LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean-Pierre X... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder son épouse en secondes noces, Mme Y..., et son fils issu d'une première union, M. Vincent X... ; que des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et de partage ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme Y... une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;
Attendu, qu'après avoir retenu que M. X... faisait obstacle, depuis dix années, à la liquidation et au partage de la succession en refusant de signer le projet d'acte liquidatif dressé par le notaire désigné et en multipliant les recours, la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a souverainement apprécié le préjudice subi par Mme Y... ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que l'arrêt rejette la demande de M. X... de fixer à un certain montant la valeur d'un immeuble et dit que le notaire désigné devra la déterminer, au regard des documents communiqués par chacune des parties ou, à défaut, sur la base de l'avis contradictoire d'un sapiteur qu'il mandatera ;
Qu'en se dessaisissant et en déléguant ses pouvoirs au notaire liquidateur, alors qu'il lui incombait de trancher elle-même la contestation dont elle était saisie, la cour d'appel a méconnu son office et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X... en fixation de la valeur vénale du bien immobilier sis à Paris avenue
[...] à la somme de 1 002 375 euros et dit qu'il appartient au notaire désigné de déterminer cette dernière au regard des documents communiqués par chacune des parties ou, à défaut, sur la base de l'avis contradictoire d'un sapiteur qu'il mandatera, l'arrêt rendu le 15 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. Vincent X... de sa demande tendant à voir fixer la valeur vénale du bien immobilier sis à Paris avenue[...] à la somme de 1 002 375
euros et dit qu'il appartient au notaire désigné de déterminer cette dernière, au regard des documents communiqués par chacune des parties ou, à défaut, sur la base de l'avis contradictoire d'un sapiteur qu'il mandatera, et d'avoir renvoyé les parties devant le notaire désigné aux fins d'établissement de l'acte définitif de partage ;
AUX MOTIFS QUE « sur la valeur vénale de ce bien immobilier, l'appelant ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, que celle-ci doit être arrêtée à la somme de 1.002.375 euros, le notaire désigné devant déterminer cette dernière, au regard des documents communiqués par chacune des parties ou, à défaut, sur la base de l'avis contradictoire d'un sapiteur qu'il mandatera ;
Que M. Vincent X... sera débouté de sa prétention formulée sur ce point » ;
ALORS QUE méconnaît son office le juge qui se dessaisit et délègue ses pouvoirs au notaire liquidateur ; qu'en décidant qu'il appartiendra au notaire désigné de « déterminer » la valeur vénale du bien immobilier sis à Paris avenue
[...], la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné M. Vincent X... à payer à Mme Brigitte Y... veuve X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier par elle subi ;
AUX MOTIFS QUE « sur la demande présentée par Mme Brigitte Y... veuve X..., tendant à l'octroi de dommages et intérêts, l'examen de la procédure soumise à la cour démontre que l'appelant fait obstacle, depuis dix années, à ce que la succession soit liquidée, en refusant de signer le projet d'acte liquidatif dressé par le notaire désigné et en multipliant les voies de recours à l'encontre des décisions rendues, revêtues de l'autorité de la chose jugée, attitude opposante qui occasionne à l'intimée un préjudice financier, caractérisé par l'absence de perception des fonds lui revenant au titre de ladite succession et l'engagement de frais inhérents à l'entretien et à la conservation des immeubles en dépendant ;
Que par suite il convient d'infirmer la décision déférée sur ce point et, statuant à nouveau, de condamner M. Vincent X... à payer à Mme Brigitte Y... veuve X... la somme de 10 000 euros en réparation de l'entier préjudice financier par elle supporté » ;
1°/ ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en condamnant M. X... à payer à Mme Y... une somme « à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier par elle subi », « caractérisé par l'absence de perception des fonds lui revenant au titre de ladite succession et l'engagement de frais inhérents à l'entretien et à la conservation des immeubles en dépendant » (arrêt, pp. 6-7), quand celle-ci n'avait à aucun moment demandé réparation d'un quelconque préjudice « financier » de cette nature, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE, subsidiairement, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'à supposer qu'elle n'aurait pas modifié l'objet du litige en se prononçant sur l'indemnisation d'un « préjudice financier » dont elle n'était pas saisie, la cour d'appel aurait alors relevé d'office l'existence d'un tel préjudice qu'aucune des parties n'alléguait, sans provoquer les observations des parties, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en fondant pourtant la condamnation de M. X... à verser des dommages et intérêts à Mme Y... sur « l'absence de perception des fonds lui revenant au titre de ladite succession et l'engagement de frais inhérents à l'entretien et à la conservation des immeubles en dépendant », cependant que de tels éléments n'étaient aucunement dans le débat, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile.