La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2018 | FRANCE | N°16-25578

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mai 2018, 16-25578


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2016), que M. X... est titulaire du brevet européen EP 1052201 désignant la France, délivré sous priorité de demande française ; que cette demande décrivait l'invention comme « une tête de préhension par aspiration comprenant une semelle supportant des rangées de compartiments comprenant chacun un orifice inférieur débouchant sur la face inférieure de la semelle et un orifice supérieur équipé d'un organe de fermeture mobile, et des moyens de liais

on pour mettre les orifices supérieurs des compartiments en relation avec...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2016), que M. X... est titulaire du brevet européen EP 1052201 désignant la France, délivré sous priorité de demande française ; que cette demande décrivait l'invention comme « une tête de préhension par aspiration comprenant une semelle supportant des rangées de compartiments comprenant chacun un orifice inférieur débouchant sur la face inférieure de la semelle et un orifice supérieur équipé d'un organe de fermeture mobile, et des moyens de liaison pour mettre les orifices supérieurs des compartiments en relation avec un dispositif d'obturation, dans laquelle les moyens de liaison comportent un cloisonnement assurant une mise en série d'au moins une partie des orifices supérieurs des compartiments par rapport au dispositif d'aspiration ; qu'ainsi, au lieu d'assurer un déplacement de l'ensemble des organes de fermeture des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever, on assure une fermeture en cascade de ces mêmes compartiments, de sorte que le débit instantané nécessaire est considérablement diminué » ; que M. X... et la société X... Aero distribution, laquelle dispose d'une licence d'exploitation de ce brevet en France, ont agi contre la société Mousse Process en contrefaçon de ses revendications 1, 2 et 3 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Mousse Process fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à l'annulation de ces revendications alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la description de la demande initiale de brevet indiquait : « pour remédier à ces inconvénients, on propose selon l'invention une tête de préhension par aspiration comprenant une semelle supportant des rangées de compartiments comprenant chacun un orifice inférieur débouchant sur la face inférieure de la semelle et un orifice supérieur équipé d'un organe de fermeture mobile, et des moyens de liaison pour mettre les orifices supérieurs des compartiments en relation avec un dispositif d'obturation, dans laquelle les moyens de liaison comportent un cloisonnement assurant une mise en série d'au moins une partie des orifices supérieurs des compartiments par rapport au dispositif d'aspiration. Ainsi, au lieu d'assurer un déplacement de l'ensemble des organes de fermeture des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever, on assure une fermeture en cascade de ces mêmes compartiments, de sorte que le débit instantané nécessaire est considérablement diminué [...] » ; qu'en affirmant, pour exclure toute extension du brevet au-delà de la demande initiale, qu'il est indiqué lignes 23 et suivantes de la description de la demande initiale « qu'ainsi (du fait du cloisonnement au lieu d'assurer un déplacement simultané de l'ensemble des organes de fermeture des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever, on assure une fermeture en cascade de ces mêmes compartiments », bien que l'expression « du fait du cloisonnement » n'y figurât pas, la cour d'appel a ajouté à la description de la demande initiale un élément technique qui n'avait pas été divulgué, et en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'obligation précitée ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la revendication 1 du brevet EP 1 052 201 mentionne des « moyens de liaison » entre les orifices supérieurs de la semelle et le dispositif d'aspiration, comportant « un cloisonnement assurant une fermeture en cascade par dépression des orifices supérieurs des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever » ; que le point [0007] de la description vise également un « cloisonnement assurant une fermeture en cascade par dépression des orifices supérieurs des compartiments qui ne sont pas en regard de l'article à soulever » ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation de la revendication 1 du brevet EP 1 052 201, que le brevet litigieux décrivait un « cloisonnement de la semelle », dont ni la revendication 1, ni sa description ne faisaient mention, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du brevet EP 1 052 201, en violation de l'obligation précitée ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en affirmant, pour exclure que le brevet US 4 703 966 constitue une antériorité de toutes pièces détruisant la nouveauté du brevet EP 1 052 201, que le brevet américain indique que « l'aspiration doit être forte » et décrit un dispositif qui « ne comporte qu'une seule rangée de clapets », « en sorte que le moyen consistant en un cloisonnement à l'intérieur du caisson afin de parvenir à une fermeture en cascade n'est pas enseigné dans ce document », bien que le brevet US 4 703 966 ne prévoie pas que l'aspiration doit être forte et que sa revendication 18 envisage une pluralité de rangées de clapets, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'obligation précitée ;

