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04/04/2018 | FRANCE | N°17-15786

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2018, 17-15786


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 143-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 4 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que contestant le taux d'incapacité permanente partielle fixé, le 2 novembre 2009, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne (la caisse), au bénéfice de M. Y..., atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 42, la société Laitière de Mayenne a saisi d'un recours un trib

unal du contentieux de l'incapacité ;

Attendu que pour fixer à 0 % le taux d'in...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 143-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 4 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que contestant le taux d'incapacité permanente partielle fixé, le 2 novembre 2009, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne (la caisse), au bénéfice de M. Y..., atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 42, la société Laitière de Mayenne a saisi d'un recours un tribunal du contentieux de l'incapacité ;

Attendu que pour fixer à 0 % le taux d'incapacité permanente partielle du salarié, l'arrêt retient que l'audiogramme transmis par la caisse ne comporte ni la date à laquelle il a été réalisé, ni le nom du patient et qu'il ne peut, en conséquence, être procédé au calcul du taux d'incapacité permanente partielle résultant de la surdité de l'assuré ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'évaluer le taux d'incapacité permanente partielle en recourant, le cas échéant, à toute mesure d'instruction utile, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;

Condamne la société Laitière de Mayenne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Laitière de Mayenne et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me X..., avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, en infirmant le jugement de première instance, fixé à 0 % à l'égard de la société Laitière de Mayenne le taux d'incapacité permanente partielle de M. Jean-Louis Y... à la date du 9 septembre 2008 suite à la maladie professionnelle reconnue le 9 septembre 2008 ;

aux motifs qu'il convient tout d'abord de rappeler qu'il existe trois types de surdité :

- la surdité de transmission (ou conductive), résultant d'une atteinte de l'oreille externe ou moyenne, entravant la transmission du message sonore jusqu'à l'oreille interne ;

- la surdité de perception (ou de réception, ou neurosensorielle) résultant d'une atteinte de l'oreille interne ou du nerf auditif ; la surdité de perception la plus fréquente est la surdité cochléaire, liée à une atteinte de l'organe sensoriel cochléaire, et présentant la particularité de s'accompagner de distorsions sonores ; (la surdité rétrocochléaire, par compression du nerf auditif ou par atteinte des voies auditives centrales, étant quant à elle plus rare) ;

- la surdité mixte, conjuguant la surdité de transmission et la surdité de perception.

Il convient ensuite de rappeler qu'un test audiométrique comporte plusieurs évaluations, dont:

- l'évaluation tonale en conduction aérienne (la personne étant coiffée d'écouteurs diffusant des sons purs),

- l'évaluation tonale en conduction osseuse (la personne étant coiffée d'un vibreur placé sur l'os mastoïdien),

- l'évaluation vocale (la personne devant distinguer des mots prononcés).

Lorsque la courbe d'audiométrie en conduction aérienne et celle obtenue en conduction osseuse sont superposées, il s'agit d'une surdité de perception ; lorsque la courbe d'audiométrie en conduction osseuse reste normale tandis que la courbe de conduction aérienne s'en écarte, il s'agit d'une surdité de transmission.

L'audiométrie vocale permet quant à elle de mettre en évidence les distorsions du champ auditif (ainsi lorsque les sons d'intensité faible ne sont pas perçus et que les sons de forte intensité sont également mal perçus) : une courbe décalée vers la droite et plus inclinée sur l'horizontale que la courbe normale confirme une surdité de perception, et permet ainsi de contrôler l'examen tonal.

En application des dispositions du tableau n° 42 du barème indicatif d'invalidité prévu à l'article R 461-3 du code de la sécurité sociale :

- l'atteinte auditive provoquée par des bruits lésionnels constitutive de maladie professionnelle est une hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes ;

- le diagnostic de cette hypoacousie doit être établi par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale (qui doivent être concordantes, à défaut de quoi il est procédé à une impédancemétrie et à une recherche du réflexe stapédien ou par l'étude du suivi audiométrique professionnel) ;

- cette audiométrie doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB (calculé selon la formule : DT = d (500 Hz) + d (1,000 Hz) + d (2.000 Hz) + 1 d (4.000 Hz) / 4).

Par ailleurs, pour chiffrer le taux d'incapacité permanente résultant de l'hypoacousie, l'article 5-5 du barème indicatif d'invalidité stipule notamment que :

- le déficit moyen en audiométrie tonale est calculé sur quatre fréquences selon la formule :
DT = 2 d (500 Hz) + 4 d (1.000 Hz) + 3 d (2.000 Hz) + 1 d (4.000 Hz) /10 ;

- lorsqu'il s'agit d'apprécier, dans une surdité mixte, la part qui revient à une surdité cochléaire, le calcul devra être fait d'après l'audiométrie tonale en conduction osseuse.

