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09/05/2018 | FRANCE | N°16-22854

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 mai 2018, 16-22854


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé, le 15 janvier 1999, par M. Z... en contrat à durée indéterminée à temps partiel de 84,50 heures en qualité de couturier ; qu'un conflit entre les parties étant apparu au sujet du nombre d'heures travaillées et de l'hygiène du local, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 13 décembre 2012 ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur par lettre du 17 juillet 2013 ;

Sur le premier m

oyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1152-1 du code du trava...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé, le 15 janvier 1999, par M. Z... en contrat à durée indéterminée à temps partiel de 84,50 heures en qualité de couturier ; qu'un conflit entre les parties étant apparu au sujet du nombre d'heures travaillées et de l'hygiène du local, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 13 décembre 2012 ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur par lettre du 17 juillet 2013 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Attendu que pour retenir l'existence d'un harcèlement moral et condamner l'employeur à payer au salarié une somme à ce titre, l'arrêt retient que les qualités professionnelles du salarié ne sont pas remises en question, que le dépôt de main courante allégué du 24 octobre 2012 n'a débouché sur aucune poursuite de la part du procureur de la République et ne donne aucun détail sur les propos qui lui auraient été tenus, qu'aucun élément ne vient caractériser et justifier les insultes et plaintes dont se prévaut le salarié, que M. B... a été embauché par l'employeur depuis le 2 avril 2013 et ce, de façon ponctuelle, afin que ce dernier vérifie l'encaissement des retouches au sein de la boutique, que le salarié produit des photos qui ne sont pas probantes en l'absence de date et de l'indication des personnes figurant sur les photos, que cependant, l'employeur reconnaît avoir embauché M. B... aux fins de contrôler le travail du salarié et d'encaisser les sommes dues, en raison d'un doute sur la réalité des encaissements opérés, qu'il est certain que cette façon de procéder au sein d'une petite boutique où la promiscuité a été imposée, a été vécue comme dénigrant et portant atteinte à la dignité du salarié et à juste titre alors que le conflit larvé n'a pas pu se régler correctement entre les deux contractants, qu'en outre, l'embauche de ce vigile, qui a démontré la suspicion de la part de l'employeur, s'est prolongée dans le temps, que ce dernier explique qu'il a prévenu son salarié par lettre recommandée le 10 novembre 2012 du fait qu'il était étonné de la faiblesse du chiffre d'affaires de 2010 et 2011, « toutes les recettes de la retoucherie n'étant pas inscrites en comptabilité », que ce seul fait constitue le fait de harcèlement moral ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, insusceptibles de constituer des éléments permettant de présumer un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de rappels de salaires de 2008 à 2012 inclus et de janvier à mars 2013, l'arrêt retient que les éléments produits permettent d'affirmer que le salarié a travaillé à temps plein dans la boutique puisque l'employeur produit un avenant proposé en ce sens et alors même qu'il se plaint de la baisse du chiffre d'affaires pour les années 2010 et 2011, que cette contradiction assortie des attestations fournies amène la cour d'appel à donner droit à la demande portant sur le rappel de salaires sollicité pour les années considérées, que la cour d'appel estime disposer d'éléments suffisants pour chiffrer le rappel de salaires à la somme demandée représentant 35 heures hebdomadaires de travail soit 37 883,40 euros dans la limite de la prescription quinquennale de 2008 à 2012 inclus outre la somme de 2 383 euros au titre du rappel de salaires pour la période comprise entre le mois de janvier à mars 2013 inclus ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir rejeté la demande d'heures supplémentaires du salarié au motif, notamment, qu'elle estimait ne pas avoir les éléments suffisants pour affirmer sans aucun doute que le salarié avait travaillé plus que les horaires indiqués dans son contrat de travail à temps partiel, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et attendu que la cassation sur les premier et troisième moyens entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs visés par les deuxième et quatrième moyens ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que le harcèlement moral était constitué et d'avoir, en conséquence, condamné M. Z... à verser à M. Y... 2 000,00 euros au titre du préjudice distinct qu'il avait subi, en plus de celui résultant de la rupture de son contrat,

