La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2018 | FRANCE | N°16-19002;16-19007;16-19015;16-19018;16-19020

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 avril 2018, 16-19002 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 16-19.002, R 16-19.007, Z 16-19.015, C 16-19.018 et E 16-19.020 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et quatre autres salariés, employés en qualité d'agent de sécurité incendie par la société Trigion sécurité sur le site de la Tour Maine-Montparnasse, ont saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer diverses sommes ; que devant la cour d'appel, ils ont formulé des demandes nouvelles en réparation du préj

udice résultant du bouleversement de leurs conditions d'existence et de domma...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 16-19.002, R 16-19.007, Z 16-19.015, C 16-19.018 et E 16-19.020 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et quatre autres salariés, employés en qualité d'agent de sécurité incendie par la société Trigion sécurité sur le site de la Tour Maine-Montparnasse, ont saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer diverses sommes ; que devant la cour d'appel, ils ont formulé des demandes nouvelles en réparation du préjudice résultant du bouleversement de leurs conditions d'existence et de dommages-intérêts pour carences de l'employeur dans la mise en oeuvre du document unique d'évaluation des risques, dans la formation à la prévention des risques et à la sécurité en présence d'amiante, dans la remise des équipements de protection individuelle et collective, dans la prévention santé amiante et dans la mise en place de la fiche d'exposition à l'amiante ainsi que pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié (M. Y... pourvoi n° R 16-19.007) :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de salaire et de treizième mois sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal », alors, selon le moyen :

1°/ que la décision de justice doit être motivée et se suffire à elle-même ; qu'il s'ensuit qu'une cour d'appel ne peut se borner à adopter les motifs des premiers juges, lorsqu'en cause d'appel, l'une des parties a soulevé des moyens nouveaux ou produit des pièces nouvelles de nature à étayer ses demandes ; qu'en se bornant dès lors à énoncer qu'« au vu des éléments produits aux débats, la cour adoptant les motifs pertinents des premiers juges, confirme leur décision », sans aucune analyse des éléments de preuve fournis par le salarié au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 455 et 561 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l'expérience professionnelle ne peut justifier une différence de salaire qu'à la condition de procurer à son titulaire un avantage dans l'exécution de la prestation de travail et soit utile à l'exercice de ses fonctions ou à la tenue de son poste ; qu'en retenant que « M. D... bénéficie d'une expérience de quinze ans de plus que M. Y... en qualité de chef d'équipe sur le site de l'ensemble immobilier « Tour Maine-Montparnasse », dont la spécificité quant aux régimes de sécurité ne peut être remise en cause », sans préciser en quoi l'expérience acquise par M. D... lui procurait un avantage dans l'exécution de la prestation de travail et la tenue de son poste, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2261-22, L. 2271-1 et L. 3221-2 à 5 du code du travail, ensemble le principe à travail égal - salaire égal ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que le salarié
avait une expérience moindre que celle des salariés auxquels il se comparait, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Attendu que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer aux salariés des sommes à titre de dommages-intérêts, les arrêts, après avoir relevé que la présence d'amiante dans la tour Montparnasse est avérée, que les salariés ont travaillé dans des zones où est présente cette matière, que les éléments produits témoignent d'une situation à risques, et que seuls les salariés ayant travaillé dans des entreprises inscrites sur la liste fixée par arrêté ministériel peuvent demander l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, notamment pour le préjudice né du bouleversement dans les conditions d'existence, retiennent que les manquements de l'employeur à ses obligations légales, sur la mise en place d'un document unique d'évaluation des risques, ainsi qu'à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, ont occasionné aux salariés un préjudice qu'il convient de réparer ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés n'avaient pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, en sorte qu'ils ne pouvaient prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident de M. Y... ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Trigion sécurité à payer à chacun des salariés - MM. X..., Y..., Z..., A..., B... - les sommes de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le défaut de mise en place d'un document unique d'évaluation des risques et de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail, les arrêts rendus le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne MM. X..., Y..., Z..., A... et B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs aux pourvois principaux n° K 16-19.002, R 16-19.007, Z 16-19.015, C 16-19.018 et E 16-19.020 produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Trigion sécurité

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Trigion Sécurité à verser à chacun des salariés défendeurs aux pourvois une somme de 13 000 € à titre de dommages-intérêts pour le défaut de mise en place d'un document unique d'évaluation des risques ;

AUX MOTIFS QUE « sur les dommages et intérêts pour carence de l'employeur dans la mise en place du document unique d'évaluation des risques. Monsieur X... fait valoir que l'employeur ne démontre pas avoir procédé à une évaluation des risques, estimant non valables les simples consignes permanentes qu'il verse aux débats pour les années 2006 et 2013, ce que celui-ci conteste en arguant de ce que les différentes exigences réglementaires applicables aux établissements dont les salariés sont susceptibles d'inhaler des poussières d'amiante du fait de leurs activités ont été respectées par la société. Il précise en particulier avoir mis en place un document unique d'évaluation des risques, document qu'il précise avoir porté à la connaissance du CHSCT, de l'inspection du travail, du médecin du travail et qui était mis à la disposition des salariés. En l'espèce, l'employeur, produit aux débats deux documents uniques d'évaluation des risques datés des mois de juin et novembre 2014, un courrier de convocation du CHSCT à la réunion du 13 décembre 2011, dont l'ordre du jour annoncé évoque un "document unique". Au vu de ces documents qui ne sont pas sérieusement contestés par la partie adverse, il apparaît que l'employeur justifie de l'existence d'un document unique des risques à partir de juin 2014, qui répertorie celui lié à l'amiante, sans toutefois que la cour ne dispose d'éléments sur sa mise à jour ultérieure. En revanche, pour la période antérieure, n'est pas établie l'existence au sein de l'entreprise d'un tel document, y compris pour l'année 2011, pour laquelle la seule convocation du CHSCT non signée, produite aux débats, ne suffit pas à établir l'existence d'un document aussi important que le document unique d'évaluation des risques professionnels. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'il a transcrit, mis à jour et mis à la disposition des travailleurs, un document unique d'évaluation des risques, pour la période postérieure au 24 juin 2010. Ce manquement a occasionné au salarié un préjudice que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats est en mesure d'évaluer à la somme de 13 000 € » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et que, tenu de motiver sa décision, il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, d'une part, la société Trigion produisait aux débats des consignes spéciales, permanentes édictées et actualisées tout au long de la relation de travail, indiquant les procédures à suivre et les équipements à revêtir en cas d'intervention ou de sinistre en lien avec l'amiante (arrêt p. 4 al. 11) et que, d'autre part, les salariés ont toujours disposé d'équipements destinés à les protéger de tout contact avec l'amiante (arrêt p. 6 al. 6) ; que la société Trigion Sécurité faisait valoir que les salariés n'avaient de ce fait subi aucun préjudice du fait de l'absence de document unique d'évaluation des risques et qu'ils ne justifiaient pas, en toute hypothèse, d'un quelconque préjudice susceptible de justifier leurs demandes de dommages-intérêts (Conclusions p. 22) ; qu'en se bornant à énoncer que l'absence de transcription d'un document unique d'évaluation des risques « a occasionné un préjudice au salarié » pour allouer à chacun d'eux une somme de dommages-intérêts, sans caractériser l'existence d'un quelconque préjudice direct et certain subi par chacun des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute décision de justice doit être motivée ; que le juge doit indiquer les