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05/04/2018 | FRANCE | N°16-24403

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 avril 2018, 16-24403


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 juillet 2016), que Mme X..., engagée en qualité de secrétaire en 1990 par la société Merlin Gerin, aux droits de laquelle se trouve la société Schneider Electric Industries, exerçant en dernier lieu les fonctions d'assistante au sein de l'équipe d'approvisionnement, a été licenciée le 25 avril 2014 pour insuffisance professionnelle et a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu

e le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 juillet 2016), que Mme X..., engagée en qualité de secrétaire en 1990 par la société Merlin Gerin, aux droits de laquelle se trouve la société Schneider Electric Industries, exerçant en dernier lieu les fonctions d'assistante au sein de l'équipe d'approvisionnement, a été licenciée le 25 avril 2014 pour insuffisance professionnelle et a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salarié des dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'évaluation professionnelle pour l'année 2010 se concluait par un bilan mitigé car les bases du poste n'étaient pas encore comprises, que le courriel du supérieur de la salariée adressé en décembre 2011 révélait des anomalies toujours aussi nombreuses dans la rédaction des documents, des difficultés dans la compréhension des consignes et informations, une absence de motivation forte et soutenue pour un poste exigeant une attention et une réflexion particulières et la nécessité de maintenir en place le dispositif de vérification, que l'évaluation professionnelle pour 2011 confirmait l'absence de progrès et des difficultés, que l'évaluation pour 2012 relevait des problèmes d'attention au travail et de nombreuses erreurs et approximations, que l'évaluation pour 2013 faisait état d'un manque d'implication, de capacité à travailler en équipe et d'un rythme de travail insuffisant, que des acheteurs relataient de nombreuses difficultés et des erreurs, que des courriels et autres documents étayaient les erreurs reprochées à la salariée entre 2011 et juin 2012 et que le responsable pôle administratif avait attesté qu'entre octobre 2013 et avril 2014, la salariée avait commis de nombreuses erreurs malgré la formation reçue ; qu'en affirmant que l'employeur ne démontrait pas de faits fautifs jusqu'au mois d'avril 2014 susceptibles de caractériser une faute professionnelle, pour en déduire qu'il existait un doute sérieux sur l'insuffisance professionnelle de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

2°/ que la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; que dès lors, en se bornant à examiner les seuls éléments produits par l'employeur pour conclure, après les avoir estimés insuffisamment probants, qu'il existait un doute sur l'insuffisance professionnelle de la salariée, qui devait en conséquence lui profiter, la cour d'appel, qui n'a à aucun moment dans sa décision procédé à la moindre analyse de l'argumentation de la salariée, a fait peser sur le seul employeur la charge de la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et, partant, a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ que la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en jugeant en l'espèce que les six témoignages, concordants, versés aux débats par la société Schneider Electric Industries étaient dépourvus de toute force probante dès lors qu'ils émanaient de ses propres salariés sans être étayés par aucun autre élément de preuve, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige et l'article L. 1235-1 du code du travail ;

4°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que dès lors qu'il n'était justifié d'aucun document interne à la société afférent aux erreurs imputées à la salariée pour la période de juillet 2012 à fin mars 2014, les témoignages produits par la société Schneider Electric Industries, émanant de ses propres salariés, étaient dépourvus de toute force probante pour la période courant de juillet 2012 à fin mars 2014, comme n'étant « étayés par aucun élément de preuve contemporain de cette période » ; qu'il ressort cependant des propres constatations de la cour d'appel que pour la période considérée, lesdits témoignages étaient corroborés par « l'évaluation de Mme X... pour l'année 2012 [qui] relève des problèmes d'attention au travail, de nombreuses erreurs et approximations dans l'activité opérationnelle et un manque d'implication » et par « l'évaluation de Mme X... pour l'année 2013 [qui] fait état d'un manque d'implication, d'assiduité et de capacité à travailler en équipe, d'un rythme de travail insuffisant et d'un temps important consacré à gérer ses appels téléphoniques personnels sur le lieu de travail » ; que dès lors, en affirmant que les attestations n'étaient étayées par aucun élément de preuve contemporain de la période de juillet 2012 à fin mars 2014, tout en constatant qu'étaient produits les évaluations professionnelles pour 2012 et 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que la cour d'appel a affirmé qu'« il ne ressort pas clairement des pièces afférentes à la période d'avril 2014 que les erreurs reprochées à Mme X... sur les factures de 14 638 € et de 31,85 € portent sur la procédure suivie pour en assurer le traitement ou ont conduit à assurer le paiement d'une dette indue » ; que cependant, il ressortait de la pièce n° 17 que « Le 20/03/2014 Françoise [X...] a fait un K-top dans SAP (forcé la réception) sans demander l'avis de l'acheteur ou du demandeur pour payer la facture en litige de non réception. Le 24/03 cette facture est passée en campagne de paiement. J'ai demandé aux personnes de l'équipe qui m'affirment lui avoir bien expliqué les procédures pour régler ces litiges et que faire un k-top n'est pas respecter la procédure. Pour couronner le tout, vendredi matin elle m'a dit "je vais pas demander à JPT pour payer une facture" », cette pièce établissant donc clairement que les erreurs reprochées à Mme X... portaient sur les procédures de facturation en vigueur dans l'emprise et qu'elles avaient conduit au paiement irrégulier d'une facture ; qu'il en résulte que la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé ;

