LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société La Goélette SNC, M. X... et Mme A... que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., en qualité de mandataire ad litem de la société Immobilière des deux frères, et la société Copadig ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 2 février 2016), que la société La Goélette SNC (la société La Goélette) comptait trois associés à parts égales, M. X..., Mme A... et la société Immobilière des deux frères (la société Immobilière) ; que par acte enregistré le 27 janvier 1995, la société Immobilière a cédé à la société Farner et Cie les quarante parts sociales qu'elle détenait dans le capital de la société La Goélette ; que la société Immobilière a été dissoute par décision déposée au registre du commerce et des sociétés (RCS) le 4 novembre 1996, son gérant, M. Y..., étant désigné liquidateur ; que les opérations de liquidation ont été clôturées le 27 juin 1997 ; que la société La Goélette, M. X... et Mme A... ont assigné la société Copadig, venant aux droits de la société Farner et Cie, pour voir juger que ni l'une ni l'autre de ces sociétés ne sont ses associées ; que la société Copadig et M. Y..., ce dernier intervenant à l'instance en qualité de mandataire ad litem de la société Immobilière, ont demandé reconventionnellement l'annulation de l'assemblée générale du 10 août 2009 d'approbation des comptes sociaux de 2002 à 2008 de la société La Goélette ainsi que des assemblées suivantes, faute d'y avoir été convoqués ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société La Goélette, M. X... et Mme A... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande d'annulation de la cession des parts détenues par la société Immobilière dans la société La Goélette et de rejeter en conséquence la demande de la société La Goélette en répétition d'une somme de 4 500 euros alors, selon le moyen :
1°/ que la nullité d'une cession de parts d'une société en nom collectif n'ayant pas reçu l'agrément unanime des associés peut être invoquée uniquement par la société elle-même ou par ses associés ; qu'en déclarant que la société en nom collectif elle-même et ses associés, tiers à la cession, étaient irrecevables à en demander la nullité, la cour d'appel a violé l'article L. 221-13 du code de commerce ;
2°/ que la cession des parts d'une société en nom collectif qui n'a pas reçu l'agrément unanime de tous les associés est nulle ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la cession des parts sociales que détenait la société Immobilière des deux frères dans la société La Goélette qui avait été consentie successivement à la société Farner et Cie, puis à la société Copadig, n'avait pas reçu l'agrément des autres associés, M. X... et Mme A..., l'arrêt attaqué ne pouvait pas décider que cette cession était uniquement inopposable aux autres associés et à la société elle-même ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 221-13 du code de commerce ;
Mais attendu que le défaut d'agrément unanime des associés à la cession des parts sociales d'une société en nom collectif n'entraîne pas la nullité de la cession, laquelle est seulement inopposable à la société et aux associés ; que le moyen, qui postule le contraire en sa seconde branche, et critique, en sa première branche, des motifs erronés mais surabondants, ne peut être accueilli ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Copadig et M. Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande d'annulation des assemblées générales de la société La Goélette alors, selon le moyen :
1°/ que la personnalité morale d'une société dissoute subsiste, malgré sa radiation du registre du commerce et des sociétés, aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés ; qu'en considérant que M. Y..., ès qualités de mandataire ad litem de la société Immobilière, n'était pas recevable à demander l'annulation d'assemblées générales d'approbation des comptes de la société La Goélette auxquelles la société Immobilière, associée, n'avait pas été convoquée, cependant que le droit dont disposait la société Immobilière de demander l'annulation des assemblées en cause constituait un droit à caractère social, la cour d'appel a violé les articles L. 237-2 et L. 237-24 du code de commerce ;
