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15/05/2018 | FRANCE | N°17-19413

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 mai 2018, 17-19413


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 mars 2017), que Jean-François Y... et Elise H... sont décédés, respectivement les [...] , laissant pour leur succéder six enfants, Elise, Eliane, Yvonne, F..., X... et Philippe ; que des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage de leurs successions ; qu'un premier jugement a prononcé l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions, déterminé la valeur des biens indivis, fixé l

a valeur d'un bien donné à M. X... Y... et dit qu'Yvonne et F... justifient ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 mars 2017), que Jean-François Y... et Elise H... sont décédés, respectivement les [...] , laissant pour leur succéder six enfants, Elise, Eliane, Yvonne, F..., X... et Philippe ; que des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage de leurs successions ; qu'un premier jugement a prononcé l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions, déterminé la valeur des biens indivis, fixé la valeur d'un bien donné à M. X... Y... et dit qu'Yvonne et F... justifient d'une créance de salaire différé ; que, le 14 juin 2013, M. X... Y... a assigné ses cohéritiers pour revendiquer une créance de salaire différé ;

Attendu que M. X... Y... fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, pour déclarer M. X... Y... irrecevable en sa demande en revendication d'une créance de salaire différé, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc (17 février 2015) avait fondé sa décision sur la renonciation par celui-ci à se prévaloir d'une telle créance ; que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts Y... se sont encore prévalu de la renonciation de M. X... Y... à se prévaloir d'une créance de salaire différé ; que, cependant, pour déclarer à son tour irrecevable cette demande, la cour d'appel ne s'est plus fondée sur la renonciation, mais sur les dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, par un moyen de droit relevé d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction visé à l'article 16 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que ce n'est qu'en cas désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire -ce qui donne lieu à la transmission par celui-ci au juge commis pour surveiller les opérations d'un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d'état liquidatif- que toutes les demandes relatives à ce projet doivent être présentées ensemble dans une seule instance, toute demande distincte étant irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. X... Y... a présenté sa demande en revendication d'un salaire différé avant que le notaire désigné pour procéder aux opérations de partage n'ait établi le procès-verbal susvisé ; qu'en considérant néanmoins, au visa des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile, que M. X... Y... était irrecevable en sa demande, au prétexte qu'il aurait « été déjà demandé aux juridictions de statuer sur l'ensemble des points qui apparaissaient faire désaccord entre les parties et s'opposer à un partage amiable », la cour d'appel a violé lesdits articles ;

3°/ que la renonciation à un droit, qui ne se présume pas, ne peut résulter que d'actes clairs et non équivoques ; qu'en l'espèce, pour déclarer M. X... Y... irrecevable en sa demande en revendication d'une créance de salaire différé, les juges du fond ont relevé qu'« en ne sollicitant pas de salaire différé durant la première instance, alors même que cette question avait été en débats avant l'introduction de l'instance et l'était pour deux cohéritiers durant l'instance, M. X... Y... y a nécessairement renoncé » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la renonciation non équivoque de M. X... Y... en sa demande en revendication d'une créance de salaire différé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'au cours d'une première instance en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions opposant les mêmes parties, deux cohéritiers ont fait valoir une créance de salaire différé sans que M. X... Y... ne présente une demande similaire, alors qu'il ressort d'une note de renseignements du notaire qu'il avait envisagé de se prévaloir d'une telle créance pour les années 1972 à 1979 ; qu'il retient que celui-ci, parfaitement informé de ses droits sur cette question, a manifestement abandonné cette réclamation lorsque certains cohéritiers ont sollicité un partage judiciaire et ainsi renoncé à toute demande sur ce point ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a caractérisé la manifestation claire et non équivoque de la volonté de M. X... Y... de renoncer à toute demande au titre d'une créance de salaire différé ; que le moyen, qui critique en ses deux premières branches des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mmes Eliane, Yvonne et Elise Y... et à MM. F... et Philippe Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me C..., avocat aux Conseils, pour M. X... Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Monsieur X... Y... irrecevable en sa demande en revendication d'une créance de salaire différé,

AUX MOTIFS QUE "Un premier litige a opposé les parties, aux termes duquel les consorts Y... avaient assigné X... Y... pour demander l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs parents, former contre lui un certain nombre de demandes de rapport à succession et pour deux d'entre eux, F... et Yvonne Y..., former des demandes de salaires différés. Cette assignation a conduit aux prononcés d'un jugement le 1er octobre 2012 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc puis d'un arrêt de cette Cour du 22 avril 2014 qui a fait l'objet d'une cassation sur une seule de ses dispositions, soit celle ordonnant le rapport par X... Y... de l'avantage indirect représenté par la somme de 32.192,02 euros de fermages impayés. A aucun moment durant ces procédures, M. X... Y... n'a formé de demande de salaires différés, alors même qu'il s'opposait aux prétentions émises par son frère et sa soeur à ce titre et que les courriers échangés par les conseils et les notaires, avant l'introduction de l'instance, évoquaient la possibilité d'une telle réclamation de sa part. Les dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile rappellent qu'en matière de partage, toutes les demandes, qu'elles émanent du défendeur ou du demandeur, ne constituent qu'une seule instance. S'il est exact que les nouvelles prétentions de M. X... Y... ont été formées avant que le notaire désigné par le jugement du 1er octobre 2012 ait établi le procès-verbal prévu par l'article 1373 du code de procédure civile, il n'en demeure pas moins qu'il a été déjà demandé aux juridictions de statuer sur l'ensemble des points qui apparaissaient faire désaccord entre les parties et s'opposer à un partage amiable. Dès lors, en ne sollicitant pas de salaire différé durant la première instance, alors même que cette question avait été en débats avant l'introduction de l'instance et l'était pour deux cohéritiers durant l'instance, M. X... Y... y a nécessairement renoncé et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré ses prétentions irrecevables" (arrêt, p. 3 et 4),

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE "la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes ou d'attitudes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; en l'espèce, qu'il résulte des pièces versées aux débats par les défendeurs qu'avant l'introduction de l'instance ayant donné lieu au jugement du 1er octobre 2012, les héritiers de Jean-François Y... et Elise H... ont tenté de parvenir à un règlement amiable des successions, par l'intermédiaire de Maître I... , notaire, et de Maître D..., avocat des frères et soeurs de Monsieur X... Y... ; Que dans un courrier du 7 novembre 2007 adressé au notaire, cette dernière sollicitait communication d'une copie du bail rural régularisé en 1979 entre Monsieur X... Y... et ses parents, en rappelant que selon cet acte, Monsieur X... Y... renonçait au bénéfice du salaire différé auquel il pouvait prétendre au motif que ses parents lui laissaient en totalité le cheptel, ainsi que le matériel pour reprendre l'activité (pièce 10) ; Que précédemment et par courrier du 6 juillet 2007, le conseil des consorts Y... avait déjà évoqué une demande de salaire différé formulée par Monsieur X... Y... pour indiquer que ses clients étaient étonnés de cette réclamation dans la mesure où leur père avait indiqué avoir largement indemnisé leur frère X... du salaire différé (pièce 13) ; Que dans une « note de renseignements » non datée mais rédigée par le notaire, ce qui n'est pas contesté, celui-ci avait relevé, notamment, les éléments suivants : 1. Cession d'exploitation : Certains héritiers reprochent à Monsieur X... Y... de ne pas avoir acheté l'exploitation familiale. Ils considèrent que celle-ci lui a été remise en paiement d'un salaire différé. 2.- Salaire différé : Monsieur X... Y... demande un salaire différé pour les années 1972 à 1979. D'autres héritiers en font état pour des périodes plus courtes. Qu'il est constant que dans le cadre de la précédente procédure ayant opposé les mêmes parties, visant en particulier à voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions, Monsieur X... Y..., qui avait alors la qualité de défendeur, n'a formé aucune demande reconventionnelle au titre d'une créance de salaire différé, concluant uniquement au rejet des prétentions adverses à l'exception de celle relative à l'ouverture des opérations de règlement des successions ; Que, de leur côté, Madame Yvonne E... et Monsieur F... Y... avaient fait valoir, chacun en ce qui le concerne, une créance de salaire différé ; Que lors de l'examen de la demande portant sur le rapport à succession des avantages indirects et dons manuels dont avait pu bénéficier Monsieur X... Y..., le tribunal a observé que le défendeur ne prétend pas disposer d'une créance sur la succession au titre de salaires différés... (page 8 du jugement) ; Que Monsieur X... Y... a formé un recours contre le jugement du 1er octobre 2012 et dans les conclusions qu'il a déposées devant la cour d'appel (pièce 3 des défendeurs), il n'a évoqué à aucun moment l'existence en sa faveur d'une créance de salaire différé ; Qu'il apparaît ainsi que Monsieur X... Y..., qui avait parfaitement connaissance des dispositions légales en matière de salaire différé et avait d'ailleurs envisagé dans un premier temps de revendiquer une créance de cette nature auprès de ses cohéritiers, ce dont il avait informé le notaire chargé du règlement des successions, a manifestement abandonné cette réclamation lorsque ses soeurs et l'un de ses frères ont décidé de provoquer un partage judiciaire ; Qu'en s'abstenant de présenter une demande reconventionnelle sur ce point, en réponse aux prétentions de ses cohéritiers dont certaines portaient précisément sur des créances de salaire différé, Monsieur X... Y... a entendu à l'évidence y renoncer ; Que son attitude ne laissait, en effet, aucun doute sur sa volonté de renoncer à se prévaloir d'une créance de salaire différé et il ne saurait désormais soutenir que le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc n'a jamais eu l'occasion, jusqu'à ce jour, de se prononcer sur sa revendication, sauf à considérer que son changement de position entre les deux instances était justifié, ce qui n'est nullement démontré, et étant rappelé, au surplus, qu'en application de la règle de l'estoppel, une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui ; Que Monsieur X... Y... sera déclaré irrecevable en sa demande" (jugement, p. 4 et 5),

1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ;

Que, pour déclarer M. X... Y... irrecevable en sa demande en revendication d'une créance de salaire différé, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc (17 février 2015) avait fondé sa décision sur la renonciation par celui-ci à se prévaloir d'une telle créance ; que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts Y... se sont encore prévalu de la renonciation de M. X... Y... à se prévaloir d'une créance de salaire différé ; que, cependant, pour déclarer à son tour irrecevable cette demande, la cour d'appel ne s'est plus fondée sur la renonciation, mais sur les dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, par un moyen de droit relevé d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction visé à l'article 16 du code de procédure civile et 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE ce n'est qu'en cas désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire – ce qui donne lieu à la transmission par celui-ci au juge commis pour surveiller les opérations d'un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d'état liquidatif – que toutes les demandes relatives à ce projet doivent être présentées ensemble dans une seule instance, toute demande distincte étant irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis ;

Qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. X... Y... a présenté sa demande en revendication d'un salaire différé avant que le notaire désigné pour procéder aux opérations de partage n'ait établi le procès-verbal susvisé ;

Qu'en considérant néanmoins, au visa des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile, que M. X... Y... était irrecevable en sa demande, au prétexte qu'il aurait « été déjà demandé aux juridictions de statuer sur l'ensemble des points qui apparaissaient faire désaccord entre les parties et s'opposer à un partage amiable », la cour d'appel a violé lesdits articles ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE la renonciation à un droit, qui ne se présume pas, ne peut résulter que d'actes clairs et non équivoques ;

Qu'en l'espèce, pour déclarer M. X... Y... irrecevable en sa demande en revendication d'une créance de salaire différé, les juges du fond ont relevé qu'« en ne sollicitant pas de salaire différé durant la première instance, alors même que cette question avait été en débats avant l'introduction de l'instance et l'était pour deux cohéritiers durant l'instance, M. X... Y... y a nécessairement renoncé » ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la renonciation non équivoque de M. X... Y... en sa demande en revendication d'une créance de salaire différé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-19413
Date de la décision : 15/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 28 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 mai. 2018, pourvoi n°17-19413


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19413
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