4°/ qu'un brevet européen peut être déclaré nul si l'invention n'est pas nouvelle ; que la revendication 1 du brevet EP 1 052 201 comporte deux modes de réalisation ; que l'un des modes de réalisation présente un cloisonnement sans caisson ; qu'en énonçant, pour exclure que le brevet US 4 703 966 constitue une antériorité de toutes pièces détruisant la nouveauté du brevet EP 1 052 201, qu'il n'enseignait pas le moyen consistant en un cloisonnement à l'intérieur du caisson, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à exclure que le brevet US constitue une antériorité de toutes pièces destructrice de nouveauté, a privé sa décision de base légale au regard des articles 54 et 138 §1 de la Convention sur le brevet européen ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas dénaturé les termes de la demande initiale, mais en a apprécié la portée, en retenant qu'il s'en inférait que la fermeture en cascade des compartiments était obtenue grâce au cloisonnement prévu dans la tête d'aspiration ;

Attendu, d'autre part, que le moyen s'attaque, en sa deuxième branche, à des motifs erronés, mais surabondants ;

Attendu, de troisième part, que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que la cour d'appel a retenu que le brevet en cause, qui ne visait pas, de manière claire et précise, l'existence d'une pluralité de rangées de clapets, ne constituait pas une antériorité de toutes pièces ;

Et attendu, enfin, que la cour d'appel a exactement cité les termes de ce document, en retenant qu'il décrit un dispositif comportant un caisson, mais que le moyen qui consiste en un cloisonnement à l'intérieur du caisson, afin de parvenir à une fermeture en cascade, n'y est pas enseigné, contrairement à l'affirmation, non démontrée, de la société Mousse Process ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Mousse Process fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis des actes de contrefaçon des revendications 2 et 3 du brevet EP 1 052 201, de la condamner à payer des dommages-intérêts à M. X... et à la société X... Aero distribution et d'ordonner une mesure de publication judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que la contrefaçon de brevet suppose la reproduction des caractéristiques essentielles de l'invention ; que la revendication 2 du brevet EP 1 052 201 porte sur une « tête de préhension selon la revendication 1, caractérisée en ce que le cloisonnement comprend un collecteur (8) ayant des branches (8.1, 8.2., 8.3) disposées à l'aplomb des rangées de compartiments, les branches du collecteur étant reliées entre elles selon des liaisons en série ou parallèle » ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer que la revendication 2 du brevet EP 1 052 201 était contrefaite par les préhenseurs de la société Mousse Process, que le cloisonnement des moyens de liaison du dispositif de la société Mousse Process présentait des branches à l'aplomb des compartiments, disposées entre elles selon des liaisons en série, sans caractériser l'existence d'un cloisonnement comprenant un collecteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 613-2, L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que la contrefaçon de brevet suppose la reproduction des caractéristiques essentielles de l'invention ; que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 porte sur une « tête de préhension selon la revendication 2, caractérisée en ce qu'elle comporte des parois (10,11) formant un caisson étanche autour du collecteur, en ce que le dispositif d'aspiration (7) est relié au caisson, en ce que le collecteur (8) comporte un orifice d'aspiration (13) débouchant à l'intérieur du caisson et un conduit d'échappement (16) débouchant à l'extérieur du caisson, et en ce que les trappes (17,18) sont associées à l'orifice d'aspiration et au conduit d'échappement » ; que le point [0009] de la description expose que, « selon une version avantageuse de l'invention, le cloisonnement comprend un collecteur ayant des branches disposées à l'aplomb des rangées de compartiments, les branches étant reliées entre elles selon des liaisons en série ou parallèle » ; qu'en énonçant, pour affirmer que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 était contrefaite par les préhenseurs de la société Mousse Process, qu'à l'intérieur du caisson, le cloisonnement constituait le collecteur tel que revendiqué, la cour d'appel, qui a remplacé « cloisonnement comprenant un collecteur » par « cloisonnement constituant un collecteur », n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 613-2, L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ alors que la contrefaçon de brevet suppose la reproduction des caractéristiques essentielles de l'invention ; que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 expose que le « collecteur » comporte un orifice d'aspiration débouchant à l'intérieur du caisson ; qu'en énonçant, pour affirmer que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 était contrefaite par les préhenseurs de la société Mousse Process, que le « caisson étanche » comprenait un orifice d'aspiration débouchant à l'intérieur du caisson, bien que le caisson étanche ne se confonde pas avec le collecteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 613-2, L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, d'une part, que le brevet dont la contrefaçon a été retenue ne décrit pas l'existence de deux éléments distincts, l'un consistant en un cloisonnement, l'autre en un collecteur ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a constaté la reprise, dans le dispositif de la société Mousse Process, de cette caractéristique selon laquelle le cloisonnement comprend un collecteur, a justifié sa décision ;