2°/ que lorsqu'une cession, par un associé, de parts sociales d'une société en nom collectif n'a pas reçu l'agrément des autres associés, le juge, saisi par le cédant et le cessionnaire de demandes d'annulation d'une assemblée générale, ne peut, à la fois, pour rejeter ces demandes, opposer au cessionnaire le défaut d'agrément et opposer au cédant la revente de ses parts sociales ; qu'en considérant, pour rejeter la demande de M. Y..., ès qualités de mandataire ad litem de la société Immobilière, que cette dernière avait revendu en totalité, antérieurement à sa liquidation, les parts sociales qu'elle détenait dans la société La Goélette, après avoir opposé à la société Copadig le défaut d'agrément des autres associés, la cour d'appel a violé l'article L. 221-13 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt constate que par acte enregistré le 27 janvier 1995, la société Immobilière a cédé les parts sociales qu'elle détenait dans le capital de la société La Goélette, qu'elle a été dissoute par décision du 30 juillet 1996 déposée au RCS le 4 novembre 1996 et que les opérations de liquidation ont été clôturées le 27 juin 1997 ; qu'il retient que M. Y..., au nom de la société Immobilière, est irrecevable à demander l'annulation des assemblées générales d'approbation des comptes du 10 août 2009 pour les exercices 2002 à 2008 inclus et les assemblées postérieures pour l'approbation des comptes de 2009 à 2013 puisque la société dont il est le mandataire ad litem ne conserve la personnalité morale que pour les besoins de la liquidation des droits et obligations à caractère social subsistant après la clôture des opérations de sa liquidation ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le mandataire ad litem n'invoquait aucun droit ou obligation à caractère social de la société liquidée nés avant sa liquidation, c'est à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, que la cour d'appel a déclaré sa demande irrecevable ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société La Goélette, M. X... et Mme A... .
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande en nullité de la cession des parts détenues par l'un des associés (la société Immobilière des Deux Frères) dans une société en nom collectif (la société La Goélette, exposante) telle que formée par les deux autres associés (M. X... et Mme A... , également exposants) et la société elle-même, et d'avoir en conséquence rejeté la demande de la société en nom collectif en répétition d'une somme de 4 500 € ;
AUX MOTIFS QU'il n'était pas contesté que la cession à la SNC Farner et cie des parts sociales de la SARL Immobilière des Deux Frères s'était faite sans le consentement de tous les associés de la SNC la Goélette ; qu'il n'était pas discuté que la SNC Farner avait fait l'objet d'une dissolution sans liquidation par l'effet d'une transmission universelle de patrimoine à la société Copadig décidée par une assemblée générale du 7 novembre 2005 et que, à ce titre, cette dernière société possédait les parts sociales de la SNC la Goélette provenant de la SARL Immobilière des Deux Frères ; qu'une cession non agréée par les associés ne se trouvait pas nulle pour cette raison ; qu'elle se trouvait seulement inopposable aux tiers ; que d'ailleurs, en dépit du défaut d'agrément du cessionnaire, lorsque la cession non agréée avait été régulièrement signifiée à la société, le cessionnaire disposait du droit de toucher la part de bénéfices annuels du cédant mais il ne pouvait s'ingérer dans l'administration de la société ; qu'en toute hypothèse, la société en nom collectif elle-même et ses associés, tiers à cette cession, étaient irrecevables à en demander la nullité ; qu'en conséquence, la demande de la SNC La Goélette, de M. Alain X... et de Mme Sophie A... en nullité de la vente de parts sociales du 22 décembre 1994 était irrecevable, quand bien même ils alléguaient de manière aussi péremptoire qu'hétéroclite que cette vente était entachée de fraude, qu'elle était nulle pour prix dérisoire assimilable à un défaut de prix en violation de l'article 1591 du code civil, que ce prix dérisoire avait eu pour « principal objet de frauder le fisc, ce qui était passible de sanctions fiscales » ; que la cour confirmait donc le jugement entrepris en ce qu'il n'avait pas admis la nullité de la cession de parts litigieuses mais avait, en revanche, déclaré inopposable à la SNC La Goélette et autres associés, la cession des parts sociales de la SARL Immobilière des Deux Frères à la SNC Farner (arrêt attaqué, p. 13, alinéas 2, 5 et 6, et p. 14, alinéas 1 à 4) ;
