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15/05/2018 | FRANCE | N°17-83203

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 mai 2018, 17-83203


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Stéphan X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 2017, qui, pour infractions à la police de la pêche maritime, l'a condamné à 1 500 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 avril 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger,

Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;

Avocat ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Stéphan X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 2017, qui, pour infractions à la police de la pêche maritime, l'a condamné à 1 500 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 avril 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Lagauche ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un contrôle effectué par la gendarmerie maritime dans l'établissement

"[...]", au [...], a conduit à la découverte,

dans les locaux de préparation des commandes de produits de la mer à l'exportation, de plusieurs caisses isothermes en cours de conditionnement à destination du Portugal, contenant des congres ne présentant pas le poids minimal autorisé par la réglementation ; que sur une caisse d'un poids de 6,6 kg était apposée une étiquette sanitaire qui permettait d'identifier, comme ayant procédé à la capture, M. Stéphan X..., patron pêcheur et propriétaire du chalutier"[...]" ; que ce dernier, poursuivi pour les délits de pêche de produits de la pêche maritime de taille, calibre ou poids prohibé et exposition ou vente de ces mêmes produits, a soulevé des exceptions de nullité de la convocation par officier de police judiciaire ainsi que de la procédure ; qu'après avoir rejeté la première, le tribunal a fait droit à la seconde et a prononcé la relaxe du prévenu ; que le procureur de la République a relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 390-1, 551, 591 et 802 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la convocation par officier de police judiciaire de M. Stéphan X... ;

"aux motifs que la convocation par l'officier de police judiciaire valant citation mentionne très clairement, outre les textes emportant incrimination et répression (articles 945-4 , 945-5 du code rural), la date, le lieu et la nature des faits poursuivis, à savoir la pêche de produits de la mer de taille, calibre ou poids prohibé ; que cette dernière indication relative à la nature des faits est à considérer comme répondant aux exigences de l'article 551 du code de procédure pénale précité, nul n'étant besoin en effet de préciser de quel produit de la mer il s'agit et si le caractère prohibé relevé concerne la taille, le calibre ou le poids ; qu'en tout état de cause force est de constater que le prévenu a été complètement informé lors de son audition en cours d'enquête de ce qui lui était reproché et qu'il a eu tout loisir de se défendre utilement, la pertinence et l'importance de ses écritures en témoignant ; qu'à défaut de démontrer l'existence d'une quelconque atteinte à ses intérêts, l'exception de nullité soulevée de ce chef par M. Stephan X... ne saurait prospérer ;

"alors que la citation doit mettre le prévenu en mesure de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés et le texte de loi qui les réprime; que, saisie d'une exception de nullité de la convocation du prévenu pour exposition ou vente de produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine de taille, calibre ou poids prohibé et pêche de produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine de taille, calibre ou poids prohibé, précisant seulement la date des faits et le lieu de leur commission, la cour d'appel l'a rejeté en estimant qu'il importait peu que cette convocation n'ait pas indiqué quel type de produit de la pêche était visé et si était en cause une méconnaissance des normes sur la taille, le poids ou le calibre, le prévenu ayant pu exercer les droits de la défense, ayant été informé au cours de l'enquête des faits reprochés ; qu'en statuant ainsi, quand la convocation délivrée plus de deux ans après les faits reprochés, ne visait ni le type de produit en cause, ni sa quantité, ni ne précisait si la disposition méconnue concernait la taille, le poids ou le calibre du produit en cause, ni n'indiquait la disposition fixant cette norme qui aurait été méconnue, et ne visait pas la procédure d'enquête qui aurait fondé les poursuites, la cour d'appel a méconnu les articles 390-1 et 551 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, paragraphe 3, a) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la citation soulevée par le prévenu, prise de son imprécision tant au regard des faits concernés que de la réglementation applicable, l'arrêt énonce que la convocation par officier de police judiciaire mentionne très clairement, outre les textes emportant incrimination et répression, la date, le lieu et la nature des faits poursuivis à savoir la pêche de produits de la mer de taille, calibre ou poids prohibés ; que les juges ajoutent que le prévenu a été complètement informé lors de son audition au cours de l'enquête de ce qui lui était reproché et a eu tout le loisir de se défendre utilement, la pertinence et l'importance de ses écritures en témoignant ; que la cour d'appel en déduit qu'aucune atteinte à ses intérêts n'est démontrée par le prévenu ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 944-2 du code pénal [lire code rural et de la pêche maritime ], 385, 512, 591 du code de procédure pénale ;

en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif, a rejeté l'exception de nullité de la procédure ;

"aux motifs que M. Stéphan X..., reprenant les moyens soutenus devant le premier juge, à savoir que l'agent verbalisateur n'a pas adressé la procédure au directeur départemental des territoires et de la mer, empêchant ce dernier de transmettre un avis au procureur de la République, demande à la cour de confirmer le jugement dont appel ; que le ministère Public requiert la réformation du jugement entrepris en ce qu'il à constaté la nullité de la procédure et, par voir de conséquence, relaxé M. X... ; que selon l'article L. 944-2 du code rural et de la pêche maritime, l'agent qui constate un délit prévu et réprimé par le présent livre, en même temps qu'il transmet les pièces de la procédure au procureur de la République, en adresse copie à l'autorité mentionnée à l'article L. 943-2 ; que celle-ci transmet dans les meilleurs délais un avis au procureur de la République» ; que, tout d'abord, qu'il est à considérer que la procédure a bien été adressée au Directeur départemental des territoires et de la mer en résidence à Sète (autorité visée à l'article L. 943-2 du code précité), mention de cet envoi apparaissant clairement page 3 à l'antépénultième et pénultième lignes du procès-verbal de synthèse rédigé par un officier de police judiciaire et aucun élément emportant preuve contraire ne pouvant être tiré de l'entier dossier ou n'étant produit en cause d'appel ; qu'ensuite, que le texte reproduit ci-avant ne précise pas la forme que doit revêtir ledit avis, celui-ci pouvant à loisir être écrit ou simplement oral, circonstancié ou non ; que surtout, il n'est précisé nulle part que c'est à peine de nullité du déclenchement de l'action publique que cet avis doit préalablement être recueilli, ce qui conduirait à une remise en cause du principe fondamental de l'opportunité des poursuites dévolu au ministère Public, l'intervention de ce dernier étant alors tributaire du bon vouloir de l'administration ; qu'en l'état de ces énonciations il convient d'une part, de réformer le jugement entrepris en ce que, faisant droit aux prétentions du prévenu, il a annulé la procédure, d'autre part, de rejeter l'exception dont s'agit de nouveau soulevée devant la cour ;

"1°) alors que, selon l'article L. 944-2 du code rural et de la pêche maritime, l'agent qui constate un délit de pêche, en même temps qu'il transmet les pièces de la procédure au procureur de la République, en adresse copie à l'autorité mentionnée à l'article L. 943-2 et celle-ci transmet dans les meilleurs délais un avis au procureur de la République ; que cet avis obligatoire s'impose à peine de nullité ; que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure initiée par le procureur de la République à l'encontre de M. X... pour pêche et vente de poissons sous taille et sous poids, en l'absence d'avis du directeur des territoires et de la mer, la cour d'appel qui a estimé que cet avis préalable à toute poursuite, ne s'imposait pas à peine de nullité, a méconnu l'article L. 944-2 du code rural et de la pêche maritime ;

"2°) alors qu'en outre, en estimant que l'avis du directeur départemental des territoires et de la mer pouvait être donné oralement, la cour d'appel qui n'a pas constaté que cet avis avait effectivement été donné ensuite de la transmission du procès-verbal d'infraction, avant toute poursuite, n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure, prise de l'absence de recueil de l'avis du directeur départemental des territoires et de la mer, l'arrêt énonce notamment qu'il n'est précisé nulle part que cet avis doit être recueilli préalablement au déclenchement de l'action publique à peine de nullité, ce qui conduirait à une remise en cause du principe de l'opportunité des poursuites dévolue au ministère public, ce dernier étant alors tributaire du bon vouloir de l'administration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que les poursuites en cette matière ne sont en rien subordonnées à l'avis de l'autorité administrative, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 944-2 du code rural et de la pêche maritime ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 945-4 du code rural et de la pêche maritime, 1 et 2 et l'annexe du règlement 2406/96 fixant des normes communes de commercialisation pour certains produits de la pêche, l'article 15 et les annexes III et IV du règlement CE n° 1967/2006 du Conseil du 21/12/06 concernant des mesures de gestion pour l'exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée, 111-3 et 111-4 du code pénal 6, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe de sécurité juridique et du principe de légalité des délits et des peines ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Stéphan X..., pour pêche et vente de poissons sous poids, au paiement d'une amende de 1 500 euros ;

