LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 décembre 2016), que la société Thalie, propriétaire de la parcelle cadastrées [...] , a assigné le syndicat des copropriétaires [...] (le syndicat), propriétaire de la parcelle cadastrée [...] , et la société Les Marches du Palais, constructeur d'un immeuble sur cette parcelle, en démolition des constructions empêchant l'exercice des servitudes établies par un acte du 13 juillet 1977 ;
Attendu que la société Thalie fait grief à l'arrêt de dire que ces servitudes sont éteintes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la servitude de surplomb et d'écoulement des eaux pluviales était devenue impossible du fait de la démolition complète de l'entrepôt qui existait sur les parcelles [...] et accessoirement [...] et que la servitude de passage et de stationnement intermittent n'avait pour seule justification que la desserte de l'entrepôt se trouvant sur la parcelle [...] , la parcelle [...] n'étant que l'entrée de celui-ci, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, que la destination des servitudes créées le 13 juillet 1977 n'existait plus et que la disparition totale de l'entrepôt avait entraîné leur extinction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Thalie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Thalie et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires [...] la somme de 2 000 euros et à la
société Les Marches du Palais la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Thalie.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les servitudes instituées par l'acte du 13 juillet 1977 publié le 1er août 1977 à la Conservation des hypothèques sous le volume 1499 et le n° 19, sur les parcelles cadastrées sous la section [...] et n° [...] au profit des parcelles cadastrées sous la section [...] et section [...] , sont éteintes et d'avoir, en conséquence, dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de faire publier la présente décision au service de la publicité foncière, d'avoir débouté la société Thalie de l'ensemble de ses demandes et de l'avoir condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé [...] et à la SCI Les marches du Palais la somme de 4 000 euros chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'"il ressort des documents produits aux débats que la configuration des lieux, au croisement de l'avenue [...] et du [...] , a été totalement modifiée depuis
1977 : les anciennes parcelles cadastrées sous la section [...] , [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] correspondent désormais à la parcelle [...] , terrain d'assise de l'immeuble en copropriété Les Marches du Palais qui est un immeuble de bureaux depuis le 21 janvier 2005, date de la déclaration d'achèvement des travaux alors qu'antérieurement à l'année 2000, il existait des bâtiments anciens exploités en locaux commerciaux et qui ont tous fait l'objet d'une démolition sur la base d'un arrêté portant permis de démolir du 6 août 2001;
c'est ainsi que l'un des bâtiment correspondait à une activité de négoce d'éléments électro ménager exploitée par M. Guy Y..., acquéreur le 13 juillet 1977 des parcelles [...] et [...] à usage de cour sur lesquelles ont été constituées des servitudes au profit des parcelles [...] et [...] qui appartenaient alors à M. Paul Z... lequel était propriétaire sur la parcelle [...] d'un bâtiment à usage commercial;
à la lecture de l'acte du 13 juillet 1977, il est précisé que l'acquéreur (M. Guy Y...) supportera le surplomb des avant toits des bâtiments de M. Paul Z..., que celui ci restera responsable de l'entretien des toits et des gouttières et tuyaux de descente et des chutes de matériaux qui pourraient se produire sur les deux parcelles vendues ([...]et [...]);
la servitude de surplomb et d'écoulement des eaux pluviales dont se prévaut la Sarl Thalie, est devenue impossible du fait de la démolition complète du bâtiment qui existait sur la parcelle [...] et accessoirement sur la parcelle [...] , la Sarl Thalie ayant acquis, le 31 juillet 2008, une parcelle nue;
la servitude de passage et de stationnement intermittent qui avait été constituée au profit des parcelles [...] et [...] dont M. Paul Z... était resté propriétaire n'avait pour seule justification que la desserte de l'entrepôt qui se trouvait sur la parcelle [...] , la parcelle [...] n'étant que l'entrée de cet entrepôt;
la disparition totale de cet entrepôt ne permet donc pas à l'acquéreur de la seule parcelle [...] de se prévaloir de servitudes que rend impossible la modification des lieux qui a porté à la fois sur les fonds servants qu'étaient les parcelles [...] et [...] mais aussi sur le fonds dominant correspondant à la parcelle [...] d'ailleurs réunie aux parcelles [...] et [...] , ce qui a entraîné en toute hypothèse, une extinction des servitudes créées par l'acte de vente du 13 juillet 1977;
les dispositions de l'article 703 du code civil qui précise que les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user, ont donc vocation à s'appliquer à la parcelle [...] dès lors qu'il est établi par les pièces du dossier que les servitudes créées le 13 juillet 1977 avaient une destination précise qui n'existe plus;
