LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2017), que, par actes sous seing privé du 16 février 2006, M. et Mme X... (les acquéreurs) se sont engagés à acquérir de la société ICR, devenue JPB promotion (le vendeur), deux lots de copropriété afin de bénéficier du statut de loueur en meublé professionnel, l'immeuble étant destiné à devenir une résidence hôtelière dont l'exploitation devait être confiée à la société Résid hôtel ; que les acquéreurs ont exercé l'option légale de rétractation, puis ont signé un acte authentique de vente reçu le 8 septembre 2006 par M. B..., exerçant au sein de la société civile professionnelle Pantou-Carrion (le notaire), portant sur deux autres lots, le notaire ayant mandat de régulariser le bail et le prêt à usage de ces lots ; que la signature d'un bail a été proposée aux acquéreurs, en 2008, à des conditions identiques, mais sous la gestion de la société Cosy's cadet aux lieu et place de la société Résid hôtel ; qu'ils ont refusé de signer ce bail, estimant que les conditions initialement prévues n'avaient pas été respectées, et ont assigné le vendeur, la société Cosy's cadet et le notaire en nullité de la vente et en indemnisation ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et cinquième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les deuxième, troisième, quatrième et sixième branches du moyen, ci-après annexé :
Attendu que les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts dirigée contre le notaire ;
Attendu qu'ayant relevé que les acquéreurs n'étaient pas fondés à demander réparation au notaire du préjudice de jouissance allégué, dès lors que, d'une part, ils avaient expressément refusé, sans raison pertinente avérée, de conclure le contrat de bail avec la société Cosy's cadet qui exploitait les autres lots de la résidence litigieuse, et laissé cette dernière exploiter leurs lots pendant plusieurs années sans aucune réaction, que, d'autre part, le caractère désastreux de leur investissement n'était pas davantage démontré, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de répondre à des conclusions inopérantes ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société civile professionnelle Pantou-Carrion la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leurs demandes de dommages-intérêts dirigée contre la SCP Pantou-Carrion,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE par deux actes sous seing privé intitulés «Protocole d'accord de compromis de vente » signés le 16 février 2006, M. et Mme X... se sont engagés à acquérir de la société ICR un appartement constituant le lot 14 de la copropriété ainsi que l'emplacement de parking n°14, situés dans un bâtiment sis [...] à Paris 9 ème au prix de 271 950 euros pour le lot 14 et de 27 700 euros pour le parking ; que l'acquisition, faite dans un but d'investissement, devait permettre aux époux X... de bénéficier du statut de loueur en meublé professionnel dit LMP, l'immeuble étant destiné à devenir une résidence hôtelière après travaux de restructuration et de rénovation ; que l'exploitation de cette résidence devait être confiée à la société Résid Hôtel, réputée pour sa compétence en la matière ; (...) que par la suite, ils ont signé un acte authentique de vente reçu le 8 septembre 2006 par M. Dominique B..., notaire à Valenciennes, portant sur la propriété des lots 215, local à usage de bureau situé dans le bâtiment B ainsi que le lot 150, un parking situé dans le bâtiment D, et ce aux mêmes conditions de prix ; qu'à cet acte authentique était annexé un mandat donné au notaire d'avoir à régulariser les bail et prêt à usage des lots acquis pour un loyer annuel de 19.805 euros pour l'appartement et 150 euros mensuels pour le parking ; que la signature d'un bail leur a ensuite été proposée, en 2008, à des conditions identiques mais sous la gestion de la société Cosy's Cadet au lieu de la société Résid Hôtel ; que les époux X... ont refusé de signer ce bail, estimant que les conditions initialement prévues n'avaient pas été respectées . que (p. 8) les époux X... ne contestent pas avoir reçu du notaire son projet d'acte de vente sans formuler aucune observation ni en faisant valoir leur rétractation antérieure ni l'absence de reprise de la clause de la promesse qui prévoyait une indivisibilité entre la vente et la régularisation d'un bail avec la société Résid Hôtel, clause que les demandeurs ne sauraient reprocher au notaire d'avoir omis de reproduire dans l'acte authentique de vente, faute de preuve que telle était l'intention commune des parties sur ce point, portée à la connaissance du notaire mais omise par ce dernier ; que les époux X... seront donc déboutés de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la SCP Delacourt Pantou et Carrion ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE les époux X... reprochent au notaire d'avoir commis une faute en ne s'enquérant pas, lors de la réitération par acte authentique de la vente litigieuse, de la concrétisation de la signature concomitante d'un bal commercial alors que dans deux actes sous seing privé intitulés « Protocole d'accord de compromis de vente » signé le 16 février 2006, par les époux X..., il était stipulé une clause prévoyant une indivisibilité entre la vente consentie aux époux X... et la régularisation du bail ; que les époux X..., au titre des fautes reprochées au notaire, réclament à ce dernier de leur verser « la somme totale de 307 045,74 euros correspondant au préjudice résultant de la privation de jouissance de ces biens et à l'indemnisation de la chance perdue d'éviter un investissement désastreux » ; qu'à supposer que la faute du notaire soit établie, les époux X... ne démontrent pas de lien de causalité direct entre cette faute et les préjudices allégués, procédant par voie d'affirmation étayée d'aucun élément précis et circonstancié ; qu'il sera observé que les époux X... sont particulièrement mal fondés à demander réparation au notaire du préjudice de jouissance allégué dès lors que ce sont eux qui ont expressément refusé, sans raison pertinente avérée, de conclure le contrat de bail avec la société Cosy's Cadet qui exploitait les autres lots de la résidence litigieuse et dès lors qu'ils ont laissé cette dernière exploiter leurs lots pendant plusieurs années sans aucune réaction ; qu'enfin le caractère prétendument « désastreux » de l'investissement spéculatif des époux X... n'est pas davantage démontré, étant observé qu'ils ont revendu les biens litigieux moyennent le prix de 382 000 euros, soit pour un prix nettement supérieur au prix d'acquisition ; qu'au regard de ces éléments, et des motifs pertinents des premiers juges, que la cour adopte, il y a lieu de confirmer le jugement ;