Et attendu, enfin, que sous le couvert d'un grief de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par la cour d'appel des éléments constitutifs du dispositif donnant lieu à l'action en contrefaçon ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mousse Process aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... et à la société X... Aero distribution la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Mousse process

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Mousse process tendant à l'annulation des revendications 1 à 3 du brevet EP 1 052 201, d'avoir dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 3 du brevet EP 1 052 201, de l'avoir condamnée à payer des dommages et intérêts à M. X... et à la société X... Aero distribution et d'avoir ordonné une mesure de publication judiciaire,

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 138 § 1 c) de la Convention sur le brevet européen (CBE) applicables en l'espèce, le brevet européen peut être déclaré nul si l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ; qu'en application de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138 § 1 de la CBE ; qu'en l'espèce, la société Mousse process fait valoir, aux termes de ses dernières écritures, que deux caractéristiques contenues dans la partie descriptive, à savoir la fermeture en cascade des orifices et le cloisonnement, ne sont pas définies ni décrites ni illustrées dans la demande de brevet déposée ; qu'il a été dit que la revendication 1 telle que délivrée est ainsi rédigée : « Tête de préhension par aspiration comprenant une semelle (1) supportant des rangées de compartiments (2) comprenant chacun un orifice inférieur (3) débouchant sur la face inférieure de la semelle et un orifice supérieur (4) équipé d'un organe de fermeture mobile (5) et des moyens de liaison pour mettre les orifices supérieurs (4) des compartiments en relation avec un dispositif d'aspiration (7), caractérisée en ce que les moyens de liaison comportent un cloisonnement (8) assurant une fermeture en cascade par dépression des orifices supérieurs (4) des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever pour une mise en liaison avec le dispositif d'aspiration (7) » ; que la revendication 1 initiale était ainsi rédigée : « Tête de préhension par aspiration comprenant une semelle (1) supportant des rangées de compartiments (2) comprenant chacun un orifice inférieur (3) débouchant sur la face inférieure de la semelle et un orifice supérieur (4) équipé d'un organe de fermeture mobile (5) et des moyens de liaison pour mettre les orifices supérieurs (4) des compartiments en relation avec un dispositif d'aspiration (7), caractérisée en ce que les moyens de liaison comportent un cloisonnement (8) assurant une mise en série d'au moins une partie des orifices supérieurs (4) des compartiments par rapport au dispositif d'aspiration (7) » ; que la description de la demande initiale (page 3 lignes 11 à 35) explique que la fermeture des compartiments est assurée par le cloisonnement prévu dans la tête d'aspiration ; qu'il est indiqué (lignes 23 et suivantes) « ainsi, (du fait du cloisonnement) au lieu d'assurer un déplacement simultané de l'ensemble des organes de fermeture des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever, on assure une fermeture en cascade de ces mêmes compartiments de sorte que le débit instantané nécessaire est considérablement diminué... » ; que la caractéristique de fermeture en cascade des orifices figurait donc bien dans la demande initiale et y était décrite ; que, par ailleurs, s'agissant du cloisonnement, que l'appelante ne fait qu'indiquer que l'examinateur de l'OEB n'a pas compris ce terme puisqu'il l'a écrit dans sa notification ; que, cependant, outre le fait que ce n'était pas le terme « cloisonnement » qui n'était pas clair aux yeux de l'examinateur de l'OEB mais le sens de la « mise en série » des orifices et des caractéristiques techniques nécessaires à sa réalisation, la modification de la revendication 1 demandée par l'examinateur de l'OEB sur le fondement de l'article 84 de la CBE n'est pas une cause de nullité du brevet ; que la demande initiale (page 5, lignes 12 à 22) décrit le cloisonnement qui assure une mise en série d'au moins une partie des orifices supérieurs des compartiments par rapport à un dispositif d'aspiration et explique que le cloisonnement peut prendre la forme d'un collecteur (8) tel qu'illustré dans la figure 1, et dont les branches sont reliées en série par des conduits de liaison de sorte que la modification intervenue n'a pas eu pour effet d'étendre l'objet du brevet au-delà de la demande initiale ; que, dès lors, le moyen de nullité tenant à l'extension de l'objet du brevet X... au-delà du contenu de la demande de brevet EP de base ne peut prospérer ;

