LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 octobre 2016) et les productions, que la société Cema, propriétaire d'un appartement situé dans un immeuble en copropriété et loué à son gérant, M. Z... , a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 16 juin 2014, confirmé par un arrêt du 4 juin 2015 ; qu'un jugement du 6 juillet 2015 a rejeté le plan de redressement proposé par la société débitrice et converti la procédure en liquidation judiciaire, la société X... étant nommée liquidateur ;
Attendu que la société Cema fait grief à l'arrêt de prononcer sa liquidation judiciaire alors, selon le moyen, que la consignation vaut paiement lorsqu'elle a été validée par un jugement passé en force de chose jugée ; qu'en considérant qu'il n'existerait aucune garantie de réception du loyer passé à 1 000 euros et que la rentrée annuelle de 12 000 euros escomptée serait inefficiente, après avoir constaté que le juge d'instance de Nice avait, par ordonnance du 13 janvier 2016, ordonné la consignation des loyers, portés à 1 000 euros par contrat de bail du 1er janvier 2016, par M. Z..., auprès de la Caisse des dépôts et consignations, la cour d'appel a violé les articles 1257, alinéa 2, et 1262 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;
Mais attendu que l'ordonnance de référé du 13 janvier 2016, qui, dans son dispositif, ordonne la consignation des loyers dus par le locataire de la société Cema, sans constater leur consignation effective, ne constitue pas un jugement validant la consignation et permettant donc à celle-ci de valoir paiement de sorte que la cour d'appel a pu écarter le plan proposé par la société Cema, en retenant qu'il n'existait aucune certitude sur une perception de loyers permettant de faire face au passif et aux charges ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cema aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Cema
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la liquidation judiciaire de la société civile particulière Cema ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : selon l'article L. 631-15 du code de commerce, au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. A tout moment, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du contrôleur, du ministère public ou d'office, il peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement judiciaire est manifestement impossible. D'autre part, aux termes de l'article L. 626-21 du code de commerce, l'inscription d'une créance au plan et l'acceptation par le créancier de délais, remises (
) ne préjugent pas l'admission définitive de la créance au passif. Les sommes à répartir correspondant aux créances litigieuses ne sont versées qu'à compter de l'admission définitive de ces créances au passif sauf si la juridiction saisie du litige décide que le créancier participera à titre provisionnel, en tout ou partie aux répartitions avant l'admission définitive. C'est donc à bon droit que le premier juge a pris en compte l'ensemble des créances déclarées et la SCP Cerna soutient ainsi vainement que la plus grande partie du passif déclaré émane du syndic de copropriété qui n'avait plus qualité depuis l'annulation d'une assemblée générale de 2013 et ne pouvait donc ni faire de déclaration de créance ni donner mandat à un avocat de déclarer des créances. Le chèque de banque de 11.891,26 € remis par l'appelante à Me X... est subséquemment insuffisant au regard du montant du passif évalué à 138.149,99 € par le mandataire judiciaire. La SCP Cema soutient par ailleurs qu'elle a fait établir un budget provisionnel par un expert-comptable et a fait passer le loyer de l'appartement à 1.000 € mensuels ce qui lui permet de profiter d'encaissements de 12.000 € par an et d'un bénéfice annuel de 10.444 € de sorte qu'elle peut faire face au passif de 138.149,99 € avancé par Me X..., sur 10 ans. Toutefois, nonobstant le fait que le nouveau bail signé avec M. Z... seulement le 1/01/2016, permettra difficilement de faire face à l'ensemble des charges courantes, des charges de copropriété, à l'assurance du bien immobilier et à la taxe foncière, force est de constater qu'il n'existe aucune garantie ni démonstration de la réception effective du loyer passé de 381 € à 1.000 € par la société débitrice. Au contraire, l'intimée produit aux débats l'ordonnance de référé du 13/01/2016 aux termes de laquelle le juge d'instance de Nice a ordonné la consignation des loyers auprès de la caisse de dépôts et consignations de Nice à la demande de M. Z... qui, se plaignant d'un dégât des eaux et de l'état d'insalubrité de l'appartement, a assigné à la fois le syndicat des copropriétaires et la SCP Cema pour les voir condamner in solidum à des dommages-intérêts. Il en résulte que non seulement la rentrée annuelle de 12.000 € escomptée est inefficiente mais qu'au surplus, le passif de la société débitrice risque d'augmenter dès lors qu'il est demandé à la SCP Cema de répondre des manquements à ses obligations de bailleresse. Par conséquent au regard d'un passif à apurer qui sera compris entre 11.891,26 € et 138.149,99 €, et de l'absence de capacité financière de l'appelante qui ne bénéficie plus d'aucune rentrée de loyer et voit ainsi sa situation définitivement compromise, aucun plan de redressement ne saurait être sérieusement envisagé ;
AUX MOTIFS PRESUMES ADOPTES QU' il résulte des débats que la SCP Cema conteste le surplus du passif déclaré en remettant en cause la capacité du syndic à déclarer les créances, eu égard aux décisions de justice invalidant les assemblées générales de copropriétaires qui l'ont désigné . Or ce surplus n'est pas constitué uniquement par les créances déclarées par le syndicat des copropriétaires mais aussi par une créance déclarée par Me B..., administrateur judiciaire, pour un montant de 7.000 €. Selon les décisions qui seront rendues sur les contestations des créances, le passif à apurer sera compris entre 11.891,26 € et 138.149,99 €. Dans l'hypothèse basse, un plan de redressement aurait pu être envisagé si la société Cema avait justifié de sa capacité financière, ce qui n'est pas le cas : Il a été versé aux débats le relevé du compte de la société ouvert à la Banque Postale, qui fait ressortir un solde créditeur de 52,09 € au 29 mai 2015 et met en évidence le fait qu'elle n'encaisse pas les loyers que devrait lui verser M. Z.... Il a été expliqué à l'audience que M. Z... s'abstenait sciemment de verser les loyers sur le compte de la société, pour empêcher des saisies-attribution du syndicat des copropriétaires, ce qui est assez piquant si l'on observe que, de son côté, M. Z... a fait procéder le 16 avril 2015 à une saisie-attribution sur le compte du syndicat des copropriétaires pour un recouvrement d'une créance personnelle. En tout état de cause, il est pour le moins surprenant que l'expert-comptable Y... n'ait fait aucune observation sur cette pratique, qui semble perdurer depuis des années. Le tribunal ne saurait cautionner une situation qui conduit à laisser la société Cema à l'état de « coquille vide », en fraude aux droits des créanciers, sans liquidités ni comptabilité, et à prendre des engagements au bon vouloir de M. Z.... En conséquence de l'absence de démonstration de la capacité financière de la partie débitrice, la situation de celle-ci est définitivement compromise, il convient de mettre fin à la période d'observation et prononcer la liquidation judiciaire de la SCP Cema par application des dispositions de l'article L. 631-15 du code de commerce ;
1°) ALORS QUE le tribunal ne peut prononcer la liquidation judiciaire sans établir que le redressement est manifestement impossible ; que les chances de redressement d'une société doivent s'apprécier au regard de ses capacités et de son passif, lequel doit être précisément déterminé ; qu'en se bornant à retenir un passif à apurer qui serait « compris entre 11.891,26 euros et 138.149,99 euros » pour confirmer la décision de liquidation de la société Cema, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-15 II du code de commerce ;
2°) ALORS QUE le tribunal ne peut prononcer la liquidation judiciaire sans établir que le redressement est manifestement impossible ; que les chances de redressement d'une société doivent s'apprécier au regard de ses capacités et de son passif, lequel doit être précisément déterminé ; qu'en considérant que le passif de la société Cema « risquait » d'augmenter, la cour d'appel s'est prononcée par un motif hypothétique, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-15 II du code de commerce ;
3°) ALORS QUE la consignation vaut paiement lorsqu'elle a été validée par un jugement passé en force de chose jugée ; qu'en considérant qu'il n'existerait aucune garantie de réception du loyer passé à 1.000 euros et que la rentrée annuelle de 12.000 euros escomptée serait inefficiente, après avoir constaté que le juge d'instance de Nice avait, par ordonnance du 13 janvier 2016, ordonné la consignation des loyers, portés à 1.000 euros par contrat de bail du 1er janvier 2016, par M. Z..., auprès de la Caisse des dépôts et consignations, la cour d'appel a violé les articles 1257 alinéa 2 et 1262 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;
4°) ALORS QU'il n'est pas permis au juge de dénaturer les éléments de la cause, y compris par omission ; qu'il est stipulé au contrat de bail conclu par la société Cema avec M. Z... le 1er janvier 2016 : « le montant total dû pour un mois de location est de : 1050 € (
) détaillé comme suit : loyer : 1000 €, charges récupérables : 50 € » ; qu'en considérant que le nouveau bail signé par M. Z... permettra difficilement de faire face à l'ensemble des charges courantes, la cour d'appel a dénaturé par omission la clause prévoyant le paiement, par M. Z..., des charges récupérables, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.