LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Toulouse, 29 novembre 2016), statuant en la forme des référés, que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Ducamy (le CHSCT) a décidé, le 9 septembre 2016, du recours à une expertise pour risque grave ; que la société a saisi le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir l'annulation de cette délibération ;
Attendu que le CHSCT fait grief à l'ordonnance de faire droit à cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le CHSCT peut recourir au service d'un expert lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans l'établissement ; qu'en affirmant qu'il ne ressort pas des pièces et attestations produites aux débats, nonobstant des arrêts pour maladie non professionnelle concernant trois salariés, l'existence d'une compression des effectifs, de surcharges de travail, de rotation des emplois et plus généralement d'un quelconque danger psychosocial pour les salariés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'existence d'un risque grave ne résultait pas du fait que quatre salariées avaient été placées en arrêt de travail en raison du harcèlement moral dont elles avaient été victimes et des syndromes de dépression réactionnelle en relation avec la dégradation des conditions de travail au sein de l'Intermarché de [...] , et que trois d'entre elles faisaient l'objet d'une procédure tendant à la reconnaissance d'un accident du travail, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;
2°/ qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'il ressort des termes clairs et précis du courrier que l'inspection du travail avait adressé au CHSCT, le 14 juin 2016, que l'enquête qu'elle avait diligentée concernant certains salariés révélait « plusieurs indicateurs de risques psychosociaux traduisant par divers symptômes (stress...) que certains salariés attribuent à leur environnement professionnel » et que « les cas de violence internes font également partis des risques qui doivent être évalués et l'employeur doit tenter de les prévenir dans le cadre d'une démarche de prévention collective » ; qu'en affirmant que par un courrier du 21 septembre 2016, l'inspection du travail avait indiqué « ne pas avoir connaissance d'indicateurs laissant à percevoir l'émergence dans l'entreprise d'un risque grave à savoir une souffrance et les risques psychosociaux associés », le président du tribunal a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 14 juin 2016, en violation du principe précité ;
3°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen par lequel les exposants ont soutenu que par un courrier adressé le 14 juin 2016 au CHSCT, l'inspection du travail avait constaté que l'enquête qu'elle avait diligentée concernant certains salariés révélait « plusieurs indicateurs de risques psychosociaux se traduisant par divers symptômes (stress...) que certains salariés attribuent à leur environnement professionnel » et que « les cas de violence internes font également partis des risques qui doivent être évalués et l'employeur doit tenter de les prévenir dans le cadre d'une démarche de prévention collective », le président du tribunal a subsidiairement méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, de dénaturation et de défaut de réponse à conclusions, le pourvoi ne tend qu'à mettre en discussion devant la Cour de cassation des faits qui ont été souverainement appréciés par le juge du fond lequel, après avoir constaté qu'il ne ressortait pas des pièces et attestations produites aux débats, nonobstant des arrêts pour maladie non professionnelle concernant trois salariés, l'existence d'une compression des effectifs, de surcharges de travail, de rotation des emplois et plus généralement d'un quelconque danger psychosocial pour les salariés, a pu retenir que l'existence d'un risque grave n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ducamy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ducamy à payer au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de la société Ducamy la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour le comité d'Hygiène de sécurité et des conditions de travail de la société Ducamy et de Mmes Y... et Z....
