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09/05/2018 | FRANCE | N°16-86132

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 mai 2018, 16-86132


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Eric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 3-5 en date du 9 septembre 2016, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, dix ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique

du 28 mars 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Eric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 3-5 en date du 9 septembre 2016, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, dix ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 mars 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le troisième moyen de cassation ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les griefs allégués ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 222-22, 222-30, 2°, 222-29, 1° du code pénal, dans leur rédaction applicable à la cause, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, à une peine complémentaire et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il est reproché à M. X... d'avoir commis des attouchement sexuels sur la personne de Yonathan Z..., alors âgé de 14 ans, ce qu'il nie fermement ; que les déclarations circonstanciées et mesurées de Yonathan Z... sont constantes depuis plus de dix ans, excepté quelques détails insignifiants et corroborées par sa tentative de déposer une plainte et la chute brutale de ses résultats scolaires dès son retour en Israël, les témoignages de son oncle, M. Philippe A..., de son père et de sa grand-mère paternelle, les attestions d'un psychologue et d'un membre d'un service éducatif qui l'ont rencontré à Jérusalem et, surtout, par les témoignages de M. Dan Z... et de M. Philippe B..., lui-même victime d'agissements de même nature dans sa jeunesse et qui n'a aucun lien avec la famille Z... ; que la plainte déposée en 2004 par Yonathan Z..., en Israël, a été classée sans suite pour des raisons procédurales, en raison du lieu de commission des faits et du domicile de l'auteur désigné des faits ; qu'en revanche, celle reçue le 10 juillet 2009 par la brigade de protection des mineurs de Paris ainsi que l'enquête et l'instruction qui ont suivi, ont mis à jour le mode opératoire du prévenu et sa personnalité ; qu' il a été ainsi établi que M. X..., qui a la parole facile, comme la cour a pu le constater, et qui impressionnait son entourage par "sa culture et son intelligence", a profité de son activité de psychothérapeute, autodidacte, pour s'introduire dans une famille où sa présence a manifestement exacerbé les conflits qui l'agitaient déjà jusqu'à provoquer une scission ; qu'il a progressivement imposé son emprise sur le couple Z..., qui a été amené à payer ses dettes après son départ d'Israël, emprise qu'il a renforcée ensuite sur la seule Mme Lydia Z..., qui lui a confié ses enfants sur lesquels il a pu assouvir ses désirs sexuels, ses jeunes victimes lui faisant confiance en sa qualité de thérapeute de leur mère, étant relevé qu'il pouvait devenir violent, verbalement ou psychologiquement ; que lorsqu'il rencontrait une opposition, comme l'a relaté Yonathan Z... au sujet du port d'un slip de bain orange ou de lunettes, ce que M. Dan Z... a confirmé, indiquant que M. X... avait "des tendances très colériques "du mal à se contrôler dans ces moments-là" et qu'il était aussi très rancunier ; que la cour relève également la faible coopération du prévenu à l'enquête et à l'information, comme le fait avéré qu'il a menti pendant l'instruction de l'affaire ; qu'ainsi, concernant les agressions sexuelles à l'encontre de M. B..., il a d'abord déclaré "c'est quelque chose que j'ai proscrit de ma mémoire", "cela appartient à mon histoire", avant de reconnaître, après confirmation que les faits étaient prescrits, qu'il avait eu des "relations sexuelles" avec cet enfant, alors âgé de "10 ou 12 ans", relations qui s'étaient poursuivies durant plusieurs armées, une "erreur de jeunesse", selon lui ; qu'il a également fini par reconnaître une relation homosexuelle pendant une dizaine d'années avec M. Dan Z..., mais après la majorité de ce dernier, tout en maintenant ses dénégations sur les faits dénoncés et subis avant ses quinze ans au cours de ses séances de "thérapie" ; que ce comportement ne permet pas de prendre sérieusement en considération les dénégations du prévenu, qui invoque, pour expliquer les "élucubrations" de Yonathan Z..., un complot, un contentieux financier entre les familles, qui ne sont étayés par aucun élément probant ou un désir de vengeance de la part de Yonathan, qui ne lui aurait toujours pas pardonné le divorce de ses parents ; que les explications de M. Dan Z... sur son silence ou ses omissions pendant l'instruction confirment, au contraire, l'emprise instaurée par le prévenu sur son entourage et ont convaincu la cour sur sa crédibilité; que les rapports des psychologues et des psychiatres, qui ont entendu une histoire "volontairement livrée de façon succincte et compartimentée", décrivent un homme égocentré, sûr de lui, dissimulateur, capable de compartimenter sa vie et il a, notamment, été relevé son souci "de se présenter au mieux" comme le fait qu'il pouvait rester particulièrement vague sur les points qu'il ne souhaitait pas voir aborder ; que d'autres témoignages, d'origine familiale ou professionnelle, le décrivent comme quelqu'un de très autoritaire et sûr de lui, mais pouvant être charmant, pouvant être fabulateur pour se mettre en valeur ou un cachottier, dont la vie est pleine de zones d'ombres ; que ni les pièces du dossier, ni les débats n'ont mis en évidence une quelconque cause d'exonération de la responsabilité pénale du prévenu au moment des faits, de sorte que l'élément intentionnel de l'infraction ne saurait être contesté ; que c'est donc par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée et par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que l'infraction était caractérisée dans tous ses éléments ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité ;

"et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'il est établi que Yonathan Z..., âgé de 14 ans lors des faits reprochés, compte tenu de son jeune âge, de son inexpérience, de l'influence qu'exerçait M. X..., en tant qu'ami et thérapeute de la famille, a été surpris, la première fois à Paris, des abus sexuels infligés ; que sidéré par la situation, hébergé par cet adulte qui avait les faveurs de sa mère et impressionné par son attitude colérique, Yonathan Z... s'est par la suite trouvé contraint de subir les attouchements ; que, dès lors, les atteintes sexuelles commises avec contrainte ou surprise telles qu'elles étaient définies par la loi du 17 juin 1998, en vigueur en avril 2003, sont constituées et imposent la condamnation de M. X... ;

"1°) alors que constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; que les juges du fond ne pouvaient se borner à réfuter les dénégations de M. X... sans caractériser les atteintes sexuelles qui lui étaient reprochées ;

"2°) alors que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie ; que la cour d'appel devait établir positivement la culpabilité de M. X... sans se borner à constater qu'il échouait à se disculper ;

"3°) alors que constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; que la violence, la contrainte, la surprise ou les menaces doivent résulter d'un comportement volontaire du prévenu et non pas seulement des sentiments éprouvés par la partie civile ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que la partie civile avait été « surprise » ou « sidérée » ou « s'était trouvée contrainte », sans caractériser d'actes volontaires de contrainte ou de surprise dans le comportement du prévenu ;

"4°) alors qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que l'intention ne peut résulter de la seule absence de cause d'exonération ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que « ni les pièces du dossier, ni les débats n'ont mis en évidence une quelconque cause d'exonération de la responsabilité pénale du prévenu au moment des faits, de sorte que l'élément intentionnel de l'infraction ne saurait être contesté »" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Yonathan Z..., de nationalité israélienne, a dénoncé en juillet 2009 des faits d'agression sexuelle commis en avril 2003, alors qu'il avait 14 ans, par M. X..., ami de sa famille, lors d'un séjour à Paris et au Maroc pendant des vacances scolaires ; que, mis en examen, M. X... les a contestés et soutenu que la dénonciation était la conséquence du divorce des parents du jeune homme, que celui-ci lui imputait ; que, renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d'instruction en date du 8 octobre 2012, il a été déclaré coupable d'agressions sexuelles aggravées et condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs pour une durée de dix ans ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ;

Attendu que pour déclarer M. X... coupable d'agressions sexuelles aggravées, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, relève la constance, la cohérence et le caractère non vindicatif des déclarations de Yonathan Z..., l'emprise exercée par le prévenu sur celui-ci, sa différence d'âge, son état de sidération lors des premiers faits, puis de gêne et de peur s'il ne se soumettait pas à ses gestes à connotation sexuelle, enfin, sa détresse morale lors de son retour dans sa famille, alors que sa mère restait sous l'influence du prévenu qu'elle consultait régulièrement en sa qualité prétendue de psychothérapeute ; que les juges retiennent que M. X..., décrit par son entourage comme une personne autoritaire, pouvait devenir violent, verbalement ou psychologiquement, lorsqu'il rencontrait une opposition ; que les juges ajoutent qu'a été décrit un mode opératoire identique par une autre victime, M. B... lors de la mesure d'information, puis à l'audience de la cour, par le frère de Yonathan Z..., lors de la commission, reconnue par le prévenu, d'actes sexuels qu'ils avaient dûs subir et qui se trouvaient désormais prescrits ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a fait une exacte application des dispositions interprétatives de l'article 222-22-1 du code pénal et constaté l'existence d'une autorité de fait sur la victime, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles132-19, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à trois ans d'emprisonnement dont deux assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve ;

"aux motifs qu'au regard de la nature et de la gravité des faits décrits ci-dessus, de leur retentissement sur la victime comme de la personnalité du prévenu, qui maintient son déni des faits, la cour considère qu'il y a lieu pour sanctionner l'infraction commise de manière plus adaptée, de modifier le quantum de la peine prononcée par les premiers juges et, infirmant le jugement déféré, de condamner M. X... à une peine d'emprisonnement de trois ans, assortie d'un sursis pendant deux ans et d'une mise à l'épreuve pendant trois ans, suivant les modalités fixées au dispositif ci-après, toute autre sanction étant manifestement inadéquate ; que l'insuffisance des renseignements dont dispose la cour sur la situation personnelle exacte du prévenu fait obstacle à ce que la peine prononcée fasse l'objet, ab initio, de mesures d'aménagement prévues par les articles 132-25 à 132-28 du code pénal ;

"1°) alors que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; que cette motivation ne peut se borner à reprendre, de façon stéréotypée, les termes de la loi ;

"2°) alors que si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit, en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que la cour d'appel qui se borne à énoncer que « l'insuffisance des renseignements dont dispose la cour sur la situation personnelle exacte du prévenu fait obstacle » à l'aménagement, ne caractérise pas d'impossibilité matérielle d'aménagement ni ne motive sa décision au regard des faits de l'espèce et de la personnalité du prévenu" ;

Attendu que, pour condamner M. X... à la peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, la cour d'appel, devant laquelle le prévenu a comparu, retient, au vu de la nature et de la gravité des faits, de leur retentissement sur la victime et de la personnalité du prévenu, dont les experts psychiatres et psychologues s'accordent pour retenir qu'elle est marquée par des traits associant méfiance et susceptibilité, auto-suffisance, rigidité du fonctionnement mental, lesquels traits avaient pour conséquence de lui faire retracer sa vie que de façon succincte et compartimentée et de le maintenir dans son déni des faits, qu'il y a lieu, pour sanctionner, de manière plus adaptée, l'infraction commise, de modifier la peine prononcée par les premiers juges et de le condamner à une peine d'emprisonnement de trois ans dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, toute autre sanction étant manifestement inadéquate, alors que l'insuffisance des renseignements donnés sur la situation personnelle exacte du prévenu fait obstacle à ce que la partie ferme de la peine prononcée fasse l'objet, ab initio, de mesures d'aménagement prévues par les articles 132-25 à 132-28 du code pénal ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, desquels il résulte que, d'une part, la gravité de l'infraction, les traits de personnalité de son auteur relevés par les experts, son parcours de vie rapportée de façon succincte et compartimentée rendent manifestement inadéquat toute autre sanction, et d'autre part, l'impossibilité de prononcer une mesure d'aménagement de cette partie ferme de la peine en l'absence d'éléments et de justificatifs communiqués par le prévenu concernant sa situation matérielle, familiale et sociale actuelle, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à la société civile professionnelle Rousseau-Tapie au titre de l'article 37.2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-86132
Date de la décision : 09/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 mai. 2018, pourvoi n°16-86132


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.86132
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