LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° H 17-17.347 et A 17-17.364, qui sont connexes ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que René X... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder son épouse, Germaine Marteau, et leurs trois enfants, Jean-Clément, Bernadette et Jacques ; que, le 25 avril 1997, Bernadette X... a déposé au rang des minutes d'un notaire un testament attribué à René X..., daté du 19 août 1979, et lui léguant par préciput et hors part le quart de ses biens mobiliers et immobiliers ; que M. Jean-Clément X... a assigné sa mère, sa soeur et son frère pour obtenir la nullité de ce testament et l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de son père ; que Germaine Marteau et Bernadette X... sont décédées en cours d'instance, cette dernière en l'état d'un testament instituant Mme Y... en qualité de légataire universelle ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° A 17-17.364 et sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches du pourvoi n° H 17-17.347, ci-après annexés :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi n° H 17-17.347 :
Vu l'article 970 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de nullité du testament, l'arrêt retient qu'il résulte des rapports des experts judiciaires que le testament a été écrit en entier, daté et signé de la main du testateur et qu'aucun des éléments médicaux produits ne permet de dire qu'en août 1979, René X... était insane ni qu'il était dans l'incapacité physique d'écrire ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la rédaction du testament à la date indiquée du 19 août 1979 était compatible avec l'état physique et mental de René X... constaté par ses proches dès 1978 et en 1979, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen du même pourvoi :
Vu l'article 792 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande formée au titre du recel successoral, l'arrêt retient qu'en l'absence de preuve des éléments constitutifs du recel, cette demande est dépourvue de tout fondement ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances dans lesquelles le testament de René X... avait été rédigé puis invoqué par son bénéficiaire, et d'autres testaments rédigés au nom de sa mère avaient été découverts au domicile de Bernadette X... lors de son décès, n'étaient pas de nature à établir une stratégie dissimulée de captation d'héritage constitutive d'un recel successoral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi n° A 17-17.364 ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Jean-Clément X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° H 17-17.347 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Jean-Clément X...,
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, par infirmation du jugement entrepris, dit que le testament en date du 19 août 1979 de René X... est valable ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article 970 du code civil, « le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme »; (
) ; que les conclusions de l'expert judiciaire dans son rapport du 28 avril 2014 portant sur le testament daté du 19 août 1979 sont rédigées comme suit :
« - il a été entièrement écrit avec un stylo bille à encre bleue et aucune falsification ou différenciation d'encre n'a pu être mise en évidence, notamment au niveau de la date ; par ailleurs il est impossible techniquement de dater l'encre du texte et donc de la date ;
- il a été entièrement écrit et daté par M. René X... ;
- Mme Germaine X... et Mme Bernadette X... n'ont pas écrit la date ;
- la signature semble émaner de M. René X... mais seul l'examen en comparaison de davantage de spécimens de sa signature permettra d'émettre un avis péremptoire ;
- il est impossible de déterminer à quelle date précise ont été écrites les différentes mentions notamment si la date apposée est contemporaine ou non de la rédaction du corps du testament ;
- le corps du testament et la date pourraient avoir été écrits en 1975/1976 ;
- aucun avis ne peut être émis concernant la date supposée du 19/08/1979 puisqu'aucun écrit de comparaison n'a été produit pour cette période ;
- la signature pourrait émaner de 1976/1977/1979 mais pas de 1983 » ;
Considérant que pour la bonne compréhension de cette expertise, il convient de préciser que l'expert a disposé au titre des documents de comparaison de la carte d'électeur de René X... du 10 juin 1979 portant sa signature et que, page 35 du rapport, l'expert écrivait : « l'hypothèse que le testament ait pu être écrit :
- avant la date apposée, soit en 1975/1976 ne peut pas être écartée ;
- à la date indiquée, ne peut ni être soutenue, ni écartée, car aucune écriture de 1979 n'ayant été produite par les parties » ;
que le testament de René X... avait également fait l'objet de deux expertises antérieures dans le cadre d'une procédure pour abus de faiblesse, faux et usage de faux dont il n'est pas fait état dans le jugement du 29 octobre 2013 qui a ordonné l'expertise confiée à Mme L... ; qu'aux termes de ses conclusions du 5 mai 2009, l'expert nommé dans le cadre de la procédure pénale par ordonnance du 25 mars 2009, Mme A..., indique que le testament olographe du 19 août 1979 émane de la main de René X..., après avoir analysé les documents de comparaison de 1939 à 1974 et le document de question (le testament) et avoir observé que ce dernier daté de 1979 « présente des signes de vieillissement du graphisme et une homogénéité dans ses inégalités ;
une motricité aisée, une écriture rectiligne, de la fermeté dans le tracé, un parallélisme des axes des lettres auraient alerté, car elles n'auraient pas correspondu à un graphisme « âgé ».
