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02/05/2018 | FRANCE | N°17-81976

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mai 2018, 17-81976


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Serge X..., assisté de son curateur, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2017, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Mme Hélène Y... et de la société La Panthère noire du chef d'abus de faiblesse ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 mars 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure p

énale : M. Soulard, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la cham...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Serge X..., assisté de son curateur, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2017, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Mme Hélène Y... et de la société La Panthère noire du chef d'abus de faiblesse ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 mars 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388 et 593 du code de la procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif, a relaxé Mme Hélène Y..., après avoir estimé que les faits portant sur les sommes données par la partie civile n'entraient pas dans le cadre de la prévention ;

"aux motifs que cette prévention identique à l'encontre de La Panthère noire et de Mme Hélène Y..., et son expression « la dépense de sommes considérables au moyen de fourniture de consommation à prix prohibitifs », alors que le préjudice n'est pas estimé, établissent que seule l'activité professionnelle du bar et de l'hôtesse est concernée, et non le comportement privé de Mme Y..., non cité ni évoqué alors que faisant partie de la procédure d'enquête, comprenant, notamment, en décembre 2008 plusieurs cadeaux de prix, le financement à hauteur de 6 000 euros d'une opération de chirurgie esthétique de la poitrine avec rédaction d'un faux justificatif d'origine des fonds, la réservation d'une chambre d'hôtel de luxe dans le but de relations sexuelles par elle finalement refusées ;

"alors que l'ordonnance de renvoi saisie les juges du fond de l'ensemble des faits qui y sont visés, tant dans ses motifs que dans son dispositif, sous réserve que le magistrat instructeur n'ait pas jugé que ces faits n'étaient pas établis ; que dès lors que l'ordonnance de renvoi fait mention d'une somme de 6 000 euros versée par la partie civile à la prévenue, faits que le juge d'instruction a estimé établi, en estimant que ces faits n'entraient pas dans le cadre de sa saisine, aux motifs que le dispositif de l'ordonnance ne visait que des dépenses réalisées aux fins de fourniture de consommation à prix prohibitif, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine, en violation de l'article 385 du code de procédure pénale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, devenu 1240 du code civil, 223-15-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. Serge X... de sa demande de dommages-intérêts, après avoir relaxé les prévenus poursuivis pour abus de faiblesse ;