AUX MOTIFS QUE, a) Sur le harcèlement moral : M. Y... soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de M. Z... et aussi d'injures et menaces. Il reproche en outre à son employeur d'avoir embauché un salarié en 2012 qui n'avait d'autre fonction que de le surveiller. M. Z... soutient que l'embauche ponctuelle d'un tiers avait pour but de vérifier les entrées comptables dans la boutique et qu'il n'a jamais ni menacé ni insulté son salarié. L'article L1152.1 du code du travail dispose que « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions précitées, le salarié, conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du même code, établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il résulte de l'article L.1152-1 précité que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Les qualités professionnelles de M. Y... ne sont pas remises en question. Le dépôt de main courante allégué du 24 octobre 2012 n'a débouché sur aucune poursuite de la part du Procureur de la République et ne donne aucun détail sur les propos qui lui auraient été tenus. Aucun élément ne vient caractériser et justifier les insultes et plaintes dont se prévaut M. Y.... Il est constant que M,  B... a été embauché par M. Z... depuis le 2 avril 2013 et ce, de façon ponctuelle, afin que ce dernier vérifie l'encaissement des retouches au sein de la boutique. M. Y... produit des photos qui ne sont pas probantes en l'absence de date et de l'indication des personnes figurant sur les photos. Cependant, le conseil de l'employeur reconnaît avoir embauché M. B... aux fins de contrôler le travail de M. Y... et d'encaisser les sommes dues, en raison d'un doute sur la réalité des encaissements opérés. Il est certain que cette façon de procéder au sein d'une petite boutique où la promiscuité a été imposée, a été vécue comme dénigrant et portant atteinte à la dignité de M. Y... et à juste titre alors que le conflit larvé n'a pas pu se régler correctement entre les deux contractants ; en outre, l'embauche de ce vigile, qui a démontré la suspicion de la part de l'employeur, s'est prolongée dans le temps. Ce dernier explique qu'il a prévenu son salarié par lettre recommandée le 10 novembre 2012 du fait qu'il était étonné de la faiblesse du chiffre d'affaires de 2010 et 2011, « toutes les recettes de la retoucherie n'étant pas inscrites en comptabilité ». Ce seul fait constitue le fait de harcèlement moral. (
). Une somme de 2000 euros est allouée en outre au salarié au titre du préjudice subi par M. Y... au titre du préjudice distinct subi du fait du harcèlement moral avéré.

1° - ALORS, d'une part, QUE le contrôle de l'activité du salarié relève de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique de l'employeur et ne peut constituer un harcèlement moral ; que pour juger que le harcèlement moral était avéré, la cour d'appel a relevé que l'employeur reconnaît avoir embauché M. B... aux fins de contrôler le travail de M. Y... et d'encaisser les sommes dues, en raison d'un doute sur la réalité des encaissements opérés, ce qui a été vécu du fait des conditions de promiscuité de la petite boutique comme dénigrant et portant atteinte à la dignité de M. Y... ; qu'en affirmant que ce seul fait constitue le fait de harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L.1152-1 du code du travail ;

2° - ALORS, d'autre part et en tout état de cause, QUE le harcèlement moral suppose des agissements répétés, fût-ce sur une brève période, de sorte qu'un fait isolé n'est pas suffisant et ceci même s'il se prolonge dans le temps ; que pour juger que le harcèlement moral était avéré, la cour d'appel a aussi affirmé que l'embauche de ce vigile, qui a démontré la suspicion de la part de l'employeur, s'est prolongée dans le temps et que ce seul fait constitue le fait de harcèlement moral ; qu'en statuant ainsi après avoir elle-même constaté que les autres faits, dont les insultes et plaintes dont se prévalait M. Y..., n'étaient pas caractérisés, la cour d'appel a violé l'article L.1152-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. Y... était justifiée et ce, aux torts exclusifs de l'employeur, et donc d'avoir, en conséquence, condamné M. Z... à lui verser, en plus des indemnités de préavis et de licenciement, 9 000,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