6°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que la cour d'appel a affirmé qu'« il ne ressort pas clairement des pièces afférentes à la période d'avril 2014 que les erreurs reprochées à Mme X... sur les factures de 14 638 € et de 31,85 € portent sur la procédure suivie pour en assurer le traitement ou ont conduit à assurer le paiement d'une dette indue » ; que cependant, il ressortait de la pièce n° 19 qu'« Il est de la responsabilité de la compatibilité du FISS de Pologne de valider des NDD émisent par le responsable du litige. Hors Françoise X... a comptabilisé une NDD ce qui n'est pas de sa responsabilité. Pouvez-vous lui rappeler le process afin d'éviter d'autres erreurs semblables de sa part », cette pièce établissant donc clairement que les erreurs reprochées à Mme X... portaient sur les procédures en vigueur dans l'entreprise ; qu'il en résulte que la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé ;

7°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que la cour d'appel a affirmé qu'« il ne ressort pas clairement des pièces afférentes à la période d'avril 2014 que les erreurs reprochées à Mme X... sur les factures de 14 638 € et de 31,85 € portent sur la procédure suivie pour en assurer le traitement ou ont conduit à assurer le paiement d'une dette indue » ; que cependant, il ressortait de la pièce n° 16 que « selon la procédure et UM l'acheteur doit faire une NDD dans MIR7, mais il n'a pas autorise de l'comptabilise – c'est le comptable A... qui après vérification doit comptabiliser une NDD en faisant l'imprime chez le prestataire externe. H... B... – la personne de mon équipe a demandé à Mme Françoise X... de changement de NDD selon la procédure écrit dans UM. On a aperçu que Mme X... Françoise a comptabilise la NDD elle-même en plus cette NDD n'est pas correcte. On ne voit pas image de cette NDD dans MR90, on ne sait pas si cette NDD été envoyée chez le fournisseur », cette pièce établissant donc clairement que les erreurs reprochées à Mme X... portaient sur les procédures en vigueur dans l'entreprise ; qu'il en résulte que la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu, hors toute dénaturation et sans se contredire, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, qu'il existait un doute sur l'insuffisance professionnelle reprochée à la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Schneider Electric Industries aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Schneider Electric Industries à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Schneider Electric Industries

