LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 novembre 2016), que M. X... a assigné en responsabilité et indemnisation M. Y... (l'avocat) qui l'avait représenté dans les opérations de liquidation du régime matrimonial à la suite du prononcé de son divorce, lui reprochant de lui avoir fait perdre une indemnité de gestion qui lui était due ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne qui concourt à la survenance d'un dommage est tenue de le réparer ; qu'à supposer même que l'avocat intervenu en second n'ait pas accompli les diligences nécessaires pour obtenir la reconnaissance d'un droit à indemnité postérieurement au 20 novembre 2006, de toute façon, en s'abstenant de formuler une demande, antérieurement à cette date, comme le postulait la mise en oeuvre des droits du client, l'avocat a commis une faute ayant concouru à la production du dommage ; qu'en écartant tout droit à réparation au profit de M. X..., les juges du second degré ont violé les articles 1134 et 1147 du code civil (article 1103 et 1231-1 nouveaux du code civil), ensemble le principe suivant lequel la partie qui a concouru à la production du dommage est tenue de le réparer en son entier ;
2°/ que l'obligation de réparer le dommage, qui pèse sur celui qui a contribué à le produire, subsiste même si le dommage ne s'est réalisé in fine qu'à raison de la faute postérieure d'un tiers ; qu'en décidant le contraire, pour nier le lien de cause à effet entre le dommage et la faute de l'avocat à raison de la faute de l'avocat qui lui a succédé, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1147 du code civil (article 1103 et 1231-1 nouveaux du code civil), ensemble le principe suivant lequel la partie qui a concouru à la production du dommage est tenue de le réparer en son entier ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le mandat d'assistance et de représentation de M. X... par l'avocat avait pris fin au plus tard le 20 novembre 2006, l'arrêt retient que le préjudice de l'intéressé, qui s'analyse en une perte de chance de ne pas avoir présenté sa demande d'indemnité de gestion, n'est pas né pendant que l'avocat le conseillait et n'est devenu certain que le jour où le deuxième procès-verbal de difficultés a été établi, le 10 janvier 2008 ; que la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'existait aucun lien de causalité direct entre le manquement imputable à l'avocat et la perte de chance subie par M. X..., dès lors que ce dernier disposait encore de la possibilité de former sa demande lorsqu'il avait déchargé l'avocat de son mandat ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X....
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande d'indemnité formée par Monsieur X... à l'encontre de Monsieur Y..., son avocat, pour n'avoir pas obtenu une indemnité, au titre de la gestion d'un fonds artisanal, sur le fondement de l'article 812-15 du Code civil ;
AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QU' « il peut ainsi être déduit de cette chronologie que, jusqu'à ce que Me A... établisse un nouveau procès-verbal de difficultés le 10 janvier 2008, M. X... pouvait encore, dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage qui se poursuivaient, présenter sa demande de prise en compte de son indemnité de rémunération pour son activité dans le fonds artisanal de maçonnerie indivis mais que, ne n'ayant pas soulevé cette contestation devant le notaire, il ne lui appartenait pas de se dispenser d'observer les formalités de l'ancien article 837 du code civil, qui ne sont pas d'ordre public mais auxquelles il ne peut y être renoncé que du consentement de toutes les parties ; que c'est ce seul motif d'avoir présenté sa. demande d'indemnité de gestion pour la première fois devant le tribunal de grande instance d'Angers, dans l'instance ouverte sur procès-verbal de difficultés du 10 janvier 2008 et renvoi par le juge commissaire du 3 novembre 2008, que sa demande a été déclarée irrecevable ; qu'en conséquence, l'action en responsabilité exercée par M. Daniel X... contre Me Y... doit être examinée en vérifiant si les manquements qui lui sont reprochés dans l'exercice de son mandat ont directement causé à Daniel X... une perte de chance de faire examiner par les juges les critiques qu'il aurait formulées à l'encontre du projet d'état liquidatif de Me A..., s'il n'avait pas pris en compte des contestations- qui auraient été soumises préalablement à' ce notaire » ;
ET AUX MOTIFS ENSUITE QU' « il est admis par Me Y..., dans ses conclusions devant la cour, que dès le début des opérations de comptes, liquidation et partage qui étaient alors confiées à Me C... notaire, l'une des questions débattues entre les deux ex-époux -portait sur l'évaluation du fonds de -maçonnerie dépendant de post communautaire mais étant exploité par M. Daniel X... ; qu'il est manifeste que, ni devant le notaire ni devant le tribunal de grande instance d'Angers, saisi par le juge commissaire au va d'un procès-verbal de difficultés du 19 décembre 2000, n'a été présentée au nom de M. X..., assisté et représenté par Me Y..., une demande d'application des dispositions de l'article 815-12 du code civil reconnaissant à l'indivisaire qui gère un bien indivis, s'il est redevable des produits nets de -sa gestion, un droit à la rémunération de son activité dans les conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice ; que comme il appartient au professionnel du droit qu'est l'avocat, de rapporter la preuve qu'il a rempli vis-à-vis de son client son obligation de conseil et d'information sur les droits qui lui sont ouverts, Me Y..., qui ne prétend pas avoir invité son client à soulever une demande d'indemnité de gestion devant le notaire, a manqué à cette obligation ; que la discussion qui s'est instaurée entre les parties sur l'information qu'aurait pu donner Me Y... de faire appel du jugement du 23 octobre 2006 est sans influence sur l'existence d'un autre manquement puisque la preuve est rapportée qu'avant que n'expire le délai d'appel qui avait commencé à courir par l'acte de signification à partie du jugement délivré à. M. X... le 14 novembre 2006, Me Y... n'était plus en charge des intérêts de M. X... qui avait fait le choix, au moins dès le 20 novembre suivant, d'un autre avocat Me D... , qui lui avait conseillé d'interjeter appel ; que par ailleurs, un appel n'avait aucune chance sérieuse de prospérer puisque la demande d'indemnité de gestion qui aurait été présentée à. la cour se serait heurtée au non respect par M. X... des dispositions de l'ancien article 837 du code civil, avant la saisine du tribunal-de grande instance par le juge-commissaire » ;.