la Sarl Thalie, actuel propriétaire de la parcelle [...] ne saurait donc se prévaloir de servitudes qui sont éteintes;
elle doit de ce fait être déboutée de l'ensemble de ses demandes";
1°) ALORS QUE l'impossibilité d'exercer une servitude n'entraîne son extinction qu'autant qu'elle s'est prolongée pendant trente ans et elle revit si les choses sont rétablies de manière qu'on puisse en user ; qu'en jugeant que la servitude de surplomb et d'écoulement des eaux pluviales instituée par l'acte du 13 juillet 1977 au profit des parcelles [...] et [...], était devenue impossible du fait de la démolition complète du bâtiment qui existait sur la parcelle [...] et accessoirement sur la parcelle [...] , la SARL Thalie ayant acquis cette dernière parcelle nue en 2008, quand il résultait des constatations de l'arrêt que la démolition dudit bâtiment avait été effectuée sur la base d'un permis de démolir du 6 août 2001, soit depuis moins de trente ans, la cour d'appel a violé les articles 703 et 704 du code civil ;
2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant, pour juger qu'était éteinte la servitude de passage et de stationnement intermittent pesant sur les anciennes parcelles [...] et [...] (désormais n° [...]) au profit de la parcelle [...] et de l'ancienne parcelle [...] (désormais également n° [...]), que cette servitude n'avait pour seule justification que la desserte de l'entrepôt, aujourd'hui détruit, qui se trouvait sur la parcelle n° [...] et dont l'entrée était établie sur la parcelle n° [...] et qu'il résulte des pièces du dossier que les servitudes créées le 13 juillet 1977 avaient une destination précise qui n'existe plus, quand l'acte de vente conclu à cette date se borne à instituer un « droit de passage et de stationnement non permanent mais intermittent » au profit des parcelles n° [...] et [...], sans nullement prévoir que ce droit a pour objet de permettre la desserte de l'entrepôt édifié sur la parcelle n° [...], la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'inutilité n'est pas une cause d'extinction d'une servitude ; qu'en retenant, pour juger qu'était éteinte la servitude de passage et de stationnement intermittent pesant sur les anciennes parcelles [...] et [...] (désormais n° [...]) au profit de la parcelle [...] et de l'ancienne parcelle [...] (désormais également n° [...]), que cette servitude n'avait pour seule justification que la desserte de l'entrepôt, aujourd'hui détruit, qui se trouvait sur la parcelle n° [...] et dont l'entrée était établie sur la parcelle n° [...], la cour d'appel – qui a ainsi estimé que cette servitude était éteinte faute de présenter une utilité pour la parcelle n° [...] – a violé l'article 703 du code civil ;
4°) ALORS QUE les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user ; que la disparition de l'entrepôt qui se trouvait sur la parcelle n° [...] (désormais n° [...]) et dont l'entrée était située sur la parcelle n° [...] n'a pas rendu impossible l'exercice de la servitude de passage et de stationnement intermittent pesant sur les parcelles n° [...] et [...] ; qu'en retenant, pour juger qu'était éteinte la servitude de passage et de stationnement intermittent pesant sur les anciennes parcelles [...] et [...] (désormais n° [...]) au profit de la parcelle [...] et de l'ancienne parcelle [...] (désormais également n° [...]), que la disparition totale de cet entrepôt ne permet pas à la société Thalie, acquéreur de la parcelle n° [...], de se prévaloir de cette servitude que rend impossible la modification des lieux qui a porté notamment sur le fonds dominant, la cour d'appel a violé l'article 703 du code civil ;
5°) ALORS QUE les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user ; que lorsque le propriétaire du fonds servant est à l'origine d'une modification de son fonds rendant impossible l'exercice de la servitude bénéficiant à un fonds voisin, il ne saurait se prévaloir de l'extinction de la servitude pour impossibilité d'usage ; qu'en retenant, pour juger qu'étaient éteintes les servitudes de passage et de stationnement intermittent, de surplomb et d'écoulement des eaux pluviales pesant sur les anciennes parcelles [...] et [...] (désormais n° [...]) au profit de la parcelle [...] et de l'ancienne parcelle [...] (désormais également n° [...]), que la disparition totale de cet entrepôt ne permet pas à la société Thalie, acquéreur de la parcelle n° [...], de se prévaloir de ces servitudes que rend impossibles la modification des lieux qui a porté notamment sur les fonds servants qu'étaient les parcelles n° [...] et [...], à savoir l'édification de l'immeuble de bureau dénommé Les marches du palais, la cour d'appel a violé l'article 703 du code civil ;
6°) ALORS QUE le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds ; qu'en jugeant qu'était éteinte la servitude de passage et de stationnement intermittent pesant sur les anciennes parcelles [...] et [...] (désormais n° [...]) au profit de la parcelle [...] et de l'ancienne parcelle [...] (désormais également n° [...]), sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette servitude conventionnelle ne devait pas être maintenue au regard de l'état d'enclave de la parcelle n° [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil.