LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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La société La Coque de Nacre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 23 novembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs de contrefaçons, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller LAVIELLE, les observations de Me BERTRAND, de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocats en la Cour, et les conclusions de M.l'avocat général X... ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la retenue douanière pratiquée le 12 juin 2008 dans les locaux de la société "La coque de nacre", de 11 458 bagues présumées contrefaisantes de la marque Cartier, les sociétés Cartier Création Studio et Cartier International NV, devenue Cartier international AG, ont déposé plainte et se sont constituées parties civiles contre la société La Coque de Nacre, qui, à l'issue de l'information, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel notamment pour contrefaçon de trois modèles protégés comportant la représentation d'une "tête de vis" ; que la prévenue a été relaxée par jugement du 26 mai 2015, les parties civiles étant déboutées de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts ; qu'elles ont seules interjeté appel de la décision ;
En cet état ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner le premier et le deuxième moyens de cassation dont le demandeur, par un mémoire complémentaire, a déclaré se désister ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale et des articles 2, 3, 6, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du même code, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4.1 du Protocole additionnel n°7 à ladite Convention, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné la société La Coque de Nacre à payer à la société Cartier international AG, subrogée dans les droits de la société Cartier création studio la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice économique et moral résultant de la contrefaçon de dessins ou modèles ;
"aux motifs que parallèlement à l'information judiciaire, le tribunal correctionnel était saisi sur citation de l'administration des douanes délivrée à la société La Coque de Nacre de la procédure douanière et, par un jugement du 23 juin 2014, le tribunal correctionnel constatait l'extinction [et non la prescription, comme indiqué par erreur dans l'arrêt attaqué] de l'action publique et fiscale par suite d'une transaction ; que s'agissant de l'irrecevabilité des demandes présentées par les parties civiles, la cour constate qu'à ce stade de la procédure, aucune juridiction n'a statué sur les intérêts civils des sociétés Cartier international et Cartier création studio et que la règle du « non bis in idem » ne peut recevoir application ;
"1°) alors qu'un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes ; que le prévenu ayant bénéficié d'une décision définitive constatant l'extinction de l'action fiscale, du fait d'une transaction passée avec l'administration fiscale, ce qui entraîne, par voie de conséquence, l'extinction de l'action publique, ne peut être ensuite poursuivi pénalement, à l'initiative de la partie civile, pour ces mêmes faits, même sous une qualification différente ni, partant, être tenu à réparation sur le plan des intérêts civils, l'action civile n'étant que l'accessoire de l'action publique ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (page 4) et du jugement du 23 juin 2014, qu'aux termes de ce jugement, qui est définitif, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré éteinte, par l'effet d'une transaction, l'action fiscale relative aux faits visés aux présentes poursuites et mettant en cause la société La Coque de Nacre ; que l'action publique s'étant trouvée éteinte par voie de conséquence, ces mêmes faits ne pouvaient être examinés à nouveau par une juridiction répressive, ni, partant, justifier la recevabilité de l'action des parties civiles, dont les demandes indemnitaires se fondaient exclusivement sur les faits de la prévention ; qu'en relevant au contraire, pour dire recevable l'action civile des sociétés Cartier création studio et Cartier international N.V/AG, que la règle « non bis in idem » ne pouvait recevoir application en l'espèce, et en se fondant sur la circonstance inopérante qu'à ce stade de la procédure, aucune juridiction n'avait statué sur les intérêts civils de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 3 et 6 du code de procédure pénale et violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors qu'en matière répressive, la compétence est d'ordre public ; que les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'est irrecevable l'action civile exercée devant la juridiction répressive après qu'un jugement a définitivement statué, à raison des mêmes faits, sur l'action fiscale en déclarant celle-ci éteinte par l'effet d'une transaction, ce qui entraîne par voie de conséquence l'extinction de l'action publique ; que pour admettre sa compétence pour statuer sur les demandes des parties civiles et dire ces dernières recevables en