LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 25 juin 2003, Mme Y... a été victime d'un accident médical non fautif ayant entraîné de graves séquelles, qui ont été partiellement indemnisées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) ; qu'elle a assigné ce dernier aux fins d'obtenir, notamment, l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels actuels et futurs ainsi que de l'incidence professionnelle imputables à l'accident ;
Attendu que, pour condamner l'ONIAM à payer à Mme Y..., la somme de 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle subie, après avoir indemnisé les pertes de gains professionnels depuis la date de l'accident jusqu'à la date de son départ à la retraite, l'arrêt retient que cet accident a placé l'intéressée dans l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui qu'elle avait déjà indemnisé au titre des pertes de gains professionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'ONIAM à payer à Mme Y... la somme de 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt rendu le 6 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'ONIAM à verser à madame Y... les sommes de 2.547,35 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels et 32.764,48 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, d'avoir fixé aux sommes globales suivantes les préjudices de madame Y... : 12.530,75 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, 79.284,89 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et 30.000 euros au titre de l'incidence professionnelle, d'avoir condamné l'ONIAM à verser à madame Y... les sommes complémentaires suivantes assorties des intérêts légaux : 9.983,40 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, 46.520,41 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et 30.000 euros au titre de l'incidence professionnelle et d'avoir condamné l'ONIAM à payer à madame Y... la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que, sur la perte de gains professionnels actuels, [
] la cour relève qu'effectivement, les experts A... et B... [
] ont précisé dans leur premier rapport et dans leur rapport complémentaire [
] qu'en ce qui concerne madame Y..., l'arrêt de travail a été constant depuis la sortie de la polyclinique de Gentilly le 12 juillet 2003, qu'elle aurait dû en principe reprendre son activité le 15 août 2003, que l'arrêt de travail constant depuis le 15 août 2003 jusqu'au 1er août 2005, date de son classement en invalidité de type 2, est lié à l'événement causal ; [
] que, s'agissant de l'indemnisation de ce préjudice pour la période du 25 juin 2003 au 1er août 2005, il résulte des pièces versées aux débats (étant précisé qu'en égard à son placement en arrêt de travail depuis le 27 juin 2001, elle ne peut produire des bulletins de salaire postérieurs à cette date) que si madame Y... avait travaillé, elle aurait perçu : - de la ville de Vandoeuvre, en sa qualité d'agent de service, un salaire annuel brut de 12.509,41 euros soit 1.042 euros brut par mois, - de l'association sports et loisirs de Vandoeuvre, en sa qualité de vacataire, un salaire annuel brut de 3.887,06 euros, soit 323,92 euros par mois, soit globalement pour ses deux activités, 1.366,37 euros par mois ; que la perte de gains professionnels actuels s'élève : - pour la période du 25 juin 2003 au 22 septembre 2004 à 5.227,05 euros : 1.366,37 euros x 15 mois = 20.495,55 euros (salaires perdus) – 33,93 euros x 30j x 15 mois = 15.268,50 euros (indemnités journalières perçues), - pour la période du 22 septembre 2004 au 1er août 2005 à 7.303,70 euros : 1.366,37 euros x 10 mois = 13.663,70 euros (salaires perdus) – 21,20 euros x 30j x 10 mois = 6.360 euros (indemnités journalières perçues), soit au total 12.530,75 euros ; que, compte tenu de la somme de 2.547,35 euros déjà allouée par le tribunal, l'ONIAM sera condamné à verser à madame Y... la somme complémentaire de 9.983,40 euros ; que, sur la perte de gains professionnels futurs, [
] née le [...] , madame Y... a été admise à faire valoir ses droits à la retraite le 1er septembre 2013 selon notification de retraite émanant de la Carsat du Nord Est en date du 18 juin 2013 et non le 1er janvier 2015 comme elle l'indique dans ses écritures ; que, sur la base de son double salaire mensuel de 1.366,37 euros, madame Y... aurait perçu entre le 1er août 2005 et le 1er septembre 2013 un revenu de 132.537,89 euros (1.366,37 euros x 97 mois) – 53.253 euros de pension d'invalidité versée par la CPAM (549 euros x 97 mois), soit au total 79.284,89 euros ; que, compte tenu de la somme de 32.764,48 euros déjà allouée à madame Y... par le tribunal, l'ONIAM sera condamné à payer la somme complémentaire de 46.520,41 euros ; que, sur l'incidence professionnelle, correspondant aux séquelles limitant les possibilités professionnelles de la victime ou lui rendant son activité professionnelle plus fatigante ou plus pénible, ce poste a pour objet d'indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle ; que, pour rejeter la demande de madame Y... et la proposition d'indemnisation de ce chef à hauteur de 1.500 euros formulée par l'ONIAM, le tribunal a considéré que madame Y... bénéficiait déjà d'une indemnisation au titre de la perte de revenus et qu'elle ne subissait aucune dévalorisation sur le marché du travail ; que, toutefois, l'accident médical dont elle a été victime lui a interdit de reprendre une activité professionnelle ainsi que l'ont noté les experts dans leur rapport complémentaire au paragraphe 9 intitulé « répercussions des séquelles sur l'activité professionnelle » lorsqu'ils ont indiqué que madame Y... avait abandonné totalement son activité professionnelle en raison de l'événement causal et qu'elle n'avait pas pu reprendre son métier d'accompagnatrice en cantine scolaire, ce préjudice étant la conséquence de l'accident médical ; que cette impossibilité de reprendre une activité professionnelle sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 30.000 euros ;
Alors qu'indemnise deux fois le même préjudice la cour d'appel qui alloue une somme au titre de l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle après avoir indemnisé une perte totale de gains actuels et futurs ; qu'en allouant à madame Y... des sommes au titre de sa perte de gains professionnels actuels et futurs, puis, au titre de l'incidence professionnelle, une somme de 30.000 euros destinée à indemniser son impossibilité de reprendre une activité professionnelle, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice et a méconnu l'article L. 1142-1, II, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Alors, subsidiairement, qu'en omettant de préciser le préjudice, distinct des pertes de gains professionnels déjà indemnisées, indemnisé au titre de l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.