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15/05/2018 | FRANCE | N°17-80358

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 mai 2018, 17-80358


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Frédéric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 16 décembre 2016, qui, pour exploitation non autorisée d'une installation classée, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procé

dure pénale : M. Soulard, président, Mme A..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Frédéric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 16 décembre 2016, qui, pour exploitation non autorisée d'une installation classée, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme A..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller A..., les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Y... ;

Vu les mémoires en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Sur les deuxième et quatrième moyens de cassation :

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Frédéric X... était gérant des sociétés Bio Cos Natura et PLF Industrie Ouest, ayant une activité de récupération, de broyage et d'extrusion de déchets de matières plastiques usagées et de caoutchouc pour la première, de déchets de papeterie, cartons et palettes pour la seconde, ainsi que de stockage de ces matières et des produits finis, en vue de leur recyclage ; que la société Bio Cos Natura a été mise en liquidation judiciaire le 15 juillet 2009, la société PLF Industrie Ouest, sa filiale à 100 %, l'étant depuis le 4 mars 2009 ; qu'à la suite d'un incendie, des inspections ont été diligentées par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ( DREAL) à partir du mois de février 2010 ; que par deux arrêtés d'urgence de septembre et octobre 2009, le préfet d'Eure et Loir a mis le mandataire liquidateur de la société Bio Cos Natura en demeure de procéder à l'évacuation des déchets et produits entreposés sur le site ; que M. X... a été poursuivi pour avoir, du 10 août 2007 au 25 juin 2012, exploité, sans autorisation préfectorale préalable, une installation classée pour la protection de l'environnement, en entreposant sur site un volume de déchets en mélange non triés d'environ 20 000 m3, dépassant le seuil des 1 000 m3 autorisés ; que par jugement du 11 janvier 2016, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits objet de la poursuite pour la période du 10 août 2007 au 15 juillet 2009 et l'a relaxé pour le surplus ; que M. X... a interjeté appel de cette décision, le ministère public formant appel incident ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6, 7, 8, 40, 388, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non prescrit le délit d'exploitation sans autorisation préfectorale préalable d'une installation classée pour la protection de l'environnement prétendument commis par M. Frédéric X... du 10 août 2007 au 15 juillet 2009 ;

"aux motifs, d'une part, que la défense a soutenu que le premier acte interruptif de prescription de l'action publique était le procès-verbal de l'inspecteur des installations classées adressé au procureur de la République le 25 juin 2012 ; qu'il a indiqué que l'arrêt des activités de M. X... date au plus tard du 4 mars 2009, date de la liquidation judiciaire de la société PLF Industries Ouest ; qu'un délai de plus de trois ans s'étant écoulé entre le 4 mars 2009 et le 25 juin 2012, il a affirmé que la prescription des faits était acquise et que M. X... devait être relaxé ; qu'il résulte cependant de la procédure que la prescription a été interrompue par la dénonciation des faits par le préfet d'Eure et Loir au procureur de la République de Chartres en date du 10 août 2010 ; qu'en outre, M. X... a été entendu sur les faits le 27 décembre 2010 ; que la prescription des délits étant de trois ans, les faits postérieurs au 10 août 2007 peuvent être poursuivis ; que, toutefois, le prévenu n'ayant plus géré la société Bio Cos Natura à compter du 15 juillet 2009, il ne peut être poursuivi pour des faits commis à partir de cette date ;

"et aux motifs, d'autre part, que la société Bio Cos Natura a fait l'objet d'une déclaration classée en préfecture dont le récépissé est daté du 6 octobre 2005 ; que l'activité décrite consistait en l'emploi ou le réemploi de matières plastiques, caoutchouc, le stockage de matières plastiques, caoutchouc et la gestion de dépôts ou ateliers de triage de matières usagées combustibles à base de caoutchouc, élastomères et polymères, soit une activité de récupération en vue de recyclage en plasturgie ; que la société Bio Cos Natura a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire en date du 15 juillet 2009 et qu'en outre, la notification de cessation d'activité a été déclarée en préfecture par courrier de Maître Z..., mandataire liquidateur, le 13 octobre 2009 ; que la société PLF Industries Ouest créée en mai 2007 a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire en date du 4 mars 2009 clôturée le 22 novembre 2011 pour insuffisance d'actif ; que s'agissant de cette société aucun acte n'apparaît en préfecture au titre d'une quelconque déclaration alors qu'aucun élément ou commencement d'élément n'a pu être retrouvé sur le site contrairement à ce que soutenait M. X... ; que par jugement rendu le 4 mars 2009, le tribunal de commerce de Chartres retient que la société Plf Industries Ouest est une filiale à 100% de la société Bio Cos Natura ; qu'il convient de retenir que les sociétés Plf Industries Ouest et Bio Cos Natura n'ont plus d'existence légale depuis respectivement les jugements portant liquidation judiciaire soit les 4 mars 2009 et 15 juillet 2009 ; que pour les infractions continues, comme celles relevant du droit de l'environnement objet du présent litige, la prescription ne court qu'à compter de leur cessation, comme tout délit elles sont soumise à la prescription triennale, dès lors qu'il est prouvé que les faits incriminés ont été commis plus de trois années antérieurement au premier acte interruptif valable ; qu'en l'espèce le préfet d'Eure et Loir communiquait aux fins d'enquête au procureur de la République le 10 août 2010 un procès-verbal d'inspection de la Dreal daté du 4 février 2014, constituant le premier acte d'investigation aux fins d'éventuelles poursuites au titre de faits commis dans le cadre de l'exploitation des installations sur le site sis [...] ; qu'il ressort des éléments du dossier que l'arrêt des activités des sociétés en cause doit être fixé début janvier 2009 et au plus tard au 4 mars 2009 ; que M. X... était en conséquence le gérant et responsable pénal jusqu'au 15 juillet 2009 et que se trouve établie en conséquence la qualité d'exploitant du contrevenant ;