QUE, se fondant sur les articles L. 612-6 et R. 612-16 relatifs à la définition de l'objet de la protection demandée par un brevet français, et dont elle n'explique pas en quoi ils fonderaient sa demande, l'appelante soutient que la revendication 1 du brevet européen serait nulle comme étant une revendication de résultat ; qu'elle indique à nouveau que la caractéristique de cloisonnement n'est définie ni dans sa structure ni dans sa fonction par rapport à une fonction « liaison », qu'il faut donc lire la revendication comme se caractérisant par le fait que des moyens de liaison (entre le dispositif d'aspiration et les clapets) comportent des moyens (non définis) assurant un résultat (une fermeture en cascade) ; qu'elle ajoute que les moyens de liaison - qui ne peuvent avoir pour fonction que de « lier » - ne peuvent donner le résultat d'une fermeture en cascade par dépression des orifices, pour en conclure que la revendication 1 ne serait qu'une revendication de résultat non brevetable, puisque ne sont brevetables que les moyens qui permettent d'arriver à un résultat ; que, cependant, le brevet litigieux décrit des moyens, en l'espèce un cloisonnement de la semelle, pour arriver à l'invention, moyens dont il n'est plus soutenu qu'ils seraient insuffisamment décrits ; que ce moyen de nullité ne peut donc pas prospérer ;

ET QUE, sur le défaut de nouveauté, aux termes de l'article 138 §1 a) de la CBE, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un état contractant, que si l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; que, selon l'article 54, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ; que, se fondant pourtant uniquement sur les dispositions du code de la propriété Intellectuelle, la société Mousse process fait valoir que la revendication 1 du brevet X... est nulle pour défaut de nouveauté au regard d'un brevet US 4674785 (US 1) et d'un brevet US 4703966 (US2) ainsi que d'une machine construite et commercialisée par la société X..., dite Grouazel ; que ses explications ne portant toutefois, dans ses dernières écritures, que sur le document US2 et sur la machine Grouazel, il n'y a pas lieu d'examiner le premier document cité ; que le brevet US 4703966 (Lewecke et al.) est relatif à un dispositif de levage par le vide pour des pièces plates ; que l'invention se propose de remédier aux problèmes de nettoyage des dispositifs de levage et propose donc de réaliser une tête d'aspiration qui peut s'ouvrir facilement pour permettre son nettoyage ; que la tête de préhension est constituée d'un boîtier comprenant une chambre d'aspiration, une rangée de clapets alignés dans une « boîte à clapets » amovible située sous la chambre d'aspiration et qui s'étend sur « presque toute » la longueur du caisson, une semelle supportant sous sa face inférieure une mousse au regard des objets à soulever, cette semelle présentant la caractéristique d'être amovible, et une réserve de vide ; que le but poursuivi par l'invention étant de nettoyer facilement l'intérieur du caisson encrassé du fait de l'aspiration, celle-ci est provoquée par un système d'aspiration et une réserve de vide ; que le brevet indique que cette aspiration doit être forte et décrit un dispositif qui est « étroit » et qui ne comporte qu'une seule rangée de clapets ; que le moyen qui consiste en un cloisonnement à l'intérieur du caisson, afin de parvenir à une fermeture en cascade n'est donc pas enseigné dans ce document contrairement à l'affirmation, non démontrée, de la société Mousse process selon laquelle, dans le dispositif de ce document US, la propagation de la dépression aurait « nécessairement » pour effet de fermer en cascade les clapets ; que le dispositif réalisé par elle, n'est pas plus pertinent dès lors qu'il l'a été de manière non contradictoire et est contesté par les intimés ; que le document US 4703966 ne constitue donc une antériorité de toute pièce susceptible de détruire la nouveauté de la revendication 1 du brevet X... ; que, par ailleurs, qu'il résulte du constat d'huissier du 2 août 2013 versé aux débats par l'appelante, que les attestations d'anciens salariés de la société X..., qui sont au demeurant contredites par les attestations produites par cette dernière, ne viennent pas utilement contredire, que la machine Grouazel, datée de 1994, possède, outre deux semelles différentes constituant deux têtes de préhension et trois tuyaux et deux groupes de clapets, une importante réserve de vide sous la forme d'une colonne qui tend à assurer la fermeture simultanée de tous les clapets, ce que l'invention cherche précisément à éviter ; qu'il n'est ainsi nullement démontré par la société Mousse process, qui procède par simples suppositions, que cette machine possède un cloisonnement et une fermeture en cascade des clapets ; qu'elle ne constitue donc plus une antériorité de nature à détruire la nouveauté de la revendication 1 du brevet EP 1 052 201 ; que la revendication 1 dudit brevet est donc valable ;