Par ailleurs, on ne trouve aucun signe permettant de dire que la rédaction a été effectuée à main contrainte, forcée ou guidée.(
)
Par ailleurs, la mise en page, l'ordonnance et la logique de l'ensemble nous permettent d'induire que les facultés mentales du scripteur, lors de la rédaction, semblaient intactes » ;
que le second expert, M. B..., nommé par ordonnance du 15 juillet 2009, a conclu le 30 septembre 2009, que le testament est entièrement de la main de René X... et n'a fait l'objet d'aucune retouche, rature ou surcharge, après avoir observé « comportant la date du 19 août 1979, le testament litigieux prend une place naturelle au sein de cet ensemble. Il présente des signes de vieillissement du graphisme plus marqués que les documents de 1973 et 1974, ce qui n'a rien de surprenant. C'est même l'inverse qui aurait été suspect » ;
qu'il résulte de ces trois expertises en écriture que le testament du 19 août 1979, objet de la procédure a été écrit en entier, daté et signé de la main du testateur et que l'authenticité de cet acte est établie ;
que les intimés expriment toutefois un doute quant à l'exactitude de la date qui y figure dès lors que selon eux, leur père n'était plus en état d'écrire en août 1979 ; qu'aucun élément intrinsèque du testament ne permet d'aboutir à cette conclusion dès lors que leur hypothèse d'une écriture de la date par d'autres que le testateur a été exclue par les mesures d'instruction précitées ; qu'en effet, il ne peut être déduit des mentions de l'expert Mme L... selon laquelle « il est impossible techniquement de dater l'encre du texte et donc de la date », que la date est fausse, dès lors que l'expert se borne à dire que la datation de l'encre du texte n'est pas possible, ce qui est une simple constatation technique qui ne peut nullement conduire à établir un doute sur la date du document ; que, toutefois, afin d'examiner l'ensemble de l'argumentation des intimés bien que l'intervention d'un tiers qu'ils suspectaient ait été écartée par les mesures d'instruction susvisées, il convient d'analyser les éléments médicaux dont ils font état pour prétendre que leur père était incapable d'écrire un testament à cette date, étant observé que l'arrêt des écritures de leur père au sein de sa pharmacie est de peu de portée dès lors qu'une personne affaiblie peut mettre fin à des activités dans le cadre professionnel tout en ayant la capacité de faire l'effort d'écrire ses dispositions testamentaires ;
que le professeur C..., dans un document du 28 janvier 2014, a écrit :
« Je soussigné Dr Thierry C..., Professeur des Universités exerçant au CHRU de Besançon, certifie et authentifie l'écrit que j'avais fait en date du 20 octobre 1985, concernant l'observation clinique et la synthèse diagnostique réalisées auprès de M. René X... qui avait été hospitalisé au CHRU de Besançon à cette époque. De ces constatations, il apparaît que le patient présentait un état neurologique détérioré (syndrome frontal avec troubles intellectuels et du jugement), des troubles moteurs liés à des conséquences d'accidents vasculaires cérébraux multiples de petits volumes et un syndrome extrapyramidal de type parkinsonien. L'ensemble du tableau évoluait de manière évidente depuis plus d'une dizaine d'années au vu des antécédents et des constatations de l'examen clinique ainsi que des données complémentaires (scanner). Dans ce contexte, il est irréaliste que ce patient ait pu avoir en 1979 un usage suffisant de sa main droite pour lui permettre d'avoir une écriture normale. Il en est de même de ses fonctions intellectuelles qui ne pouvaient être considérées comme normales en 1979. » ;
que les intimés produisent un certificat du 22 novembre 1985 établi par le docteur D... au soutien d'une demande de Bernadette X... aux fins de mutation à Paris, aux termes duquel il indique que René X... souffre d'une « maladie neurologique chronique qui l'a rendu grabataire depuis plusieurs années »
que le docteur E... aux termes de l'expertise médicale diligentée le 24 juin 2003 dans le cadre de la mise sous tutelle de Germaine X..., dans le paragraphe « mode de vie » écrit : « le mari de la patiente est décédé [...] au CHU de Besançon, dans l'unité de soins de son fils à la suite d'une longue maladie dans un état de démence vasculaire avancée, grabataire depuis de nombreuses années. En effet ce dernier souffrait d'une hypertension artérielle sévère et avait fait de nombreux accidents vasculaires cérébraux en 1975.
