La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2018 | FRANCE | N°17-18207

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 avril 2018, 17-18207


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 mars 2017), que M. Y... et Mme X... ont vécu en concubinage à partir du 27 septembre 2003 et ont conclu un pacte civil de solidarité le 13 décembre 2012, dissous le 2 septembre 2013 ; qu'après la séparation, Mme X..., soutenant avoir participé à l'exploitation agricole de M. Y..., sans rétribution, a assigné celui-ci en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de dommages-intérêts pour rupture brutale de leur relation ;r>
Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de r...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 mars 2017), que M. Y... et Mme X... ont vécu en concubinage à partir du 27 septembre 2003 et ont conclu un pacte civil de solidarité le 13 décembre 2012, dissous le 2 septembre 2013 ; qu'après la séparation, Mme X..., soutenant avoir participé à l'exploitation agricole de M. Y..., sans rétribution, a assigné celui-ci en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de dommages-intérêts pour rupture brutale de leur relation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande sur le fondement de l'enrichissement sans cause, alors, selon le moyen :

1°/ que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; qu'en écartant, sans en examiner le contenu, les tableaux, photographies et notes non authentifiés et non signés, produits aux débats par Mme X..., ainsi que l'attestation qu'elle a rédigée pour elle-même, en retenant qu'ils ne sauraient valoir preuve car nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil en sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que la collaboration professionnelle non rétribuée d'un concubin à l'activité professionnelle de l'autre, qui se distingue d'une participation aux dépenses communes des concubins, implique par elle-même l'appauvrissement de l'un et l'enrichissement de l'autre ; que la cour d'appel a constaté que Mme X... avait participé aux activités de l'exploitation agricole de M. Y... et qu'elle avait été affiliée à la MSA « en qualité de conjoint collaborateur pour la période du 14 décembre 2006 au 30 juillet 2013 » ; qu'en excluant tout appauvrissement de Mme X... en retenant qu'en exerçant ces activités de nature professionnelle, elle aurait rempli son obligation de participer aux charges du ménage et apporté une contrepartie à l'hébergement dont elle bénéficiait, la cour d'appel a opéré une confusion entre la vie professionnelle et la vie personnelle des concubins, en violation de l'article 1371 du code civil, en sa rédaction applicable en la cause ;

3°/ qu'en retenant que M. Y... aurait versé une somme de 65 800 euros sur un compte ouvert au nom de Mme X... du 27 juin 2005 à fin août 2013, et qu'il aurait réglé trois voyages au nom de celle-ci, sans établir que cette somme aurait été destinée en propre à Mme X... et que son montant et la valeur de ces voyages correspondaient à la valeur du travail effectivement réalisé par cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de tout enrichissement sans cause de M. Y... au détriment de Mme X..., privant sa décision de base légale au regard de l'article 1371 du code civil en sa rédaction applicable au litige ;

Mais attendu, d'abord, qu'en ne prenant pas en considération les tableaux, photographies et notes non authentifiés et non signés ainsi que l'attestation rédigée par Mme X..., au motif qu'ils ne sauraient valoir preuve de la réalité du travail effectué par celle-ci au sein de l'exploitation agricole, la cour d'appel en a estimé la valeur probante ;

Attendu, ensuite, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve versés aux débats, après une analyse complète des nombreux témoignages et de l'attestation d'affiliation à la MSA, qu'elle a estimé que ni l'aide ponctuelle apportée à l'activité agricole de M. Y..., qui employait un comptable et un salarié, ni la confection de repas lors de réunions de chasse trois ou quatre fois par an, ni les embellissements apportés à l'habitation commune, n'excédaient la contribution normale de Mme X... aux charges du ménage, auxquelles M. Y... avait aussi participé par des versements importants sur le compte de cette dernière et le financement de plusieurs voyages ; que, de ces énonciations et appréciations, elle a pu déduire l'absence d'enrichissement du patrimoine de celui-ci au détriment du patrimoine de sa compagne ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire pour rupture brutale de leur relation de concubinage ;

