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03/05/2018 | FRANCE | N°17-12571

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mai 2018, 17-12571


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société banque CIC Est du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Lauthi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1120 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Beyel, aux droits de laquelle vient la société de distribution Beyel (la société Beyel), était en relations d'affaire avec la société Lauthi à laquelle elle fournissait du carbu

rant ; que cette dernière rencontrant des difficultés de trésorerie, la société Beyel a demandé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société banque CIC Est du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Lauthi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1120 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Beyel, aux droits de laquelle vient la société de distribution Beyel (la société Beyel), était en relations d'affaire avec la société Lauthi à laquelle elle fournissait du carburant ; que cette dernière rencontrant des difficultés de trésorerie, la société Beyel a demandé à leur banque commune, la société Banque CIC Est (la banque), de lui confirmer, avant chaque livraison, la date à laquelle interviendrait le virement par la société Lauthi des sommes correspondant à son paiement ; qu'à compter du mois de novembre 2010, la banque l'a informée dans les conditions ainsi définies ; que des livraisons effectuées entre mars et avril 2012 étant restées impayées, la société Beyel a assigné en paiement la société Lauthi ainsi que la banque sur le fondement d'une promesse de porte-fort ;

Attendu que, pour retenir l'existence d'un engagement de porte-fort et condamner la banque à payer à la société Beyel une certaine somme au titre des livraisons de carburant effectuées entre mars et avril 2012 au profit de la société Lauthi, l'arrêt constate que la banque ne conteste pas avoir adressé à la société Beyel, entre le 27 mars et le 28 avril 2012, sept courriers électroniques annonçant les livraisons et leur règlement un mois plus tard ; qu'il ajoute qu'à la suite de la mise en demeure adressée à la banque par le conseil de la société Beyel, celle-ci s'est bornée, par courrier électronique du 3 octobre 2012, à solliciter un état actualisé des créances exigibles, sans contester son engagement ; qu'il en déduit que la banque s'est engagée, de manière certaine, à garantir les règlements de la société Lauthi ;

Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser l'intention certaine de la banque de s'engager pour la société Lauthi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société de distribution Beyel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société banque CIC Est, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Est.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la banque CIC-Est à payer à la Sarl Beyel la somme de 84.700,36 €, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2012 (garanties de paiement sur les livraisons du 28 mars 2012 au 30 avril 2012) ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE s'agissant de la demande contre le CIC-Est, la Sarl Beyel présente des emails ; que ces mails sont envoyés par le CIC-Est à la Sarl Beyel ; que les mails les plus anciens datent de novembre 2010, les plus récentes datant de la période litigieuse (27/03/12 au 28/04/12) ; que sous l'objet « virement Lauthi », ils comportent les formules suivantes : « chargement du [date D – même jour ou 1 jour après le mail] sera réglé le [date D + 1 mois] par virement de [somme] », ou « un chargement est prévu le [date D – même jour ou 1 jour après le mail]. Règlement le [date D + 1 mois] » ; que par ces mails la banque CIC-Est indique donc à la Sarl Beyel que les livraisons du jour ou du lendemain vont être payées ; que cette information est donnée sans réserve ; qu'une telle information ne peut qu'avoir un sens et un intérêt, celui de confirmer à la Sarl Beyel , que la livraison imminente va bien être payée ; que c'est une attestation de couverture ; qu'il ne s'agit pas seulement de confirmer l'existence d'un ordre de paiement, sinon la banque, qui est par définition une spécialiste en la matière, aurait mentionné que une réserve ou précisé qu'elle ne confirmait que la réception de l'ordre de paiement ; que dans un contexte de relation d'affaires de deux ans, la banque, dont les deux entreprises sont clientes, ne pouvait que savoir qu'elle donnait l'assurance à la Sarl Beyel , qu'elle serait payée et que cette assurance déterminait la réalisation de la livraison ; qu'en affirmant sans aucune réserve que le paiement serait effectué, la banque détentrice du compte courant s'est engagée à autoriser le paiement ; qu'il s'agit d'une garantie de paiement qui oblige la banque à payer même en cas de découvert ; que cet engagement unilatéral s'intègre dans une relation d'affaires donc dans un dispositif contractuel-cadre où l'acceptation du bénéficiaire se manifeste par l'absence d'opposition aux multiples renouvellements ; que le formalisme de l'article 1326 du code civil est exclu en matière commerciale si bien que la preuve de l'obligation de la banque peut être établie par tout moyen ; que l'absence de contrepartie, à savoir l'absence d'un prix isolément facturé par la banque pour cette garantie, ne signifie pas une absence de cause dès lors que la garantie était accessoire aux autres conventions passées entre la banque et les deux sociétés clientes, ces conventions principales étant elles génératrices d'un profit pour la banque ; qu'en apportant ce service de garantie, la banque apportait une satisfaction à ses clients et consolidait par là le profit qu'elle en tirait ; que la garantie de paiement est par définition une mesure de précaution prise par le créancier qui doute de la solvabilité de son débiteur ; que le créancier ne commet pas de faute lorsqu'il consent son crédit après avoir obtenu la garantie ; que la Sarl Beyel n'a pas commis de faute excluant ou limitant sa créance ; que les moyens de défense de la banque CIC-Est sont inopérants ; que la banque CIC-Est doit exécuter la garantie et payer à la Sarl Beyel la somme de 84.700,36 € correspondant aux livraisons du 28/03/12 au 30/04/12 couvertes par des mails de confirmation ; que les intérêts de retard courent au taux légal depuis la sommation du 11/06/2012 ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'existence d'un engagement de porte-fort de la banque au profit de l'Eurl Lauthi, l'article 1120 du code civil dispose qu'« on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci, sauf indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement » ; qu'il est par ailleurs constant qu'une promesse de porte-fort ne peut résulter que d'actes manifestant l'intention certaine du promettant de s'engager pour un tiers (Com., 17 juillet 2001, n° 98-10.827) ; qu'en l'espèce, la banque CIC-Est ne conteste pas l'existence de la mise en place depuis 2010 d'un système d'information de la Sarl Beyel , par son intermédiaire, de la date à laquelle les livraisons de fioul au profit de l'Eurl Lauthi puis les règlements par virement consécutifs interviendraient, ce qu'attestent en outre les différents courriels versés aux débats (pièces 3 et 4 Beyel) ; que la banque ne conteste pas davantage le fait que ce système avait été instauré à la suite de problèmes de trésorerie de l'Eurl Lauthi ayant induit des impayés auprès de la Sarl Beyel , laquelle avait refusé de poursuivre ses relations commerciales avec l'Eurl Lauthi sans obtenir des garanties sur ses paiements ; que ces faits sont d'ailleurs confortés par l'attestation de M. B..., chauffeur livreur de l'Eurl Lauthi, exposant que sans le mail de la banque confirmant que le fioul à charger serait payé un mois après, il ne pouvait effectuer ledit chargement (pièce 15 Beyel) ; que les premiers courriels établis en 2010 par la banque CIC-Est usent de la formulation suivante (ièce 3 Beyel) « chargement du XXX sera réglé le YYY. Règlement au YYY » (pièces 3 et 4 Beyel) ; que pour les livraisons litigieuses, sept courriels ont été échangés entre le 27 mars et le 28 avril 2012, annonçant des livraisons le jour même ou dans les jours suivants, avec règlement un mois plus tard ; que la cour souligne, comme l'a fait le premier juge, que ces courriels ne comportent aucune réserve sur le règlement annoncé, lequel ressort comme certain pour la Sarl Beyel ; que si l'appelante fait valoir qu'elle se bornait à annoncer les ordres de virements lui ayant été transmis par sa cliente, l'Eurl Lauthi, il convient toutefois de relever que les courriels sont totalement muets sur l'existence de tels ordres de virement ; que les ordres de virement auxquels fait référence la banque CIC-Est ne sont d'ailleurs nullement produits aux débats ; que de plus, si l'Eurl Lauthi avait donné à la banque ordre d'effectuer des virements, elle pouvait elle-même produire l'ordre de virement auprès de la Sarl Beyel , sans qu'il ne soit nécessaire à la banque CIC-Est d'intervenir par courriel auprès du cocontractant de sa cliente ; qu'enfin, après mise en demeure du 11 juin 2012 par le conseil de la Sarl Beyel, d'honorer ses « engagements de règlement, confirmés par e-mail des 27 mars, 29 mars, 3 avril, 11 avril, 19 avril, 24 avril et 28 avril 2012 » (pièce 5 Beyel), la banque CIC-Est n'a pas contesté le principe de son engagement puisque, par courriel du 3 octobre 2012 adressé au conseil de la Sarl Beyel après relance, celle-ci expose « Nous avons bien réceptionné votre fax du 3 octobre 2012. Merci de nous faire parvenir un état actualisé à la date du 3 octobre 2012 des créances exigibles. En effet, il semblerait que certaines factures aient été apurées » (pièce 8 Beyel) ; qu'il s'infère de l'ensemble de ces éléments, et notamment de l'absence de toute réserve dans les règlements annoncés pour le compte de l'Eurl Lauthi et des termes du courriel du 3 octobre 2012, que la banque CIC-Est s'est, de manière certaine, engagée à garantir les règlements de l'Eurl Lauthi ; que sur la nullité de la promesse de porte-fort, en premier lieu, eu égard à la qualité de professionnel de la banque et de sa connaissance de la situation dans laquelle l'envoi de courriels de confirmation des règlements à venir a été sollicité par la Sarl Beyel , la banque CIC-Est ne saurait soutenir qu'elle n'a pas perçu la portée de son engagement en envoyant les courriels susvisés, objets des pièces 3 et 4 de l'intimée ; qu'elle ne peut dès lors arguer de ce qu'elle n'aurait pas consenti à la promesse de porte-fort en méconnaissance de l'article 1108 du code civil ; qu'en second lieu, l'engagement de la banque ne peut être regardé comme dépourvu de cause au sens de l'article 1131 du même code dès lors que tant la Sarl Beyel que l'Eurl Lauthi étaient ses clients et que la banque CIC-Est disposait d'un intérêt personnel pécuniaire à soutenir le courant d'affaire entre ses deux clientes pour garantir de bonnes relations avec celles-ci mais surtout, pour ne pas préjudicier à l'activité de l'Eurl Lauthi, alors déjà en difficulté ; que sur le respect de l'engagement de porte-fort, aux termes de l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en outre, le porte-fort es débiteur d'une obligation de résultat autonome, il est tenu envers le bénéficiaire de la promesse des conséquences de l'inexécution de l'engagement promis (Com., 1er avril 2014, n° 13-10.629 au Bulletin) ; qu'en l'espèce, il est admis que la Sarl Beyel a procédé aux livraisons de fioul prévues au bénéfice de l'Eurl Lauthi et qu'elle n'en a pas reçu paiement en retour, pour un montant de 84.700,36 € ; que ces livraisons sont au demeurant corroborées par les bons de livraisons versés au dossier (pièce 11 Beyel) et ont donné lieu à l'établissement de sept factures (pièces 2 Beyel) totalisant une somme du montant précité ; que la banque CIC-Est ne s'est pas davantage acquittée de sa promesse en paiement des dites sommes ; que la faute qu'aurait commise la Sarl Beyel à avoir poursuivi les livraisons alors même qu'elle n'avait pas reçu paiement des livraisons antérieures est inopérante et au surplus, non fondée, dès lors que le paiement de la première livraison du 28 mars 2012 devait être acquitté par l'Eurl Lauthi le 28 avril 2012, date de la dernière livraison en litige ayant été effectuée par la Sarl Beyel ; qu'il convient ainsi de condamner la banque CIC-Est à verser à la Sarl Beyel la somme de 84.700,36 € en indemnisation de l'inexécution de son obligation ;