Depuis 1979, le mari de Mme X... avait de plus en plus de mal à marcher. Il était aphasique et présentait un syndrome pseudo-bulbaire »;
qu'au vu de la retranscription dans les conclusions de l'appelante (page 21) de la pièce 95 de M. Jacques X... dont la teneur n'est pas contestée par les intimés (cette pièce annoncée dans le classeur remis à la cour n'y figurant pas), que le docteur F... a indiqué : « Je peux donc dire au vu des documents que vous m'avez fournis que M. René X... présentait incontestablement un état de détérioration physique et cognitive en 1985.
Cet état de détérioration avait probablement une origine mixte, vasculaire et extra pyramidale dégénérative. La pathologie parkinsonienne était responsable d'un handicap moteur majeur déjà en 1978 et donc avant 1979, et d'un état quasi-grabataire dès 1981 au vu des courriers de Mme Germaine X... ainsi que de Mademoiselle B. X.... Il est rare que des syndromes parkinsoniens avancés aussi invalidants ne s'accompagnent pas de troubles cognitifs et du jugement. Mais aucun document dans le dossier ne me permet d'en avoir la certitude et de pouvoir juger de son degré de gravité en 1979. Mais un état grabataire aussi avéré qu'il parait être en 1981, laisse penser que l'intéressé ne pouvait avoir des fonctions cognitives normales deux ans auparavant » ;
que selon l'article 901 du code civil, « pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit » ;
que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit incombe à celui qui agit en nullité du testament ;
qu'aucun des éléments médicaux produits ne permet de dire qu'en août 1979, René X... était insane, ni qu'il était dans l'incapacité physique d'écrire, les conclusions du docteur C... notamment, sur lesquelles se fondent les intimés, retraçant des constatations qu'il avait faites en 1985, soit six ans après la date du testament, et celles du docteur F... révélant qu'il ne pouvait nullement avoir la certitude que les fonctions cognitives de René X... étaient altérées en août 1979, son analyse du dossier produit lui permettant seulement de dire que René X... présentait incontestablement un état de détérioration physique et cognitive en 1985 ;
que si la santé de René X... qui a vécu douze ans après la date portée sur le testament, s'est dégradée au fil des années, avec une détérioration significative à compter de 1985, la preuve, dont la charge pèse sur les intimés, de l'insanité d'esprit de leur père à la date du 19 août 1979 n'est pas rapportée, de sorte que leur demande de nullité du testament doit être rejetée et le jugement infirmé de ce chef ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si la date portée sur un testament olographe dont l'écriture est jugée être celle du testateur doit être tenue pour exacte, la preuve contraire de son inexactitude peut être apportée par voie d'éléments de preuve extrinsèques au testament dès lors que ces éléments de preuve trouvent leur racine ou leur principe dans le testament lui-même ; que, par ailleurs, l'inexactitude de la date énoncée dans le testament olographe équivaut à son absence et entraîne la nullité de l'acte ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer qu'« aucun élément intrinsèque du testament ne permet d'aboutir à la conclusion que M. René X... était incapable d'écrire un testament à la date énoncée du 19 août 1979 » (arrêt, p.7) ni même qu' « aucun des éléments médicaux produits ne permet de dire qu'en août 1979, René X... était dans l'incapacité physique d'écrire » (arrêt, p.8), sans s'expliquer sur la circonstance frappante que l'ensemble des documents médicaux produits, tels que cités par elle (émanant du Dr C..., du Dr D..., du Dr E... et du Dr F...), trouvant nécessairement leur racine ou leur principe dans le testament olographe lui-même comme étant relatifs à la capacité physique ou mentale contestée de l'écrire à cette date, corroborait l'hypothèse privilégiée par Mme L..., expert graphologue, d'une antériorité de l'écriture de ce testament par rapport à la date énoncée et établissait ainsi que la date énoncée du 19 août 1979 était inexacte en sorte que le testament était nul ; que, faute de s'expliquer sur ce point précis, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 970 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, ainsi que le faisait valoir M. Jean-Clément X... dans ses conclusions d'appel, le docteur Roland D... dont la Cour d'appel évoque un seul certificat médical établi le 22 novembre 1985, avait antèrieurement établi, à la demande de Mme Germaine X..., le 23 octobre 1991, un certificat médical (« pièce n°153 ») mentionnant « un état vasculaire cérébral grave » ayant rendu M. René X... « grabataire »