"aux motifs qu'il est constant qu'outre les articles L. 945-4 et L. 945-5 du code rural, fondement des présentes poursuites et portant principe de l'interdiction de la pêche et de la vente de produits de la mer de taille, calibre ou poids inférieurs à certaines normes, le texte communautaire qui trouve â s'appliquer en l'espèce à titre de référence est l'Annexe III intitulée « le contrôle des tailles minimales biologiques (espèces capturées en Méditerranée) et des calibres minimaux de commercialisation » du Règlement (CE) n'2406/1996 du 26 novembre 1996 fixant les normes communes de commercialisation pour certains produits de la pêche ; qu'au demeurant M. X... a admis lors de son audition connaître cette réglementation et, plus particulièrement, savoir que le poids minimal de commercialisation concernant les congres capturés en Méditerranée est de 500 grammes ; qu'il ne saurait sérieusement soutenir, pour conclure à une absence d'élément légal, que ledit règlement n'interdit pas expressément la pratique de la pêche du congre quel que soit sa taille ou son poids mais prohibe seulement la mise en vente de ce type d'espèce en sous poids, au constat d'évidence que la commercialisation d'un poisson est nécessairement précédée d'une action de pêche ; qu'il y a lieu de rappeler que l'agent verbalisateur est l'officier de police judiciaire et de plus en résidence à la brigade de surveillance du littoral territorialement compétente, brigade hautement spécialisée ; qu'ainsi, à défaut de preuve contraire ressortant du dossier ou produit en cause d'appel, toutes les constatations matérielles auxquelles il a procédé et qu'il a dûment consignées par procès-verbal doivent être retenues, notamment celles relatives à la présence dans chacune des neuf caisses contrôlées de congres « dont la totalité ne paraissent pas avoir le poids minimal requis», première appréciation qui s'est trouvée confortée lors de vérifications par sondage ; que M. X... a reconnu que l'étiquette sanitaire, apposée sur la caisse isotherme litigieuse contenant les 6,6 kg de congres lui appartenait et qu'il a admis avoir vendu ces congres à la Criée de [...] ; qu'au demeurant il a

également admis qu'il était possible qu'il y ait des « petits », reconnaissant par là un contrôle insuffisant sur son chalutier lors de la mise en caisse des poissons péchés ; qu'enfin, au constat, outre que le 6 mai 2013, il a débarqué de son chalutier dans les locaux de la Criée de [...] pour y être cédés à la SOCOMAP 479,50 Kg de produits de la mer pour un prix total HT de 2683,54 euros ; que la caisse de congres dont s'agit et les huits autres également contrôlées étaient en cours de conditionnement pour un départ à destination du Portugal, donc une opération effectuée dans le cadre de l'activité Export-Import en gros des produits de la mer aux professionnels exercée à titre principal par l'établissement «[...]» et non destinée à la petite poissonnerie de ventes au détail tenue dans ses locaux par ce dernier, M. X... ne peut prétendre au bénéfice de l'exemption de l'application du Règlement CE du 26 novembre 1996 prévu en son article 2 lorsqu'il s'agit « de petites quantités de produits cédés directement par le pêcheur côtier au détaillant ou au consommateur» ; que professionnel de la mer, connaissant nécessairement tous les textes protecteurs en matière de pêche maritime, il ne saurait invoquer une quelconque erreur malencontreuse, l'appât du gain facile motivant plus probablement la commission des faits ;

"1°) alors que les procès-verbaux d'infraction concernant la pêche maritime valent jusqu'à preuve contraire des seuls faits que l'officier de police judiciaire a effectivement constatés ; que le prévenu a été condamné pour avoir pêché et vendu, le 6 mai 2013, 6,6 kg de congres d'un poids inférieur à 500 grammes ; que le prévenu admettant que l'une des caisses isotherme visée par l'officier de police judiciaire ayant opéré un contrôle, dans les locaux de M. A..., acquéreur, portait une étiquette qui lui attribuait l'une des caisses, a indiqué qu'il pouvait y avoir des petits poissons, sans reconnaître les faits ; que, pour retenir le prévenu dans les liens de la prévention, la cour d'appel a relevé que l'officier de police judiciaire avait décidé de contrôler neuf caisses contenant des congres « dont la totalité ne paraissent pas avoir le poids minimal requis », émettant seulement une hypothèse résultant de l'apparence, procédant alors à des vérifications par sondage ; qu'en l'état de tels motifs, qui n'établissent pas que l'officier de police judiciaire a effectivement contrôlé le poids de congres contenus dans la caisse comportant l'étiquette du prévenu et que cette étiquette correspondait effectivement à une vente qu'il avait faite, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale ;

