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05/04/2018 | FRANCE | N°16-18772

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 avril 2018, 16-18772


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2016), que la société Groupe B... Y... automobiles       automobiles SAS (la société) avait pour actionnaires Mme X..., Mme Y... et d'autres membres de la famille Y..., la première détenant 11,77 % du capital social ; que des discussions ont été engagées entre Mme X... et les autres actionnaires de la société pour le rachat de ses titres ; que le 22 juin 2010, une assemblée générale extraordinaire a décidé d'augmenter le capital par émission

de 700 actions nouvelles d'un nominal de 450 euros avec une prime d'émission d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2016), que la société Groupe B... Y... automobiles       automobiles SAS (la société) avait pour actionnaires Mme X..., Mme Y... et d'autres membres de la famille Y..., la première détenant 11,77 % du capital social ; que des discussions ont été engagées entre Mme X... et les autres actionnaires de la société pour le rachat de ses titres ; que le 22 juin 2010, une assemblée générale extraordinaire a décidé d'augmenter le capital par émission de 700 actions nouvelles d'un nominal de 450 euros avec une prime d'émission de 888,58 euros ; qu'à l'issue de cette opération, Mme X... détenait 9,40 % des actions ; que le 29 avril 2011, Mme X... et les membres de la famille Y... ont signé un protocole d'évaluation contradictoire des titres sociaux, définissant un mode de valorisation des titres détenus par Mme X... dans la société, et convenu de leur rachat ; qu'un arbitre a fixé, le 12 mai 2012, leur valeur unitaire à 763,65 euros ; qu'estimant que l'augmentation de capital avait été faite en fraude de ses droits, Mme X... a assigné, le 12 septembre 2013, la société et son président, M. Thomas Y..., en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 22 juin 2010 et en paiement de dommages-intérêts ; que ces derniers lui ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 22 juin 2010 alors, selon le moyen, que la fraude dont Mme X... soulignait qu'elle avait été victime, de la part de la société et de M. Y... au profit de l'actionnaire majoritaire, consistait à avoir largement survalorisé les actions nouvelles et à fixer en plein été le délai de souscription à l'augmentation de capital afin de la dissuader de souscrire à cette augmentation, de diluer sa participation dans le capital et d'aboutir à une diminution de la valeur de ses titres, sachant que la valeur des actions nouvelles avait été fixée à 1 428,58 euros tandis que la sentence arbitrale retenait une valeur des actions de 763,65 euros après décote de non liquidité de 20 % ; que Mme X... précisait qu'elle n'avait pu découvrir cette fraude que lorsque la sentence arbitrale du 12 mai 2012 avait déterminé la valeur réelle des actions; que pour juger prescrite l'action en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 22 juin 2010, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le prix de l'action nouvelle était de 1 428,58 euros dont une prime d'émission de 888,58 euros et que le prix des actions de Mme X... a ensuite été fixé à 763,65 euros, a retenu que Mme X..., présente ou représentée à l'assemblée générale du 22 juin 2010 ayant décidé l'augmentation de capital en toute transparence, n'établissait ni le caractère prohibitif du prix ni son impossibilité de souscrire à l'augmentation de capital et ne pouvait sérieusement comparer le prix des actions nouvelles à celui de ses actions, fixé à un prix nominal supérieur à celui des actions nouvelles avec une décote de 20 % eu égard à sa position de minoritaire, à l'absence de distribution de dividendes depuis 2005 et à la cessibilité limitée de ses titres ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure la fraude invoquée par Mme X... et l'impossibilité de la découvrir avant le prononcé de la sentence arbitrale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 235-9 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt constate que Mme X... a été régulièrement convoquée à l'assemblée générale du 22 juin 2010, à laquelle elle n'a pas contesté avoir été présente ou représentée; qu'il ajoute que Mme X... ne démontre pas que le prix des actions aurait été prohibitif ni qu'elle aurait été empêchée de souscrire à l'augmentation de capital ; qu'il relève que son pourcentage de détention des actions de la société est passé de 11,77 % à 9,40 %, faisant ainsi ressortir le caractère marginal du changement intervenu dans sa position d'actionnaire minoritaire et l'absence d'éviction résultant de l'opération ; qu'il retient que l'arbitre a valorisé les actions de Mme X... à un prix nominal bien supérieur à celui des nouvelles actions introduites, hors prime d'émission, après application d'une décote en raison, à la fois, de sa position minoritaire, du fait que les titres n'avaient donné lieu à aucune distribution de dividendes et d'une restriction affectant leur cessibilité, de sorte que Mme X... ne peut sérieusement comparer la valeur de ses titres à celle des actions nouvelles ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et en l'absence de tout autre élément concret débattu devant elle sur la justification de l'augmentation de capital et l'inadéquation de la fixation à la hauteur constatée de la prime d'émission au regard de la situation de la société, la cour d'appel, qui a considéré que la fraude alléguée n'était pas constituée, et qui en a déduit que l'action était prescrite, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence et application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de l'arrêt attaqué ayant rejeté la demande indemnitaire de Mme X... en ce qu'il est fondé sur l'absence de fraude, dont la motivation est justement critiquée dans le cadre du premier moyen ;