Attendu qu'en relevant que le procès-verbal de la plainte déposée par Mme X... pour violence avec arme était insusceptible, à lui seul, de rapporter la preuve du comportement violent de M. Y... à son égard, dès lors que le ministère public avait classé l'affaire, estimant l'infraction insuffisamment caractérisée, la cour d'appel, sans retenir l'autorité de chose jugée, n'a fait qu'apprécier le caractère probant de ce document ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Angélica X... de sa demande tendant à voir condamner son ex-concubin, M. Emmanuel Y..., à lui verser une somme de 65 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de l'article 1371 ancien du Code civil, les quasi-contrats sont des faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ;
que Mme Angélica X... soutient qu'elle a subi un préjudice financier et a contribué à enrichir M. Y... sans cause ;
qu'il convient d'observer préalablement que l'action sur le fondement de l'article 1371 précité ne peut être exercée lorsque l'enrichissement et l'appauvrissement corrélatifs trouvent leur source dans une disposition légale ;
qu'en l'espèce, les parties ont vécu en concubinage puis ont été partenaires dans le cadre d'un PACS ;
qu'aux termes de l'article 515-8 du Code civil, le concubinage est une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes qui vivent en couple ;
que comme l'a justement indiqué le tribunal, aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune ;
qu'aux termes de l'article 515-4 du Code civil, les partenaires liés par un PACS s'engagent à une vie commune ainsi qu'à une aide matérielle et à une assistance réciproques ; s'ils n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives ;
que Mme Angélica X... devait participer aux charges du ménage dans les conditions des articles susvisés eu égard aux facultés respectives des membres du couple ;

Concernant les justificatifs de son travail dans l'entreprise de son compagnon produits par Mme X... :
que les tableaux, photographies et notes non authentifiés et non signés, ne sauraient valoir preuve et ne seront pas pris en considération par la cour, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, il en est de même de l'attestation que l'appelante a rédigée pour elle-même ;

