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05/04/2018 | FRANCE | N°18-80490

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 avril 2018, 18-80490


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Walid Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 11 janvier 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de tentative de vol avec arme, séquestration, en bande organisée, et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de

l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Walid Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 11 janvier 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de tentative de vol avec arme, séquestration, en bande organisée, et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 137 à 148-4 du code de procédure pénale, de l'article 593 du même code, de la présomption d'innocence et des droits de la défense, manque de base légale, insuffisance et contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de M. Z... ;

"aux motifs que l'arrêt du 2 octobre 2017 qui a prononcé la mise en accusation de M. Z... devant la cour d'assises des bouches-du-rhône est motivé par l'existence à son égard de charges d'avoir participé à tout ou partie des faits au titre desquels il a été mis en examen pour tentative de vol avec arme en bande organisée, association de malfaiteurs en vue de la commission de ce vol et séquestration suivie de libération avant le 7ème jour ; que saisie du seul contentieux de la détention, la chambre de l'instruction n'est amenée à s'assurer que de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à ces faits et d'examiner sa situation au regard des dispositions de l'article 144 du code de procédure pénale ; que de tels indices résultent notamment de la reconnaissance par M. Z... de sa participation - selon lui marginale et non éclairée - aux faits au titre desquels il a été mis en accusation et qui lui ont valu d'être incarcéré, mais aussi des circonstances de son interpellation, de l'analyse de l'activité et de l'interception des communications de la ligne téléphonique dédiée dont il est établi qu'il était l'utilisateur à l'époque des faits et des déclarations concordantes de plusieurs témoins ; qu'en l'état de ces éléments qui rendent vraisemblable sa participation à la commission des infractions d'une toute particulière gravité sur lesquelles porte le dossier, la détention provisoire de M. Z... reste nécessaire à titre de mesure de sûreté et il résulte des éléments précis et circonstanciés de la procédure que cette mesure de contrainte constitue l'unique moyen de satisfaire les objectifs prévus par la loi, qui ne sauraient être atteints par son placement sous contrôle judiciaire ou par son assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'il résulte en effet de ces éléments qu'au contraire de ce qui est soutenu il existe un risque significatif :
- de concertation frauduleuse entre l'intéressé et ses coauteurs ou complices ;
- que l'intéressé se soustraie à sa nécessaire représentation en justice ;
- que l'infraction se poursuive ou soit renouvelée ;
- que, s'agissant de faits que la loi qualifie de crime, se poursuive le trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé, qui ne résulte pas du seul retentissement médiatique de l'affaire ; qu'en effet, le constat de ce que M. Z... a répondu aux questions qui lui ont été posées jusqu'à présent n'impose pas nécessairement de tenir pour établi que ces déclarations sont d'une part le reflet de la stricte vérité, d'autre part l'expression définitive de sa -position dans le dossier, exclusive de toute évolution ; que quand bien même il serait considéré que M. Z... - qui a affirmé, à l'encontre des éléments du dossier, ne pas connaître les autres participants à qui il avait pourtant accepté de se joindre - s'est entièrement expliqué sur les faits dont il est susceptible de devoir assumer la responsabilité, l'oralité de la procédure de jugement devant la juridiction criminelle nécessite que soient assurées dans toute la mesure du possible les conditions d'un débat transparent et loyal qui reste à venir et donc que soient prévenus jusque là les risques de concertation et de pression de toutes sortes, mais aussi que soit assurée la comparution personnelle de l'intéressé, dont les garanties de représentation sont insuffisantes ; qu'en effet, la lourdeur particulière des sanctions auxquelles il se sait exposé pourrait l'inciter à tenter sinon de fuir en tout cas de se soustraire aux actes à venir de la procédure ; qu'il a dans le passé été condamné pour usurpation d'identité ; que si cette considération ne saurait à elle seule justifier son maintien en détention et quand bien même il n'est pas poursuivi avec la circonstance aggravante de récidive, M. Z... a déjà été condamné à neuf reprises, notamment pour des faits - des atteintes aux biens aggravées - peu ou prou similaires à ceux au titre desquels il est à présent poursuivi, avertissements dont il n'a apparemment tenu que modérément compte ou dont l'effet s'est dissipé ; que la recherche de profits ayant à l'évidence été un facteur déterminant de leur survenance, il y a lieu de redouter que M. Z... soit tenté, pour disposer de ressources qu'il estime satisfaisantes, de se livrer à nouveau à des faits tels que ceux qui lui sont reprochés ; que le trouble exceptionnel à l'ordre public persiste à ce jour, s'agissant notamment d'une tentative de vol à main armée avec prise d'otages, fait dont le retentissement excède largement le ressenti des seules victimes et des lecteurs, auditeurs et spectateurs des médias de toutes sortes ; que la remise en liberté de l'intéressé est susceptible de raviver ce trouble ; qu'il n'apparaît pas que la constitution d'un cautionnement puisse raisonnablement être regardée comme de nature à anéantir ces risques ; que M. Z... a été mis en examen du chef de faits de nature criminelle et il est détenu depuis le 7 juin 2014 ; qu'une ordonnance de clôture prononçant notamment sa mise en accusation est intervenue dans ce dossier dès le 9 juin 2016 et que c'est sur le recours formé notamment par M. Z... qu'elle a été soumise à la chambre de l'instruction, qui a ordonné, le 14 septembre 2016, la poursuite de l'information ; qu'à l'issue, une nouvelle ordonnance de mise en accusation a été rendue par le magistrat instructeur le 9 juin 2017, dont il a également été fait appel ; qu'un arrêt portant notamment mise en accusation de M. Z... a été prononcé le 2 octobre 2017 ; que dans la mesure où l'intéressé affirme s'être entièrement expliqué et où il lui était loisible au long de la procédure de faire parvenir au magistrat instructeur tout élément complémentaire qu'il estimait opportun, il n'apparaît pas que le nombre de ses auditions doive être retenu comme un critère déterminant de l'appréciation du caractère raisonnable de la durée de sa détention ; qu'en l'état des éléments soumis à la cour, au regard de la gravité des faits, des motifs tirés des dispositions de l'article 144 du code de procédure pénale, de la chronologie ci-dessus rappelée et au regard des implications de l'exercice légitime - fût-ce par d'autres personnes mises en cause - de voies de recours instituées par la loi, la durée de la détention provisoire qu'a subie M. Z... dans le cadre de cette procédure criminelle n'apparaît pas revêtir un caractère excessif ni non plus disproportionné et par conséquent déraisonnable qui justifierait en soi sa remise en liberté, fût-ce sous contrôle judiciaire ;

"1°) alors que l'oralité de la procédure devant la cour d'assises et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, qui impliquent que l'accusé ne soit pas obligé de réitérer devant la juridiction de jugement les déclarations qu'il a faites durant l'instruction, sont des règles qui ne peuvent, du seul fait de leur existence, justifier de priver une personne de son droit à la liberté, qui reste le principe nonobstant l'acte d'accusation ; qu'en l'espèce, c'est donc à tort que la chambre de l'instruction a considéré (arrêt, p. 20 § 4 et 5) que même si M. Z... a reconnu les faits reprochés, l'oralité de la procédure devant la cour d'assises, qui lui permet de faire évoluer sa position dans le dossier, et la nécessité d'assurer les conditions d'un débat transparent et loyal, devaient conduire à le maintenir en détention, portant ainsi une atteinte disproportionnée aux droits garantis par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"2°) alors qu' en s'abstenant de répondre au mémoire de M. Z..., en détention provisoire depuis le 7 juin 2014, qui soulignait (p. 5) qu'il n'était pas poursuivi pour des faits commis en état de récidive légale, qu'il disposait d'un hébergement chez sa cousine, Mme D...  A..., à [...], que l'ensemble de sa famille réside en France, qu'il disposait d'une promesse d'embauche en qualité d'assistant administratif de la société Riad transport à [...] et qu'il s'engageait à restituer son passeport, de sorte qu'il pouvait être placé sous contrôle judiciaire, son maintien en détention n'étant plus « l'unique moyen » de satisfaire aux exigences de l'article 144 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

"3°) alors que la détention provisoire ne peut excéder un délai raisonnable au regard des nécessités de l'instruction et des diligences accomplies par l'autorité judiciaire ; que la circonstance que d'autres personnes mises en examen et détenues dans la même affaire contestent les faits qui leur sont reprochés et exercent des voies de recours ne peut être opposée à la personne qui reconnaît les faits et n'exerce pas de voie de recours, pour rejeter sa demande de mise en liberté ; que la chambre de l'instruction ne pouvait donc affirmer que la détention provisoire de M. Z..., depuis le 7 juin 2014 soit près de quatre ans, n'excédait pas un délai raisonnable en se fondant sur l'appel et le pourvoi formés par MM. B... et C... contre l'ordonnance puis l'arrêt de mise en accusation (arrêt, p. 15 § 1 et 2 ; p. 17 § 5), d'autant que, contrairement à ceux-ci, M. Z... reconnaissait les faits qui lui étaient reprochés et faisait valoir qu'il n'avait été interrogé qu'à deux reprises entre son interrogatoire de première comparution et l'arrêt de mise en accusation " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Z... a été mis en examen et placé en détention provisoire le 7 juin 2014 ; que par ordonnance en date du 13 juin 2017, le juge d'instruction l'a mis en accusation devant la cour d'assises des Bouches- du- Rhône, des chefs de tentative de vol avec arme en bande organisée, séquestration de moins de sept jours en bande organisée et association de malfaiteurs en vue de commettre un crime ; que le 26 décembre 2017, M Z... a formulé une demande de mise en liberté ;