AUX MOTIFS PROPRES QUE, Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 juillet 2013, M, Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail le liant avec M. Z... aux motifs suivants : -contrat, fiches de paie et salaires à temps partiel alors qu'il a toujours été en réalité à temps complet - défaut de déclaration du temps complet effectué et défaut de cotisation pour la retraite qui ne sera que de 158,20 euros par mois - non déclaration et non paiement des heures supplémentaires - insalubrité des locaux dans lesquels il travaille, humides, sales et sans toilettes pendant de nombreuses années puis des toilettes non conformes aux normes d'hygiène et de sécurité - harcèlement moral intensifié depuis qu'il a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement des heures supplémentaires - injures et menaces quotidiennes, de « se faire casser la gueule » et intimidations de toute part. Sur le harcèlement moral (voir Premier Moyen) Ce seul fait constitue le fait de harcèlement moral. De ce fait, ce seul motif justifie la prise de la rupture du contrat de travail. Par ailleurs, l'insalubrité des locaux est avérée ; ainsi, si l'absence de toilettes n'est pas prouvée pendant la période visée par le salarié, l'existence de toilettes en mauvais état et très sales y compris la peinture du local et l'électricité déficiente est avéré sans que les photos produites ne soient contestées par l'employeur lequel ne justifie pas, de son côté, avoir fait les travaux de salubrité minimum au sein de la boutique et d'avoir entretenu le local, outil de travail de M. Y.... Au regard de ces éléments, la prise d'acte de la rupture est bien fondée et ce, aux torts exclusifs de l'employeur et entraîne les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Au vu des pièces versées, la cour estime disposer d'éléments suffisants pour fixer l'indemnité à ce titre, outre l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement exactement fixées par les premiers juges à la somme de 9000 euros, le salarié ne justifie pas d'un préjudice lui permettant d'obtenir une indemnisation supérieure aux 6 mois de salaires,

et AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE, Sur la rupture du contrat de travail : M. Y... prend acte de la rupture du contrat de travail par courrier du 17 juillet 2013 ; le salarié assoit cette prise d'acte sur la non prise en compte d'un temps plein et d'heures supplémentaires réalisés depuis plusieurs années, la baisse corrélative de ses droits à la retraite, l'insalubrité des locaux, des injures, menaces, intimidations, humiliations, moqueries diverses ; le Conseil a constaté que ces plaintes ne sont pas justifiées ; M. Y... ajoute avoir reçu un avenant au contrat de travail pour passer à un temps plein, antidaté ; le Conseil constate que M. Y... travaille effectivement à temps plein à compter du 1er avril 2013 ; M. Y... n'indique pas avoir refusé de travailler à temps plein ; aucun élément ne permet au Conseil de vérifier à quel moment l'avenant au contrat a été soumis au salarié avant que l'employeur ne l'adresse par courrier ; il ne peut être fait reproche à M. Z... d'avoir voulu régulariser le contrat de travail en fonction du nouveau temps de travail effectué ; dans sa lettre de prise d'acte M. Y... signale également avoir reçu pour consigne « de limiter les contacts directs avec les clients » ; il relève du pouvoir de direction de M. Z..., qui vient de mettre en place un second salarié, de donner des directives à ceux-ci et de partager les tâches ; M. Y... ajoute avoir fait l'objet de pressions pour abandonner la procédure prud'homale en cours ou pour démissionner ; le salarié n'apporte aucun élément de preuve sur ces deux points ; M. Y... évoque enfin « l'embauche de Monsieur  B..., qui n'a aucune qualification et dont les seules fonctions consistent à me surveiller toute la journée et à encaisser les clients » ; le Conseil constate que les tâches dévolues à ce second salarié sont circonscrites dans la journée et lui laissent de larges plages de repos ; l'activité de retouche est plus diffuse dans le temps, et M. Y... doit côtoyer un salarié qui, dans l'espace réduit de la boutique, n'a d'autre choix que de le regarder travailler ; M. Y... peut se trouver gêné par cette promiscuité et s'en préoccuper, dans un contexte de conflit existant avec l'employeur ; de toute évidence M. Y... ne comprend pas cette embauche et se sent dépossédé de son travail ; M. Z... ne justifie pas d'être intervenu pour apaiser les craintes de son salarié ; le Conseil considère que l'absence de confiance et de dialogue entre M. Z... et M. Y..., dans un contexte conflictuel connu, justifie une rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ; une telle rupture doit produire les effets d'une rupture abusive ;le Conseil fera droit aux demandes de M. Y... relatives à l'indemnisation de cette rupture abusive ; selon l'examen des pièces transmises et la situation du salarié le Conseil évalue les dommages et intérêts pour rupture abusive dus à M. Y... à la somme de 3500,00 euros ; Sur Indemnisation du préavis : aux termes de l'article L1234-1 du code du Travail : « Lorsque le licenciement n 'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : 1 ° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l 'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; 2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ; 3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. » Aux termes de l'article L1234-5 du code du Travail : « L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'Article L.1235-2. ». M. Y... n'a pas commis de faute grave ; pour ce poste de préjudice M. Y... sollicite la somme de 2 860,506; l'ancienneté de M. Y... dans l'entreprise est de 14 ans et 6 mois, le préavis est donc de 2 mois ; le salaire mensuel de M. Y... s'élève à la somme non contestée de 1 425,696 ; Attendu par conséquent que le Conseil fera droit à la demande de M. Y... au titre de l'indemnité compensatrice de préavis pour la somme de 2 851,386 assortie des congés payés afférents, soit 285,136 ; Sur l'indemnité de licenciement : selon les dispositions de l'article L.1234-9 du code du travail : « Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. » ; M. Y... n'est pas licencié pour faute grave et doit obtenir cette indemnité ; aux termes de l'article RI 234-1 du code du Travail : « L'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. » ; aux termes de l'article R.1234-2 du code du Travail : « l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s 'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté ». Le contrat de travail de M. Y... s'est déroulé du 15 janvier 1999 au 17 juillet 2013 ; l'indemnité de licenciement est due pour cette période ; M. Y... sollicite l'indemnisation de ce poste pour 4 862,0066 ; l'examen des bulletins de salaire de M. Y... permet de constater que, pour la période allant du 15 janvier 1999 au 31 mars 2013, durant laquelle le salarié travaillait à temps partiel, l'indemnité de licenciement s'élève à la somme de 2 788,516 ; à cette somme doit s'ajouter l'indemnité de licenciement due pour la période travaillée à temps plein du 1er avril 2013 au 17 juillet 2013, soit 128,156; ainsi, le Conseil considère qu'il doit être fait droit à la demande du salarié pour le montant cumulé de 2 916,666 ;