« approximativement de 1978 à 1988 » « en raison de nombreux micro accidents vasculaires cérébrales » - période durant laquelle le Docteur D... avait assuré le suivi médical de M. René X... et rappelait que ce certificat médical avait d'ailleurs été pris en compte par l'expert graphologue judiciaire (conclusions d'appel de M. Jean-Clément X..., p.16 et 17) ; que la Cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur cet élément déterminant étayant les écritures d'appel de M. Jean-Clément X..., a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN OUTRE QUE, dans ses conclusions d'appel, M. Jean-Clément X... se prévalait d'autres éléments extrinsèques complémentaires, trouvant nécessairement leur racine ou leur principe dans le testament olographe lui-même comme étant relatifs à la capacité physique ou mentale contestée de l'écrire à la date indiquée du 19 août 1979, à savoir des attestations précises et concordantes de plusieurs proches de leur père établissant que son état physique et mental excluait son écriture du testament à ladite date (conclusions d'appel de M. Jean-Clément X..., p.23 et, à l'appui, les pièces visées suivantes : attestation de M. G... (pièce n°97 communiquée par M. Jacques X...) précisant qu'en 1979, M. René X... devait être nourri par un tiers à la cuillère ; attestation de Mme Antoinette H... (pièce n°98 communiquée par M. Jacques X...) précisant qu'à l'été 1978, M. René X... était déjà dans une chaise roulante, avait le regard absent et ne pouvait échanger des paroles avec elle ; attestation de M. I... confirmant qu'à l'été 1978, M. René X... était déjà en chaise roulante, nécessitait des soins constants et n'était plus en mesure d'échanger normalement avec le monde extérieur (pièce n°7 communiquée par M. Jacques X...) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces autres éléments déterminants établissant que la rédaction, à la date indiquée du 19 août 1979, du testament litigieux qui comportait des expressions juridiques particulièrement élaborées, ainsi que le soulignait encore M. Jean-Clément X... dans ses écritures (p.20),était incompatible avec l'état physique et mental de M. René X... constaté par ses proches dès 1978 et en 1979, la Cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article 970 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel ne pouvait s'appuyer sur les expertises extraites des procédures pénales antérieures sans s'expliquer sur la circonstance déterminante que des pièces retrouvées postérieurement avaient établi que M. René X... n'écrivait plus depuis 1975 ainsi que le démontrait M. Jean-Clément X... ; qu'en particulier, la Cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que « l'arrêt des écritures de leur père au sein de sa pharmacie est de peu de portée dès lors qu'une personne affaiblie peut mettre fin à des activités dans le cadre professionnel tout en ayant la capacité de faire l'effort d'écrire ses dispositions testamentaires » (arrêt, p.7, dernier alinéa), sans s'expliquer sur le fait que, même dans sa vie privée, M. René X... avait également cessé d'annoter ses journaux de banque à partir de l'année 1977 et, aussi, sur la circonstance que les dernières annotations portées en 1976 faisaient ressortir une écriture « très abîmée, hâchée » outre des « erreurs » (conclusions d'appel de M. Jean-Clément X..., p.24 et 25) ; que, faute de s'expliquer sur ce point, la Cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article 970 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande M.M. Jean-Clément et Jacques X... sur le fondement du recel successoral ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'absence de preuve des éléments constitutifs du recel, la demande des intimés formulée à ce titre, dépourvue de tout fondement doit être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef (arrêt, p. 9, alinéa 2) ;
Et AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE le recel successoral suppose la réunion de quatre conditions cumulatives: un fait de recel, qui porte sur les biens et droits de la succession ce qui est le cas d'un legs à titre universel, et émanant d'un héritier, avec l'intention frauduleuse de rompre l'égalité du partage entre les héritiers ; qu'à cet égard, les consorts X... soutiennent tous les deux que leur soeur, Bernadette X..., aux droits de laquelle vient Madame Sylvie Y..., s'est rendue coupable de recel en se faisant consentir un testament par son père, alors qu'il était en situation de dégradation mentale, dans un but de captation de l'héritage à leur détriment ; que le souhait de leur parent aurait toujours été de conserver les biens dans la famille et qu'ils affirment que Bernadette X... a été avantagée par ses parents, sous la condition qu'elle transmette le patrimoine intact à leurs petits-enfants, les deux fils de Jean-Clément X... ; que Mme Sylvie Y... soutient en revanche qu'il n'y a ni recel de droits, alors que le patrimoine était identifié et connu de tous, ni recel d'héritiers ; que si, par jugement du 6 novembre 2014, le Tribunal a relevé l'existence d' « indices graves et concordants » de détournement de patrimoine, justifiant la nomination d'experts, aucun élément versé aux débats par les consorts X... ne permet pour autant d'imputer un acte de recel successoral à Bernadette X... ; qu'il convient par conséquent de rejeter la demande des consorts X... sur le fondement du recel successoral (jugement de 1ère instance, p.12 et 13).
ALORS QUE les manoeuvres constitutives de recel peuvent résulter de toutes circonstances et être établies par tout moyen ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que les frères X... n'établissaient aucun acte de recel de leur soeur Bernadette, sans s'expliquer de façon concrète, ainsi que l'y invitait M. Jean-Clément X... dans ses conclusions d'appel (p.28 et 29, et p.33), sur les circonstances troublantes dans lesquelles le testament litigieux de M. René X... daté du 19 août 1979 et un testament de Mme Germaine X... daté du 17 août 1979, prétendument « croisé » avec le précédent, avaient été prétendument établis, puis « découverts » par leur propre bénéficiaire, Mme Bernadette X..., celui attribué au père, en 1997, six ans après son décès et le second, attribué à la mère, en 2004 , quatre ans après le décès de celle-ci, de plus, sans que Mme Germaine X..., pourtant l'auteur prétendu de l'un des testaments « croisés », n'en fît état à l'ouverture de la succession de son mari prédécédé, en 1991, et eût alors exclusivement sollicité la mise en oeuvre de la donation au dernier vivant que lui avait consentie son conjoint par-devant Me J..., notaire, en 1967 (conclusions d'appel de M. Jean-Clément X..., p.28 et 29 ; adde, p.33) ; que M. Jean-Clément X... ajoutait que la présence d'autres testaments de sa mère, découverts au domicile de Mme Bernadette X... à son décès, était de nature à démontrer une « certaine avidité patrimoniale » de celle-ci ; que, faute de s'expliquer sur ces circonstances troublantes et dûment établies de nature à établir une stratégie dissimulée de captation d'héritage de Mme Bernadette X..., auteur de Mme Sylvie Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'ancien article 792 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° A 17-17.364 par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. Jacques X...,
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le testament en date du 19 août 1979 de René X... est valable ;
AUX MOTIFS QUE « sur la nullité du testament, que selon l'article 970 du code civil, "le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme" ; que les intimés qui soutenaient en première instance à l'appui de leur demande de nullité du testament que leur père ne l'avait pas entièrement rédigé et daté de sa main et d'autre part que l'altération de ses facultés mentales était avérée depuis 1976, soutiennent en appel que la date du testament est fausse dès lors qu'à sa date supposée, René X... était dans l' impossibilité physique et intellectuelle de le rédiger et le signer, et qu'il existe un doute relatif à l'auteur même de la signature du testament, de sorte que le testament est nul ; que M. Jean-Clément X... explique que sa soeur a soutiré ce testament à leur père et qu'ainsi, par cette manoeuvre, vu l'état de faiblesse et la dégradation avérée des facultés de ce dernier, elle avait la garantie d'être en possession du dernier testament qu'il aurait pu rédiger, puisqu'elle lui a fait apposer la date, à une époque où il est acquis qu'il n'écrit plus, que l'expert-graphologue n'a pas été en mesure de restituer sa véritable date à cet acte, qu'en conséquence, le testament dont s'agit doit être déclaré nul pour ce seul motif, la fausseté de sa date ; qu'en ce qui concerne les facultés mentales, que les intimés produisent divers éléments médicaux et exposent qu'à compter de 1974 X... était incapable de remplir les registres nécessaires à l'exercice d'une profession qu'il exerçait depuis plus de 40 ans, et qu'en 1977, il ne remplissait plus ses journaux de banque et ne tenait plus ses comptes ; qu'ils observent que Mme Y... ne répond sur aucun des faits précités et élude le débat, alors qu'il appartient à celui qui se prévaut de l'authenticité d'un testament d'en apporter la preuve, observant qu'elle a été dans l'incapacité de fournir un document écrit par René X... postérieur à octobre 1976 ; que les conclusions de l'expert judiciaire dans son rapport du 28 avril 2014 portant sur le testament daté du 19 août 1979 sont rédigées comme suit : "- il a été entièrement écrit avec un stylo bille à encre bleue et aucune falsification ou différenciation d'encre n'a pu être mise en évidence, notamment au niveau de la date par ailleurs il est impossible techniquement de dater l'encre du texte et donc de la date, - il a été entièrement écrit et daté par M. René X... ; - Mme Germaine X... et Mme Bernadette X... n'ont pas écrit la date, - la signature semble émaner de M. René X... mais seul l'examen en comparaison de davantage de spécimens de sa signature permettra d'émettre un avis péremptoire, - il est impossible de déterminer à quelle date précise ont été écrites les différentes mentions notamment si la date apposée est contemporaine ou non de la rédaction du corps du testament, - le corps du testament et la date pourraient avoir été écrits en 1975/1976, - aucun avis ne peut être émis concernant la date supposée du 19/08/1979 puisqu'aucun écrit de comparaison n'a été produit pour cette période, la signature pourrait émaner de 1976/1977/1979 mais pas de 1983 " ; que pour la bonne compréhension de cette expertise, il convient de préciser que l'expert a disposé au titre des documents de comparaison de la carte d'électeur de René X... du 10 juin 1979 portant sa signature et que page 35 du rapport, l'expert écrivait : "l'hypothèse que le testament ait pu être écrit : avant la date apposée, soit en 1975/1976 ne peut pas être écartée, à la date indiquée ne peut ni être soutenue, ni écartée, car aucune écriture de 1979 n'ayant été produite par les parties" ; que le testament de René X... avait également fait l'objet de deux expertises antérieures dans le cadre d'une procédure pour abus de faiblesse, faux et usage de faux dont il n'est pas fait état dans le jugement du 29 octobre 2013 qui a ordonné l'expertise confiée à Mme L... ; qu'aux termes de ses conclusions du 5 mai 2009, l'expert nommé dans le cadre de la procédure pénale par ordonnance du 25 mars 2009, Mme A..., indique que le testament olographe du 19 août 1979 émane de la main de René X..., après avoir analysé les documents de comparaison de 1939 à 1974 et le document de question, (le testament) et avoir observé que ce dernier daté de 1979 "présente des signes de vieillissement du graphisme et une homogénéité dans ses inégalités ; une motricité aisée, une écriture rectiligne, de la fermeté dans le tracé, un parallélisme des axes des lettres auraient alerté, car elles n'auraient pas correspondu à un graphisme âgé
; que par ailleurs, on ne trouve aucun signe permettant de dire que la rédaction a été effectuée à main contrainte, forcée ou guidée.(...) ; que par ailleurs, la mise en page, l'ordonnance et la logique de l'ensemble nous permettent d'induire que les facultés mentales du scripteur, lors de la rédaction, semblaient intactes" ; que le second expert, M. B..., nommé par ordonnance du 15 juillet 2009, a conclu le 30 septembre 2009, que le testament est entièrement de la main de René X... et n'a fait l'objet d'aucune retouche, rature ou surcharge, après avoir observé "comportant la date du 19 août 1979, le testament litigieux prend une place naturelle au sein de cet ensemble. Il présente des signes de vieillissement du graphisme plus marqués que les documents de 1973 et 1974, ce qui n'a rien de surprenant. C'est même l'inverse qui aurait été suspect" ; qu'il résulte de ces trois expertises en écriture que le testament du 19 août 1979, objet de la procédure a été écrit en entier, daté et signé de la main du testateur et que l'authenticité de cet acte est établie ; que les intimés expriment toutefois un doute quant à l'exactitude de la date qui y figure dès lors que selon eux, leur père n'était plus en état d'écrire en août 1979 ; qu'aucun élément intrinsèque du testament ne permet d'aboutir à cette conclusion dès lors que leur hypothèse d'une écriture de la date par d'autre que le testateur a été exclue par les mesures d'instruction précitées ;
qu'en effet, il ne peut être déduit des mentions de l'expert Mme L... selon laquelle "il est impossible techniquement de dater l'encre du texte et donc de la date", que la date est fausse, dès lors que l'expert se borne à dire que la datation de l'encre du texte n'est pas possible, ce qui est une simple constatation technique qui ne peut nullement conduire à établir un doute sur la date du document ; que toutefois, afin d'examiner l'ensemble de l'argumentation des intimés bien que l'intervention d'un tiers qu'ils suspectaient ait été écartée par les mesures d'instruction susvisées, il convient d'analyser les éléments médicaux dont ils font état pour prétendre que leur père était incapable d'écrire un testament à cette date, étant observé que l'arrêt des écritures de leur père au sein de sa pharmacie est de peu de portée dès lors qu'une personne affaiblie peut mettre fin à des activités dans le cadre professionnel tout en ayant la capacité de faire l'effort d'écrire ses dispositions testamentaires ; que le professeur C... dans un document du 28 janvier 2014 a écrit : " Je soussigné Docteur Thierry C..., Professeur des Universités exerçant au CHRU de Besançon, certifie et authentifie l'écrit que j'avais fait en date du 20 octobre 1985, concernant l'observation clinique et la synthèse diagnostique réalisées auprès de Monsieur René X... qui avait été hospitalisé au CHRU de Besançon à cette époque. De ces constatations, il apparaît que le patient présentait un état neurologique détérioré (syndrome frontal avec troubles intellectuels et du jugement), des troubles moteurs liés à des conséquences d'accidents vasculaires cérébraux multiples de petits volumes et un syndrome extrapyramidal de type parkinsonien. L'ensemble du tableau évoluait de manière évidente depuis plus d'une dizaine d'années au vu des antécédents et des constatations de l'examen clinique ainsi que des données complémentaires (scanner). Dans ce contexte, il est irréaliste que ce patient ait pu avoir en 1979 un usage suffisant de sa main droite pour lui permettre d'avoir une écriture normale. Il en est de même de ses fonctions intellectuelles qui ne pouvaient être considérées comme normales en 1979." ; que les intimés produisent un certificat du 22 novembre 1985 établi par le docteur D... au soutien d'une demande de Bernadette X... aux fins de mutation à Paris, aux termes duquel il indique que René X... souffre d'une "maladie neurologique chronique qui l'a rendu grabataire depuis plusieurs années" ; que le docteur E... aux termes de l'expertise médicale diligentée le 24 juin 2003 dans le cadre de la mise sous tutelle de Germaine X..., dans le paragraphe "mode de vie" écrit : "le mari de la patiente est décédé [...] au CHU de Besançon, dans l'unité de soins de son fils à la suite d'une longue maladie dans un état de démence vasculaire avancée, grabataire depuis de nombreuses années. En effet ce dernier souffrait d'une hypertension artérielle sévère et avait fait de nombreux accidents vasculaires cérébraux en 1975. Depuis 1979, le mari de Mme X... avait de plus en plus de mal à marcher. Il était aphasique et présentait un syndrome pseudo-bulbaire" ; qu'au vu de la retranscription dans les conclusions de l'appelante (page 21) de la pièce 95 de M. Jacques X... dont la teneur n'est pas contestée par les intimés (cette pièce annoncée dans le classeur remis à la cour n'y figurant pas), que le docteur F... a indiqué : "Je peux donc dire au vu des documents que vous m'avez fournis que Monsieur René X... présentait incontestablement un état de détérioration physique et cognitive en 1985. Cet état de détérioration avait probablement une origine mixte, vasculaire et extra pyramidale dégénérative. La pathologie parkinsonienne était responsable d'un handicap moteur majeur déjà en 1978 et donc avant 1979, et d'un état quasi-grabataire dès 1981 au vu des courriers de Mme Germaine X... ainsi que de