LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 avril 2011, la société ABS handi transport a confié un véhicule automobile à la société Vigier (le garagiste), qui a changé le turbo compresseur ; que, le 12 juillet de la même année puis le 3 août, le véhicule a subi une nouvelle panne due à la défectuosité de cette pièce mécanique ; qu'après réalisation d'une mesure d'expertise, la société ABS handi transport a assigné le garagiste et son assureur, la société Monceau générale assurance, en indemnisation ;
Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts au titre des frais de location d'un véhicule de remplacement jusqu'au 31 décembre 2012, l'arrêt relève que, malgré une immobilisation du véhicule depuis le 3 août 2011, l'expertise amiable, à laquelle les parties ont été convoquées au mois de mai 2012, n'a été réalisée qu'au mois de juillet suivant, soit près d'un an plus tard ; qu'il ajoute que l'assureur n'a pas tardé à répondre à la demande d'indemnisation présentée au mois de mars 2013 ; qu'il retient que, dès lors, le retard est imputable à la société ABS handi transport, dont l'inaction a eu pour conséquence d'aggraver le préjudice résultant des frais de location d'un véhicule de location, ce qui exclut toute prise en charge de ces débours par le garagiste et son assureur ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser la faute de la société ABS handi transport ayant causé l'aggravation de son préjudice, qui ne pouvait résulter de la seule constatation de la date de la convocation des parties aux opérations d'expertise et de la durée de ces dernières ni du délai de réponse de l'assureur à une demande postérieure à la période de location examinée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société ABS handi transport au titre des frais de location d'un véhicule de remplacement, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne les sociétés Monceau générale assurances et Vigier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne in solidum à payer à la société ABS handi transport la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société ABS handi transport.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par infirmation du jugement frappé d'appel, rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la SARL ABS HANDI TRANSPORT au titre des frais de location d'un véhicule de remplacement et d'avoir seulement confirmé le jugement en ce qu'il avait alloué à la SARL ABS HANDI TRANSPORT une somme de 1 500 euros au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS ADOPTES, sur les frais d'immobilisation et de perte de jouissance du 12 juillet 2011 au 31 décembre 2011, du 1er janvier 2012 au 1er juillet 2012 et du 1er août 2012 au 1er août 2013, QUE le 12 juillet 2011 correspond à la seconde panne et le 1er juillet 2012 au terme de l'expertise amiable close le 6 juillet 2012 ; qu'il est dès lors exact que pendant ces périodes, la SARL ABS HANDI TRANSPORT n'a pas pu disposer de son véhicule immobilisé pour les besoins de la cause ; que la demanderesse ne justifie cependant pas des frais d'immobilisation par elle exposés, étant précisé que l'expert amiable indique que les Etablissements RENAULT ROUSSEAU n'ont réclamé aucuns frais de gardiennage du 12 juillet 2011 au 1er juillet 2012 ; qu'en conséquence, seul son préjudice de jouissance pourra être indemnisé à hauteur de 1 500 euros ;
ET AUX MOTIFS PROPRES, sur les frais d'immobilisation et de perte de jouissance et les frais de location d'un véhicule de remplacement, QUE le véhicule de la SARL ABS HANDI TRANSPORT a connu une première avarie mécanique le 16 avril 2011, ce qui a donné lieu à l'intervention de la SARL VIGIER le 13 mai 2011 ; qu'une deuxième avarie mécanique survenue sur le véhicule le 12 juillet suivant avec une intervention réalisée par le garage RENAULT d'Argenteuil ; que le véhicule a finalement été immobilisé le 3 août 2011 après la survenue d'une troisième avarie mécanique ; que le premier juge a évalué à son juste montant l'indemnité devant revenir à la SARL ABS HANDI TRANSPORT au titre du préjudice de jouissance subi entre le 12 juillet et le dépôt du rapport d'expertise amiable au mois de juillet 2012 en allouant à celle-ci la somme de 1 500 euros ; que la décision sera donc confirmée de ce chef ; qu'en revanche, la demande formée au titre du préjudice de jouissance entre le 12 juillet 2011 et le 1er juillet 2012 et la demande formée au titre du remboursement de ses frais de location d'un véhicule de remplacement durant ladite période font double emploi puisque l'intimée ne peut, tout à la fois, invoquer la privation de la jouissance du véhicule et le remboursement du coût du remplacement de celui-ci durant les périodes identiques ;
ET AUX MOTIFS QUE s'agissant de la demande formée au titre du remboursement des frais de location du véhicule de remplacement pour la période du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, il convient de rappeler que le garage responsable de l'intervention défectueuse et son assureur ne sauraient supporter la conséquence du retard pris par le propriétaire du véhicule sinistré dans les démarches que celui-ci doit effectuer en vue d'obtenir l'indemnisation de son préjudice ; qu'en l'espèce il y a lieu de rappeler qu'alors que l'immobilisation du véhicule est survenue le 3 août 2011, les parties n'ont été convoquées à l'expertise amiable qu'au mois de mai 2012 – cette expertise n'étant finalement réalisée qu'au mois de juillet suivant, soit presque un an plus tard ; que cet important retard n'est imputable qu'à l'inaction de la SARL ABS HANDI TRANSPORT et a eu pour effet d'aggraver son propre préjudice en faisant courir un coût de location sans rapport avec les frais de remise en état du véhicule ; qu'il sera à cet égard observé notamment que la société MONCEAU GENERALE ASSURANCES a répondu dès le 19 mars 2013 avec des offres d'indemnisation à la demande qui lui avait été faite le 5 mars précédent ; qu'en conséquence, ni la SARL VIGIER ni l'assureur de celle-ci ne sauraient être tenus au remboursement des frais de location d'un véhicule de remplacement de la part de la SARL ABS HANDI TRANSPORT ;
que la décision déférée sera donc infirmée sur ce point ;
1/ ALORS QU'en allouant à la SARL ABS HANDI TRANSPORT, pour la période du 5 août 2011 au 1er juillet 2012, à la fois une somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance et le remboursement des frais de location de remboursement de véhicule de remplacement, le tribunal de grande instance avait nécessairement considéré que le trouble de jouissance indemnisé était distinct du préjudice matériel consistant dans le prix de location du véhicule de remplacement ; qu'ayant confirmé purement et simplement le jugement du tribunal en ce qu'il avait octroyé à la SARL ABS HANDI TRANSPORT une somme de 1 500 euros au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance, la cour d'appel ne pouvait, sans omettre de tirer les conséquences légales de ses constatations, retenir que la demande accueillie par les premiers juges et la demande de remboursement des frais de location d'un véhicule de remplacement faisaient double emploi ; qu'elle a donc violé le principe de la réparation intégrale ensemble les articles 1147, 1149 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016
2/ ALORS QUE si elle estimait que le tribunal de grande instance avait à tort indemnisé deux fois le même préjudice, la cour d'appel, qui a confirmé le jugement entrepris sur l'allocation d'une somme de 1 500 euros au titre du préjudice de jouissance, ne pouvait se borner à relever que la perte de jouissance ainsi réparée et les frais de location d'un véhicule de remplacement concernaient des périodes identiques sans s'assurer que l'indemnité allouée par les premiers juges couvrait bien les frais de location dont elle n'a pas nié l'existence ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale ensemble les articles 1147, 1149 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3/ ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en jugeant que le garage responsable de l'intervention défectueuse et son assureur n'avaient pas à supporter la conséquence du retard pris par le propriétaire du véhicule sinistré dans les démarches que celui-ci doit effectuer en vue d'obtenir l'indemnisation de son préjudice et que l'inaction de la SARL ABS HANDI TRANSPORT avait eu pour effet d'aggraver son propre préjudice en faisant courir un coût de location sans rapport avec les frais de remise en état du véhicule, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du dommage, ensemble les articles 1147, 1149 et 182 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4/ ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que seule la faute de la victime ayant aggravé le préjudice matériel peut exonérer partiellement l'auteur du dommage ; qu'en se bornant, pour dire que le retard dans l'indemnisation de la remise en état du véhicule était imputable à l'inaction de la SARL ABS HANDI TRANSPORT, que l'immobilisation du véhicule étant survenue le 3 août 2011, les parties n'avaient été convoquées à l'expertise amiable qu'en mai 2012, que l'expertise n'a été réalisée qu'un an plus tard et que l'assureur avait, de son côté, répondu dès le 19 mars 2013 avec une offre d'indemnisation à la demande qui lui avait été faite le 5 mars précédent, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la SARL ABS HANDI TRANSPORT avait pu maîtriser le délai de saisine de l'expert amiable et la durée des opérations d'expertise et qui n'a pas examiné le comportement de la SARL VIGIER et de son assureur, ni celui de l'expert pendant la période litigieuse, n'a pas caractérisé de faute de la SARL ABS HANDI TRANSPORT et a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du dommage ensemble les articles 1147, 1149 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.