Le pourvoi fait grief à l'ordonnance attaquée D'AVOIR prononcé l'annulation de la délibération du CHSCT de la société DUCAMY en date du 9 septembre 2016 ;
AUX MOTIFS QUE le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail (article L 4612-8-1 du code du travail) ; que "le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé : 1 ° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; / 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 ; que les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l'autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire" (article L 4614-12 du code du travail) ; que la charge de la preuve de l'existence d'un risque grave au sens de l'article L 4614-12 du code du travail incombe au CHSTC ; qu'en l'espèce, il est constant que : l'inspection du travail a été saisie par des membres du CHSCT et des salariés concernant l'existence de risques psychosociaux au sein de l'entreprise, / que dans un rapport en date du 14 juin 2016, l'inspection du travail, à l'issue d'une enquête relevant plusieurs indicateurs, invitait la SAS DUCAMY à prévenir le risque psychosocial en s'assurant que toutes les mesures nécessaires soient prises, / que le 5 juillet 2016, la SAS DUCAMY faisait parvenir à l'inspection du travail une réponse à son rapport du 14 juin 2016, tant en ce qui concerne les situations individuelles que de la prévention des risques psychosociaux avec l'annonce de la création, concernant ce dernier, d'une commission composée du médecin du travail, d'un membre du CHSTC et de la direction, / qu'aucune mise en demeure d'agir concernant un risque grave existant dans l'entreprise n'a été délivrée par l'inspection du travail dans le prolongement de la réponse du 5 juillet 2016 ; que, suivant courriel en date du 21 septembre 2016, l'inspection du travail, informée de la décision du CHSCT dont il est demandé l'annulation, disait ne pas avoir connaissance d'indicateurs laissant à percevoir l'émergence dans l'entreprise d'un risque grave à savoir une souffrance et les risques psychosociaux associés ; qu'il ne ressort pas des pièces et attestations produites aux débats, nonobstant des arrêts pour maladie non professionnelle concernant 3 salariés, l'existence d'une compression des effectifs, de surcharges de travail, de rotation des emplois et plus généralement d'un quelconque danger psychosocial pour les salariés ; que dans ces conditions, le CHSCT ne rapporte pas la preuve d'un risque grave au sens de l'article L 4614-12 du code du travail ; qu'il y a donc lieu d'annuler la délibération du CHSCT du 9 septembre 2016 ;
1. ALORS QUE le CHSCT peut recourir au service d'un expert lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans l'établissement ; QU'en affirmant qu'il ne ressort pas des pièces et attestations produites aux débats, nonobstant des arrêts pour maladie non professionnelle concernant trois salariés, l'existence d'une compression des effectifs, de surcharges de travail, de rotation des emplois et plus généralement d'un quelconque danger psychosocial pour les salariés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'existence d'un risque grave ne résultait pas du fait que quatre salariées avaient été placées en arrêt de travail en raison du harcèlement moral dont elles avaient été victimes et des syndromes de dépression réactionnelle en relation avec la dégradation des conditions de travail au sein de l'Intermarché de [...], et que trois d'entre elles faisaient l'objet d'une procédure tendant à la reconnaissance d'un accident du travail, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 4614-12 du code du travail.
2. ALORS QU'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'il ressort des termes clairs et précis du courrier que l'inspection du travail avait adressé au CHSCT, le 14 juin 2016, que l'enquête qu'elle avait diligentée concernant certains salariés révélait « plusieurs indicateurs de risques psychosociaux se traduisant par divers symptômes (stress...) que certains salariés attribuent à leur environnement professionnel » et que « les cas de violence internes font également partis des risques qui doivent être évalués et l'employeur doit tenter de les prévenir dans le cadre d'une démarche de prévention collective » ; qu'en affirmant que par un courrier du 21 septembre 2016, l'inspection du travail avait indiqué « ne pas avoir connaissance d'indicateurs laissant à percevoir l'émergence dans l'entreprise d'un risque grave à savoir une souffrance et les risques psychosociaux associés », le président du tribunal a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 14 juin 2016, en violation du principe précité ;
3. ALORS si tel n'est pas le cas QU'en s'abstenant de répondre au moyen par lequel les exposants ont soutenu que par un courrier adressé le 14 juin 2016 au CHSCT, l'inspection du travail avait constaté que l'enquête qu'elle avait diligentée concernant certains salariés révélait « plusieurs indicateurs de risques psychosociaux se traduisant par divers symptômes (stress...) que certains salariés attribuent à leur environnement professionnel » et que « les cas de violence internes font également partis des risques qui doivent être évalués et l'employeur doit tenter de les prévenir dans le cadre d'une démarche de prévention collective », le président du tribunal a subsidiairement méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.