LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2015), que le 9 décembre 2014, la société Invest Securities, agissant comme établissement présentateur pour le compte de la société Prologue, a déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) un projet d'offre publique d'échange visant la totalité des actions, les obligations convertibles (les OC) et les bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables (les BSAAR) de la société O2i ; que cette offre consistait, d'une part, en un échange de ces actions et de ces OC contre des actions à émettre par la société Prologue, à raison de trois actions Prologue contre deux actions O2i et 3 actions Prologue contre 2 OC O2i, et, d'autre part, en un achat de ces BSAAR au prix de 0,05 euro l'unité ; que la société Prologue avait précédemment, par communiqué du 15 octobre 2014, annoncé avoir conclu des engagements d'apport avec certains actionnaires de la société O2i, représentant 16 % du capital de celle-ci ; que sur requête de la société Prologue, le président d'un tribunal de grande instance a, par ordonnance du 17 décembre 2014, désigné un commissaire aux apports, qui a déposé son rapport le 9 janvier 2015, suivi d'un rapport complémentaire le 20 mars 2015 ; que le conseil d'administration de la société Prologue a, le 19 décembre 2014, désigné le cabinet Ricol Lasteyrie Corporate Finance (le cabinet RLCF) comme expert indépendant ; que le cabinet RLCF a remis deux rapports, en date des 24 février et 12 mars 2015, par lesquels il a conclu que l'offre n'était pas équitable d'un point de vue financier pour les porteurs de titres de la société O2i ; que le 25 février 2015, le conseil d'administration de la société O2i a émis un avis défavorable au projet d'offre publique de la société Prologue ; que par décision n° 215C0390 du 2 avril 2015, l'AMF a déclaré ce projet non conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables ; que la société Prologue a formé un recours contre cette décision et une demande de paiement de dommages-intérêts contre l'AMF ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Prologue fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 231-21, 5° du règlement général de l'AMF, que lorsqu'elle apprécie la conformité d'un projet d'offre publique aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l'Autorité des marchés financiers n'est exceptionnellement fondée à se prononcer sur les conditions financières de l'offre, au regard notamment du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration de la société cible, que « dans les cas prévus à l'article 261-1 », notamment, selon le 5° de l'article 261-1, « lorsque l'offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes et est libellée à des conditions de prix susceptibles de porter atteinte à l'égalité entre les actionnaires ou les porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre » ; que cette dernière disposition, d'interprétation stricte, ne peut s'appliquer qu'à des offres emportant, pour chacune des catégories d'instruments financiers visées, le paiement d'un « prix », c'est-à-dire d'une contrepartie en numéraire, et non une contrepartie en nature ; que tel n'était pas le cas de l'offre de la société Prologue qui, ainsi que le relève la cour d'appel, consistait, d'une part, en un échange de deux actions O2i contre trois actions Prologue et de deux obligations convertibles en actions (OC) contre trois actions Prologue et, d'autre part, en un achat de bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables (BSAAR) de la société O2i à raison de 0,05 € l'unité, une telle offre n'étant de nature à engendrer aucun risque d'inégalité de traitement en termes de prix entre les porteurs de ces différentes catégories d'instruments financiers, seule une catégorie d'entre-eux – les porteurs de BSAAR – se voyant proposer le versement d'un prix ; qu'en jugeant néanmoins qu'une telle offre relevait des dispositions de l'article 261-1,5° du règlement général de l'AMF, au motif inopérant que ce texte concerne les offres d'acquisition et n'est donc pas limité aux seules offres publiques d'achat, la cour d'appel a violé l'article L 433-1 du code monétaire et financier et les articles 261-1, I, 5° et 231-21 du règlement général de l'AMF ;
Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que l'interprétation soutenue par la société Prologue, selon laquelle la désignation d'un expert indépendant ne s'impose qu'à l'égard des seules offres publiques d'achat, est contredite par la lettre même de l'article 261-1 du règlement général de l'AMF, qui vise les offres publiques d'acquisition de façon générale, c'est-à-dire les offres de toute nature et de toutes modalités, que la contrepartie offerte consiste dans le versement d'un prix ou dans la remise de titres selon une parité déterminée, et que son champ d'application n'est, en conséquence, nullement limité aux seules offres publiques d'achat ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société Prologue fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que