Mademoiselle B X.... Il est rare que des syndromes parkinsoniens avancés aussi invalidants ne s'accompagnent pas de troubles cognitifs et du jugement. Mais aucun document dans le dossier ne me permet d'en avoir la certitude et de pouvoir juger de son degré de gravité en 1979. Mais un état grabataire aussi avéré qu'il parait être en 1981, laisse penser que l'intéressé ne pouvait avoir des fonctions cognitives normales deux ans auparavant" ; que selon l'article 901 du code civil, "pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit" ; que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit incombe à celui qui agit en nullité du testament ; qu'aucun des éléments médicaux produits ne permet de dire qu'en août 1979, René X... était insane, ni qu'il était dans l'incapacité physique d'écrire, les conclusions du docteur C... notamment, sur lesquelles se fondent les intimés, retraçant des constatations qu'il avait faites en 1985, soit six ans après la date du testament, et celles du docteur F... révélant qu'il ne pouvait nullement avoir la certitude que les fonctions cognitives de René X... étaient altérées en août 1979, son analyse du dossier produit lui permettant seulement de dire que René X... présentait incontestablement un état de détérioration physique et cognitive en 1985 ; que si la santé de René X... qui a vécu douze ans après la date portée sur le testament, s'est dégradée au fil des années, avec une détérioration significative à compter de 1985, la preuve, dont la charge pèse sur les intimés, de l'insanité d'esprit de leur père à la date du 19 août 1979 n'est pas rapportée, de sorte que leur demande de nullité du testament doit être rejetée et le jugement infirmé de ce chef ; qu'en l'absence de preuve des éléments constitutifs du recel, la demande des intimés formulée à ce titre, dépourvue de tout fondement doit être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef » ;
1°) ALORS QUE pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit ; qu'en retenant, pour dire que la preuve de l'insanité d'esprit de René X... à la date du 19 août 1979 n'était pas rapportée, qu'aucun des éléments médicaux produits ne permettait de dire qu'en août 1979, René X... était insane, ni qu'il était dans l'incapacité physique d'écrire, les conclusions du docteur C... retraçant uniquement des constatations qu'il avait faites en 1985, soit six ans après la date du testament, après avoir pourtant constaté que le docteur C... avait déclaré que « dans ce contexte, il est irréaliste que ce patient ait pu avoir en 1979 un usage suffisant de sa main droite pour lui permettre d'avoir une écriture normale. Il en est de même de ses fonctions intellectuelles qui ne pouvaient être considérées comme normales en 1979 », ce dont il s'inférait que le médecin neurologue ne s'était pas contenté de retracer des constatations faites en 1985 mais qu'il s'était prononcé sur l'évolution de l'état du patient et sur sa capacité à rédiger un testament en août 1979, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 901 du code civil ;
2°) ALORS QUE pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit ; qu'en retenant, pour dire que la preuve de l'insanité d'esprit de René X... à la date du 19 août 1979 n'était pas rapportée, qu'aucun des éléments médicaux produits ne permettait de dire qu'en août 1979, René X... était insane, ni qu'il était dans l'incapacité physique d'écrire, et que les conclusions du docteur F... révélaient qu'il ne pouvait nullement avoir la certitude que les fonctions cognitives de René X... étaient altérées en août 1979, son analyse du dossier produit lui permettant seulement de dire que René X... présentait incontestablement un état de détérioration physique et cognitive en 1985, après avoir pourtant constaté que le docteur F..., qui avait certes relevé qu' « aucun document dans le dossier ne me permet d'en avoir la certitude et de pouvoir juger de son degré de gravité en 1979 », avait aussitôt ajouté « mais un état grabataire aussi avéré qu'il parait être en 1981, laisse penser que l'intéressé ne pouvait avoir des fonctions cognitives normales deux ans auparavant », ce dont il se déduisait au contraire que le docteur F... avait posé un avis clair et précis caractérisant l'incapacité intellectuelle de René X... de rédiger le testament litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations et a violé l'article 901 du code civil.