Attendu que, pour rejeter la demande mise en liberté de M. Z..., après avoir exposé les arguments développés par l'accusé ainsi que les indices pesant sur lui, l'arrêt énonce notamment qu'il est nécessaire que soit assurée la comparution personnelle de l'intéressé dont les garanties de représentation sont insuffisantes et que la lourdeur particulière des sanctions auxquelles il se sait exposé pourrait l'inciter à tenter de se soustraire aux actes à venir de la procédure, le constat qu'il a dans le passé été condamné pour usurpation d'identité, n'étant pas, à cet égard, indifférent ; qu'il relève que ne saurait être tenu pour indifférent que M. Z... a déjà été condamné à neuf reprises, notamment pour des faits -des atteintes aux biens aggravées- peu ou prou similaires à ceux au titre desquels il est à présent poursuivi, avertissements dont il n'a apparemment tenu que modérément compte ou dont l'effet s'est dissipé et que la recherche de profits ayant à l'évidence été un facteur déterminant de leur survenance il y a lieu de redouter que M. Z... soit tenté pour disposer de ressources qu'il estime satisfaisantes de se livrer à nouveau à des faits tels que ceux qui lui sont reprochés ; qu'il retient que le trouble exceptionnel à l'ordre public persiste à ce jour, s'agissant notamment d'une tentative de vol à main armée avec prise d'otages, fait dont le retentissement excède largement le ressenti des seules victimes et des lecteurs, auditeurs et spectateurs des médias de toutes sortes et que la remise en liberté de l'intéressé est susceptible de raviver ce trouble ;

Que les juges ajoutent qu'une ordonnance de clôture prononçant notamment la mise en accusation de M. Z..., détenu depuis le 7 juin 2014, est intervenue dès le 9 juin 2016 et que c'est sur le recours formé notamment par lui qu'elle a été soumise à la chambre de l'instruction qui a ordonné, le 14 septembre 2016, la poursuite de l'information et qu'à l'issue, une nouvelle ordonnance de mise en accusation a été rendue par le magistrat instructeur le 13 juin 2017, dont il a également été fait appel, un arrêt portant notamment mise en accusation de M. Z... ayant été prononcé le 2 octobre 2017 ; que dans la mesure où l'intéressé affirme s'être entièrement expliqué et où il lui était loisible tout au long de la procédure de faire parvenir au magistrat instructeur tout élément complémentaire qu'il estimait opportun, il n'apparaît pas que le nombre de ses auditions doive être retenu comme un critère déterminant de l'appréciation du caractère raisonnable de la durée de sa détention ; que la cour d'appel en déduit que la détention provisoire reste justifiée comme étant, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, l'unique moyen de parvenir aux objectifs qui viennent d'être énoncés et qui ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, la constitution d'un cautionnement n'étant pas raisonnablement de nature à anéantir les risques décrits et qu'en l'état des éléments soumis à la cour, au regard de la gravité des faits, des motifs tirés des dispositions de l'article 144 du code de procédure pénale, de la chronologie ci-dessus rappelée et des implications de l'exercice légitime -fût-ce par d'autres personnes mises en cause -de voies de recours instituées par la loi, la durée de la détention provisoire qu'a subie M. Z... dans le cadre de cette procédure criminelle n'apparaît pas revêtir un caractère excessif ni non plus disproportionné et par conséquent déraisonnable qui justifierait en soi sa remise en liberté ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'elle a démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, que la prolongation de détention constituait l'unique moyen de parvenir aux objectifs fixés par l'article 144 du code de procédure pénale et qu'elle a apprécié que la durée de la détention provisoire n'excédait pas un délai raisonnable en raison de la gravité et de la complexité de l'affaire et compte tenu de l'exercice de voies de recours, fait objectif participant à la durée de la procédure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen doit dès lors être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-80490
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 11 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 avr. 2018, pourvoi n°18-80490


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.80490
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