"aux motifs que la prévention fixée par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, et prise par le tribunal en sa déclaration de culpabilité, retient, à l'encontre de la Sarl La Panthère noire comme de Mme Hélène Y..., notamment, la période du 1er septembre 2008 au 28 février 2009, la connaissance d'une particulière vulnérabilité, la dépense de sommes considérables au moyen de fourniture de consommation à prix prohibitifs ; que cette prévention identique à l'encontre de La Panthère noire et de Mme Y..., et son expression « la dépense de sommes considérables au moyen de fourniture de consommation à prix prohibitifs », alors que le préjudice n'est pas estimé, établissent que seule l'activité professionnelle du bar et de l'hôtesse est concernée, et non le comportement privé de Mme Y..., non cité ni évoqué alors que faisant partie de la procédure d'enquête, comprenant notamment en décembre 2008 plusieurs cadeaux de prix, le financement à hauteur de 6 000 euros d'une opération de chirurgie esthétique de la poitrine avec rédaction d'un faux justificatif d'origine des fonds, la réservation d'une chambre d'hôtel de luxe dans le but de relations sexuelles par elle finalement refusées ; que, n'est pas illégal le principe de l'activité professionnelle de cet établissement ouvert au public et de sa salariée, dont le but est le profit financier maximal et le moyen la satisfaction apparente de faiblesses humaines dans une ambiance matérielle d'alcool, musique, danse, spectacle de déshabillage, et désir physique ; qu'alors que les éléments de la procédure n'établissent pas suffisamment la situation de faiblesse de M. X... due à une particulière vulnérabilité apparente ou connue à l'époque des faits ; qu'en effet, les expertises psychologique et psychiatrique sont de plus de trois ans postérieures aux faits, alors que les éléments médicaux antérieurs ou concomitants sont limités, que M. X... né en [...] avait une vie professionnelle et amicale soutenue de qualité, que ses faiblesses avaient été matérialisées avant la rencontre avec La Panthère noire et Mme Y... par des dépenses et crédits importants, sa plainte ne concernant pas en revanche les établissements de crédit, comme par la fréquentation d'autres bars de nuit, fréquentation continuée durant la présente procédure, et alors reconnaît lui-même qu'il s'appliquait à donner le change afin de dissimuler ses faiblesses et moyens financiers réels et d'éviter les mesures de protection sociale dont il avait connaissance, et ce dans le cadre d'un sentiment amoureux et de l'attirance physique, unilatéraux, envers une femme plus jeune de 25 ans ; qu'ainsi la procédure établit une certaine faiblesse et vulnérabilité, mais pas suffisamment la particulière vulnérabilité prévue par la loi, de plus, les éléments de la procédure n'établissent pas que la Sarl La Panthère noire représentée par M. Charles B... ait eu connaissance, et que Mme Y... ait eu suffisamment connaissance, d'une situation de M. X... de faiblesse due à une particulière vulnérabilité apparente ou connue ; qu'en effet, les éléments de la procédure n'établissent pas la connaissance personnalisée par La Panthère noire de ses clients dont de M. X..., de sa santé psychologique et de sa situation de fortune, alors que M. X... ne conteste pas avoir peu rencontré M. B... et peu échangé avec lui en raison de sa présence limitée dans l'établissement, et reconnaît expressément avoir donné le change afin de dissimuler ses faiblesses et moyens financiers réels, l'intervention du banquier de M. X... auprès de M. B... a certes permis à ce dernier d'avoir une connaissance précise de difficultés financières de M. X... au regard de ses revenus, mais pas de sa situation de fortune ni de ses crédits en cours, ni de la cause psychologique de ces difficultés ; que Mme Y..., dans le cadre de son travail professionnel, avait certes une connaissance d'éléments précis psychologiques, personnels, professionnels et financiers donnés par M. X..., susceptibles de caractériser une situation de faiblesse, mais pas une particulière vulnérabilité apparente ou connue, alors que les renseignements donnés par M. X... l'étaient dans le contexte matériel de cet établissement, mais aussi d'attirance amoureuse et physique, et que d'autre part M. X... a expressément reconnu avoir présenté sa situation à son avantage dont sur le plan financier mettant en avant en plus de sa situation professionnelle assurant un niveau intellectuel et matériel, un héritage et une maison, et une absence d'enfants, ainsi que le plaisir que lui procurait le fait de lui offrir des cadeaux ;

"1°) alors que l'article 223-15-2 du code pénal impose d'établir que la situation de faiblesse due à l'âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse de la victime, a été concomitante aux faits constitutifs d'abus frauduleux, peu important que cette situation de faiblesse ait été antérieure ; qu'en estimant que les pratiques addictives de la partie civile, consistant à fréquenter des bars à hôtesses, étaient antérieures aux faits en cause en l'espèce, pour juger que le délit d'abus de faiblesse n'était pas établi, la cour d'appel a méconnu l'article 223-15-2 du code pénal ;

"2°) alors que le placement sous protection sociale implique en lui-même la situation de faiblesse due à la particulière vulnérabilité de la personne ; qu'en estimant que l'état de particulière vulnérabilité de la partie civile au moment des faits n'était pas établi, la cour d'appel qui constatait pourtant que la partie civile tentait de dissimuler son état, afin d'éviter des mesures de protection sociale, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