que les attestations de Mme Anna Maria B..., fille de Mme X..., du gendre de cette dernière, de M. Dan X..., son fils et Mme C..., sa mère, ne sauraient être prise en compte par la cour compte tenu des liens affectifs les unissant à l'appelante pouvant priver leur témoignage d'objectivité ; qu'il en est de même de l'attestation de Mme Marie-Dominique Y..., soeur de l'intimé et de celle de sa grand-tante, Mme Joséphine Y... ;
que les documents concernant l'installation en France de Mme X... chez M. Y... après avoir quitté son logement en Roumanie sont tout à fait inopérants, son choix d'installation étant librement consenti ainsi que ses arbitrages financiers concernant ses biens en Roumanie ;
que Mme Evelyne D... a attesté le 26 février 2014 avoir connu Mme X... en septembre 2003 pour la saison de triage des pommes de terre pendant 3 semaines et que chaque année elles se retrouvaient chez M. Y... et M. E... ; que, pendant quelques années elle a vu les deux enfants accompagnant leur mère dans ce travail ;
que M. Jacky F... a d'autre part attesté le 22 septembre 2014 avoir vu Mme X... travailler manuellement et sur des engins agricoles dans les champs, mais il n'est pas précisé les dates de ces constatations ni le temps passé par Mme X... à travailler ni la fréquence de ses observations ; qu'il en est de même du témoignage de M. Antony G... qui déclare avoir vu Mme X... travailler au triage de pommes de terre de septembre 2003 à février 2004, faire un peu de conduite de tracteur et participer à la plantation d'arbres, sans plus de précisions et de celle de M. Johnny H... qui déclare avoir vu Mme X... conduire des engins agricoles sur les routes sans préciser combien de temps ni détailler davantage ses observations ;
que M. Michel I... a attesté le 15 octobre 2015 que Mme X... est venue travailler pour une durée de 20 jours environ dans le cadre de la mise en commun de moyens matériels et humains pour faciliter l'organisation de la récolte de pommes de terre mais que sa collaboration avec l'EARL U... s'est terminée en 2005, cette attestation est corroborée par celle de M. Laurent J... qui indique avoir vu participer Mme X... aux opérations de triage pendant 3 semaines environ en 2003 et 2004 et par des attestations rédigées par M. Emmanuel K... et par M. Dominique W... ;
que M. Y... produit des attestations de personnes ayant constaté que Mme X... était absente lors de travaux agricoles mais ces attestations sont peu circonstanciées et ne sont pas probantes puisqu'il n'est pas justifié que les personnes ayant attesté se trouvaient suffisamment présentes à la ferme pour décrire l'étendue du travail éventuel de Mme X... ;
que plusieurs personnes, dont Mme Michèle L..., Mme Liliana M..., Mme N..., M. F... ont attesté avoir participé à des repas de chasse et que Mme X... préparait les repas et ne pas l'avoir vu percevoir d'argent ;
qu'en revanche, M. Jean Claude O... a attesté le 24 janvier 2014 que Mme X... préparait les repas de chasse et les servait et qu'elle recevait d'importants pourboires à cette occasion ; que M. Jean Claude O... a attesté qu'il remettait 50 € à Mme X... lorsqu'il venait pour refaire sa chambre ;
que M. Jean-Michel P... a attesté le 12 mai 2014 que depuis quelques années M. Y... organisait 2 à 3 journées de chasse par saison ; que pour rémunérer les services de la cuisinière, une quête était organisée pour obtenir 200 € remis par M. Y... à Mme X... ;
que M. Jacky F... a d'autre part attesté le 22 septembre 2014 avoir vu Mme X... travailler manuellement et sur des engins agricoles dans les champs, mais il n'est pas précisé les dates de ces constatations ni le temps passé par Mme X... à travailler ni la fréquence de ses observations ; qu'il en est de même du témoignage de M. Antony G... qui déclare avoir vu Mme X... travailler au triage de pommes de terre de septembre 2003 à février 2004, faire un peu de conduite de tracteur et participer à la plantation d'arbres, sans plus de précisions et de celle de M. Johnny H... qui déclare avoir vu Mme X... conduire des engins agricoles sur les routes sans préciser combien de temps ni détailler davantage ses observations ;
que M. Constantin Q... a attesté le 20 novembre 2016 avoir vu Mme X... travailler dans les champs lors de ses visites dans plus de précisions sur les circonstances, la périodicité et la durée de ses visites ;
que M. Emmanuel K... a déclaré dans une attestation du 16 octobre 2015 que Mme X... avait la gestion de toutes les commandes de la chaîne de triage et qu'elle devait surveiller l'ensemble du chantier de récolte du triage mais il ne précise pas les circonstances et les faits l'ayant amené à déclarer cela, son attestation est donc peu précise et peu circonstanciée sur ce point ; qu'en revanche, il déclare que le repas était servi par Mme X... aux salariés sur la CUMA de [...] lors de l'arrachage des betteraves et que le groupe de travail a décidé d'embaucher Mme X... en 2013 pour la période de récolte ;
que M. Sébastien R..., salarié de l'EARL de U..., depuis juillet 2004 a attesté le 25 janvier 2014 que Mme X... aidait au triage des pommes de terre, à les planter, à la récolte 5 à 6 jours par an, et à des petits travaux, lorsqu'elle n'était pas en Roumanie et qu'elle travaillait en moyenne moins d'un jour par semaine sur l'année ;
que Mme Sylvie S..., comptable de l'EARL U... depuis environ 15 ans, a attesté le 28 octobre 2014 ne pas avoir eu de relation professionnelle avec Mme X..., toute la comptabilité étant faite par M. Y... ainsi que la gestion entière de son exploitation ;
qu'il résulte de la concordance des attestations précitées que Mme X... participait sur une période de une à trois semaines par an au triage des pommes de terre ; qu'elle servait les repas lors de réunions, notamment de chasse, participait à de menus travaux et qu'elle travaillait pour des tiers ;
que de plus, il résulte d'un courrier adressé le 21 février 2007 par la MSA à Mme X... qu'elle a été affiliée en qualité de collaborateur à compter du 14 février 2006 et que cette affiliation lui ouvre des droits aux retraites proportionnelles et forfaitaires, d'une attestation établie le 26 mars 2012 par la MSA qu'elle était en situation régulière au regard du paiement des cotisations sociales et qu'une attestation établie le 30 juillet 2013 par cet organisme qu'elle a été inscrite en qualité de conjoint collaborateur pour la période du 14 décembre 2006 au 30 juillet 2013 ;
que M. Y... justifie du règlement des cotisations correspondantes de 2007 à 2013 inclus ;
qu'il n'est pas contesté par M. Y... que Mme X... a participé à la rénovation et à l'embellissement de la maison mais il soutient sans être utilement contesté qu'il en assumait l'entière charge financière ;
que d'autre part, les relevés de compte produits par Mme X... révèlent que M. Y... effectuait des virements régulier en sa faveur, elle justifie également qu'elle effectuait, à partir de ce compte, des dépenses pour le ménage ;
que de son côté M. Y... produit des relevés de compte tendant à établir qu'il a réglé à Mme X... la somme de 65 800 € en tout du 27 juin 2005 à fin août 2013, y compris 6 000 € en août 2013 ;
que M. Y... justifie avoir réglé des voyages au nom de Mme X..., notamment à Cuba en 2004 pour 1 469,48 €, à Dakar en 2005 pour 543,01 €, au cap vert en 2007 pour 1 996 € pour le couple, ce qui n'est pas utilement contesté par Mme X... en ce qui concerne les voyages précités ;
qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments et notamment des attestations susvisées et de l'examen détaillé de toutes les pièces produites que l'aide ponctuelle apportée à l'activité agricole de son compagnon par Mme X... ne saurait être considérée comme un travail à plein temps alors que M. Y... avait une comptable et un salarié, que la participation à la vie de l'exploitation par des travaux limités dans le temps n'est pas anormale dans le cadre de la vie d'un ménage en milieu rural ; que le tribunal a justement considéré au vu des témoignages susvisés que la confection de repas lors de réunions, notamment de chasse et leur service s'inscrivait dans le cadre d'une vie commune librement choisie alors que Mme X... ne justifie pas que son compagnon l'ait empêchée d'exercer une autre activité professionnelle ; que M. Emmanuel Y... justifie avoir versé des sommes importantes sur le compte de Mme X... et avoir réglé des voyages à son profit ; qu'elle ne saurait arguer de la rénovation et de l'embellissement de la maison du couple dans laquelle elle vivait elle-même gratuitement, dont elle profitait autant que son compagnon et qui correspond à une participation habituelle aux taches communes pour faire valoir une participation excessives aux charges de la vie commune ;
que la décision entreprise sera donc confirmée en ce que les premiers juges ont considéré que l'activité de Mme Angélica X... durant la vie commune n'a pas dépassé l'obligation naturelle de participation aux charges du ménage, il ne saurait donc être soutenu qu'il existait un enrichissement de M. Y... et un appauvrissement corrélatif de Mme X... alors que la contrepartie des activités exercées par cette dernière était l'obligation de participer aux charges du ménage et le bénéfice d'un hébergement » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur l'enrichissement sans cause
que l'article 1371 du Code civil énonce que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ;
qu'il en résulte que l'action « de in rem verso » ne doit être admise que dans les cas où le patrimoine d'une personne se trouvant, sans cause légitime, enrichi au détriment de celui d'une autre personne, celle-ci ne jouirait pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit et elle ne peut être intentée en vue d'échapper aux règles par lesquelles la loi a expressément défini les effets d'un contrat déterminé ;
qu'il incombe à la partie qui invoque l'enrichissement sans cause d'établir que l'appauvrissement par elle subi et l'enrichissement corrélatif du défendeur ont eu lieu sans cause ;
qu'il résulte de l'article 515-8 du Code civil que le concubinage est une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ;
qu'aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de leur vie commune ;
que l'article 515-4 du Code civil énonce que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproque ; que si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives ;
que Mme Angélica X... et M. Emmanuel Y... ayant vécu pendant neuf ans en concubinage et pendant quelques mois sous le régime du pacte civil de solidarité, l'activité de la requérante sera examinée au regard de ce double régime ;
qu'il est constant que M. Emmanuel Y... exerce l'activité d'exploitant agricole ;
que Mme Angélica X... soutient que pendant toute la vie commune elle a participé bénévolement à l'activité agricole, effectuant sous les travaux agricoles et administratifs nécessaires à la bonne marche de l'exploitation, sans contrepartie financière, ce qui justifie l'allocation de dommages intérêts à hauteur de 65 000 € ;
qu'il apparaît que Mme Angélica X... a été déclarée en tant que collaborateur auprès de la MSA à compter du 14 décembre 2006 jusqu'au 1er septembre 2013, afin de bénéficier de droit à la retraite proportionnelle et à la retraite forfaitaire ;
que s'il est établi par les attestations qu'elle produit aux débats qu'elle a régulièrement aidé son compagnon dans les travaux de la ferme en triant les pommes de terre, en conduisant le tracteur, en cueillant des fruits et des champignons, en plumant des volailles, il n'apparaît pas que cette activité ait pu caractériser un emploi à plein temps dispensant M. Emmanuel Y... d'avoir recours à un ou des salariés ;