"1°) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale que la dénonciation des faits adressée au procureur de la République par l'autorité préfectorale ne constitue pas un acte de poursuite mais un simple « avis » et n'a donc pas d'effet interruptif de la prescription et qu'en retenant dès lors que la prescription avait été interrompue par la dénonciation des faits par le préfet d'Eure-et-Loir au procureur de la République de Chartres, la cour d'appel a méconnu les articles 7, 8 et 40 du code de procédure pénale ;

"2°) alors qu'il résulte des mentions du procès-verbal d'audition de M. X... en date du 27 décembre 2010, que cet acte a eu pour seul objet la mise en demeure préfectorale prise à l'encontre de Maître Z..., mandataire judiciaire liquidateur de la société Bio Cos Natura sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement et n'a donc pas eu pour objet la poursuite des infractions dont la juridiction était saisie à l'encontre de M. X... en sorte que la cour d'appel ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, considérer comme interruptif de prescription ce procès-verbal d'audition ;

"3°) alors que la cour d'appel qui, par adoption implicite des motifs des premiers juges, constatait expressément dans sa décision que l'activité sur le site de l'ensemble des sociétés gérées par M. X... s'était arrêtée au plus tard le 1er mars 2009, ne pouvait, sans se contredire, en vue de donner au procès-verbal de constatation dressé par l'inspecteur des installations classées le 22 juin 2012, un caractère interruptif, fixer au 15 juillet 2009 la date à laquelle M. X... ne pouvait plus être poursuivi pour exploitation sans autorisation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ;

"4°) alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les déchets entreposés sur le site étaient détenus pour partie par la société PLF Industries Ouest, société placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 4 mars 2009, de sorte que la cour d'appel ne pouvait, sans s'en expliquer davantage, fixer la date limite de la prescription des faits poursuivis à l'encontre de M. X... au 15 juillet 2009, date du jugement plaçant la société Bio Cos Natura en liquidation" ;

Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel, pour rejeter l'exception de prescription soulevée par le prévenu, a retenu que celle-ci avait été interrompue par la dénonciation par le préfet d'Eure et Loir au procureur de la république de Chartres en date du 10 août 2010, et par l'audition de M. X... en date du 27 décembre 2010, alors que la première ne pouvait s'analyser comme un acte interruptif émanant d'une autorité de poursuite, et que la seconde s'inscrivait dans une enquête diligentée pour non-respect d'une mise en demeure au titre de la législation sur les déchets, et non au titre de l'infraction objet de la poursuite, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que la prescription a été interrompue par le procès-verbal établi par l'inspecteur des installations classées le 25 juin 2012, transmis au procureur de la République, constatant l'infraction d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement commise par la société Bio Cos Natura, ayant M. X... comme dirigeant, intervenu dans le délai de prescription qui avait débuté le 15 juillet 2009, date de mise en liquidation de cette société ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-1, 132-19 et 132-20 alinéa 2 du code pénal dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de M. X... une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 15 000 euros ;

"aux motifs que le tribunal, en prononçant à l'encontre du prévenu une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 15 000 euros, a fait une application de la loi pénale proportionnée à la nature, à la durée et à la gravité des faits et adaptée à sa situation sociale et professionnelle et à ses revenus et qu'il convient de confirmer cette peine ;

"alors qu'en ne tenant compte dans sa décision, ni de la personnalité du prévenu, ni de sa situation familiale, ni de ses charges, la cour d'appel a méconnu l'obligation impérative qui lui est faite par les textes susvisés d'individualiser les peines prononcées à son encontre" ;

Vu les articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ainsi que, s'agissant du prononcé d'une amende, des ressources et charges du prévenu ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour prononcer à l'encontre du prévenu une peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis et une amende de 15 000 euros, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les éléments qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel ne l'a pas justifiée ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 décembre 2016, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant cour d'appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80358
Date de la décision : 15/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 mai. 2018, pourvoi n°17-80358


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.80358
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