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 23 janvier 2015 en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté celle-ci de sa demande en dommages et intérêts, d'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Schneider Electric Industries aux dépens et à payer à Mme X... la somme de 56 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Conformément à l'article L.1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, conformément à l'article L.1235-1 du même code, le doute profite au salarié en cas de contestation du licenciement. En l'espèce, Mme X... a été affectée en qualité d'assistante achat au service BEI courant 2010. Son évaluation professionnelle pour l'année 2010, réalisée en février 2011, se conclut par un bilan mitigé, à savoir qu'elle sait faire face au volume de travail en ce qu'elle sait répondre rapidement aux demandes des acheteurs pour la prise en charge des nouveaux dossiers, mais qu'elle doit se mettre en position d'écoute car les bases du poste ne sont pas encore comprises. Selon courriel du 1er décembre 2011, le supérieur de Mme X... a adressé à cette dernière le compte rendu d'un entretien du 29 novembre et s'est également référé à un entretien du 31 août au cours duquel une suite d'erreurs affectant son travail avait été constatée. Ce courriel relève des améliorations sur la mise à jour des fiches de suivi des contrats et les accords de paiement, des anomalies toujours aussi nombreuses dans la rédaction de documents, un volume de travail très satisfaisant, un niveau très correct de la transcription des informations, des difficultés dans la compréhension des consignes et informations, une absence de motivation forte et soutenue pour un poste exigeant une attention et une réflexion particulières et la nécessité de maintenir en place le dispositif de vérification existant bien qu'il soit pesant pour les acheteurs et générateur de tension. L'évaluation professionnelle de Mme X... pour l'année 2011, réalisée en janvier 2012, mentionne que les entretiens d'août et novembre 2011 n'ont pas apporté les progrès attendus, que Mme X... a des difficultés avec son poste actuel et qu'une nouvelle orientation vers un poste plus en adéquation avec son profil et dans lequel elle travaillerait avec plus d'efficacité est nécessaire. Du 24 septembre au 31 décembre 2012, Mme X... a été affectée en qualité de chargée de mission institut technique. L'évaluation de Mme X... pour l'année 2012 relève des problèmes d'attention au travail, de nombreuses erreurs et approximations dans l'activité opérationnelle et un manque d'implication de Mme X... dans son nouveau poste. Mme X... est ensuite retournée au sein du service BEI. Le 31 août 2013, Mme X... a fait part à sa hiérarchie qu'elle estimait avoir une charge de travail supérieure à celle de sa collègue. Elle a été affectée au service approvisionnement à compter du mois d'octobre 2013. L'évaluation de Mme X... pour l'année 2013 fait état d'un manque d'implication, d'assiduité et de capacité à travailler en équipe, d'un rythme de travail insuffisant et d'un temps important consacré à gérer ses appels téléphoniques personnels sur le lieu de travail. la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme X... en date du 25 avril 2014 relève que lors de son arrivée au service BEI en 2010, elle a bénéficié d'une formation initiale personnalisée et d'une proposition de soutien, qu'elle n'a pas respecté les procédures de l'équipe entraînant ainsi le ralentissement par celle-ci du traitement des tâches, que par exemple, elle n'a pas respecté l'obligation de classer les dossiers dans un serveur informatique commun à l'équipe ou improprement renseigné les dossiers dont elle avait la charge, que plusieurs acheteurs se sont plaint de ses difficultés récurrentes à prendre en compte leurs consignes et qu'elle prenait des décisions de paiement sans l'accord préalable de ces derniers et qu'elle a commis des erreurs sur le processus de paiement. La lettre de licenciement rappelle en outre qu'un entretien pour identifier et remédier à ses difficultés a été organisé en 2011 et qu'antérieurement son manager l'a reçu à plusieurs reprises pour l'informer de ses erreurs, qu'un mécanisme de contrôle de son activité, pesant pour les acheteurs et générateur de tension, avait été temporairement mis en place, mais que, malgré des améliorations, des anomalies ont persisté. Elle indique en outre que Mme X... a été orientée en juillet 2012 sur une tâche de transfert de données et fichiers informatiques vers l'outil informatique, mais que, malgré la formation reçue, Mme X... a fait preuve de manque d'implication, de fiabilité et réactivité. Elle précise en outre que courant octobre 2013, Mme X... a réintégré l'équipe achat en qualité d'assistante au sein de l'équipe approvisionnement, fonctions bénéficiant d'un encadrement plus poussé et correspondant à sa formation comptable, qu'elle a reçu la formation informatique et la documentation nécessaire à sa mission, mais qu'elle commis des erreurs en raison de la violation des procédures. La SAS Schneider Electric Industries verse aux débats : -les témoignages de M. C... et I..., acheteurs, faisant état de nombreuses difficultés et erreurs commises par Mme X... alors qu'elle travaillait au service BEI, -divers courriels, copies d'écran, garantie bancaire ou autres documents relatifs à des transactions réalisés entre 2011 et juin 2012 et portant sur des dossiers Vogel, Test Hélium des ampoules et Pole, Packaging Nicollet, Schneider electric Bulgarie, ATS Ingénierie, Electropole Eybens, Dactem Seisas, Schneider Elektrik Turquie, Canillo PLM, MG Alès ou Bihler étayant les erreurs reprochées à Mme S. sur cette période, -le témoignage de Mme E... qui atteste avoir formé Mme X... à son arrivée au sein du service BEI en 2010 et d'un manque d'implication et d'investissement de cette dernière, -le témoignage de M. F..., responsable achat, qui confirme que Mme X... a reçu une formation suffisante à son arrivée au service achat mais que son travail était affecté de nombreuses erreurs, nécessitant la mise en oeuvre d'un système de vérification de son travail et que Mme X... n'a pas corrigé ses défaillances, -des extraits du support de formation, dit « la bible », datés de septembre 2013, remis à Mme X... et afférents au traitement des factures, -le témoignage de M. G..., responsable pôle administratif, selon lequel Mme X..., affectée dans son service d'octobre 2013 à avril 2014, a commis de nombreuses erreurs malgré la formation reçue et a consacré une partie de son temps de travail à gérer ses affaires personnelles, -des courriels échangés entre le service comptabilité et la SAS Schneider Electric Industries courant avril 2014 par lesquels il est reproché à Mme X... de n'avoir pas respecté la procédure afférente au paiement d'une facture de 14 638 €, -des courriels échangées entre le service comptabilité et Mme X... courant avril 2014 portant sur le traitement inadéquat par Mme X... d'une facture de 31,85 € (achat de cidre et de galettes des rois). Il ressort du témoignage de M. G... et de la production des supports de formation que Mme X... a reçu la formation adéquate lors de son arrivée au sein du service approvisionnement. la SAS Schneider Electric Industries ne verse aux débats aucun courriel ou autre document émanant de ses fournisseurs ou acheteurs permettant de retenir l'existence d'erreurs commises par Mme X.... Par ailleurs, il n'est justifié pour la période courant du mois de juillet 2012 à fin mars 2014 d'aucun courriel ou autre document interne de la SAS Schneider Electric Industries de nature à étayer l'allégation selon laquelle Mme X... aurait commis des erreurs pendant cette période. Les témoignages produits par la SAS Schneider Electric Industries, émanant de ses propres salariés, qui ne sont étayés par aucun éléments de preuve contemporains de cette période, s'avèrent en conséquence dépourvus de toute force probante. Par ailleurs, il ne ressort pas clairement des pièces afférentes à la période d'avril 2014 que les erreurs reprochées à Mme X... sur les factures de 14 638 € et de 31,85 € portent sur la procédure suivie pour en assurer le traitement ou ont conduit à assurer le paiement d'une dette indue. Il existe en conséquence un doute réel sur le caractère sérieux du grief formé de ce chef à l'encontre de Mme X.... Par ailleurs, l'ancienneté des faits commis entre 2011 et juin 2012 et l'absence de faits fautifs démontrés jusqu'au mois d'avril 2014 ne permet pas de les retenir pour caractériser l'existence d'une faute professionnelle. Il en résulte qu'il existe un doute sérieux sur l'insuffisance professionnelle reprochée à Mme X... qui devra lui profiter. Il conviendra en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise et d'un salaire moyen de 3 154,54 € lors de la rupture de son contrat de travail, de lui allouer la somme de 56 000 € à titre de dommages et intérêts » ;

