LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Z... A... X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BOURGES, en date du 27 février 2018, qui a rejeté certains moyens proposés et sursis à statuer sur la demande de remise aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3 et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 de la Convention de New-York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 591, 593 et 695-11, 695-13 et suivants du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a sursis à statuer et ordonné un complément d'information pour que soit précisé par l'Etat requérant la nature et le quantum des peines prévues en droit espagnol pour les infractions visées par le mandat d'arrêt européen, et a rejeté les autres moyens de défense de M. A... X..., notamment celui tiré de ce que l'allégation de sa participation aux faits litigieux a été obtenue de M. D... sous la torture ;
"aux motifs que M. Z... A... X... soutient que les seules charges permettant de lui imputer les faits visés au mandat d'arrêt européen résultent des déclarations de M. B... D... , obtenues sous la torture ; qu'il lui appartient d'établir, d'une part, la réalité des actes de torture par lui dénoncés et, d'autre part, de démontrer non seulement l'existence de déclarations le mettant en cause, mais aussi la prise en considération des dites déclarations par les autorités judiciaires espagnoles comme un élément de preuve de son implication dans les faits visés par le mandat d'arrêt européen ; que c'est par de simples affirmations, non étayées par le moindre commencement de preuve, que M. A... X... soutient que M. D... a fait des déclarations l'impliquant dans les faits visés au mandat d'arrêt européen ; qu'aucun élément ne laisse présumer que les déclarations ainsi alléguées constituent un des éléments de preuve retenus par les autorités judiciaires espagnoles pour justifier leur demande de remise de l'intéressé ; qu'aucun indice sérieux ne permet de soutenir que M. D... a subi des mauvais traitements, alors même qu'il est précisé que la plainte déposée par ce dernier a été classée sans suite ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'ordonner un complément d'information dans le but d'enjoindre l'autorité requérante de produire les éléments permettant d'imputer à M. A... X... les faits visés au mandat d'arrêt européen ; qu'en application des dispositions de l'article 695-13 du code de procédure pénale, tout mandat doit contenir l'indication de l'existence d'un jugement exécutoire, d'un mandat d'arrêt ou de toute autre décision judiciaire ayant la même force selon la législation de l'Etat d'émission ; qu'en l'espèce, le mandat d'arrêt européen se fonde sur un mandat d'arrêt en date du 13 août 2009 ; que cette mention satisfait aux prescriptions précitées dans la mesure où il n'y a aucune incertitude sur l'existence de la décision mentionnée ; qu'en application des dispositions de l'article 695-13 du code de procédure pénale, tout mandat d'arrêt européen doit contenir les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ainsi que le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée ; qu'en l'espèce, le mandat précise que M. A... X... a participé à la préparation et à l'exécution d'une attaque contre le siège du Parti Socialiste [...] ; qu'il a notamment,
en compagnie de deux autres individus (M. D... et M. C...), également membres de l'ETA, participé dans un appartement à la préparation d'un engin explosif dissimulé dans un sac à dos, puis placé près d'un mur, qui a causé d'énormes dommages au siège du PSE ainsi qu'à une trentaine de bâtiments ; que ces indications relatives aux circonstances de la commission des faits et au degré de participation de l'intéressé satisfont aux prescriptions précitées ; qu'en application des dispositions de l'article 695-13 du code de procédure pénale, tout mandat d'arrêt européen doit contenir les peines prévues pour l'infraction par la loi de l'Etat membre d'émission ainsi que, dans la mesure du possible, les autres conséquences de l'infraction ; qu'en l'espèce, le mandat se limite à préciser que l'intéressé encourt « au moins 9 ans d'emprisonnement » ; que, ce faisant, il n'indique pas quel est le maximum des peines encourues et, dès lors, ne satisfait pas aux prescriptions légales ; que, dans ces conditions, il convient de surseoir à statuer et d'ordonner un complément d'information ;
"1°) alors que tout mandat d'arrêt européen indique notamment les peines prévues pour l'infraction par la loi de l'Etat membre d'émission ainsi que, dans la mesure du possible, les autres conséquences de l'infraction ; que l'indication des peines prévues est une mention substantielle, qui doit être sanctionnée par la nullité du mandat d'arrêt européen ;
"2°) alors que, subsidiairement, tout Etat partie à la Convention de New York du 10 décembre 1984 veille à ce que toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n'est contre la personne accusée de torture pour établir qu'une déclaration a été faite ; qu'en l'espèce, M. A... X... faisait valoir que l'affirmation de sa participation aux faits litigieux avait été obtenue de M. D... , sous la torture, par les autorités espagnoles ; qu'en s'abstenant de rechercher sur quel autre élément M. A... X... aurait été mis en cause, tandis que ce dernier soutenait qu'il n'y en avait pas d'autre, et de répondre à son mémoire faisant valoir que les autorités espagnoles classaient sans suite la majorité de plaintes pour tortures et mauvais traitement, en conséquence de quoi l'Espagne a été condamnée huit fois par la Cour européenne des droits de l'homme, de sorte que le supplément d'information aurait dû également porter sur la source des accusations portées contre M. A... X... et la réalité des tortures subies par M. D... , la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. A... X... a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen, délivré le 13 août 2009 par les autorités judiciaires espagnoles, pour l'exercice de poursuites pénales du chef de dépôt d'explosifs dans un but terroriste et de ravages dans un but terroriste, faits commis le 23 février 2009 à Lazcao ; que, comparant devant la chambre de l'instruction, il n'a pas consenti à sa remise ;
Attendu que, pour répondre à la demande portant sur la nullité du mandat d'arrêt européen, l'arrêt énonce que le mandat se limite à préciser que l'intéressé encourt "au moins neuf ans d'emprisonnement", que, ce faisant, il n'indique pas quel est le maximum des peines encourues et, dès lors, ne satisfait pas aux prescriptions légales ; que la chambre de l'instruction conclut que, dans ces conditions, il convient de surseoir à statuer, d'ordonner un complément d'information et de dire que celui-ci devra être déposé dans un délai de dix jours ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions de l'article 695-33 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que, pour écarter la demande de l'intéressé qui faisait valoir que les charges retenues à son encontre reposaient sur les déclarations de M. D... en violation des articles 3 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 15 de la Convention de New-York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'arrêt énonce que c'est par de simples affirmations, non étayées par le moindre commencement de preuve, que M. A... X... soutient que M. D... a fait des déclarations l'impliquant dans les faits visés au mandat d'arrêt européen, qu'aucun élément ne laisse présumer que les déclarations ainsi alléguées constituent un des éléments de preuve retenus par les autorités judiciaires espagnoles pour justifier leur demande de remise de l'intéressé ; que les juges ajoutent par ailleurs qu'aucun indice sérieux ne permet de soutenir que M. D... a subi des mauvais traitements, alors même que la plainte qu'il a déposée a été classée sans suite ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre, à laquelle il ne saurait être reproché de ne pas s'être expliquée davantage qu'elle l'a fait, dès lors que les griefs invoqués par le demandeur demeuraient à l'état de simples allégations, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. GUÉRY, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.