Il découle de l'ensemble de ces éléments que :

- pour apprécier si une hypoacousie relève du tableau n° 42 il convient de disposer des données issues de l'audiométrie tonale ainsi que de de l'audiométrie vocale (et le cas échéant d'autres examens complémentaires),

- pour évaluer ensuite l'incapacité permanente résultant d'une hypoacousie classée comme relevant du tableau n° 42 il est nécessaire – et suffisant - de disposer des données issues de l'audiométrie tonale osseuse (dès lors que la surdité est qualifiée de cochléaire, les données de l'audiométrie tonale aérienne, en ce qu'elles concernent la surdité de conduction, ne sont en effet pas utiles, et les données de l'audiométrie vocale, requises pour confirmer l'existence de la surdité de perception, ne sont pas indispensables, étant ajouté que les fréquences 500, 1000 et 2000 Hz relevées dans la courbe osseuse – et respectivement affectées des coefficients 2, 4 et 3 conformément à la formule de calcul prescrite - sont des fréquences conversationnelles, qui donc permettent de satisfaire au principe liminaire rappelé par l'article 5-5-2 selon lequel « l'IPP est fonction de la perception de la voix de conversation »).

La cour constate que l'audiogramme transmis par la caisse primaire d'assurance maladie ne comporte ni la date à laquelle il a été réalisé ni le nom du patient.

Il ne peut en conséquence être procédé au calcul du taux d'incapacité permanente partielle résultant de la surdité de l'assuré.

Cette situation n'entraîne pas l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la caisse fixant le taux d'incapacité permanente partielle de l'assuré, dès lors qu'au regard des dispositions de l'article R. 143-32 du code de la sécurité sociale, le service du contrôle médical a transmis le rapport du médecin-conseil, et le fait que le rapport soit incomplet ne prive pas l'employeur de la possibilité de formuler ses observations dans le cadre d'un débat contradictoire.

En revanche, elle justifie qu'à l'égard de l'employeur le taux d'incapacité permanente partielle soit fixé à 0 % (arrêt p. 4 à 6) ;

1°) alors que, d'une part, selon L 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge et les qualités physique et mentale de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ; que le tableau n° 42 des maladies professionnelles prévoit que le diagnostic d'hypoacousie est établi par une audiométrie qui doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB, le barème indicatif d'invalidité prévoyant alors un taux d'incapacité permanente partielle minimum de 8 % ; qu'au cas présent, l'appartenance de l'hypoacousie du salarié au tableau n°42 des maladies professionnelles et donc avec un déficit d'au moins 35db étant acquise au débat, seul un taux d'incapacité permanente d'au moins 8 % pouvait être fixé à l'égard de l'employeur, sauf à se prononcer sur le caractère professionnel de l'hypoacousie, lequel, en toute hypothèse, ne relève pas du contentieux technique de la sécurité sociale ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait fixer le taux d'incapacité à 0 % à l'égard de l'employeur sans violer l'article L 434-2, ensemble les articles L 143-2, L 143-3, L 143-10, R 143-32 du code de la sécurité sociale ;

2°) alors que, d'autre part, en tout état de cause, la caisse de sécurité sociale ayant fixé un taux d'incapacité à 35 %, la cour d'appel ne pouvait retenir comme elle l'a fait, un taux d'incapacité de 0 % à l'égard de l'employeur sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour fixer ce taux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 434-2, ensemble les articles L 143-2, L 143-3, L 143-10, R 143-32 du code de la sécurité sociale ;

3°) alors que, par ailleurs, il résulte des articles L 143-10 et R 143-32 du code de la sécurité sociale que la décision de la caisse fixant le taux est opposable à l'employeur sauf si la caisse a manqué à son obligation de fournir le rapport visé à l'article R 143-32 du code de la sécurité sociale et qui doit contenir l'audiogramme ayant servi à évaluer le taux d'incapacité permanente partielle pour la maladie professionnelle inscrite au tableau n° 42 et visant une surdité ; qu'ainsi, la CNITAAT ne pouvait tout à la fois considérer que l'audiogramme produit n'était pas recevable faute d'identification, ce qui induisait son inexistence, et conclure que le principe du contradictoire était respecté et que la décision de la caisse ne pouvait être déclarée inopposable à l'employeur sans violer les textes susvisés ;

4°) alors qu'enfin, la CPAM faisait expressément valoir que, contrairement à ce qui avait été affirmé, l'audiogramme n'était pas incomplet puisque l'identification du patient ainsi que la date de réalisation de l'audiogramme figuraient sur le recto de l'imprimé (concl. § 5 p.3) et invoquait encore que le taux avait été accordé selon le barème par le médecin conseil près la CPAM de la Mayenne, lequel précisait que M. Y... présentant un déficit auditif bilatéral de 50 dB, sans réhabilitation par prothèse au moment de la fixation du taux, la maladie professionnelle devait être indemnisée selon le barème par un taux de 35 % ; que la cour qui s'est abstenue de répondre à ces moyens déterminants pour la solution du litige, a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-15786
Date de la décision : 04/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT), 26 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2018, pourvoi n°17-15786


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15786
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