ALORS QUE, d'une part, la nullité d'une cession de parts d'une société en nom collectif n'ayant pas reçu l'agrément unanime des associés peut être invoquée uniquement par la société elle-même ou par ses associés ; qu'en déclarant que la société en nom collectif elle-même et ses associés, tiers à la cession, étaient irrecevables à en demander la nullité, la cour d'appel a violé l'article L. 221-13 du code de commerce ;
ALORS QUE, d'autre part, la cession des parts d'une société en nom collectif qui n'a pas reçu l'agrément unanime de tous les associés est nulle ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la cession des parts sociales que détenait la société Immobilière des Deux Frères dans la société La Goélette qui avait été consentie successivement à la société Farner, puis à la société Copadig, n'avait pas reçu l'agrément des autres associés, M. X... et Mme A... , l'arrêt attaqué ne pouvait pas décider que cette cession était uniquement inopposable aux autres associés et à la société elle-même ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 221-13 du code de commerce. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités et la société Copadig.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes d'annulation des assemblées générales formées par la société Copadig et M. Robert Y..., ès qualités de mandataire ad litem de la société Immobilière des Deux Frères ;
AUX MOTIFS QUE les appelants prétendent que les premiers juges n'ont pas statué sur leur demande de nullité de la convocation à l'assemblée générale d'approbation des comptes sociaux de 2002 à 2008 et de la convocation à l'assemblée générale d'approbation des comptes sociaux de 2009 de la société La Goélette et des assemblées subséquentes du 10 août 2009 et suivantes ; que la cession des parts ensuite transmises à la société Copadig étant inopposable à la société La Goélette et à ses associés à raison du défaut d'agrément du cessionnaire par ces derniers, la société Copadig est parfaitement irrecevable à demander la nullité des assemblées d'associés dont elle n'est pas membre ; que M. Robert Y... au nom de la société immobilière des Deux Frères est tout aussi irrecevable en cette demande d'annulation des assemblées générales puisque la société dont il est le mandataire ad litem ne conserve la personnalité morale que pour les besoins de la liquidation des droits et obligations à caractère social subsistant après la clôture des opérations de sa liquidation, ce qui exclut le droit de participer aux assemblées générales des associés d'une société dont elle détenait des parts sociales qu'elle a revendues en totalité antérieurement à sa liquidation ;
1°) ALORS QUE la personnalité morale d'une société dissoute subsiste, malgré sa radiation du registre du commerce et des sociétés, aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés ; qu'en considérant que M. Y..., ès qualités de mandataire ad litem de la société Immobilière des Deux Frères, n'était pas recevable à demander l'annulation d'assemblées générales d'approbation des comptes de la société La Goélette auxquelles la société Immobilière des Deux Frères, associée, n'avait pas été convoquée, cependant que le droit dont disposait la société Immobilière des Deux Frères de demander l'annulation des assemblées en cause constituait un droit à caractère social, la cour d'appel a violé les articles L. 237-2 et L. 237-24 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE, lorsqu'une cession, par un associé, de parts sociales d'une société en nom collectif n'a pas reçu l'agrément des autres associés, le juge, saisi par le cédant et le cessionnaire de demandes d'annulation d'une assemblée générale, ne peut, à la fois, pour rejeter ces demandes, opposer au cessionnaire le défaut d'agrément et opposer au cédant la revente de ses parts sociales ; qu'en considérant, pour rejeter la demande de M. Y..., ès qualités de mandataire ad litem de la société Immobilière des Deux Frères, que cette dernière avait revendu en totalité, antérieurement à sa liquidation, les parts sociales qu'elle détenait dans la société La Goélette, après avoir opposé à la société Copadig le défaut d'agrément des autres associés, la cour d'appel a violé l'article L. 221-13 du code de commerce.