l'expertise indépendante requise par l'article 261-1, 5° du règlement général de l'AMF « lorsque l'offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes et est libellée à des conditions de prix susceptibles de porter atteinte à l'égalité entre les actionnaires ou les porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre », de même que le contrôle exercé par l'Autorité des marchés financiers sur le projet d'offre, n'ont pas pour finalité de déterminer si l'offre publique est conforme à l'intérêt social de la société cible, ni de se prononcer sur le caractère satisfaisant des conditions de prix ou de parité offertes aux destinataires de l'offre, mais seulement de s'assurer de l'égalité de traitement entre les porteurs des différentes catégories d'instruments financiers sur lesquelles l'offre porte ; qu'il suit de là que la mission de l'expert indépendant et de l'Autorité des marchés financiers doit se limiter à s'assurer de la cohérence des contreparties offertes aux porteurs des différentes catégories d'instruments financiers, pour vérifier que certains d'entre eux ne sont pas avantagés au détriment des autres ; qu'en l'espèce, tout en constatant que l'expert « indépendant » avait été mandaté par le conseil d'administration de la société O2i pour se prononcer sur le caractère équitable de l'opération et sur sa conformité à l'intérêt social, la cour d'appel a considéré que la circonstance que cette dernière mission ne soit pas visée par les textes en cause n'était pas de nature à disqualifier son rapport dès lors qu'il présentait les caractères requis d'une attestation d'équité ; qu'elle a également relevé que « si dans son rapport du 24 février 2015, le cabinet RCLF s'est prononcé sur le caractère équitable de l'offre de la société Prologue pour les seuls actionnaires de la société O2i, il s'est prononcé, dans son rapport du 12 mars 2015, sur le caractère équitable de cette même offre pour les titulaires d'OC et les porteurs de BSAAR de la société O2i », puis a constaté que l'AMF avait fondé sa décision de non-conformité sur le constat que « s'agissant des conditions financières dans lesquelles sont visés les BSAAR et les OC O2I, l'expert indépendant les valorise respectivement à 0,17 € et 2,99 € par l'application de la méthode du modèle binomial pour les BSAAR et de la méthode de la valorisation actuarielle complétée par un modèle Black etamp; Scholes pour la partie optionnelle des OC, soit pour les BSAAR une décote induite par l'offre de 71% et pour les OC une fourchette de décote comprise entre 3% et 41%, tandis que l'établissement présentateur, par une méthode similaire obtient une valeur comprise entre 0,14 € et 0,29 € par BSAAR, soit une décote comprise entre 64% et 83% et assimile les OC O2I aux actions O2I, hors coupon couru » ; qu'en jugeant que l'AMF était fondée à se prononcer sur la conformité aux dispositions législatives et réglementaires du projet d'offre de la société Prologue sur la base des conclusions d'un tel rapport d'expertise, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que l'expert n'avait nullement entrepris de vérifier la cohérence des contreparties offertes aux porteurs des différentes catégories d'instruments financiers, afin de s'assurer que certains d'entre eux n'étaient pas avantagés au détriment des autres , mais s'était plus radicalement prononcé sur le caractère satisfaisant des conditions de parité et de prix offertes aux destinataires de cette offre, en substituant ses propres évaluations des instruments financiers en cause à celles retenues par la société Prologue, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;
2°/ que le respect du principe d'égalité de traitement impose d'accorder un traitement égal à toute situation égale ; qu'en l'espèce, la société Prologue faisait valoir que dans le cadre de son offre les actionnaires et les porteurs d'OC étaient traités de manière égale puisque ceux-ci se voyaient proposer la même parité d'échange ; qu'elle rappelait, s'agissant des porteurs de BSAAR, que ceux-ci se voyaient également proposer un traitement qui n'était pas désavantageux par rapport aux autres destinataires de l'offre s'ils étaient placés dans une situation égale, c'est-à-dire en prenant l'hypothèse d'un exercice immédiat des BSAAR les rendant actionnaires ; qu'elle rappelait à cet égard que le prix d'acquisition de trois BSAAR ajouté au prix d'exercice de ces BSAAR représentait 2,35 euros, ce qui correspondait à peu de chose près à la valeur unitaire de l'action O2i retenue dans le cadre de l'OPE (qui était de 2,38 euros), étant rappelé que 3 BSAAR étaient nécessaires pour l'acquisition d'une action O2i ; qu'elle rappelait, surtout, qu'était parfaitement possible, pour les porteurs de BSAAR de les exercer pour souscrire des actions O2i, et bénéficier ainsi des conditions offertes aux porteurs d'actions et d'OC pour le cas où, le cas échéant, ils estimeraient ces conditions plus favorables ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, qui démontraient que les conditions financières étaient essentiellement les mêmes pour tous et que l'offre formulée par la société Prologue ne méconnaissait pas le principe d'égalité de traitement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que, contrairement à ce qui est allégué, l'arrêt retient que si, dans son rapport du 24 février 2015, l'expert indépendant s'est prononcé sur le caractère équitable de l'offre de la société Prologue pour les seuls actionnaires de la société O2i, il s'est prononcé, dans son rapport du 12 mars 2015, sur le caractère équitable de cette même offre pour les titulaires d'OC et les porteurs de BSAAR de la société O2i, puis, par addendum du 24 mars 2015, après avoir pris connaissance du projet de note d'information de la société Prologue et du rapport du commissaire aux apports, a maintenu son avis ; que le grief de la première branche manque en fait ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt retient, d'abord, que l'expert indépendant a valorisé les OC et les BSAAR, respectivement, à 2,99 euros et 0,17 euros, soit, pour les OC, une décote comprise entre 3 % et 41 % et, pour les BSAAR, une décote de 71 %, et qu'il en a conclu que l'offre n'était pas équitable pour les porteurs de titres de la société O2i ; qu'il retient, encore, que l'établissement présentateur a attribué aux BSAAR une valeur comprise entre 0,14 euros et 0,29 euros, soit une décote comprise entre 64 % et 83 % ; que par ces motifs, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument omises qui faisaient valoir que les conditions financières étaient essentiellement les mêmes pour tous et que l'offre formulée par la société Prologue ne méconnaissait pas le principe d'égalité de traitement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Prologue aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à l'Autorité des marchés financiers ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Prologue
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le recours formé par la société Prologue contre la décision de l'AMF n° 215C0390 publiée le 2 avril 2015 et d'AVOIR rejeté la demande de la société Prologue tendant à la condamnation de l'AMF au paiement de dommages intérêts.
AUX MOTIFS QUE : « Sur les conditions financières de l'offre. L'AMF a constaté dans la décision déférée que la désignation d'un expert indépendant était requise et qu'en conséquence, il lui incombait, pour apprécier la conformité du projet de la société Prologue, d'en examiner les conditions financières, par application des dispositions des articles 231-21 5º et 261-1, I 5º de son règlement général. La société Prologue soutient que ces dispositions étaient en l'espèce inapplicables et que l'AMF a ainsi privé sa décision de base légale. L'article 231-21 5º dont l'AMF a fait application est ainsi rédigé : « Art. 231-21 - Pour apprécier la conformité du projet d'offre aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l'AMF examine : (
) 5º Dans les cas prévus à l'article 261-1, les conditions financières de l'offre, au regard notamment du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou, dans le cas d'une société étrangère, de l'organe compétent ; (
) » ; 'article 261-1 auquel renvoie cette disposition, précise que : « I.- La société visée par une offre publique d'acquisition désigne un expert indépendant lorsque l'opération est susceptible de générer des conflits d'intérêts au sein de son conseil d'administration, de son conseil de surveillance ou de l'organe compétent, de nature à nuire à l'objectivité de l'avis motivé mentionné à l'article 231-19 ou de mettre en cause l'égalité des actionnaires ou des porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre. Il en est ainsi notamment dans les cas suivants : (
) 5º Lorsque l'offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes et est libellée à des conditions de prix susceptibles de porter atteinte à l'égalité entre les actionnaires ou les porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre ; (
) ». En l'espèce, l'offre de la société Prologue portait sur des instruments financiers de catégories différentes constituant, les uns, des titres de capital, les autres, des titres donnant accès au capital, puisqu'elle visait l'intégralité des actions, des OC et des BSAAR émis par la société O2i. Son mécanisme consistait, d'une part, en un échange de ces actions et de ces OC contre des actions à émettre par la société Prologue, à raison de 3 actions Prologue contre 2 actions O2i et 3 actions Prologue contre 2 OC O2i, avec dans ce dernier cas le versement d'une soulte correspondant au coupon couru, et, d'autre part, en un achat des BSAAR de la société O2i au prix de 0,05 euro l'unité. Il convenait donc de vérifier que les différentes contreparties offertes étaient cohérentes avec la valorisation du capital de la société, afin de s'assurer que l'offre ne portaient pas atteinte à l'égalité des porteurs des titres qui en étaient l'objet. En conséquence, l'offre de la société Prologue relevait des dispositions de l'article 261-1 5º du règlement général de l'AMF et il incombait à la société O2i de désigner, comme elle a fait, un expert indépendant dans les conditions des articles 261-1 et suivants de ce même règlement général. Dès lors, afin d'apprécier la conformité de l'offre de la société Prologue, l'AMF devait, par application de l'article 231-21 ci-dessus rappelé, en examiner les conditions financières, au regard notamment du rapport de l'expert indépendant désigné par la société O2i et de l'avis du conseil d'administration de celle-ci ; La société Prologue soutient, en premier lieu, que l'article 261-1 I 5º ne visant que le « prix » offert et non la « parité » d'échange, n'est applicable, par définition, qu'aux seules offres publiques d'achat, à l'exclusion de celles d'échange et que son offre, par conséquent, ne devait pas donner lieu à la désignation d'un expert indépendant. Il convient toutefois de relever que le contenu de son offre consistait en un échange des actions et des OC de la société O2i, mais aussi en un achat des BSAAR de cette société au prix de 0,05 euros. Par ailleurs son interprétation, selon laquelle la désignation d'un expert indépendant ne s'impose qu'à l'égard des seules offres publiques d'achat est contredite par la lettre même de l'article 261-1 du règlement général de l'AMF. Cette disposition, vise, en effet, les « offres publiques d'acquisition » de façon générale, c'est-à-dire les offres de toute nature et de toutes modalités, que la contrepartie offerte consiste dans le versement d'un prix ou dans la remise de titres selon une parité déterminée, et son champ d'application n'est, en conséquence, nullement limité aux seules offres publiques d'achat. La société Prologue fait valoir, en deuxième lieu, que le rapport du cabinet RLCF ne présentait pas les caractères de l'« attestation d'équité » que l'expert indépendant doit délivrer dans les termes de l'article 262-1 du règlement général de l'AMF. Elle considère que ce rapport n'avait donc qu'un fondement purement contractuel et ne s'inscrivait pas dans le cadre des dispositions de ce règlement. À l'appui de cette allégation, elle relève, d'une part, que la société O2i a donné mission au cabinet RLCF de se prononcer sur « la conformité à l'intérêt social » de son projet d'offre et, d'autre part, que dans son rapport, le cabinet RLCF s'est prononcé non sur une éventuelle atteinte à l'égalité de traitement entre actionnaires et porteurs des autres titres donnant accès au capital, mais sur le caractère équitable de l'offre pour les seuls actionnaires de la société O2i. Cependant, le cabinet RLCF mandaté par le conseil d'administration de la société O2i s'est prononcé, à la demande de celui-ci, sur le caractère équitable de l'opération ainsi que sur sa conformité à son intérêt social. La circonstance que cette dernière mission ne soit pas visée par les textes en cause du règlement général de l'AMF, n'est pas de nature à disqualifier le rapport du cabinet RLCF, dès lors qu'il présente les caractères requis d'une attestation d'équité. Par ailleurs, si dans son rapport du 24 février 2015, le cabinet RCLF s'est prononcé sur le caractère équitable de l'offre de la société Prologue pour les seuls actionnaires de la société O2i, il s'est prononcé, dans son rapport du 12 mars 2015, sur le caractère équitable de cette même offre pour les titulaires d'OC et les porteurs de BSAAR de la société O2i. Puis, par addendum du 24 mars 2015, le cabinet RLCF, après avoir pris connaissance du projet de note d'information de la société Prologue et du rapport du commissaire aux apports, a maintenu son avis. Ainsi, cet expert a satisfait aux exigences des textes relatifs à l'expertise indépendante et à l'attestation d'équité. C'est donc à juste titre que l'AMF a examiné les conditions financières de l'offre et qu'elle en a apprécié la conformité aux dispositions légales et réglementaires applicables, au vu notamment, comme le prévoit l'article 231-21 du règlement général, du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration de la société O2i. A cet égard, l'AMF a rappelé que le commissaire aux apports avait, au terme de ses diligences, constaté qu'il ne pouvait pas conclure sur la valeur et sur la parité proposées. Elle a, de plus, relevé que l'expert indépendant avait valorisé les OC et les BSAAR, respectivement, à 2,99 euros et 0,17 euros, soit, pour les OC, une décote comprise entre 3 % et 41 % et, pour les BSAAR, une décote de 71 %, et qu'il en avait conclu que l'offre n'était pas équitable pour les porteurs de titres de la société O2i. Elle a, enfin, noté que l'établissement présentateur avait attribué aux BSAAR une valeur comprise entre 0,14 euros et 0,29 euros, soit une décote comprise entre 64 % et 83 %. C'est, par conséquent, à juste titre que l'AMF a considéré au regard de l'ensemble de ces éléments que le projet d'offre ne préservait pas les intérêts des porteurs d'OC et de BSAAR et les critiques de la société Prologue à cet égard doivent être rejetées ».
1°/ ALORS QU' il résulte de l'article 231-21, 5° du règlement général de l'AMF, que lorsqu'elle apprécie la conformité d'un projet d'offre publique aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l'Autorité des marchés financiers n'est exceptionnellement fondée à se prononcer sur les conditions financières de l'offre, au regard notamment du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration de la société cible, que « dans les cas prévus à l'article 261-1 », notamment, selon le 5° de l'article 261-1, « lorsque l'offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes et est libellée à des conditions de prix susceptibles de porter atteinte à l'égalité entre les actionnaires ou les porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre » ; que cette dernière disposition, d'interprétation stricte, ne peut s'appliquer qu'à des offres emportant, pour chacune des catégories d'instruments financiers visées, le paiement d'un « prix », c'est-à-dire d'une contrepartie en numéraire, et non une contrepartie en nature ; que tel n'était pas le cas de l'offre de la société Prologue qui, ainsi que le relève la Cour d'appel, consistait, d'une part, en un échange de 2 actions O2i contre 3 actions Prologue et de 2 obligations convertibles en actions (OC) contre 3 actions Prologue et, d'autre part, en un achat de bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables (BSAAR) de la société O2i à raison de 0,05 € l'unité, une telle offre n'étant de nature à engendrer aucun risque d'inégalité de traitement en termes de prix entre les porteurs de ces différentes catégories d'instruments financiers, seule une catégorie d'entre-eux – les porteurs de BSAAR – se voyant proposer le versement d'un prix ; qu'en jugeant néanmoins qu'une telle offre relevait des dispositions de l'article 261-1,5° du règlement général de l'AMF, au motif inopérant que ce texte concerne les offres d'acquisition et n'est donc pas limité aux seules offres publiques d'achat, la Cour d'appel a violé l'article L 433-1 du Code monétaire et financier et les articles 261-1, I, 5° et 231-21 du règlement général de l'AMF ;
2°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE l'expertise indépendante requise par l'article 261-1, 5° du règlement général de l'AMF « lorsque l'offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes et est libellée à des conditions de prix susceptibles de porter atteinte à l'égalité entre les actionnaires ou les porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre », de même que le contrôle exercé par l'Autorité des marchés financiers sur le projet d'offre, n'ont pas pour finalité de déterminer si l'offre publique est conforme à l'intérêt social de la société cible, ni de se prononcer sur le caractère satisfaisant des conditions de prix ou de parité offertes aux destinataires de l'offre, mais seulement de s'assurer de l'égalité de traitement entre les porteurs des différentes catégories d'instruments financiers sur lesquelles l'offre porte ; qu'il suit de là que la mission de l'expert indépendant et de l'Autorité des marchés financiers doit se limiter à s'assurer de la cohérence des contreparties offertes aux porteurs des différentes catégories d'instruments financiers, pour vérifier que certains d'entre eux ne sont pas avantagés au détriment des autres ; qu'en l'espèce, tout en constatant que l'expert « indépendant » avait été mandaté par le conseil d'administration de la société O2i pour se prononcer sur le caractère équitable de l'opération et sur sa conformité à l'intérêt social, la cour d'appel a considéré que la circonstance que cette dernière mission ne soit pas visée par les textes en cause n'était pas de nature à disqualifier son rapport dès lors qu'il présentait les caractères requis d'une attestation d'équité ; qu'elle a également relevé que « si dans son rapport du 24 février 2015, le cabinet RCLF s'est prononcé sur le caractère équitable de l'offre de la société Prologue pour les seuls actionnaires de la société O2i, il s'est prononcé, dans son rapport du 12 mars 2015, sur le caractère équitable de cette même offre pour les titulaires d'OC et les porteurs de BSAAR de la société O2i », puis a constaté que l'AMF avait fondé sa décision de non-conformité sur le constat que « s'agissant des conditions financières dans lesquelles sont visés les BSAAR et les OC O2I, l'expert indépendant les valorise respectivement à 0,17 € et 2,99 € par l'application de la méthode du modèle binomial pour les BSAAR et de la méthode de la valorisation actuarielle complétée par un modèle Black etamp; Scholes pour la partie optionnelle des OC, soit pour les BSAAR une décote induite par l'offre de 71% et pour les OC une fourchette de décote comprise entre 3% et 41%, tandis que l'établissement présentateur, par une méthode similaire obtient une valeur comprise entre 0,14 € et 0,29 € par BSAAR, soit une décote comprise entre 64% et 83% et assimile les OC O2I aux actions O2I, hors coupon couru » ; qu'en jugeant que l'AMF était fondée à se prononcer sur la conformité aux dispositions législatives et réglementaires du projet d'offre de la société Prologue sur la base des conclusions d'un tel rapport d'expertise, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que l'expert n'avait nullement entrepris de vérifier la cohérence des contreparties offertes aux porteurs des différentes catégories d'instruments financiers, afin de s'assurer que certains d'entre eux n'étaient pas avantagés au détriment des autres , mais s'était plus radicalement prononcé sur le caractère satisfaisant des conditions de parité et de prix offertes aux destinataires de cette offre, en substituant ses propres évaluations des instruments financiers en cause à celles retenues par la société Prologue, la Cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;
3°/ ALORS ENFIN QUE le respect du principe d'égalité de traitement impose d'accorder un traitement égal à toute situation égale ; qu'en l'espèce, la société Prologue faisait valoir que dans le cadre de son offre les actionnaires et les porteurs d'OC étaient traités de manière égale puisque ceux-ci se voyaient proposer la même parité d'échange (mémoire en réplique, p.19) ; qu'elle rappelait, s'agissant des porteurs de BSAAR, que ceux-ci se voyaient également proposer un traitement qui n'était pas désavantageux par rapport aux autres destinataires de l'offre s'ils étaient placés dans une situation égale, c'est-à-dire en prenant l'hypothèse d'un exercice immédiat des BSAAR les rendant actionnaires ; qu'elle rappelait à cet égard que le prix d'acquisition de trois BSAAR ajouté au prix d'exercice de ces BSAAR représentait 2,35 euros, ce qui correspondait à peu de chose près à la valeur unitaire de l'action O2i retenue dans le cadre de l'OPE (qui était de 2,38 euros), étant rappelé que 3 BSAAR étaient nécessaires pour l'acquisition d'une action O2i ; qu'elle rappelait, surtout, qu'était parfaitement possible, pour les porteurs de BSAAR de les exercer pour souscrire des actions O2i, et bénéficier ainsi des conditions offertes aux porteurs d'actions et d'OC pour le cas où, le cas échéant, ils estimeraient ces conditions plus favorables (conclusions, p.19) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, qui démontraient que les conditions financières étaient essentiellement les mêmes pour tous et que l'offre formulée par la société Prologue ne méconnaissait pas le principe d'égalité de traitement, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS QUE : « Sur l'information relative à l'offre. La société Prologue reproche à l'AMF d'avoir estimé que l'information relative à son projet d'offre n'était « ni complète ni cohérente au sens de l'article L. 621-8-1 du code monétaire et financier ». Elle fait valoir sur ce point, en premier lieu, que le collège de l'AMF ne pouvait considérer que l'information n'était pas complète, alors que les services chargés d'instruire son projet ne lui avaient plus demandé d'explication, ni fait de commentaire, de sorte qu'ils étaient nécessairement « satisfaits de la documentation fournie ». Cette critique n'est pas fondée. En effet, si les projets d'offre publique sont instruits par les services compétents avant qu'ils soient présentés au collège, celui-ci est seul investi du pouvoir de contrôle et de décision que la loi confie à l'AMF en cette matière. En conséquence, et sauf à dénier au collège cette responsabilité, on ne saurait considérer que les services n'ayant plus demandé, à compter du 31 mars 2015, d'explication à la société Prologue, l'information délivrée par celle-ci, sous sa seule responsabilité, satisfaisait nécessairement aux exigences légales et réglementaires de complétude et de cohérence ; que la société Prologue soutient, en second lieu, que l'AMF a pris prétexte de l'avis négatif du conseil d'administration de la société O2i pour conclure que l'information relative à son projet d'offre n'était pas cohérente. Il résulte cependant de la décision déférée que tel n'est pas le cas et que le défaut de cohérence relevé par l'AMF portait sur l'information figurant dans la note élaborée par la société Prologue et qu'il affectait, en particulier, les objectifs et les intentions définis par celle-ci. L'AMF a ainsi précisé dans ses observations que l'objectif de rapprochement industriel avec la société O2i affiché par la société Prologue n'était étayé d'aucune analyse factuelle des complémentarités possibles, d'aucun chiffrage des synergies ni d'aucune indication sur la future organisation opérationnelle. Si, comme l'observe la société Prologue, le caractère non sollicité de son offre, et donc l'absence de coopération avec la société O2i, la mettaient dans l'incapacité de livrer des éléments chiffrés, il n'en demeure pas moins que l'AMF a pu légitimement considérer, au regard des éléments qui lui étaient soumis, que l'offre était empreinte d'imprécision et d'incohérence, contraires aux exigences requise par le code monétaire et financier en ce qui concerne l'information des actionnaires et du marché. Enfin, si le collège de l'AMF a rappelé dans sa décision que l'expert indépendant et le commissaire aux apports avaient considéré que le projet d'offre n'était pas équitable au vu, notamment, des incertitudes affectant le projet stratégique d'ensemble et les synergies éventuelles, il n'a nullement considéré que l'information délivrée par la société Prologue manquait, pour cette seule raison, de cohérence, mais il a, ce faisant, appliqué les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 231-21 5º du règlement général, aux termes desquelles l'AMF examine les conditions financières de l'offre « au regard notamment du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration » de la société cible. Il résulte de ces constatations que les motifs sur lesquels l'AMF a fondé sa décision ne sont entachés d'aucune irrégularité » ;
4°/ ALORS QUE lorsqu'elle se prononce sur la conformité d'un projet d'offre publique aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l'Autorité des marchés financiers, qui n'est pas en situation de compétence liée par rapport à quiconque, est tenue d'apprécier elle-même si l'information délivrée au marché dans la documentation d'offre est suffisante et cohérente ; que, pour conclure que cette information n'était ni suffisante, ni cohérente, l'Autorité s'était bornée à relever, dans sa décision de non-conformité, que si « les objectifs et intentions de la société Prologue, visés à l'article 231-21, 1° du règlement général, et tels que décrits dans le projet de note d'information, font état d'un rapprochement avec la société O2I harmonieux et bénéfique pour les deux entités et de ce que le projet de rapprochement « offre de nombreux leviers de création de valeur pour les deux groupes », (
) dans le même temps l'expert indépendant et le commissaire aux apports n'ont pas conclu en ce que la parité d'échange était équitable à raison d'incertitudes pour le premier sur le projet stratégique d'ensemble et pour le second sur les synergies éventuelles », « que le conseil d'administration de la société O2I a aussi rendu un avis négatif sur ce point » et « que dans ces circonstances l'information dans le cadre du projet d'offre publique d'échange n'est ni complète ni cohérente au sens de l'article L. 621-8-1 du code monétaire et financier » ; qu'en refusant de sanctionner de tels motifs, qui ne faisaient pourtant apparaître aucune appréciation personnelle menée par l'Autorité des informations délivrées par l'initiateur et qui étaient, en toute hypothèse, impropres à justifier en quoi ces informations auraient été insuffisantes ou incohérentes, la Cour d'appel a violé l'article 433-1 du code monétaire et financier ensemble les articles 231-21, 231-13, 231-18, et 231-28 du règlement général de l'AMF ;
