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12/04/2018 | FRANCE | N°17-17498

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 avril 2018, 17-17498


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 528 et 908 du code de procédure civile ;

Attendu que MM. Pierric et Emmanuel Y..., la société Assistance et installation des techniques énergétiques et climatiques (la société Aitec) ont, le 31 mars 2015, interjeté appel d'un jugement d'un tribunal de commerce du 24 février 2015 les ayant déboutés de leurs demandes dans un litige les opposant à M. et Mme B... et à MM. D... et E... ; que les intimés ont formé un appel

provoqué à l'encontre de la société Cabinet Jaunin ; que, par ordonnance du 16 nove...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 528 et 908 du code de procédure civile ;

Attendu que MM. Pierric et Emmanuel Y..., la société Assistance et installation des techniques énergétiques et climatiques (la société Aitec) ont, le 31 mars 2015, interjeté appel d'un jugement d'un tribunal de commerce du 24 février 2015 les ayant déboutés de leurs demandes dans un litige les opposant à M. et Mme B... et à MM. D... et E... ; que les intimés ont formé un appel provoqué à l'encontre de la société Cabinet Jaunin ; que, par ordonnance du 16 novembre 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque cette déclaration d'appel ; que MM. Pierric et Emmanuel Y..., la société Aitec et son liquidateur la société A... ont effectué une nouvelle déclaration d'appel contre ce même jugement le 23 décembre 2015 à l'encontre des mêmes parties ;

Attendu que pour déclarer nulle la déclaration d'appel du 23 décembre 2015 et sans objet l'appel provoqué, l'arrêt retient que, s'il résulte de l'article 2 et de l'article 908 du code de procédure civile que l'appelant qui a vu une première déclaration d'appel déclarée caduque faute d'avoir conclu dans le délai de trois mois de l'appel, ne peut arguer du non respect par lui-même desdits délais pour interjeter un nouvel appel contre le même jugement même en l'absence de signification du jugement contesté ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'en l'état des textes antérieurs au décret 2017-891 du 6 mai 2017, une nouvelle déclaration d‘appel pouvait être déposée après le prononcé de la caducité d'une première déclaration dès lors que le jugement n'ayant pas été signifié, le délai d'appel n'était pas expiré et qu'un nouveau délai courait à compter de la signification du jugement , la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. et Mme B..., M. D..., M. E... et la société Cabinet Jaunin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme B..., M. D..., M. E... et la société Cabinet Jaunin à payer à MM. Pierric et Emmanuel Y... et aux sociétés Assistance et installation des techniques énergétiques et climatiques et A... ès qualités la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour MM. Emmanuel et Pierric Y..., les sociétés A..., ès qualités et Assistance et installation des techniques énergétiques et climatiques.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'appel interjeté le 23 décembre 2015 par Messieurs Pierric et Emmanuel Y..., ainsi que par la société AITEC, n°15/4115 et enregistré sous la procédure RG 15/05101, irrecevable ;