qu'il est par ailleurs établi, au vu des attestations produites par les deux parties, que Mme Angélica X... s'est impliquée dans les réceptions de chasse données par son compagnon au cours desquelles elle cuisinait pour de très nombreuses personnes et servait à table ;
que toutefois cette activité s'inscrivait dans le cadre d'une vie commune à la campagne, avec ses coutumes propres, vie que Mme Angélica X... a librement choisie ;
que Mme Angélica X... soutient que son compagnon s'est opposé à ce qu'elle exerce une activité professionnelle, mais elle n'en justifie pas ;
qu'il est établi qu'au cours de la vie commune, M. Emmanuel Y... effectuait des virements sur le compte de Mme Angélica X... afin qu'elle effectue les achats liés à la vie courante ;
que la somme totale versée à cette dernière entre le 17/06/2005 et le 31/08/2013 s'élève à 65 800 euros ainsi que cela résulte des relevés de compte de M. Emmanuel Y... produits aux débats ;
qu'il apparaît que si Mme Angélica X... utilisait ces sommes dans l'intérêt du ménage, elle effectuait aussi des achats personnels ;
qu'elle a également bénéficié de plusieurs voyages à l'étranger payés par M. Emmanuel Y... ;
qu'enfin si Mme Angélica X... s'est occupée de rénover la maison et sa décoration avec les fonds fournis par M. Emmanuel Y..., c'est aussi afin d'améliorer ses propres conditions de vie et de logement ;
que dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'activité de Mme Angélica X... ait dépassé l'obligation naturelle, du temps du concubinage, puis légale au cours du PACS, de participer aux charges du ménage qu'impliquait une vie de couple en milieu rural, au surplus dans une exploitation agricole » ;

1°/ ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; qu'en écartant, sans en examiner le contenu, les tableaux, photographies et notes non authentifiés et non signés, produits aux débats par Mme X..., ainsi que l'attestation que l'appelante a rédigée pour elle-même, en retenant qu'ils ne sauraient valoir preuve car nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil en sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ ALORS QUE la collaboration professionnelle non rétribuée d'un concubin à l'activité professionnelle de l'autre, qui se distingue d'une participation aux dépenses communes des concubins, implique par elle-même l'appauvrissement de l'un et l'enrichissement de l'autre ; que la Cour d'appel a constaté que Mme X... avait participé aux activités de l'exploitation agricole de M. Y... et qu'elle avait été affiliée à la MSA « en qualité de conjoint collaborateur pour la période du 14 décembre 2006 au 30 juillet 2013 » ; qu'en excluant tout appauvrissement de Mme X... en retenant qu'en exerçant ces activités de nature professionnelle, elle aurait rempli son obligation de participer aux charges du ménage et apporté une contrepartie à l'hébergement dont elle bénéficiait, la Cour d'appel a opéré une confusion entre la vie professionnelle et la vie personnelle des concubins, en violation de l'article 1371 du Code civil, en sa rédaction applicable en la cause ;

3°/ ALORS QU'en retenant que M. Y... aurait versé une somme de 65 800 euros sur un compte ouvert au nom de Mme X... du 27 juin 2005 à fin août 2013, et qu'il aurait réglé trois voyages au nom de celle-ci, sans établir que cette somme aurait été destinée en propre à Mme X... et que son montant et la valeur de ces voyages correspondaient à la valeur du travail effectivement réalisé par cette dernière, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de tout enrichissement sans cause de M. Y... au détriment de Mme X..., privant sa décision de base légale au regard de l'article 1371 du Code civil en sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Angélica X... de sa demande tendant à voir condamner son ex-concubin, M. Emmanuel Y..., à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral que lui a causé la rupture brutale de leur relation de concubinage ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« il convient d'autre part de rappeler que la rupture du concubinage ou du PACS est libre sans que l'auteur de la rupture ne puisse être condamné à des dommages intérêts sauf faute détachable de la rupture ;
que M. Y... a attesté avoir demandé le 26 juillet 2013 à Mme X... de quitter les lieux au 30 août 2013, soit 4 semaines plus tard ;
que de plus, Mme X... indique, page 17 de ses écritures, que la relation de concubinage a pris fin, à l'initiative de M. Y..., brusquement, dès la fin du mois de juin 2013, soit deux mois avant le 30 août 2013 ;
que cette dernière indique avoir quitté la propriété le 25 août 2013, il n'est pas contesté qu'elle a quitté les lieux avec une voiture mise à sa disposition par M. Y... ;
que d'autre part, M. Y... justifie avoir réglé à Mme X... la somme de 6 000 € en août 2013 et de 6 000 € en tout en juillet et août 2014 ;
que la MSA a attesté le 28 août 2013 que Mme X... a bénéficié de l'assurance maladie obligatoire au titre de l'AMEXA en qualité d'ayant droit depuis le 23 septembre 2003 et pouvait bénéficier d'un maintien de ses droits durant un an à compter du 31 août 2013 ;
que Mme X... justifie d'autre part avoir trouvé un travail à durée déterminée le 5 septembre 2013 et produit un courrier de Mme Laure I... du 10 octobre 2013 précisant que l'appelante a été hébergée chez sa mère, après sa séparation, en attente d'un logement social ;