2°/ que Mme X... soulignait que l'expert A... ayant valorisé la société à 3 320 000 euros ses actions avant augmentation de capital valaient 390 798 euros sans qu'il y ait lieu d'appliquer une décote, et la valeur de ses actions ayant été fixée à 249 746,25 euros par la sentence arbitrale du 12 mai 2012 son préjudice était égal à la différence entre 390 798 euros et 249 746,25 euros soit 141 051,75 euros ; qu'en ne s'expliquant sur aucune de ces données chiffrées invoquées par elle pour démontrer la réalité de son préjudice économique causé par l'augmentation de capital litigieuse en se bornant à affirmer, par motifs réputés adoptés, qu'elle n'établissait pas ce préjudice, que selon le commissaire aux comptes et l'expert ayant déterminé la valeur de rachat de ses titres l'augmentation de capital aurait été conçue pour préserver la valeur de sa participation, que l'expert en aurait tenu compte pour un tiers et que la prime d'émission aurait positivement impacté la valeur de rachat de ses actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le premier moyen ayant été rejeté, la première branche du moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenue sans portée ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que Mme X... n'établissait pas l'existence d'une fraude, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur les éléments constitutifs d'un préjudice ne se rapportant à aucune autre faute alléguée à l'appui de la demande de dommages-intérêts, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Groupe B... Y... automobiles et à M. Thomas Y... la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré irrecevable la demande de madame X... tendant à l'annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du 22 juin 2010 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE «sur la prescription de l'action en nullité de l'assemblée générale du 22 juin 2010, les intimés rappellent les dispositions de l'article L.235-9 du code de commerce, selon lesquelles : Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l'article L.235-6 ; toutefois l'action -en nullité d'une fusion ou d'une scission de sociétés se prescrit par six mois à compter de la date de dernière inscription au registre du commerce et des sociétés rendue nécessaire par l'opération. L'action en nullité fondée sur l'article L.225-149-3 se prescrit par trois mois à compter de la date de l'assemblée générale suivant la décision d'augmentation de capital.» ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE «les défendeurs soutiennent que la demande est prescrite ; qu'Il résulte de la combinaison des articles L236-9, L225-149-3, L225-127 et -128 que la prescription des actions à l'encontre des assemblées générales des sociétés anonymes ayant décidé une augmentation de capital est de trois ans ; que selon l'article L227-1 du code de commerce, cette prescription raccourcie s'applique également aux sociétés par actions simplifiées ; que l'assemblée générale d'augmentation de capital a eu lieu le 22 juin 2010, alors que l'assignation de Mme X... a été délivrée le 12 septembre 2013; Attendu cependant que Mme X... soutient que cette prescription abrégée ne s'applique pas en présence d'une fraude ; mais attendu que selon une jurisprudence constante, il n'y a pas d'exception à l'application de la prescription abrégée, fondée sur la fraude (CA Paris - 19 mars 2013 N° 12/00020 CA Paris – 1er Février 2012 - N° 10103998 ; CA Paris - 28 Octobre 2008 Jurisdata 2008473136 confirme par Cass. Com. 18 janvier 2011 - 09- 65187) ; que Mme X... n'invoque aucune dissimulation lors de l'assemblée générale du 22 juin 2010, qui serait de nature à reporter le point de départ de la prescription ; que la demande de Mme X... sera dite irrecevable car prescrite ; » ;