AUX MOTIFS QUE le 31 mars 2015, M. Pierric Y..., M Emmanuel Y... et la société AITEC ont interjeté appel du jugement rendu le 24/02/2015 par le tribunal de commerce dans le litige les opposants à M E..., M D..., M et Mme B..., la société AITEC, la H...          en qualité de liquidateur de cette société placée en liquidation judiciaire par jugement du 12/02/2016, la SAS Cabinet JAUNIN ; que cet appel a fait l'objet d'une décision de caducité par ordonnance du conseiller de la mise en état du 16/11/2015 dès lors que les appelants n'avaient pas conclu dans les mêmes délais ; que le 23/12/2015, M Pierric Y..., M Emmanuel Y... et la société AITEC ont de nouveau interjeté appel du même jugement dans le cadre du même litige et à l'égard des mêmes parties : qu'il résulte de l'article 908 du code de procédure civile que "A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure." ; qu'il est établi et non contesté en l'espèce que : - le nouvel appel interjeté par les appelants le 23/12/2015 est exclusivement destiné à pallier à la caducité du premier appel interjeté ; - le jugement n'a pas été signifié ; qu'il résulte de la jurisprudence invoquée (cassation 21/01/2016) que dans l'espèce concernée, l'appelant avait formalisé un second appel en raison, selon ses dires, du doute qu'il avait sur la régularité du premier appel ; que la Cour de cassation vient expliquer que le fait d'interjeter des appels successifs, visant la même décision et le même intimé, ne permet pas de reporter le point de départ de l'article 908 du code de procédure civile à la date de l'appel le plus récemment interjeté, les appels postérieurs au premier appel devant être considérés comme étant sans effet ; qu'arguer d'un report du point de départ prévu par l'article 908 du code de procédure civile résultant du renouvellement d'appels principaux réguliers ou arguer du renouvellement d'un appel principal après un premier appel déclaré caduc relève de la même question qui est de déterminer si l'appelant peut pallier au non respect des délais qui lui incombent en vertu de l'article 908 du code de procédure civile ; que de plus, lorsqu'une première déclaration d'appel a été déclarée caduque en application de l'article 908 du code de procédure civile, elle n'en était pas pour autant régulière lorsqu'elle a été délivrée ; que dès lors, les appelants ne peuvent faire valoir que l'arrêt du 21/01/2016 serait inadapté aux faits du présent litige ; qu'il s'agit donc d'apprécier si en cas d'une première déclaration d'appel régulière puis déclarée caduque en application de l'article 908 du code de procédure civile, un deuxième appel régulier concernant le même jugement et le(s) même(s) intimé(s) peut être considéré comme irrecevable ; que les appelants invoquent que l'absence de signification du jugement leur permet d'interjeter à nouveau appel ; qu'il résulte de l'article 528 du code de procédure civile que "Le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement. Le délai court même à l'encontre de celui qui notifie" ; qu'il résulte de la formulation même de cet article, que ces dispositions ont pour objet de permettre à une partie à l'instance initiale d'invoquer une irrecevabilité d'appel pour cause de tardiveté lorsque l'autre partie est resté inactive pendant le délai ouvert par la notification ou la signification du jugement ; que tel n'est pas l'objet du présent litige procédural qui concerne non la tardiveté de l'appel mais le droit d'interjeter appel ; que l'appelante ne peut donc arguer de l'absence de signification du jugement et dès lors de cette disposition puisqu'elle a déjà exercé ce recours en l'absence de signification ; que les dispositions de l'article 528 du code de procédure civile doivent en effet être analysées en cohérence avec les autres dispositions du code de procédure civile de sorte que l'absence de signification ne prive pas celui qui n'a pas signifié le jugement du droit de soulever toute autre question procédurale induisant une éventuelle irrecevabilité de l'appel interjeté ; que les intimés sont fondés à soulever la difficulté dès lors que : - le nouvel appel n'est pas sans conséquences du fait des dispositions de l'article 963 du code de procédure civile ; - le nouvel appel interjeté fait perdurer l'incertitude quant à la solution finale du litige opposant les parties et ce, en contradiction avec les dispositions générales de l'article 2 du code de procédure civile qui énonce que "Les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis." ; qu'il résulte donc de l'article 2 et de l'article 908 du code de procédure civile que l'appelant qui a vu une première déclaration d'appel déclarée caduque faute d'avoir conclu dans les trois mois de l'appel, ne peut arguer du non respect, par lui même, desdits délais pour interjeter un nouvel appel contre le même jugement, même en l'absence de signification du jugement contesté ; que de la même manière que l'appelant ne peut reporter le point de départ du délai de l'article 908 du code de procédure civile en interjetant plusieurs appels consécutifs, il ne peut s'ouvrir un nouveau délai de 3 mois pour conclure, en renouvelant un appel principal à la suite d'un premier appel déclaré caduc tant : - dans le délai d'appel prévu par l'article 528 du code de procédure civile ; qu'en l'absence de signification du jugement par l'autre partie étant rappelé que la question de la signification est indifférente dès lors que l'appelante avait déjà une première fois interjeté appel et qu'en conséquence, la voie de recours lui était ouverte ; qu'il importe enfin de souligner ainsi que le soulève à juste titre les intimés, que l'égalité des droits des parties dans une procédure impose une telle solution ; qu'en effet, l'intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile n'est pas recevable à interjeter un appel principal : « du fait de son abstention, alors que cette voie de recours lui était ouverte dans les conditions prévues par l'article 550 du code de procédure civile, Emmanuel n'était pas recevable à relever ensuite appel principal du jugement précédemment attaqué, la date de la signification de ce dernier étant indifférente» (cass 13 octobre 2016 n°15-25926) ; qu'enfin, les appelants soutiennent que le conseiller de la mise en état ne pouvait prononcer, sans texte, la nullité de la déclaration d'appel ; que suite aux motifs qui précèdent, il s'agit dès lors d'apprécier quelle sanction procédurale peut être prononcée entre celles ouvertes par le code de procédure civile et la jurisprudence : - nullité, - irrecevabilité, - caducité, - appel privé d'effet ; qu'il est constant qu'aucune disposition ne prévoit la nullité ou la caducité dans le cas soumis à l'examen de la cour ; que la notion d'appel privé d'effet n'est pas non plus applicable dès lors que la jurisprudence ayant appliqué cette notion concernait une instance dans laquelle la procédure engagée par le premier appel était toujours en cours et qu'il s'agissait d'apprécier si un second appel pouvait permettre de reporter le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; que l'article 122 du code de procédure civile énonce que "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée" ; qu'ainsi que développé précédemment, la question posée en l'espèce est celle du droit d'agir, et plus précisément celle du droit d'interjeter appel ; qu'il résulte des motifs qui précèdent que les appelants sont dépourvus du droit d'agir par l'effet de l'application combinée des articles 2 et 908 du code de procédure civile ; que l'appel interjeté le 23/12/2015 n°15/4115 et enregistré sous la procédure RG 15/05101 sera donc déclaré irrecevable ;

1°) ALORS QUE lorsque le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel au motif que l'appelant a omis de déposer des conclusions dans le délai de trois mois, l'appelant peut déposer une seconde déclaration d'appel tant que le délai de recours n'est pas expiré ; qu'en déclarant l'appel interjeté le 23 décembre 2015 par Messieurs Pierric et Emmanuel Y... et par la société AITEC irrecevable, motifs pris que ces derniers étaient dépourvus du droit d'agir par l'effet de l'application combinée des articles 2 et 908 du code de procédure civile, après avoir pourtant constaté, d'une part, que la seconde déclaration d'appel avait été déposée postérieurement à l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 novembre 2015 ayant prononcé la caducité de la première déclaration du 31 mars 2015 et, d'autre part, que le jugement de première instance n'avait pas été notifié de sorte que le délai d'appel n'était pas expiré, ce dont il s'inférait que la déclaration d'appel du 23 décembre 2015 était recevable, la cour d'appel a violé les articles 30, 31, 546 et 908 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN OUTRE, QU' en déclarant l'appel interjeté le 23 décembre 2015 par Messieurs Pierric et Emmanuel Y... et la société AITEC irrecevable, motifs pris que de la même manière que l'appelant ne peut reporter le point de départ du délai de l'article 908 du code de procédure civile en interjetant plusieurs appels consécutifs, il ne peut s'ouvrir un nouveau délai de 3 mois pour conclure en renouvelant un appel principal à la suite d'un premier appel déclaré caduc, cependant que la caducité de la première déclaration d'appel avait eu pour effet d'anéantir le délai de trois mois et que la seconde déclaration d'appel faisait courir un nouveau délai, la cour d'appel a violé les articles 528 et 908 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, EN OUTRE, QU' en déclarant l'appel interjeté le 23 décembre 2015 par Messieurs Pierric et Emmanuel Y... et la société AITEC irrecevable, motifs pris que la solution s'imposait au regard de l'égalité des droits des parties, dès lors que « l'intimé » dont les conclusions ont été déclarées irrecevables sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile n'est pas recevable à interjeter un appel principal, cependant que la sanction qui frappe l'intimé en application des articles 909 et 550 du Code de procédure civile est distincte de celle qui frappe l'appelant en application de l'article 908 du même code, la cour d'appel a violé les articles 908 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-17498
Date de la décision : 12/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 17 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 avr. 2018, pourvoi n°17-17498


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17498
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