qu'il ne saurait donc être reproché à M. Y... d'avoir commis une faute dans le cadre de la rupture du couple ayant occasionné un préjudice à Mme X... ayant un lien direct avec cette faute par le caractère brutal de la rupture en privant cette dernière d'assistance alors qu'il lui a apporté une aide financière et qu'elle a trouvé une solution d'hébergement et un travail après la séparation du couple ;
que Mme X... soutient par ailleurs que le 18 août 2013, M. Emmanuel Y... a tiré un coup de fusil alors qu'elle se trouvait en train de ramasser des mûres ;
qu'elle a déposé le 25 août 2013 une plainte pour violence avec arme pour ces faits, cependant, sa plainte reflète ses propres déclarations et nul ne saurait se constituer de preuve à lui-même ;
qu'il est justifié par M. Y... que cette plainte a été classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée ;
que Mme X... ne justifie donc pas que M. Y... a fait preuve de violence envers elle ;
qu'elle ne justifie pas que les troubles dont elle atteste par des certificats médicaux proviennent d'une faute de son compagnon ;
que d'autre part, les documents produits par Mme X... pour établir la nouvelle relation de M. Y... ayant abouti à un mariage sont inopérants en l'espèce, l'infidélité de son ex-compagnon ne pouvant être considérée comme une faute donnant lieu à dommages intérêts dans le cadre d'une union libre ou d'un PACS ;
qu'il en est de même des documents concernant la fertilité du couple qui ne sauraient constituer une preuve de faute de M. Y... durant la vie commune ;
que la décision entreprise sera donc confirmée en ce que les premiers juges ont débouté Mme Angélica X... de toutes ses demandes » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la rupture du concubinage ou du pacte civil de solidarité est totalement libre et l'un des conjoints ne peut être condamné à réparer le préjudice présumé de l'autre, et créé par le seul exercice de son libre choix, en l'absence de toute faute ; que seule peut donner lieu à indemnisation la faute détachable de la rupture, ayant causé au concubin abandonné un préjudice particulier ;
qu'il est établi qu'au mois de juin 2013, M. Emmanuel Y... est parti en voyage à Madagascar seul et qu'à son retour, il a souhaité se séparer de Mme Angélica X..., ayant probablement rencontré à l'occasion de son séjour malgache une femme avec laquelle il a entamé des démarches en vue de se marier ;
qu'en effet, Mme Angélica X... produit aux débats copie d'un acte de "publication de mariage" en date du [...] selon lequel M. Emmanuel Y... et Mme T... doivent se marier à la mairie de [...] à Madagascar ;

que Mme Angélica X... soutient que M. Emmanuel Y... a fait preuve de violences à son égard le 25/08/2013, en tirant un coup de feu pour l'impressionner et hâter son départ ;
que toutefois, sa plainte ne peut constituer une preuve en l'absence d'acte de poursuite du ministère public ;
que s'il apparaît que M. Emmanuel Y... a souhaité se séparer de Mme Angélica X... après avoir rencontré une autre femme, les conditions de la rupture, qui s'est déroulée sur deux mois, n'apparaissent pas fautives ; qu'en outre M. Emmanuel Y... n'a pas laissé Mme Angélica X... sans ressources puisqu'il lui a versé la somme de 1 000 € le 19/07/2013 et la somme de 5 000 € le 17/08/2013 ;
qu'il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par Mme Angélica X... » ;

1°/ ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; qu'en écartant la plainte pour violence avec arme déposée par Mme X... le 25 août 2013 à l'encontre de M. Y... en retenant que « sa plainte reflète ses propres déclarations et nul ne saurait se constituer de preuve à lui-même », la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil en sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ ALORS QU'une décision de classement sans suite n'a aucune autorité de chose jugée, et ce peu important le motif du classement ; qu'en écartant toute faute de M. Y..., qui a causé une très grande frayeur à Mme X... en tirant un coup de fusil dans sa direction alors qu'elle se trouvait dehors, en retenant que la plainte déposée par celle-ci avait été classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, la cour d'appel a violé les articles 1351 et 1382 du code civil, en leur rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-18207
Date de la décision : 11/04/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 14 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 avr. 2018, pourvoi n°17-18207


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18207
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award