éléments sur lesquels il se fonde et ne saurait se déterminer sur le seul visa des documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'au cas présent, la société Trigion Sécurité soulignait qu'aucun des salariés n'invoquait, ni ne produisait le moindre élément pour justifier l'existence d'un préjudice résultant de l'absence d'établissement d'un document unique d'évaluation des risques (Conclusions p. 22) ; qu'en allouant une somme de dommages et intérêts à chacun des salariés « compte tenu des éléments produits aux débats », sans indiquer, comme cela lui était expressément demandé, les éléments sur lesquels elle se fondait quant à l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Trigion Sécurité à payer à chacun des défendeurs au pourvoi une somme de dommages-intérêts d'un montant de 13 000 € pour mauvaise exécution du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE « sur les dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail. Monsieur X... fait valoir que la mauvaise foi de l'employeur repose sur la carence volontaire de celui-ci dans la formation à la prévention des risques, dans sa carence volontaire dans la remise d'équipements de protection individuelle et dans sa carence volontaire dans la prévention de la santé de Monsieur X... (prise de repas dans des endroits pollués sans en être informé) et dans la surveillance médicale spéciale. L'employeur qui conteste cette allégation fait valoir qu'au contraire elle a satisfait à cette exigence en produisant aux débats les attestations de formation de ses salariés suivies en 2006 et en 2014 et les conventions de formation professionnelle continue conclues pour les périodes de septembre et octobre 2014 et septembre 2015. L'employeur fait valoir, en outre, que la seule lecture des consignes permanentes de 2006 et 2014 montrent la réalité des équipements devant être revêtus pour intervenir en milieu amiante. Il ajoute avoir, conjointement avec la médecine du travail et le CHSCT, mis en place un examen complémentaire de santé au profit des salariés, outre une réunion d'information organisée le 10 janvier 2012. Il précise également que les locaux de la vie des salariés situés au 1er sous-sol de la Tour Maine Montparnasse ont été désamiantées en 2007/2008. Il conteste l'obligation de surveillance médicale dont se prévaut Monsieur X... en arguant de l'arrêté du 13 décembre 1996 qui a été abrogé, ainsi que l'article R. 4412-47 du code du travail, et soutient que Monsieur X... a fait l'objet d'un suivi conforme en bénéficiant d'une visite médicale tous les ans, voire tous les 6 mois. Il ressort de l'ensemble de ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contredits par Monsieur X..., que les salariés ont disposé d'équipements destinés à les protéger de tout contact avec l'amiante (combinaison, masque, surbotte,...), que la santé a été présente dans les préoccupations de l'employeur, selon ce qu'il résulte des ordres du jour des réunions des 19 juin et 18 septembre 2008, et du certificat médical d'aptitude afférent à Monsieur X... daté du 9 septembre 2015 qui mentionne la surveillance médicale renforcée dont il bénéficie, et précisant qu'il doit être revu dans 6 mois. Il apparaît cependant que Monsieur X... a suivi des formations sur la prévention des risques en matière d'amiante et de maintenance les 7 février 2006 et les 2 et 3 octobre 2014. Ce défaut de régularité dans la formation, auquel ne saurait pallier la réunion d'information du 10 janvier 2012 sur les travaux liés au désamiantage de la Tour, traduit un manquement de l'employeur qui n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail, s'agissant d'un salarié amené à travailler tout au long de sa pratique professionnelle dans un environnement en contact avec l'amiante, jusqu'à aujourd'hui où il est toujours en poste. Au vu de ces éléments et notamment de la durée d'exposition de Monsieur X... à l'amiante, la cour est en mesure d'évaluer son préjudice à la somme de 13 000 € » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'au cas présent, la société Trigion Sécurité justifiait que tous les salariés demandeurs avaient suivi, en janvier 2006, une formation « amiante et maintenance : prévention des risques » conforme à l'arrêté du 25 avril 2005 ; qu'elle justifiait, par ailleurs, pour les salariés, encore présents, d'une formation des « travailleurs à la prévention du risque amiante » en 2014 et en 2015 ; qu'elle faisait valoir que les salariés avaient, tout au long de la relation de travail, été destinataires d'une information et de consignes claires quant aux interventions