LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 9 octobre 2014, Camille Y... a adressé une requête aux fins d'adoption simple de Mmes Marie-Hélène et Audrey X... au procureur de la République, lequel l'a transmise au tribunal le 1er février 2016 ; que l'intéressé est décédé le [...] ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 16 et 431 du code de procédure civile ;
Attendu que le ministère public, dans le cas où il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ;
Attendu que l'arrêt énonce que, par avis du 9 septembre 2016, le ministère public requiert la confirmation de la décision entreprise pour les motifs retenus par le premier juge ; qu'il ne ressort ni de ces énonciations ni des pièces de la procédure que les conclusions écrites du ministère public, intervenu en qualité de partie jointe et n'ayant pas assisté à l'audience, aient été mises à la disposition des parties ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que, pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient qu'en application de l'article 384 du code de procédure civile, le décès entraîne l'extinction de l'instance, sauf si l'action peut être transmise aux héritiers, et qu'aucun texte ne prévoit la transmission de l'action aux fins d'adoption aux héritiers, sauf dans l'hypothèse où l'adoptant a recueilli l'enfant en vue de son adoption ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur ces moyens relevés d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mmes Audrey et Marie-Hélène X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'appel de Mme Audrey X... et Mme Marie-Hélène X... irrecevable ;
AUX MOTIFS QUE par avis du 9 septembre 2016, le ministère Public requiert la confirmation de la décision entreprise pour les motifs retenus par le premier juge ;
ET QU'il est constant que M. Y..., beau-père des appelantes, et par ailleurs père de deux enfants nés d'une union précédente, est décédé après le dépôt de la requête en adoption simple devant le tribunal de grande instance de Laon ; QUE le décès du demandeur, survenu postérieurement à la requête, n'a pas dessaisi le tribunal de grande instance, qui par jugement du 19 juillet 2016 a dit qu'il n'y avait lieu à prononcer l'adoption simple de Mmes X... ; Mmes X... ont saisi la cour d'un appel ; QUE néanmoins, en vertu de l'article 384 du code de procédure civile, le décès entraîne l'extinction de l'instance, sauf si l'action peut être transmise aux héritiers ; QU'en l'espèce, aucun texte ne prévoit la transmission de l'action en adoption simple aux héritiers, sauf dans l'hypothèse où l'adoptant a recueilli l'enfant en vue de son adoption (article 353 alinéa 3 du code civil) ; QUE de plus, Mme Audrey X... et Mme Marie-Hélène X... n'ayant pas la qualité d'héritière, leur action est en tout état de cause irrecevable ;
1- ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; que les parties à l'instance doivent être mises en mesure de répondre à l'avis du ministère public ; que la cour d'appel, qui a précisé que le ministère public, qui n'était pas représenté à l'audience des débats du 4 janvier 2017, avait donné son avis le 9 octobre 2016, sans constater que cet avis avait été mis à la disposition de Mmes Marie-Hélène et Audrey X..., a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile ;
2- ALORS QUE, de même, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel, qui a relevé d'office les moyens tirés de l'extinction de l'instance et de l'irrecevabilité de l'appel, sans inviter Mmes X..., parties à l'instance d'appel, à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3- ALORS QUE l'adoption produit ses effets au jour du dépôt de la requête ; que, dès lors, lorsque le tribunal de grande instance a été régulièrement saisi par l'adoptant, le décès de ce dernier survenu postérieurement à la présentation de la requête n'éteint pas l'instance et ne dessaisit pas le tribunal qui doit statuer sur l'adoption, par une décision susceptible d'appel ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer l'appel irrecevable, que le décès de l'adoptant entraîne l'extinction de l'instance, sauf si l'action peut être transmise aux héritiers, et qu'en l'espèce, aucun texte ne prévoit la transmission de l'action en adoption simple aux héritiers, la cour d'appel a violé les articles 384 du code de procédure civile, 361 et 355 du code civil ;
4- ALORS QUE le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt ; que la personne dont l'adoption simple a été demandée, et qui y a consenti par acte notarié, est partie à l'instance gracieuse qui tend à son adoption ; qu'elle a intérêt le cas échéant, à relever appel de la décision qui a rejeté la demande d'adoption ; qu'en jugeant néanmoins que Mmes X..., dont l'adoption avait été demandée par Camille Y..., étaient irrecevables à relever appel du jugement rejetant cette requête dans la mesure où elles n'étaient pas les héritières du requérant, la cour d'appel a violé les articles 546 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5- ALORS QUE, subsidiairement, en matière gracieuse, la voie de l'appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement a été notifié ; qu'en jugeant l'appel de Mmes X... irrecevable, sans rechercher si le jugement qui avait rejeté la requête par laquelle Camille Y... demandait leur adoption, leur avait été notifié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 546 du code de procédure civile.