1°/ ALORS QUE celui qui se porte fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'engage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même ; qu'en conséquence, une promesse de porte-fort ne peut résulter que d'actes manifestant l'intention certaine du promettant de s'engager pour un tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que les mails adressés par la banque CIC-Est à la société Beyel pour l'informer des « virement(s) Lauthi » comportaient les formules suivantes : « chargement du [date D – même jour ou 1 jour après le mail] sera réglé le [date D + 1 mois] par virement de [somme] », ou « un chargement est prévu le [date D – même jour ou 1 jour après le mail]. Règlement le [date D + 1 mois] » ; que ces mails, qui se bornaient à informer la société Beyel des dates prévues des virements du compte de la société Lauthi en règlement de livraisons de fioul, ne comportaient aucun engagement manifestant l'intention certaine de la banque CIC-Est de s'engager pour la société CIC-Est s'était, de manière certaine, engagée à garantir les règlements de l'Eurl Lauthi, « la cour d'appel a violé les articles 1120 et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ ALORS QUE celui qui se porte fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'engage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même ; qu'en conséquence, une promesse de porte-fort ne peut résulter que d'actes manifestant l'intention certaine du promettant de s'engager pour un tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé qu'après avoir été mise en demeure le 11 juin 2012 par le conseil de la Sarl Beyel d'honorer « ses engagements de règlement, confirmés par e-mails des 27 mars, 29 mars, 3 avril, 11 avril, 19 avril, 24 avril et 28 avril 2012 », la banque CIC-Est avait demandé par courriel du 3 octobre 2012, de lui « faire parvenir un état actualisé à la date du 3 octobre 2012 des créances exigibles. En effet, il semblerait que certaines factures aient été apurées » ; que ce courriel ne comportait aucun engagement manifestant l'intention certaine de la banque CIC-Est de s'engager pour la société Lauthi ; qu'en décidant au contraire que la banque CIC-Est s'était, de manière certaine, engagée à garantir les règlements de l'Eurl Lauthi, la cour d'appel a derechef violé les articles 1120 et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-12571
Date de la décision : 03/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 03 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mai. 2018, pourvoi n°17-12571


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.12571
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