en lien avec l'amiante ainsi que les équipements à revêtir ou à utiliser dans ces cas ; qu'en se bornant à reprocher à la société Trigion Sécurité un « défaut de régularité dans la formation », sans examiner concrètement le contenu et la suffisance de la formation et l'information dispensées au salarié en matière de sécurité au regard de la réglementation applicable, des fonctions exercées par les salariés et des risques encourus, ni préciser en quoi la périodicité des formations aurait été insuffisante au regard de la durée de la relation de travail pour chacun des salariés, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle quant à l'existence d'un manquement de la société Trigion Sécurité à ses obligations relatives à l'information et à la formation des travailleurs en matière de sécurité et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et 1147 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et que, tenu de motiver sa décision, il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, d'une part, la société Trigion produisait aux débats des consignes spéciales, permanentes édictées et actualisées, tout au long de la relation de travail, indiquant les procédures à suivre et les équipements à revêtir en cas d'intervention ou de sinistre en lien avec l'amiante (arrêt p. 4 dernier al. 11) et que, d'autre part, les salariés ont toujours disposé d'équipements destinés à les protéger de tout contact avec l'amiante (arrêt p. 6 al. 6) ; que la société Trigion Sécurité faisait valoir que les salariés n'avaient de ce fait subi aucun préjudice du fait d'une prétendue insuffisance d'information et de formation quant au risque lié à l'amiante et qu'ils ne justifiaient pas, en toute hypothèse, d'un quelconque préjudice susceptible de justifier leurs demande de dommages-intérêts (Conclusions p. 23 et p. 26-27) ; qu'en s'estimant « en mesure d'évaluer » le préjudice subi par chacun des salariés à une somme de 13 000 €, sans caractériser l'existence d'un quelconque préjudice direct et certain subi par chacun des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail et du principe de la réparation intégrale du préjudice. Moyen produit au pourvoi incident n° R 16-19.007 produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes de rappel de salaire et de treizième mois sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal » ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'espèce, il est constant qu'une transaction a été conclue par les parties en date du 24 juin 2010, mettant ainsi fin à l'instance introduite devant le conseil des prud'hommes, le 6 mai 2010 ; qu'en outre, aux termes de la transaction, qui concerne le paiement de salaires et accessoires, M. Y..., qui s'est déclaré rempli de ses droits jusqu'au jour de la transaction, a renoncé « à engager toute procédure contre son employeur pour toute raison ou cause liée à la conclusion et à l'exécution des conventions conclues avec jusqu'au jour de la signature de la présente transaction » ; qu'il s'ensuit qu'en application des textes précités qui posent le principe de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée des transactions, ainsi que le soutient l'employeur, le salarié n'est pas recevable à former des prétentions dont le fondement est né antérieurement au [...]       , date de signature de transaction liant les parties ; qu'en revanche, contrairement ce que soutient l'employeur, et compte tenu de ce que la relation de travail s'est poursuivie après la transaction, et est toujours en cours, sont recevables des demandes formées par M. Y... qui concernent la période postérieure à la transaction et en particulier celles relatives au préjudice du bouleversement dans les conditions d'existence, à la carence de l'employeur dans la mise en place du document d'évaluation du risque, à l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur et à sa carence dans la mise en place de fiches d'exposition à l'amiante et dans la remise de fiches d'exposition lors du départ de l'entreprise de M. Y... ; que les manquements de l'employeur, qui sont invoqués au soutien de ses demandes, en constituent, en effet, le fondement né au cours de la poursuite de la relation de travail après le [...]        ; qu'elles sont donc recevables ; qu'au vu des éléments produits aux débats, la cour adoptant les motifs pertinents des premiers juges confirme leur décision, sur l'attribution du coefficient 185 ; que le jugement du 26 juin 2015 est donc confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des débats que M. Y... est chef d'équipe de services de sécurité incendie avec le statut d'agent de maîtrise, niveau 2, échelon 1 et coefficient 185 ; que M. Y... explique subir une différence de traitement avec M. D..., lequel est également chef d'équipe de services de sécurité incendie avec le statut d'agent de maîtrise, mais niveau 2, échelon 3 et coefficient 215 ; que M. Y... verse aux débats des plannings montrant que lui et M. D... occupent bien le même poste, défini sur ces plannings comme celui de chef d'équipe par opposition aux agents ; que la société Trigion Sécurité ne conteste d'ailleurs pas qu'ils remplissent des fonctions identiques ; que la différence d'échelon et de coefficient entre les deux salariés se traduit par une différence de rémunération tant sur le salaire de base que sur la prime de site et sur le treizième mois qui sont corrélés au montant du salaire de base ; que ces éléments de fait sont susceptibles de caractériser une inégalité de traitement au détriment de M. Y... ; qu'il appartient alors à la Trigion Sécurité de démontrer que des éléments objectifs justifient cette différence ; que la société Trigion Sécurité fait principalement valoir, dans ses écritures, la plus grande ancienneté des salariés avec lesquels le demandeur se compare ; que s'agissant M. Y..., force est de constater que si celui-ci est engagé le 21 janvier 1988, M. D... n'a été pour sa part embauché en contrat à durée indéterminée qu'à compter du 1er juillet 1996, après une première embauche en contrat à durée déterminée le 1er juillet 1995 ; que l'ancienneté de M. Y... est donc bien plus importante que celle de M. D... ; que, cependant, la société Trigion Sécurité souligne à juste titre que M. D... a été embauché en 1995 sur un poste de chef d'équipe avec le statut d'agent de maîtrise ; que M. Y... n'est, quant à lui, devenu chef d'équipe avec le même statut que par l'avenant du 16 juin 2010, soit 15 ans après M. D... ; qu'il apparaît que M. Y... et M. D... n'ont pas été nommés chef d'équipe par la même société, le premier par la société Trigion Sécurité et le second par le Syndicat Principal des Copropriétaires de l'Ensemble Immobilier « Tour Maine Montparnasse », avant transfert de son contrat de travail ; que leurs conditions de nomination et de progression de carrière ont ainsi pu différer ; que surtout M. D... bénéficie d'une expérience de quinze ans de plus que M. Y... en qualité de chef d'équipe sur le site de l'ensemble immobilier « Tour Maine Montparnasse », dont la spécificité quant aux régimes de sécurité ne peut être remise en cause ; qu'il en résulte l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant la différence de rémunération entre les deux salariés ; qu'en conséquence, M. Y... doit être débouté de ses demandes rappel de salaire et de treizième mois ;

1°) ALORS QUE la décision de justice doit être motivée et se suffire à elle-même ; qu'il s'ensuit qu'une cour d'appel ne peut se borner à adopter les motifs des premiers juges, lorsqu'en cause d'appel, l'une des parties a soulevé des moyens nouveaux ou produit des pièces nouvelles de nature à étayer ses demandes ; qu'en se bornant dès lors à énoncer qu'« au vu des éléments produits aux débats, la cour adoptant les motifs pertinents des premiers juges, confirme leur décision », sans aucune analyse des éléments de preuve fournis par le salarié au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 455 et 561 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ET ALORS QUE l'expérience professionnelle ne peut justifier une différence de salaire qu'à la condition de procurer à son titulaire un avantage dans l'exécution de la prestation de travail et soit utile à l'exercice de ses fonctions ou à la tenue de son poste ; qu'en retenant que « M. D... bénéficie d'une expérience de quinze ans de plus que M. Y... en qualité de chef d'équipe sur le site de l'ensemble immobilier « Tour Maine Montparnasse », dont la spécificité quant aux régimes de sécurité ne peut être remise en cause », sans préciser en quoi l'expérience acquise par M. D... lui procurait un avantage dans l'exécution de la prestation de travail et la tenue de son poste, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2261-22, L. 2271-1 et L. 3221-2 à 5 du code du travail, ensemble le principe à travail égal - salaire égal.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-19002;16-19007;16-19015;16-19018;16-19020
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 avr. 2018, pourvoi n°16-19002;16-19007;16-19015;16-19018;16-19020


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19002
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award