1° - ALORS, d'une part, QUE pour juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a, après avoir relevé que ce seul fait constitue le fait de harcèlement moral, affirmé que de ce fait, ce seul motif justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'ainsi, la cassation sur le premier moyen relatif au harcèlement moral entraînera la cassation, par voie de conséquence, du deuxième moyen sur les effets de la prise d'acte en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2° - ALORS, d'autre part, QUE à supposer même que le harcèlement moral soit caractérisé, les juges du fond doivent alors apprécier si ce manquement de l'employeur avait empêché la poursuite du contrat de travail par le salarié ; que pour juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que ce seul motif du harcèlement moral justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ce manquement avait empêché la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-1 du code du travail ;

3° - ALORS, en tout état de cause QUE, pour juger si la prise d'acte de la rupture par le salarié est justifiée, les juges du fond doivent, après avoir constaté la réalité du manquement invoqué par le salarié, faire ressortir les éléments faisant obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat ; que pour juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a ensuite affirmé que par ailleurs, l'insalubrité des locaux est avérée, l'employeur ne justifiant pas avoir fait les travaux de salubrité minimum au sein de la boutique et d'avoir entretenu le local, outil de travail de M. Y..., de sorte qu'au regard de ces éléments la prise d'acte de la rupture est bien fondée et ce, aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si ce manquement avait empêché la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-1 du code du travail ;

4° - et ALORS, enfin et si besoin était, QUE, à supposer qu'elle ait adopté les motifs des premiers juges sur ce point, la cour d'appel a aussi affirmé, pour juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat par M. Y... était justifiée, que celui-ci ne comprend pas l'embauche du salarié censé notamment le surveiller, qu'il se sent dépossédé de son travail et que M. Z... ne justifie pas d'être intervenu pour apaiser les craintes de son salarié, de sorte qu'il y avait une absence de confiance et de dialogue entre M. Z... et M. Y... dans un contexte conflictuel connu ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ce manquement avait empêché la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que M. Y... avait travaillé à temps plein et non à temps partiel et d'avoir donc condamné l'employeur à lui payer, dans la limite de la prescription quinquennale, 37 883,40 euros de rappels de salaires pour la période de 2008 à 2012 inclus, outre la somme de 2 383,00 euros au titre du rappel de salaires pour la période comprise entre le mois de janvier à mars 2013 inclus.