1°- ALORS QUE le notaire chargé de la rédaction d'un acte authentique de vente faisant suite à une promesse de vente conçue comme indissociable d'un bail commercial à intervenir avec un opérateur déterminé manque à son devoir de conseil en n'attirant pas spécialement l'attention de l'acheteur sur la suppression de cette clause dans l'acte de vente qu'il instrumente et l'absence d'établissement concomitant du contrat de bail qui devait être indissociable de la vente ; qu'en statuant par le motif inopérant tiré de ce que les époux X... n'avaient pas présenté d'observations au notaire sur son projet d'acte authentique sans rechercher, ainsi qu'ils y étaient invités, si le notaire n'avait pas fautivement négligé d'appeler leur attention sur l'absence de toute garantie subsistante quant à la conclusion d'un contrat de bail avec la société Résid Hôtel, telle qu'elle était prévue aux compromis, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil ;
2° - ALORS QUE les époux X... faisaient valoir que, s'ils avaient été éclairés sur l'absence de bail conclu avec la société Résid Hôtel, ils n'auraient tout simplement pas acquis l'immeuble et ne se seraient pas exposés à une confrontation avec un locataire qu'ils n'avaient pas choisi ; qu'en énonçant qu'ils sont « particulièrement mal fondés » à rechercher la responsabilité du notaire, s'agissant du préjudice de jouissance, dès lors qu'il leur aurait suffi, pour éviter celui-ci, de contracter avec la société Cosy's Cadet ou de réagir plus tôt contre l'occupation de leur bien par cette dernière, quand la faute du notaire devait le conduire à indemniser les acquéreurs de la perte de chance de n'avoir pas à être en situation de devoir contracter avec un locataire non choisi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3° - ALORS QUE le client d'un notaire fautif, conduit par ce dernier à signer un acte qui n'était pas celui qu'il souhaitait, n'est tenu ni de pallier la situation dommageable occasionnée par cette faute en concluant un bail avec un cocontractant qui n'est pas celui qui était prévu, ni d'user de voies de droit en vue de minimiser le préjudice ; qu'en écartant tout lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice de jouissance dont il était demandé réparation, au motif que les époux X... auraient dû signer un contrat de bail avec une société locataire autre que celle qui était prévue ou, sinon, de réagir plus tôt contre l'occupation de son bien par cette société, la cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du code civil ;
4° - ALORS subsidiairement QUE les époux X... faisaient valoir qu'ils avaient refusé en octobre 2008 de signer un contrat de bail avec la société Cosy's Cadet dès lors que celle-ci ne présentait nullement les garanties offertes par la société Résid'Hôtel initialement prévue comme locataire, et refusait de surcroît d'actualiser le loyer qui aurait dû courir à compter de décembre 2006 ; qu'en se bornant à affirmer qu'ils auraient refusé « sans raison pertinente avérée » le bail avec la société Cosy's Cadet, sans rechercher si cette dernière présentait des garanties similaires à celles présentées par la société Résid Hôtel ni si les époux X... n'étaient pas au moins en droit d'exiger une actualisation du loyer, la cour d'appel à privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
5° - ALORS, plus subsidiairement encore, QUE seule la faute dolosive de la victime, si elle est la cause exclusive de son préjudice, est de nature à exonérer totalement le notaire de sa responsabilité ; qu'à supposer même que les époux X... aient fautivement refusé de signer un bail avec la société Cosy's Cadet ou tardé à réagir contre l'occupation illicite de leur bien par cette dernière, leur faute pouvait tout au plus conduire à une exonération partielle de la responsabilité du notaire et non à une exonération totale ; qu'en retenant que le comportement qu'elle imputait à faute aux époux X... était de nature à faire disparaître tout lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice dont il était demandé réparation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
6° - ALORS QUE les époux X... faisaient valoir qu'outre le coût de l'acquisition du foncier pour un montant de 358 188 euros, ils avaient dû supporter des frais de travaux d'aménagement et d'ingénierie juridique et fiscale pour 115 273 euros, des charges de copropriété pour 11 021 euros, le paiement des taxes locales, et l'absence d'exonération d'impôt sur la fortune, qui était l'un des objectifs recherchés, pour un montant de 26 720 euros ; qu'ils justifiaient précisément tous ces éléments par la production des factures afférentes et des avis d'imposition reçus au cours de la période ; qu'ils en déduisaient qu'ils avaient supporté un coût total de 517 294 euros que la revente des biens pour un montant total de 382 000 euros n'avait pas suffi à couvrir ; qu'en affirmant lapidairement que le caractère désastreux de l'investissement des époux X... n'était pas démontré dès lors qu'ils avaient pu revendre leurs biens à un prix supérieur au prix d'achat sans répondre aux conclusions par lesquelles ils faisaient état de coûts distincts du seul prix d'achat des biens immobiliers, ni examiner, fût-ce sommairement, les pièces produites pour établir la réalité de ces coûts, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.