1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la description de la demande initiale de brevet indiquait : « pour remédier à ces inconvénients, on propose selon l'invention une tête de préhension par aspiration comprenant une semelle supportant des rangées de compartiments comprenant chacun un orifice inférieur débouchant sur la face inférieure de la semelle et un orifice supérieur équipé d'un organe de fermeture mobile, et des moyens de liaison pour mettre les orifices supérieurs des compartiments en relation avec un dispositif d'obturation, dans laquelle les moyens de liaison comportent un cloisonnement assurant une mise en série d'au moins une partie des orifices supérieurs des compartiments par rapport au dispositif d'aspiration. Ainsi, au lieu d'assurer un déplacement de l'ensemble des organes de fermeture des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever, on assure une fermeture en cascade de ces mêmes compartiments, de sorte que le débit instantané nécessaire est considérablement diminué [...] » (demande initiale de brevet, p. 3, lignes 11 à 28) ; qu'en affirmant, pour exclure toute extension du brevet au-delà de la demande initiale, qu'il est indiqué lignes 23 et suivantes de la description de la demande initiale qu'« ainsi (du fait du cloisonnement) au lieu d'assurer un déplacement simultané de l'ensemble des organes de fermeture des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever, on assure une fermeture en cascade de ces mêmes compartiments », bien que l'expression « du fait du cloisonnement » n'y figurât pas, la cour d'appel a ajouté à la description de la demande initiale un élément technique qui n'avait pas été divulgué, et en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'obligation précitée ;

2°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la revendication 1 du brevet EP 1 052 201 mentionne des « moyens de liaison » entre les orifices supérieurs de la semelle et le dispositif d'aspiration, comportant « un cloisonnement assurant une fermeture en cascade par dépression des orifices supérieurs des compartiments qui ne sont pas en regard d'un article à soulever » ; que le point [0007] de la description vise également un « cloisonnement assurant une fermeture en cascade par dépression des orifices supérieurs des compartiments qui ne sont pas en regard de l'article à soulever » ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation de la revendication 1 du brevet EP 1 052 201, que le brevet litigieux décrivait un « cloisonnement de la semelle », dont ni la revendication 1, ni sa description ne faisaient mention, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du brevet EP 1 052 201, en violation de l'obligation précitée ;

3°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en affirmant, pour exclure que le brevet US 4 703 966 constitue une antériorité de toutes pièces détruisant la nouveauté du brevet EP 1 052 201, que le brevet américain indique que « l'aspiration doit être forte » et décrit un dispositif qui « ne comporte qu'une seule rangée de clapets », « en sorte que le moyen consistant en un cloisonnement à l'intérieur du caisson afin de parvenir à une fermeture en cascade n'est pas enseigné dans ce document », bien que le brevet US 4 703 966 ne prévoie pas que l'aspiration doit être forte et que sa revendication 18 envisage une pluralité de rangées de clapets, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'obligation précitée ;

4°/ ALORS QU' un brevet européen peut être déclaré nul si l'invention n'est pas nouvelle ; que la revendication 1 du brevet EP 1 052 201 comporte deux modes de réalisation ; que l'un des modes de réalisation présente un cloisonnement sans caisson ; qu'en énonçant, pour exclure que le brevet US 4 703 966 constitue une antériorité de toutes pièces détruisant la nouveauté du brevet EP 1 052 201, qu'il n'enseignait pas le moyen consistant en un cloisonnement à l'intérieur du caisson, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à exclure que le brevet US constitue une antériorité de toutes pièces destructrice de nouveauté, a privé sa décision de base légale au regard des articles 54 et 138 §1 de la Convention sur le brevet européen.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Mousse Process avait commis des actes de contrefaçon des revendications 2 et 3 du brevet EP 1 052 201, de l'avoir condamnée à payer des dommages et intérêts à M. X... et à la société X... Aero distribution et d'avoir ordonné une mesure de publication judiciaire,

AUX MOTIFS QUE, par ailleurs, le cloisonnement comporte des branches à l'aplomb des compartiments, disposées entre elles selon des liaisons en série, reproduisant ainsi les caractéristiques de la revendication 2 du brevet X... ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la contrefaçon de la revendication 2 du brevet EP 1 052 201 était caractérisée ; qu'en revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il n'a pas retenu la contrefaçon de la revendication 3 dudit brevet, dès lors que l'appareil litigieux comporte des parois formant un caisson étanche comprenant un orifice d'aspiration débouchant à l'intérieur du caisson et un conduit d'échappement débouchant à l'extérieur du caisson, et qu'à l'intérieur de ce caisson étanche, le cloisonnement constitue le collecteur tel que revendiqué ;

1°/ ALORS QUE la contrefaçon de brevet suppose la reproduction des caractéristiques essentielles de l'invention ; que la revendication 2 du brevet EP 1 052 201 porte sur une « tête de préhension selon la revendication 1, caractérisée en ce que le cloisonnement comprend un collecteur (8) ayant des branches (8.1, 8.2., 8.3) disposées à l'aplomb des rangées de compartiments, les branches du collecteur étant reliées entre elles selon des liaisons en série ou parallèle » ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer que la revendication 2 du brevet EP 1 052 201 était contrefaite par les préhenseurs de la société Mousse Process, que le cloisonnement des moyens de liaison du dispositif de la société Mousse Process présentait des branches à l'aplomb des compartiments, disposées entre elles selon des liaisons en série, sans caractériser l'existence d'un cloisonnement comprenant un collecteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 613-2, L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ ALORS QUE la contrefaçon de brevet suppose la reproduction des caractéristiques essentielles de l'invention ; que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 porte sur une « tête de préhension selon la revendication 2, caractérisée en ce qu'elle comporte des parois (10,11) formant un caisson étanche autour du collecteur, en ce que le dispositif d'aspiration (7) est relié au caisson, en ce que le collecteur (8) comporte un orifice d'aspiration (13) débouchant à l'intérieur du caisson et un conduit d'échappement (16) débouchant à l'extérieur du caisson, et en ce que les trappes (17,18) sont associées à l'orifice d'aspiration et au conduit d'échappement » ; que le point [0009] de la description expose que, « selon une version avantageuse de l'invention, le cloisonnement comprend un collecteur ayant des branches disposées à l'aplomb des rangées de compartiments, les branches étant reliées entre elles selon des liaisons en série ou parallèle » ; qu'en énonçant, pour affirmer que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 était contrefaite par les préhenseurs de la société Mousse Process, qu'à l'intérieur du caisson, le cloisonnement constituait le collecteur tel que revendiqué, la cour d'appel, qui a remplacé « cloisonnement comprenant un collecteur » par « cloisonnement constituant un collecteur », n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 613-2, L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle.

3°/ ALORS QUE la contrefaçon de brevet suppose la reproduction des caractéristiques essentielles de l'invention ; que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 expose que le « collecteur » comporte un orifice d'aspiration débouchant à l'intérieur du caisson ; qu'en énonçant, pour affirmer que la revendication 3 du brevet EP 1 052 201 était contrefaite par les préhenseurs de la société Mousse Process, que le « caisson étanche » comprenait un orifice d'aspiration débouchant à l'intérieur du caisson, bien que le caisson étanche ne se confonde pas avec le collecteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 613-2, L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-25578
Date de la décision : 03/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mai. 2018, pourvoi n°16-25578


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25578
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award