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE « M. X... fait valoir que la demande qui aurait dû être formulée à son nom sur le fondement de l'article 815.12 du code civil ne se heurtait à aucun obstacle juridique, la discussion ne pouvant porter que sur le montant de cette indemnité que la copartageante n'aurait pas manqué de contester ; que s'il admet que la notion de perte de chance puisse être appliquée, il demande que l'indemnité destinée à compenser le préjudice subi ne soit pas réduite à un niveau quasi symbolique, ce qui impliquerait qu'il n'avait pratiquement aucune chance d'obtenir l'indemnité de gestion ; qu'en revanche, Me Y... estime qu'il n'existe pas de lien direct entre les diligences qu'il a accomplies au nom de M. X... et le préjudice allégué aujourd'hui par celui-ci d'avoir été privé, par ses manquements à son obligation de conseil et d'information, de la chance d'avoir sollicité une indemnité de gestion ; qu'il convient de rappeler que le mandat d'assistance et de représentation de Me Y... auprès de M. X... a cessé au plus tard le 20 novembre 2006 ; qu'à cette date, les parties étant à nouveau renvoyées devant le notaire chargé des opérations de liquidation après que le tribunal de grande instance d'Angers ait tranché les seules difficultés dont il avait été saisi, M. X... n' avait perdu aucune chance de se voir reconnaître un droit à rémunération pour son activité au profit du fonds artisanal indivis puisqu'il pouvait encore former cette demande et la soumettre au notaire jusqu'au second procès-verbal de difficultés établi le 10 janvier 2008 par Me A... ; qu'aussi, le préjudice subi par M. X..., qui s'analyse en une perte de chance de ne pas avoir présenté sa demande d'indemnité de gestion, n'est pas né pendant que Me Y... le conseillait mais n'est devenu certain que le jour où le second procès-verbal de difficultés a été établi ; qu'il en résulte qu'il n'existe aucun lien de causalité direct entre le manquement imputable à Me Y... et la perte de chance subie par M. X... qui n'était pas née lorsqu'il a déchargé Me Y... de son mandat niais est devenue certaine au moment où la contestation relative au droit à rémunération de M. X..., en application des dispositions de l' article 815-12 du code civil, ne pouvait plus être formée, comme il a été jugé par met devenu définitif de la cour d'appel d'Angers du 3 mars 2010 ; qu'en conséquence, la responsabilité contractuelle de Me Y... ne sera pas retenue et M. X..., étant débouté de toutes ses demandes à son encontre, le jugement du tribunal de grande instance de Nantes dont appel sera infirmé en toutes ses dispositions entre M. Daniel X... et Me Jacques Y... » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, toute personne qui concourt à la survenance d'un dommage est tenue de le réparer ; qu'à supposer même que l'avocat intervenu en second n'ait pas accompli les diligences nécessaires pour obtenir la reconnaissance d'un droit à indemnité postérieurement au 20 novembre 2006, de toute façon, en s'abstenant de formuler une demande, antérieurement à cette date, comme le postulait la mise en oeuvre des droits du client, Monsieur Y... a commis une faute ayant concouru à la production du dommage ; qu'en écartant tout droit à réparation au profit de Monsieur X..., les juges du second degré ont violé les articles 1134 et 1147 du Code civil (article 1103 et 1231-1 nouveaux du Code civil), ensemble le principe suivant lequel la partie qui a concouru à la production du dommage est tenue de le réparer en son entier ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'obligation de réparer le dommage, qui pèse sur celui qui a contribué à le produire, subsiste même si le dommage ne s'est réalisé in fine qu'à raison de la faute postérieure d'un tiers ; qu'en décidant le contraire, pour nier le lien de cause à effet entre le dommage et la faute de Monsieur Y... à raison de la faute de l'avocat qui lui a succédé, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1147 du Code civil (article 1103 et 1231-1 nouveaux du Code civil), ensemble le principe suivant lequel la partie qui a concouru à la production du dommage est tenue de le réparer en son entier.