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12/04/2018 | FRANCE | N°17-11437

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 avril 2018, 17-11437


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, à la demande de la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne (la fédération), un jugement du 11 juillet 2013, confirmé en appel, a, d'une part, ordonné la fermeture hebdomadaire du point de vente de pain exploité par la société Le Petreims (la société) sous l'enseigne « La Mie câline » sous astreinte provi

soire par infraction constatée pendant trois mois et, d'autre part, ordonné à la sociét...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, à la demande de la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne (la fédération), un jugement du 11 juillet 2013, confirmé en appel, a, d'une part, ordonné la fermeture hebdomadaire du point de vente de pain exploité par la société Le Petreims (la société) sous l'enseigne « La Mie câline » sous astreinte provisoire par infraction constatée pendant trois mois et, d'autre part, ordonné à la société d'afficher le jour de fermeture de son point de vente sous astreinte provisoire par jour de retard pendant trois mois ; que la fédération a saisi un juge de l'exécution d'une demande de liquidation des astreintes ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant débouté cette dernière de ses demandes, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la société ne s'est pas conformée aux injonctions qui lui ont été faites, la fédération n'apportant devant la cour d'appel aucun élément permettant d'infirmer la décision du premier juge ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation d'affichage constituait une obligation de faire, de sorte que la preuve de son exécution pesait sur la société, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Le Petreims aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Petreims, la condamne à payer à la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la fédération départementale de la boulangerie-pâtisserie de la Marne de ses prétentions tendant à ce que la société Le Petreims soit condamnée à lui payer une somme de 104 000 € au titre des astreintes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« L'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 pris en application de l'article 3132-29 du code du travail imposant la fermeture au public un jour par semaine au choix des intéressés, définit très largement son domaine d'application et vise « tous les établissements, partie d'établissement, dépôts, fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain emballé ou non » ; que l'activité de la société Le Petreims qui exploite un terminal de cuisson en utilisant sur le site des pâtons congelés fabriqués par l'usine de production du groupe, avec extension de l'activité à la restauration rapide à consommer sur place ou à emporter, entre dans le champ d'application de l'arrêté du 7 novembre 2001 ; que l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 exclut de son application les semaines du 1er juillet au 31 août, les semaines incluant un jour de fête légale tel que défini par l'article L. 222-1 du code du travail, les périodes de vendanges pour les communes viticoles et celle de la 'trêve des confiseurs' du 18 décembre au 2 janvier ; que le jugement rendu le 11 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Reims, déclaré exécutoire par provision qui a ordonné sous astreinte la fermeture hebdomadaire du point de vente de pain exploité par la société Le Petreims et l'affichage du jour de fermeture de son point de vente « La Mie Câline » a été signifié à la société Le Petreims le 1er août 2013 (pièce numéro 44 de l'appelante) ; qu'il a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Reims du 9 juin 2015 ; que la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne réclame à présent en exécution de cette décision la condamnation de la société Le Petreims au paiement, au titre du non-respect de la fermeture hebdomadaire du point de vente constaté par huissier du 3 au 8 octobre 2013 soit à huit reprises, de la somme de 1 500 euros x 8 = 12 000 euros et au titre du défaut d'affichage pendant trois mois du 17 août au 16 novembre 2013, soit pendant 92 jours de la somme de 1 000 x 92 = 92 000 euros, soit un total de 12 000 + 92 000 euros = 104 000 euros ; que la société Le Petreims oppose que son obligation de fermeture hebdomadaire se limite à la fermeture de son rayon pain et que cette dernière a été strictement observée ; qu'elle verse aux débats le procès-verbal de constat qu'elle a fait établir le 8 octobre 2015 constatant la présence au sein du magasin d'une affiche avertissant la clientèle de la fermeture de son rayon pain le jeudi et l'absence de pain dans les rayons et les fours de l'établissement ; que par application de l'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge ; que l'astreinte fixée par le jugement du 11 juillet 2013, déclaré exécutoire par provision et confirmé par arrêt de la cour d'appel, court donc à compter de la notification de la décision de première instance et en l'espèce à compter de l'expiration du délai accordé par le tribunal de grande instance à la société Le Petreims pour se conformer aux injonctions qui lui ont été faites ; que la cour constate, comme l'a fait le premier juge au vu du dispositif du jugement du 11 juillet 2013 et de la date de sa signification, que la période d'astreinte prononcée court du 15 août 2013 au 15 novembre 2013 ; que l'appelante présente à l'appui de sa demande un procès-verbal de constat d'huissier concernant les 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 octobre 2013 (pièce numéro 41), le constat dressé par Maîtres Vincent B... et Véronique Z... huissiers de justice associés du 5 au 14 août 2015 (pièce numéro 46) constatant que du pain était vendu au sein de l'établissement durant toutes ces journées ; qu'elle produit en outre le procès-verbal dressé par Maître David A... huissier de justice les 18,19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 et 31 janvier 2016 (pièce numéro 47) constatant qu'une affiche était fixée sur la devanture de l'établissement exploité par l'intimée indiquant que le rayon pain du magasin sera fermé le jeudi et précisant les horaires d'ouverture du lundi au dimanche de 6heures 30 à 20 heures, en indiquant que le magasin était ouvert tous les jours ; qu'il n'a pas constaté la vente de pain le jeudi 21/01/2016 et le jeudi 28/01/2016 ; que la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne présente enfin le procès-verbal de constat établi par Maître David A... huissier de justice les 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 septembre 2016 (pièce numéro 48) faisant les mêmes constatations à savoir présence d'une affiche sur la devanture du magasin annonçant la fermeture du rayon pain du magasin le jeudi, l'ouverture du magasin tous les jours et l'absence de pain dans les rayons les jeudis ; que par application de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 sont exclues de son application les semaines du 1er juillet au 31 août et la période de vendanges ; que cette dernière s'est au cours de l'année 2013 déroulée à Reims du 25 septembre 2013 au 19 octobre 2013 ; que les constats d'huissier établis pour les périodes du 3 au 10 octobre 2013 et du 5 au 14 août 2015 pour le premier au cours de la période des vendanges pour la ville de Reims et pour le deuxième au cours de la période estivale de suspension ne peuvent établir que la société Le Petreims ne s'est pas conformée aux injonctions qui lui ont été faites alors que les obligations de fermeture hebdomadaire du point de vente de pain et d'affichage du jour de fermeture ne s'imposaient pas à l'intimée au cours de ces périodes ; qu'ils sont donc dénués de toute valeur probante ; qu'au surplus, le constat portant sur la période du 5 au 14 août 2015 n'a pas été dressé au cours de la période visée par l'astreinte, qui a commencé à courir le 15 août 2013 et a été limitée par le tribunal de grande instance à une durée de trois mois ; que les deux autres constats d'huissier produits ont été établis au cours de l'année 2016, soit près de trois ans après à la période visée par l'astreinte prononcée ; qu'ils ont constaté que la société Le Petreims avait bien apposé dans son magasin une affiche mentionnant le jour de fermeture hebdomadaire de son point de vente de pain et qu'elle ne vendait pas de pain les jeudis tel qu'annoncé sur les affiches apposées ; qu'il n'est en conséquence pas démontré que la société Le Petreims, qui outre l'exploitation d'un terminal de cuisson exerce une activité de restauration rapide à consommer sur place ou à emporter, ne s'est pas conformée aux injonctions qui lui ont été faites ne portant que sur la fermeture hebdomadaire de son point de vente de pain et sur l'affichage du jour de fermeture de ce point de vente ; que la Fédération départementale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la Marne, n'apporte devant la cour aucun élément permettant d'infirmer la décision du premier juge ; que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « L'arrêté préfectoral applicable dans la Marne du 7 novembre 2001 dispose que : - dans l'ensemble des communes du département de la Marne, tous les établissements, parties d'établissements, dépôts fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain, emballé ou non [
] seront fermés au public un jour au choix des intéressés (article 1) ; - un avis portant la mention du jour de fermeture sera apposé dans les points de vente de pain par les soins de l'exploitant en un endroit apparent et visible de l'extérieur (article 3) ; qu'il n'est pas contesté que cet arrêté s'applique à la SARL Le Petreims, de sorte qu'il lui incombe de se conformer aux obligations qui en découlent ; que sur le fondement de cet arrêté, dont la validité n'a pas été remise en cause, le Tribunal de grande instance de Reims en son jugement du 11 juillet 2013 confirmé par la Cour d'appel de Reims en son arrêt du 27 avril 2015 a enjoint à la SARL Petreims de se conformer à ces dispositions sous astreinte de 1 500 € par infraction relevée quant au jour de fermeture obligatoire, et 1 000 € par jour de retard quant à l'affichage dudit jour de fermeture, et ce durant le délai de trois mois suivant signification dudit jugement ; que le jugement du 11 juillet 2013, assorti de l'exécution provisoire, a été signifié le 1er août 2013 à la SARL Petreims ; qu'en l'espèce, la période de l'astreinte dont il est demandé liquidation court donc entre le 15 août 2013 et le 15 novembre 2013 ; qu'or, sur cette période, l'article 4 de l'arrêté précité exclut les semaines du 1er juillet au 31 août, ainsi que les périodes de vendanges ; qu'à cet égard, il est établi, à la lecture des pièces produites et non contestées, que les vendanges pour la ville de Reims ont commencé le 25 septembre 2013, et ont terminé le 19 octobre 2013 ; qu'il s'ensuit que l'astreinte n'a utilement couru que sur la période entre le 1er septembre 2013 et le 25 septembre 2013, ainsi qu'entre le 19 octobre 2013 et le 15 novembre 2013 ; qu'au soutien de ses demandes de liquidation d'astreinte, la Fédération Départementale de la Boulangerie-Pâtisserie de la Marne produit trois procès-verbaux de constats d'huissier concernant pour le premier les dates des 3,4,5,6,8,9 et 10 octobre 2013, pour le deuxième les dates des 5,6,7,8,9,10,11,12,13,14 août 2015 et pour le troisième les dates des 18,19,20,21,22,23,24,25,26,27,28,29,30 et 31 janvier 2016 ; que les deux premiers constats d'huissier intervenus en octobre 2013 et en août 2015 permettent de constater l'absence de fermeture hebdomadaire, et l'absence d'affichage sur les périodes objet des deux constats ; que toutefois, aucun des deux constats n'est probant puisque le premier a été réalisé durant la période de vendange, tandis que le second a été réalisé durant la période de suspension des obligations courant entre le 1er juillet et le 31 août ; qu'en outre, le troisième constat est intervenu plus de trois ans après l'astreinte, de sorte qu'il ne peut être mobilisé utilement pour examiner d'éventuels manquements de la SARL Le Petreims aux injonctions qui lui étaient faites ; que de ce fait et dans ces conditions, l'astreinte ne peut être utilement liquidée, la Fédération Départementale de la Boulangerie-Pâtisserie de la Marne ne démontrant pas que la SARL Le Petreims ne s'est pas conformée aux injonctions qui lui étaient faites » ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE

La charge de la preuve de l'exécution d'une obligation de faire ou d'une obligation de ne pas faire assortie d'une astreinte pèse sur le débiteur de l'obligation ; qu'en l'espèce, il incombait donc à la société Le Petreims, débitrice de l'obligation de fermeture hebdomadaire et de l'obligation d'afficher le jour de fermeture de son point de vente, d'établir qu'elle les avait exécutées ; qu'en retenant « qu'il n'est pas démontré que la société Le Petreims [
] ne s'est pas conformée aux injonctions qui lui ont été faites ne portant que sur la fermeture hebdomadaire de son point de vente de pain et sur l'affichage du jour de fermeture de ce point de vente » (arrêt, p. 4, dernier alinéa), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé les articles 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

ALORS, EN SECOND LIEU ET SUBSIDIAIREMENT, QUE

Le juge, saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte, ne peut se retrancher derrière une simple difficulté d'interprétation du jugement pour débouter le créancier de sa demande de liquidation, mais doit au contraire rechercher précisément quelles injonctions ou interdictions étaient assorties d'une astreinte ; que l'exposante faisait valoir que l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 9 juin 2015, confirmant le jugement du 11 juillet 2013, devait s'interpréter en ce sens qu'il imposait la fermeture totale de l'établissement exploité par la société Le Petreims ; qu'il était soutenu qu'en fermant le jeudi son seul rayon pain, cette société contourne « allègrement les dispositions de la cour d'appel de Reims du 9 juin 2015, outre l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 » dans la mesure où elle « vend des sandwiches, confectionnés avec du pain, tous les jours de la semaine » (conclusions, p. 7 et 8) ; que la cour d'appel, pour débouter l'exposante de ses prétentions, s'est pourtant bornée à retenir que ne serait pas rapportée la preuve de la violation par la société Le Petreims de ses obligations dans la mesure où les « injonctions qui lui ont été faites ne portent que sur la fermeture hebdomadaire de son point de vente et sur l'affichage du jour de fermeture de ce point de vente » (arrêt, p. 4, dernier alinéa) ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement rechercher, comme elle était invitée à le faire, si l'injonction prononcée ne devait pas s'entendre comme emportant interdiction de commercialiser tous produits confectionnés avec du pain, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-11437
Date de la décision : 12/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 17 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 avr. 2018, pourvoi n°17-11437


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.11437
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