LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, qui est préalable :
Vu les articles 172 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 25 et 547, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le recours contre la décision du bâtonnier statuant sur une requête en matière de suppléance, en l'absence de partie adverse, doit être exercé selon les règles applicables à la procédure en matière gracieuse, que le bâtonnier, autorité ayant rendu la décision attaquée, ne peut être intimé devant la cour d'appel, que la désignation erronée mais superfétatoire, dans la déclaration d'appel, du conseil de l'ordre comme partie intimée n'a pas pour effet d'entraîner l'irrecevabilité de l'appel et qu'en matière gracieuse, l'appel est recevable même en l'absence d'autres parties ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., avocate inscrite au barreau du Lot, a cessé son activité à compter du 31 décembre 2015 et a désigné la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Z... X... (la SELARL) pour assurer sa suppléance ; que, par lettre du 11 mai 2016, Mme X... et la SELARL ont demandé au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau du Lot (le bâtonnier) qu'il soit mis fin à la suppléance ; que, par décision du 4 juillet 2016, celui-ci a rejeté cette demande ; que Mme X... et la SELARL ont interjeté appel de cette décision contre le conseil de l'ordre des avocats au barreau du Lot (le conseil de l'ordre) ; que, par voie de conclusions, elles ont également désigné le bâtonnier comme intimé ;
Attendu que, pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que les conclusions ne modifient pas la détermination de l'intimé qui est le conseil de l'ordre et que celui-ci n'était pas l'auteur de la décision attaquée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme X... et la société Z... X...
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par Me X... et la Selarl X... et d'avoir condamné ces dernières aux dépens d'appel ;
Après avoir mentionné que la cause a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis (arrêt, page 2)
Et que par conclusions reçues le 7 décembre 2016, le procureur général près la cour d'appel d'Agen soutient que l'appel interjeté contre le conseil de l'ordre des avocats du barreau du Lot doit être déclaré irrecevable puisque la décision attaquée n'émane pas de ce conseil mais du bâtonnier sans qu'il ne puisse y avoir d'erreur dans la spécification de l'intimé ; que les dissensions survenues entre Maître X... et Maître Y... autorisent l'application des dispositions de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 et la soumission de tout différend au bâtonnier ; que subsidiairement, Monsieur le Procureur Général demande la confirmation de la décision du bâtonnier, la suppléance dûment acceptée devant se poursuivre jusqu'à son terme (arrêt, page 4)
Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, dans son arrêt, la cour d'appel a mentionné qu'elle avait reçu, le 7 décembre 2016, des conclusions du procureur général tendant, à titre principal, à ce que l'appel soit déclaré irrecevable ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les appelantes avait reçu communication de ces conclusions écrites du ministère public, afin d'être en mesure de répondre utilement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du code de procédure civile.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par Me X... et la Selarl X... et d'avoir condamné ces dernières aux dépens d'appel ;
Aux motifs que les articles 170 et suivants du décret du 27 novembre 1991 prévoient :
- que lorsqu'un avocat est temporairement empêché d'exercer ses fonctions, il est provisoirement remplacé par un ou plusieurs suppléants qu'il choisit parmi les avocats inscrits au même barreau et qu'il en avise le bâtonnier,
- que lorsque l'avocat empêché se trouve dans l'impossibilité d'exercer son choix ou ne l'exerce pas, le ou les suppléants sont désignés par le bâtonnier, que cette suppléance ne peut excéder une année et qu'à l'issue de cette période elle peut être renouvelée par le bâtonnier pour une période ne pouvant excéder un an ;
qu'en l'espèce, aux termes d'un protocole transactionnel signé le 31 décembre 2015 entre la société Z... X... et Mme Ilham Y..., il avait été convenu :
- le transfert de dossiers en cours dûment visés,
- le paiement de la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité ;
que Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Lot a, par décision du 4 juillet 2016, rejeté la demande de cessation de suppléance présentée par Me Z... X... ;
que cette décision ressort bien, en effet, de la compétence du Bâtonnier et non de celle du conseil de l'ordre ;
que la déclaration d'appel reçue le 2 août 2016 au greffe de la présente cour précise bien que cet appel est interjeté à l'encontre du conseil de l'ordre des avocats du Barreau du Lot ;
que c'est, donc, à ce titre que le conseil de l'ordre du barreau du Lot, représenté par son bâtonnier, a constitué avocat et déposé, le 18 novembre 2016, des conclusions au greffe de la présente cour ;
que le bâtonnier n'a pas, es-qualité, constitué avocat ;
que le fait que les dernières conclusions de Maître Z... X... et de la selarl Z... X... portent la mention de l'ordre des avocats du barreau du Lot et celle du Bâtonnier du Lot ne changent rien dans la détermination de l'intimé qui est bien le conseil de l'ordre ;
que le conseil de l'ordre n'étant pas l'auteur de la décision attaquée, l'appel de Me Z... X... et de la selarl Z... X... doit être, en conséquence, déclaré irrecevable (arrêt p. 4 et 5) ;
1°) Alors que le juge doit répondre aux conclusions d'appel des parties ; que dans leurs conclusions récapitulatives (pages 17 et 18), les appelantes ont soutenu que, dans son courrier du 5 juillet 2016 leur notifiant sa décision du 4 juillet précédent, le bâtonnier du conseil de l'ordre du Lot indiquait que le recours contre cette décision devait être formé dans le délai et selon les modalités prévues par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et qu'il ne pouvait dès lors leur être reproché, pour juger leur recours irrecevable, de s'être conformées aux dispositions de ce texte qui dispose, en son alinéa 3, que le conseil de l'ordre est partie à l'instance et, en son alinéa 4, que le bâtonnier est invité par la cour à présenter ses observations, ce qui exclut qu'il ait la qualité de partie ; qu'en déclarant irrecevable le recours des exposantes sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) Alors subsidiairement qu'en l'absence de dispositions prévoyant les voies de recours ouvertes contre les décisions du bâtonnier en matière de suppléance, ces voies de recours sont régies par le code de procédure civile ; qu'en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé contre ceux qui ont été parties en première instance ; que le bâtonnier ayant rendu la décision frappée d'appel, il ne pouvait être partie à la procédure ; qu'en déclarant l'appel irrecevable faute d'avoir été exercé contre le bâtonnier, la cour d'appel a violé l'article 547, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
3°) Alors, encore plus subsidiairement, que les recours formés à l'encontre des décisions du bâtonnier en matière de suppléance, si elles sont dépourvues de caractère juridictionnel, sont des procès fait à un acte ; qu'il suffit en conséquence que dans l'acte formalisant ce recours, soit précisément désignée la décision attaquée ; qu'en déclarant l'appel irrecevable au motif inopérant de l'existence d'une erreur dans la désignation superfétatoire d'un intimé, après avoir relevé que le courrier formalisant le recours des appelantes indiquait être dirigé contre la décision du bâtonnier du 4 juillet 2016, la cour d'appel a violé l'article 172 du décret du 27 novembre 1991, ensemble l'article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.