI Azur, bail soumis aux conventions réglementées, le fait pour M. Y... de conclure au nom de la société Neotion, sur l'immeuble appartenant à la SCI Azur ,un nouveau bail avec la société Sheet Anchor France, bail dont les clauses augmentaient les charges de la société Neotion en prévoyant l'impossibilité de donner congé avant l'expiration de la deuxième période triennale, n'avait pas eu pour seul objectif d'exclure cette convention du champ d'application des conventions réglementées, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 225-38, L. 225-41 et L. 225-42 du code de commerce ;

4°) ALORS QU' en s'abstenant de rechercher si la simple connaissance par la société Sheet Anchor France de l'inutilité du bail du 3 mai 2007 en l'état du bail préexistant du 31 mars 2005 qui avait vocation à lui être transmis de plein droit lors de l'acquisition de l'immeuble, de l'augmentation des charges induites par le nouveau bail pour la société Neotion qui se trouvait ainsi tenue de se maintenir dans les lieux pour une période minimum de six ans, de l'intérêt manifeste qu'elle avait en tant que futur bailleur à la conclusion d'un bail lui garantissant la présence d'un locataire solvable pour que son investissement soit fructueux, du conflit d'intérêts existant entre la société Neotion et son dirigeant M. Y... également associé de la SCI Azur propriétaire de l'immeuble et enfin de la volonté conjointe des parties de dissimuler le nouveau bail aux organes de la société Neotion en stipulant expressément qu'il ne serait pas enregistré ne caractérisaient pas la mauvaise foi et le comportement frauduleux de la société Sheet Anchor France à l'égard de la société Neotion, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 225-41 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-18183
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 mai. 2018, pourvoi n°16-18183


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18183
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