"3°) alors que le délit d'abus de faiblesse n'exige pas que son auteur ait connu de façon précise la cause médicale, psychologique ou psychiatrique de l'état de vulnérabilité de la victime, mais seulement qu'il ait connu cet état qui était apparent ; qu'en relaxant les prévenus aux motifs que si le dirigeant de l'établissement avait été informé des difficultés financières de la partie civile, qui dépensait des sommes considérables dans l'établissement plusieurs fois par jour, il n'en résultait pas qu'il avait connaissance de la cause psychologique de ces difficultés, quand l'arrêt rappelait que l'une des serveuses du bar avait affirmé que le dirigeant du bar avait qualifié le comportement de la partie civile de « délire de consommation », compte tenu de l'importance des dépenses hebdomadaires de la partie civile dans cet établissement, pendant plusieurs mois, en cause dans l'acte de prévention, et que l'endettement en étant résulté était connu du dirigeant du bar du fait des alertes du banquier de la partie civile, révélant la connaissance d'un comportement anormal apparent, sans qu'il s'impose d'établir la connaissance de la cause psychologique précise de ce « délire », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Serge X..., placé sous curatelle renforcée depuis le 30 juin 2009, a porté plainte et s'est constitué partie civile pour des faits d'abus de faiblesse qui auraient été commis entre septembre 2008 et février 2009 par Mme Hélène Y... et la société La Panthère noire dont la première était alors employée en qualité d'hôtesse ; que M. X... a expliqué qu'il avait fréquenté très régulièrement le bar La Panthère noire et qu'il y dépensait jusqu'à 1200 euros par soir afin de pouvoir rester aux côtés de Mme Y... dont il s'était épris et à laquelle il avait offert des cadeaux, notamment des soins de chirurgie esthétique pour un montant de 6 000 euros ; qu'à l'issue de l'instruction au cours de laquelle plusieurs expertises ont été réalisées, Mme Y... et la société La Panthère noire ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel pour avoir abusé de M. X..., personne majeure qu'elles savaient particulièrement vulnérable en raison d'une déficience psychique, pour la conduire à dépenser des sommes considérables, au moyen, pour ce qui concerne la société, de fourniture de consommation à prix prohibitifs, et notamment par ce même moyen pour ce qui concerne Mme Y... ; que le tribunal correctionnel a déclaré ces derniers coupables et les a condamnés chacun à une amende avec sursis ; que les prévenus et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus, l'arrêt attaqué énonce notamment que les expertises psychologique et psychiatrique sont de plus de trois ans postérieures aux faits alors que les éléments médicaux antérieurs ou concomitants sont limités, que M. X..., né en [...], avait une vie professionnelle et amicale soutenue de qualité, que ses faiblesses avaient été matérialisées avant d'établir des relations avec la Panthère noire et Mme Y... par des dépenses et crédits importants et par la fréquentation d'autres bars de nuit et qu'il a reconnu lui-même qu'il s'appliquait à donner le change afin de dissimuler ses faiblesses et moyens financiers réels et d'éviter les mesures de protection sociale, ce dans le cadre d'un sentiment amoureux et de l'attirance physique, unilatéraux, envers une femme plus jeune de vingt-cinq ans ; que les juges en déduisent que la procédure a démontré chez la partie civile une certaine faiblesse et vulnérabilité mais pas suffisamment l'état de particulière vulnérabilité prévu par la loi ;

Que les juges ajoutent que M. B..., représentant la société La Panthère noire, avait certes une connaissance précise des difficultés financières de M. X... mais pas de sa situation de fortune ni de ses crédits en cours, ni de la cause psychologique de ses difficultés et que Mme Y... avait certes connaissance d'éléments précis psychologiques, personnels, professionnels et financiers susceptibles de caractériser une situation de faiblesse mais pas une particulière vulnérabilité apparente ou connue, dès lors que M. X... a indiqué avoir présenté sa situation à son avantage, en particulier sur le plan financier, en mettant en avant sa situation professionnelle lui assurant un niveau intellectuel et matériel, un héritage et une maison et l'absence d'enfants ainsi que le plaisir que lui procurait le fait de lui offrir des cadeaux ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, exemptes d'insuffisances comme de contradiction, abstraction faite de celles, erronées mais surabondantes, critiquées par le premier moyen et relatives à l'étendue de sa saisine, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81976
Date de la décision : 02/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 28 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mai. 2018, pourvoi n°17-81976


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.81976
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