ALORS QUE la fraude dont madame X... soulignait qu'elle avait victime, de la part de la société Groupe B... Y... automobiles   et de monsieur Y... au profit de l'actionnaire majoritaire, consistait à avoir largement survalorisé les actions nouvelles et à fixer en plein été le délai de souscription à l'augmentation de capital afin de la dissuader de souscrire à cette augmentation, de diluer sa participation dans le capital et d'aboutir à une diminution de la valeur de ses titres, sachant que la valeur des actions nouvelles avait été fixée à 1 428,58 € tandis que la sentence arbitrale retenait une valeur des actions de 763,65 € après décote de non liquidité de 20 % (conclusions, p. 14) ; que l'exposante précisait qu'elle n'avait pu découvrir cette fraude que lorsque la sentence arbitrale du 12 mai 2012 avait déterminé la valeur réelle des actions (conclusions, p. 12) ; que pour juger prescrite l'action en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale du juin 2010, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le prix de l'action nouvelle était de 1 428,58 € dont une prime d'émission de 888,58 € et que le prix des actions de l'exposante a ensuite été fixé à 763,65 €, a retenu que madame X..., présente ou représentée à l'assemblée générale du 22 juin 2010 ayant décidé l'augmentation de capital en toute transparence, n'établissait ni le caractère prohibitif du prix ni son impossibilité de souscrire à l'augmentation de capital et ne pouvait sérieusement comparer le prix des actions nouvelles à celui de ses actions, fixé à un prix nominal supérieur à celui des actions nouvelles avec une décote de 20 % eu égard à sa position de minoritaire, à l'absence de distribution de dividendes depuis 2005 et à la cessibilité limitée de ses titres ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure la fraude invoquée par l'exposante et l'impossibilité de la découvrir avant le prononcé de la sentence arbitrale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 235-9 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de madame X... tendant à la condamnation de la société Groupe B... Y... automobiles  et de monsieur Y... à lui payer 216 051,75 € de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'action en annulation du procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 22 juin 2010, introduite par Elisabeth X... le 12 septembre 2013, est donc bien prescrite et la cour ne peut que confirmer son irrecevabilité. Sur la demande indemnitaire formée par Elisabeth X... : Devant la cour, Elisabeth X... maintient sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 216.051,75 euros pour l'indemniser de la .fraude orchestrée par le Groupe B... Y... automobiles                   et son président, Thomas Y.... Mais la cour a jugé que la fraude alléguée n'était pas démontrée. Elisabeth X... ne peut donc s'en prévaloir pour solliciter une indemnisation, dont le tribunal l'a implicitement déboutée, ce que la cour confirme. » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU' «au demeurant que Mme X... ne démontre pas en quoi l'augmentation de capital effectuée en juillet 2010 - dont le commissaire aux comptes, comme l'expert qui a établi la valeur de rachat des titres de Mme X..., soulignent qu'elle a été conçue pour préserver la valeur [quota-part de situation nette] de la participation de Mme X... - lui a porté préjudice ; que l'expert en a tenu compte pour un tiers, à côté des deux autres méthodes de valorisation qu'il a retenues ; que la prime d'émission élevée a positivement impacté la valeur de rachat de Mme X... ; » ;

ALORS, premièrement, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence et application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de l'arrêt attaqué ayant rejeté la demande indemnitaire de madame X... en ce qu'il est fondé sur l'absence de fraude, dont la motivation est justement critiquée dans le cadre du premier moyen ;

ALORS, deuxièmement, QUE madame X... soulignait que l'expert A... ayant valorisé la société Groupe B... Y... automobiles à 3 320 000 € ses actions avant augmentation de capital valaient 390 798 € sans qu'il y ait lieu d'appliquer une décote, et la valeur de ses actions ayant été fixée à 249 746,25 € par la sentence arbitrale du 12 mai 2012 son préjudice était égal à la différence entre 390 798 € et 249 746,25 € soit 141 051,75 € (conclusions, p. 14 et 15) ; qu'en ne s'expliquant sur aucune de ces données chiffrées invoquées par l'exposante pour démontrer la réalité de son préjudice économique causé par l'augmentation de capital litigieuse en se bornant à affirmer, par motifs réputés adoptés, qu'elle n'établissait pas ce préjudice, que selon le commissaire aux comptes et l'expert ayant déterminé la valeur de rachat de ses titres l'augmentation de capital aurait été conçue pour préserver la valeur de sa participation, que l'expert en aurait tenu compte pour un tiers et que la prime d'émission aurait positivement impacté la valeur de rachat de ses actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-18772
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 22 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 avr. 2018, pourvoi n°16-18772


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18772
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