"2°) alors que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que, dans ses conclusions, le prévenu soutenait que le défaut d'indication par le procès-verbal de synthèse du modèle, de la date de fabrication et de la date de contrôle de l'instrument de mesure utilisé par l'officier de police judiciaire, ne permettait pas de s'assurer de la fiabilité de l'instrument et ainsi de la réalité de la présence de poissons sous poids dans les caisses litigieuses, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que la loi est d'interprétation stricte ; que pour condamner le prévenu pour avoir pêché et vendu des congres sous calibre, la cour d'appel a estimé que, si aucun des règlements européens qu'elle vise n'a prévu d'interdiction de la pêche des congres sous poids, cette interdiction découle du fait même que le règlement (CE) n° 2406/96 fixant des normes communes de commercialisation pour certains produits de la pêche prévoit l'interdiction de la vente de congres sous poids, cette vente faisant nécessairement suite à la pêche ; que, dès lors que les juges statuant en appel reconnaissaient qu'aucune norme n'interdisait la pêche de congres sous poids ou sous calibre, seule leur vente étant en principe interdite si leur calibre ne correspond pas aux normes fixées par le règlement précité, en condamnant le prévenu pour pêche illicite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation de l'article L. 945-4 du code rural et de la pêche maritime, du règlement CE n° 2406/96 précité, des articles 111-3 et 111-4 du code pénal ;

"4°) alors que l'article 2 du règlement CE n° 2406/96 fixant des normes communes de commercialisation pour certains produits de la pêche prévoit que le règlement n'est pas applicable aux petites quantités de produits cédés directement par le pêcheur côtier au détaillant ou au consommateur ; que, faute pour ce règlement d'avoir précisé la notion de petite quantité et celle de vente directe au détaillant, ce qui ne permet pas de savoir dans quels cas les pêcheurs côtiers ne peuvent pas vendre des produits sous poids, sous taille et sous calibre, la sanction pénale de la méconnaissance d'une interdiction insuffisamment claire et précise porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines tel que garanti par l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en cet état, l'incrimination de la pêche et de la vente de produits de la pêche sous poids, sous taille et sous calibre doit rester inappliquée à l'égard des pêcheurs côtiers ; qu'en condamnant le prévenu pour pêche et vente de congres sous poids, la cour d'appel qui n'a pas nié sa qualité de pêcheur côtier, a méconnu l'article 7 précité ;

"5°) alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel a constaté que les congres vendus sous calibre représentaient un poids total de 6,6 kg sur une vente totale de 479,50 Kg de produits de la pêche réalisée le 6 mai 2013, ce qui représentait moins de 1,4% de la pêche du prévenu ; que la cour d'appel qui a estimé que le prévenu ne pouvait se prévaloir de l'exemption de l'article 2 du règlement n° 2406/96, aux motifs qu'il a vendu l'ensemble du produit de sa pêche à la SOCOMAP, quand le procès-verbal d'infraction n'avait jamais visé une vente à cet établissement et que l'acte de prévention n'en faisait pas état, la cour d'appel qui s'est prononcée sur des faits non visés à la prévention, a méconnu l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

"6°) alors qu'à tout le moins, en n'invitant pas le prévenu à s'expliquer sur ces faits, ce qui lui aurait permis de constater que la société SOCOMAP avait seulement en vertu de ses statuts pour objet de fournir des services aux marins pêcheurs consistant à répondre à leurs besoins professionnels en mettant à leur disposition l'infrastructure matérielle pour la vente du produit de leur pêche aux acheteurs professionnels et ne vendait pas pour son compte le produit de la pêche, la cour d'appel a méconnu l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

"7°) alors qu'en outre, en n'indiquant pas quels éléments lui permettaient de considérer que la première mise sur le marché résultait d'une cession à la SOCOMAP, quand en outre elle constatait une vente à l'établissement [...], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"8°) alors qu'enfin, en retenant à l' encontre du prévenu le délit de vente illicite de congres aux motifs que le gérant de la société [...] qui avait acquis les congres visés à la prévention, avait une activité de vente en gros, sans rechercher si le prévenu avait intentionnellement vendu des poissons sous calibre, qui plus est en sachant qu'il les vendait à une personne qui ne les destinait pas directement à la vente aux consommateurs, bien que cet acquéreur ait disposé d'une poissonnerie, permettant une vente au détail, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale" ;

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit d'exposition ou vente de produits de la pêche maritime de taille, calibre ou poids prohibé, l'arrêt, après avoir relevé que la pesée des congres avait été réalisée à l'aide d'un instrument de mesure aux normes CE et à jour de sa visite périodique, retient qu'à défaut de preuve contraire ressortant du dossier ou produite en cause d'appel, toutes les constatations matérielles auxquelles a procédé l'agent verbalisateur, officier de police judiciaire, et qu'il a dûment consignées par procès-verbal doivent être retenues, notamment celles relatives à la présence dans les caisses contrôlées de congres "dont la totalité ne paraissent pas avoir le poids minimal requis", première appréciation qui s'est trouvée confortée lors de la vérification par sondage; que les juges ajoutent que M. X... a reconnu que l'étiquette sanitaire apposée sur la caisse de 6,6 kg de congres lui appartenait et a admis l'avoir vendue à la criée ; que les juges constatent que M. X... a débarqué ces produits de la mer dans les locaux de la criée pour y être cédés à la Socomap et en déduisent qu'il ne peut prétendre au bénéfice de l'exemption prévue par l'article 2 du règlement (CE) du 26 novembre 1996 lorsqu'il s'agit « de petites quantités de produits cédés directement par le pêcheur côtier au détaillant ou au consommateur» ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors que l'article 2 du Règlement (CE) n° 2406/96 du Conseil, du 26 novembre 1996, fixant des normes communes de commercialisation pour certains produits de la pêche est rédigé en des termes suffisamment clairs et précis pour permettre son interprétation, qui entre dans l'office du juge, sans risque d'arbitraire, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine et a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était régulièrement saisie, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées;

D'où il suit que les griefs doivent être écartés ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu le règlement (CE) n° 2406/96 du Conseil, du 26 novembre 1996, fixant des normes communes de commercialisation pour certains produits de la pêche, l'article L.945-4, 15°, du code rural et de la pêche maritime et l'article 111-4 du code pénal ;

Attendu qu'il résulte des articles 2 et 3 du règlement susvisé que les congres issus de la pêche, d'origine communautaire ou en provenance de pays tiers, ne peuvent être commercialisés que s'ils satisfont aux normes fixées par ce règlement ;

Attendu que le deuxième texte réprime notamment le fait de pêcher, de détenir à bord, transborder, transférer, débarquer, transporter, exposer, vendre, stocker ou, en connaissance de cause, acheter des produits de la pêche et de l'aquaculture marine en quantité ou en poids supérieur à celui autorisé ou dont la pêche est interdite ou qui n'ont pas la taille, le calibre ou le poids requis en application des dispositions communautaires ou nationales en vigueur ;

Attendu que, selon le dernier texte, la loi pénale est d'interprétation stricte ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit de pêche de produits de la pêche maritime de taille, calibre ou poids prohibé, en l'occurrence de congres, l'arrêt retient que le texte qui trouve à s'appliquer en l'espèce est le règlement (CE) n° 2406/1996 du 26 novembre 1996 et que M. X... a admis lors de son audition connaître la réglementation en vigueur et, plus particulièrement, savoir que le poids minimal de commercialisation des congres capturés en Méditerranée est de 500 grammes ; que les juges ajoutent que le prévenu ne saurait sérieusement soutenir, pour conclure à une absence d'élément légal, que ledit règlement n'interdit pas expressément la pratique de la pêche du congre quel que soit son poids mais prohibent seulement la mise en vente de ce type d'espèce en sous poids, dès lors qu'il est évident que la commercialisation d'un poisson est nécessairement précédée d'une action de pêche ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le règlement précité du 26 novembre 1996, qui définit exclusivement les caractéristiques commerciales harmonisées sur l'ensemble du marché communautaire que doivent présenter certaines espèces de poissons lorsqu'elles sont proposées à la vente, ne pouvait servir de fondement légal à l'incrimination de pêche de produits de la mer de taille, calibre ou poids prohibé, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes sus-visés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes en date du 30 mars 2017, mais en ses seules dispositions ayant déclaré M. X... coupable du délit de pêche de produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine de taille, calibre ou poids prohibé, et relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-83203
Date de la décision : 15/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 30 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 mai. 2018, pourvoi n°17-83203, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.83203
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