AUX MOTIFS QUE, a) Sur le rappel de salaires : M. Y... sollicite la somme de 37 883,40 euros pour la période de 2008 à 2012 au titre de rappel de salaires. L'employeur réfute ce chef de demande, soutenant que les attestations produites ne sont pas probantes, les attestants ne pouvant être présents du matin au soir devant la boutique. Il est constant que M. Y... ne justifie pas de son refus de signer l'avenant en 2013 lui permettant de bénéficier d'un contrat de travail à temps plein. Par ailleurs, l'employeur ne fournit pas les horaires d'ouverture ni de fermeture de la boutique. Cependant, les éléments produits permettent d'affirmer que le salarié a travaillé à temps plein dans la boutique puisque l'employeur produit un avenant proposé en ce sens et alors même qu'il se plaint de la baisse du chiffre d'affaires pour les années 2010 et 2011. Cette contradiction assortie des attestations fournies amène la cour à donner droit à la demande portant sur le rappel de salaires sollicité pour les années considérées. La cour estime disposer d'éléments suffisants pour chiffrer le rappel de salaires à la somme demandée représentant 35 heures hebdomadaires de travail soit 37 883,40 euros dans la limite de la prescription quinquennale de 2008 à 2012 inclus outre la somme de 2383 euros au titre du rappel de salaires pour la période comprise entre le mois de janvier à mars 2013 inclus,

1° - ALORS, d'une part, QUE les juges du fond ne sauraient statuer par des motifs contradictoires ; que d'un côté, la cour d'appel a estimé « ne pas avoir les éléments suffisants pour affirmer sans aucun doute que M. Y... a travaillé plus que les horaires indiqués dans son contrat de travail à temps partiel » ; que d'un autre côté, pour juger que M. Y... avait droit à des rappels de salaires pour un travail à temps complet depuis 2008, la cour d'appel a affirmé que « les éléments produits permettent d'affirmer que le salarié a travaillé à temps plein dans la boutique
» ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, pour la période allant de 2008 à mars 2013, statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code civil ;

2° - ALORS, d'autre part QUE, les juges du fond ne sauraient statuer par des motifs inopérants ; qu'en retenant qu'il était démontré que le salarié, bénéficiant d'un contrat à temps partiel, avait travaillé à temps plein, au seul motif que l'employeur lui avait proposé un avenant en ce sens bien que son chiffre d'affaires ait baissé, de tels faits étant impropres à démontrer la durée de travail qui avait pu être celle du salarié ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3171-4 du code du travail ;

3° - et ALORS enfin QUE, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'après avoir elle-même écarté les attestations produites par M. Y..., la cour d'appel a affirmé, pour juger qu'il avait droit à des rappels de salaires pour un travail à temps complet depuis 2008, que l'employeur produit un avenant en ce sens alors même qu'il se plaint de la baisse du chiffre d'affaires pour les années 2010 et 2011, cette contradiction assortie des attestations fournies conduisant à donner droit au salarié pour la période de 2008 à mars 2013 inclus ; qu'en statuant ainsi, alors que M. Y... a été rémunéré à temps complet à compter du 1er avril 2013 même s'il n'a pas signé l'avenant, la cour d'appel, qui n'a pas indiqué en quoi M. Y... avait étayé sa demande pour la période antérieure au 1er avril 2013, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3171-4 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que les conditions du travail dissimulé étaient remplies et d'avoir, en conséquence, condamné M. Z... à payer à M. Y... 8 581,50 euros au titre du travail dissimulé,

AUX MOTIFS QUE, Sur le travail dissimulé ; Vu l'article L.8221-1 et suivants du code du travail, Il ressort des éléments du dossier que le salarié a effectué un temps plein mais sans avoir été payé à hauteur de cette durée légale de travail. L'employeur s'étant soustrait à cette déclaration légale en ayant dissimulé cette activité d'activité à temps plein en toute connaissance de cause, il est fait droit à ce chef de demande à hauteur de la somme sollicitée par le salarié.

1° - ALORS, d'une part, QUE pour juger que le travail dissimulé était caractérisé, la cour d'appel a affirmé que le salarié a effectué un temps plein mais sans avoir été payé à hauteur de cette durée légale de travail ; qu'ainsi, la cassation sur le troisième moyen relatif au rappel de salaire correspondant à un temps complet entraînera la cassation, par voie de conséquence, du quatrième moyen sur le travail dissimulé en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2° - et ALORS, d'autre part, QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. Z... a soutenu que M. Y... avait refusé à plusieurs reprises de signer l'avenant qui lui avait été proposé d'un passage à un temps complet, ce qui était la preuve supplémentaire de ce que M. Y... ne voulait surtout pas travailler à temps plein pour lui ; que pour juger que les conditions du travail dissimulé étaient satisfaites, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que l'employeur s'est soustrait à cette déclaration légale en ayant dissimulé cette activité à temps plein en toute connaissance de cause ; qu'en statuant ainsi en s'abstenant de toute réponse aux conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22854
Date de la décision : 09/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 mai. 2018, pourvoi n°16-22854


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22854
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