1) ALORS QUE le licenciement pour insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'évaluation professionnelle pour l'année 2010 se concluait par un bilan mitigé car les bases du poste n'étaient pas encore comprises, que le courriel du supérieur de la salariée adressé en décembre 2011 révélait des anomalies toujours aussi nombreuses dans la rédaction des documents, des difficultés dans la compréhension des consignes et informations, une absence de motivation forte et soutenue pour un poste exigeant une attention et une réflexion particulières et la nécessité de maintenir en place le dispositif de vérification, que l'évaluation professionnelle pour 2011 confirmait l'absence de progrès et des difficultés, que l'évaluation pour 2012 relevait des problèmes d'attention au travail et de nombreuses erreurs et approximations, que l'évaluation pour 2013 faisait état d'un manque d'implication, de capacité à travailler en équipe et d'un rythme de travail insuffisant, que des acheteurs relataient de nombreuses difficultés et des erreurs, que des courriels et autres documents étayaient les erreurs reprochées à la salariée entre 2011 et juin 2012 et que le responsable pôle administratif avait attesté qu'entre octobre 2013 et avril 2014, la salariée avait commis de nombreuses erreurs malgré la formation reçue ; qu'en affirmant que l'employeur ne démontrait pas de faits fautifs jusqu'au mois d'avril 2014 susceptibles de caractériser une faute professionnelle, pour en déduire qu'il existait un doute sérieux sur l'insuffisance professionnelle de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; que dès lors, en se bornant à examiner les seuls éléments produits par l'employeur pour conclure, après les avoir estimés insuffisamment probants, qu'il existait un doute sur l'insuffisance professionnelle de la salariée, qui devait en conséquence lui profiter, la cour d'appel, qui n'a à aucun moment dans sa décision procédé à la moindre analyse de l'argumentation de la salariée, a fait peser sur le seul employeur la charge de la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et, partant, a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;

3) ALORS en tout état de cause QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en jugeant en l'espèce que les six témoignages, concordants, versés aux débats par la société Schneider electric industries (pièces d'appel n° 22 à 27 ; v. productions n°6 à 11) étaient dépourvus de toute force probante dès lors qu'ils émanaient de ses propres salariés sans être étayés par aucun autre élément de preuve, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige et l'article L. 1235-1 du code du travail ;

4) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que dès lors qu'il n'était justifié d'aucun document interne à la société afférent aux erreurs imputées à la salariée pour la période de juillet 2012 à fin mars 2014, les témoignages produits par la SAS Schneider Electric Industries, émanant de ses propres salariés, étaient dépourvus de toute force probante pour la période courant de juillet 2012 à fin mars 2014, comme n'étant « étayés par aucun élément de preuve contemporain de cette période » ; qu'il ressort cependant des propres constatations de la cour d'appel que pour la période considérée, lesdits témoignages étaient corroborés par « l'évaluation de Mme X... pour l'année 2012 [qui] relève des problèmes d'attention au travail, de nombreuses erreurs et approximations dans l'activité opérationnelle et un manque d'implication » (arrêt page 3, in fine) et par « l'évaluation de Mme X... pour l'année 2013 [qui] fait état d'un manque d'implication, d'assiduité et de capacité à travailler en équipe, d'un rythme de travail insuffisant et d'un temps important consacré à gérer ses appels téléphoniques personnels sur le lieu de travail » (arrêt page 4 al. 3) ; que dès lors, en affirmant que les attestations n'étaient étayées par aucun élément de preuve contemporain de la période de juillet 2012 à fin mars 2014, tout en constatant qu'étaient produits les évaluations professionnelles pour 2012 et 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que la cour d'appel a affirmé qu'« il ne ressort pas clairement des pièces afférentes à la période d'avril 2014 que les erreurs reprochées à Mme X... sur les factures de 14 638 € et de 31,85 € portent sur la procédure suivie pour en assurer le traitement ou ont conduit à assurer le paiement d'une dette indue » ; que cependant, il ressortait de la pièce n° 17 (v. production n°15) que « Le 20/03/2014 Françoise [X...] a fait un K-top dans SAP (forcé la réception) sans demander l'avis de l'acheteur ou du demandeur pour payer la facture en litige de non réception. Le 24/03 cette facture est passée en campagne de paiement. J'ai demandé aux personnes de l'équipe qui m'affirment lui avoir bien expliqué les procédures pour régler ces litiges et que faire un k-top n'est pas respecter la procédure. Pour couronner le tout, vendredi matin elle m'a dit "je vais pas demander à JPT pour payer une facture" », cette pièce établissant donc clairement que les erreurs reprochées à Mme X... portaient sur les procédures de facturation en vigueur dans l'emprise et qu'elles avaient conduit au paiement irrégulier d'une facture ; qu'il en résulte que la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé ;

6) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que la cour d'appel a affirmé qu'« il ne ressort pas clairement des pièces afférentes à la période d'avril 2014 que les erreurs reprochées à Mme X... sur les factures de 14 638 € et de 31,85 € portent sur la procédure suivie pour en assurer le traitement ou ont conduit à assurer le paiement d'une dette indue » ; que cependant, il ressortait de la pièce n° 19 (v. production n°19) qu'« Il est de la responsabilité de la compatibilité du FISS de Pologne de valider des NDD émisent par le responsable du litige. Hors Françoise X... a comptabilisé une NDD ce qui n'est pas de sa responsabilité. Pouvez-vous lui rappeler le process afin d'éviter d'autres erreurs semblables de sa part », cette pièce établissant donc clairement que les erreurs reprochées à Mme X... portaient sur les procédures en vigueur dans l'entreprise ; qu'il en résulte que la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé ;

7) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que la cour d'appel a affirmé qu'« il ne ressort pas clairement des pièces afférentes à la période d'avril 2014 que les erreurs reprochées à Mme X... sur les factures de 14 638 € et de 31,85 € portent sur la procédure suivie pour en assurer le traitement ou ont conduit à assurer le paiement d'une dette indue » ; que cependant, il ressortait de la pièce n° 16 (v. production n°14) que « selon la procédure et UM l'acheteur doit faire une NDD dans MIR7, mais il n'a pas autorise de l'comptabilise – c'est le comptable A... qui après vérification doit comptabiliser une NDD en faisant l'imprime chez le prestataire externe. H... B... – la personne de mon équipe a demandé à Mme Françoise X... de changement de NDD selon la procédure écrit dans UM. On a aperçu que Mme X... Françoise a comptabilise la NDD elle-même en plus cette NDD n'est pas correcte. On ne voit pas image de cette NDD dans MR90, on ne sait pas si cette NDD été envoyée chez le fournisseur », cette pièce établissant donc clairement que les erreurs reprochées à Mme X... portaient sur les procédures en vigueur dans l'entreprise ; qu'il en résulte que la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-24403
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 28 juillet 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 avr. 2018, pourvoi n°16-24403


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.24403
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