5°/ ALORS QUE toute décision de non-conformité prise par l'AMF doit être motivée et se suffire à elle-même, de sorte que les observations déposées par celle-ci devant la juridiction de recours ne sauraient pallier l'insuffisance de motivation de sa décision ; qu'en relevant, pour rejeter le moyen de nullité par lequel la société Prologue reprochait à l'AMF de ne pas avoir caractérisé l'insuffisance de l'information délivrée dans la documentation d'offre qu'elle avait établie, que l'AMF avait « précisé dans ses observations que l'objectif de rapprochement industriel avec la société O2i n'était étayé d'aucune analyse factuelle des complémentarités possibles, d'aucun chiffrage des synergies ni d'aucune indication sur la future organisation opérationnelle », et que les informations délivrées par la société Prologue étaient « imprécises », cependant que la décision elle-même ne renfermait pas de tels griefs, la Cour d'appel a violé l'article L 433-1 du code monétaire et financier ensemble les articles 231-21, 231-13, 231-18, et 231-28 du règlement général de l'AMF ;
6°/ ALORS EN OUTRE QU'en relevant, sur la base des observations formulées par l'AMF, que le collège de l'AMF avait légitimement pu estimer que les informations communiquées par la société Prologue étaient incohérentes et « imprécises », cependant que l'exigence de « précision » ne figure pas parmi celles assignées à la documentation d'offre par l'article L 621-8-1 du code monétaire et financier, la Cour d'appel a violé ladite disposition ;
7°/ ALORS QU'aucun texte n'oblige l'initiateur d'une offre publique d'acquisition, de surcroît non sollicitée, d'informer le public sur le « chiffrage des synergies envisagée », sur « l'organisation opérationnelle » de la future structure, ni de produire une analyse détaillée des complémentarités possibles, la communication de telles informations étant, au stade de l'offre, prématurée ; qu'en déduisant de l'absence de communication de tels éléments que l'information délivrée par la société Prologue n'était ni complète, ni cohérente, la Cour d'appel a violé l'article L 621-8 du code monétaire et financier ainsi que les articles 231-13, 231-18, et 231-28 du Règlement général de l'AMF ;
8°/ ALORS, de surcroît, QU'en relevant, pour retenir le grief d'incomplétude formulée par le collège de l'AMF, que l'AMF précisait dans ses observations que l'objectif de rapprochement industriel avec la société O2i « n'était étayé d'aucun chiffrage des synergies », tout en relevant que « le caractère non sollicité de [l'] offre [de la société Prologue], et donc l'absence de coopération avec la société O2i, la mettaient dans l'incapacité de livrer des éléments chiffrés », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait qu'il ne pouvait pas être reproché à la société Prologue de ne pas avoir chiffré les synergies envisagées ; qu'elle a, ce faisant, violé les articles L 621-8 du code monétaire et financier ainsi que les articles 231-13, 231-18, et 231-28 du règlement général de l'AMF ;
9°/ ALORS ENFIN QUE le défaut de réponse à conclusion équivaut à un défaut de motif ; que la société Prologue faisait valoir, de première part, (mémoire en réplique, p.13) que contrairement à ce qu'avait décidé l'AMF, il n'y avait aucune incohérence dans le fait, d'une part, d'afficher un « objectif de rapprochement avec la société O2i », et, d'autre part, de proposer aux actionnaires de cette société de conclure des traités d'apport, puisque ceux-ci devaient lui permettre, le cas échéant, de prendre le contrôle de la société O2i ; qu'elle ajoutait, de deuxième part (ibid), qu'il n'existait pas davantage d' « incohérence » entre, d'une part, les objectifs de rapprochement industriel qu'elle avait annoncés, et, d'autre part, le fait qu'elle avait demandé à être exonérée de la règle de la caducité de l'offre prévue en cas de non atteinte du seuil de 50% des actions et des droits de vote de la société cible, dès lors qu'il lui était parfaitement possible d'acquérir le contrôle de fait sur cette société en deçà dudit seuil – ce qui était précisément arrivé suite à la décision de non-conformité rendue par l'AMF - et que cette mesure avait un caractère purement conservatoire en l'état de l'hostilité affichée par la direction de la société O2i à l'égard de l'offre de la société Prologue qui pouvait l'empêcher d'atteindre ledit seuil de 50 % ; qu'en ne consacrant aucun motif à ces conclusions, qui étaient opérantes et qui démontraient que la société Prologue n'avait, à aucun égard, caractérisé l'incohérence de la documentation d'offre qu'elle avait établie ou des objectifs qu'elle avait affichés, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;