leurs demandes indemnitaires, la cour d'appel a retenu qu'à ce stade de la procédure, aucune juridiction n'avait statué sur les intérêts civils des sociétés Cartier international et Cartier création studio et que la règle « non bis in idem » ne pouvait recevoir application ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si, en l'état du jugement définitif du 23 juin 2014 ayant déclaré éteinte, par l'effet d'une transaction, l'action fiscale relative aux faits visés aux présentes poursuites et mettant en cause la société La Coque de Nacre, de sorte que l'action publique s'était trouvée éteinte, la juridiction répressive n'était pas incompétente pour statuer sur les demandes indemnitaires des sociétés Cartier international et Cartier création studio la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 3, 6 et 591 du code de procédure pénale, en violation des textes visés au moyen" ;
Attendu que la société La Coque de Nacre ne saurait invoquer la violation de la règle ne bis in idem du fait d'un jugement définitif du 23 juin 2014 constatant l'extinction, par transaction avec l'administration des douanes, de l'action exercée contre elle, pour les mêmes faits, du chef d'importation de marchandises en contrebande, dès lors que des poursuites sous une qualification pénale et douanière susceptible de concerner un même fait, résultent d'un système permettant au juge pénal de réprimer ce dernier sous ses deux aspects, de manière prévisible et proportionnée, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne devant pas dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues et que la demande d'indemnisation présentée par les parties civiles dans la présente espèce est l'accessoire d'une action publique distincte pour contrefaçons sur laquelle il a été statué par jugement du 26 mai 2015 ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511-2, L. 511-3, L. 511-4, L. 521-1, L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, 4 à 7 du règlement CE n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société La Coque de Nacre à payer à la société Cartier international AG, subrogée dans les droits de la société Cartier création studio, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice économique et moral résultant de la contrefaçon de dessins ou modèles ;
"aux motifs que, s'il est affirmé par la société La Coque de Nacre que les dessins ou modèles dont se prévalent les parties civiles se caractérisent par une absence de nouveauté et de caractère propre, la cour relève que l'argument principal présenté à l'appui de la contestation de validité des dessins et modèles [est] en l'espèce la simple reprise de la vis dont il est souligné qu'elle figure sur des bijoux divulgués par la société Cartier depuis les années 1970 et par d'autres sociétés ; que cet argument ne saurait être suffisant pour conclure à l'absence de validité des dessins et modèles invoqués, alors que les modèles ou dessins invoqués par la société La Coque de Nacre pour contester la nouveauté ne sont en rien identiques à ceux invoqués lesquels suscitent une impression visuelle d'ensemble différente de celle produite par les modèles avancés par la société La Coque de Nacre ; qu'ainsi, s'agissant du dessin ou modèle n° 398 565-0015, la cour observe qu'il s'agit d'un double anneau tournant qui ne se retrouve pas sur les modèles antérieurement divulgués par la société Cartier ou par d'autres sociétés ;
"1°) alors qu'un modèle n'est susceptible de protection qu'à la double condition d'être nouveau et de présenter un caractère propre ; qu'un modèle est doté d'un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez un observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée ; que de même un modèle communautaire n'est susceptible de protection qu'à la double condition d'être nouveau et de présenter un caractère individuel, ce qui suppose qu'il existe une différence claire entre l'impression globale que produit le modèle pour un utilisateur averti qui le regarde et celle produite par le patrimoine des dessins et modèles ; que pour écarter l'exception tirée de la nullité des modèles invoquée préalablement à l'examen de l'action en contrefaçon, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'argument de la société La Coque de Nacre fondé sur la simple reprise de la vis figurant sur des bijoux divulgués par la société Cartier depuis les années 1970 et par d'autres sociétés n'était pas suffisant pour conclure à l'absence de validité des modèles invoqués, alors que les modèles de l'art antérieur n'étaient en rien identiques à ceux invoqués lesquels suscitaient une impression visuelle d'ensemble différente de celle produite par les modèles antérieurs ; qu'en statuant de la sorte, méconnaissant les conclusions de la société La Coque de Nacre qui, loin de se fonder sur la simple reprise du motif de la « vis », s'attachait à démontrer que les caractéristiques du modèle communautaire n° 98 565-0015 du 9 septembre 2015 tenant à la disposition régulière de vis sur tout le pourtour de l'anneau figurait déjà dans les modèles antérieurs, parmi lesquels le bracelet « Love » divulgué par la société Cartier dans les années 1970, était constitué d'un anneau dont la fente des vis était parallèle au bord du bracelet comme dans les modèles, la cour d'appel, qui n'a pas expliqué en quoi les modèles invoqués ne seraient « en rien identiques » à ceux de l'art antérieur ni en quoi consistaient les différences des modèles invoqués par rapport à ceux de l'art antérieur, qui n'a pas fait connaître les raisons pour lesquelles les modèles invoqués suscitaient une impression visuelle d'ensemble différente de celle produite par les modèles de l'art antérieur et qui n'a pas constaté que cette impression visuelle d'ensemble différente aurait été celle d'un utilisateur averti, a privé sa décision de motifs en violation des textes visés au moyen ;
"2°) alors que les caractéristiques d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique sont exclues de la protection des dessins et modèles ; qu'en se bornant à énoncer que le double anneau tournant du modèle communautaire n° 398 565-0015 ne se retrouvait pas dans les modèles antérieurement divulgués par la société Cartier ou d'autres sociétés sans répondre aux conclusions dans lesquelles la société La Coque de Nacre faisait valoir (p. 18) que le doublement de l'anneau, de façon à former un « anneau tournant », ne correspondait qu'à un effet fonctionnel et technique ne pouvant donner lieu à protection par le droit des modèles communautaires, seules devant être prises en compte les autres caractéristiques du modèle qui étaient dépourvues de nouveauté et de caractère propre, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les textes visés au moyen" ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511-2, L. 511-3, L. 511-4, L. 511-6, L. 521-1, L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, 4 à 7 du règlement CE n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société La Coque de Nacre à payer à la société Cartier international AG, subrogée dans les droits de la société Cartier création studio, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice économique et moral résultant de la contrefaçon de dessins ou modèles ;
"aux motifs qu'au regard des dessins et modèles invoqués par les sociétés parties civiles, la cour observe que les sept bagues litigieuses ne reprennent pas toutes les caractéristiques des trois modèles enregistrés par la société Cartier création studio et notamment celles relatives à leur caractère épuré et lisse sans autre motif que les vis, au double anneau tournant caractéristique du modèle n° 398 565-0015 ou à la grande largeur d'anneau caractéristique des modèles n° 663 562-0006 et n° 063 200, alors que les bagues de la société La Coque de Nacre présentent un aspect épais, sur une épaisseur dans leur partie centrale (bague 706 190 et 106 190) un aspect bombé (107 050 et 707 050 modèles marqués sur leurs bords par un rainurage), des stries dans la largeur de l'anneau (706 180) ou encore un relief évoquant un double anneau par surépaisseur (109 470, 706 19 et 709 470) aspects non évocateurs du style épuré et lisse revendiqué par la société Cartier ; que cependant les bagues litigieuses, en ce qu'elles présentent des têtes de vis à fente unique, faisant corps avec l'anneau, espacées entre elles par un intervalle régulier et centrées sur un axe médian sur le pourtour de la bague, le pas de vis étant orienté dans la même direction, peu important que les vis soient fonctionnelles ou décoratives et en ce qu'elles suggèrent l'existence d'un double anneau, reproduisent, pour l'observateur averti, les caractéristiques essentielles des trois dessins ou modèles enregistrés au point d'engendrer la même impression visuelle d'ensemble que les différences relevées ci-dessus ne sont nullement de nature à faire disparaître ; que pour ces raisons, et alors qu'il n'est pas contesté que la société Cartier n'a pas consenti à ce que ses dessins ou modèles soient reproduits par la société La Coque de Nacre, cette dernière a commis une faute en contrefaisant les dits modèles dont elle ne pouvait ignorer l'existence en sa qualité de professionnel de la bijouterie ;
"1°) Alors que les caractéristiques tenant à la présence de têtes de vis à fente unique, faisant corps avec l'anneau, espacées entre elles par un intervalle régulier et centrées sur un axe médian sur le pourtour de la bague, le pas de vis étant orienté dans la même direction, ainsi que la caractéristique tenant à l'existence d'un double anneau étant toutes étrangères aux caractéristiques du modèle international n° DM/063 200 du 20 mars 2003 et du modèle communautaire n° 663 562-006 du 2 février 2007, la cour d'appel ne pouvait énoncer que les bagues incriminées qui auraient comporté ces caractéristiques reproduisaient les caractéristiques essentielles des trois dessins et modèles, notamment du modèle international n° DM/063 200 du 20 mars 2003 et du modèle communautaire n° 663 562-0006 du 2 février 2007, sans dénaturer ces modèles en violation des textes visés au moyen ;
"2°) alors que les différentes caractéristiques énumérées par la cour d'appel et dont elle a estimé qu'elles reproduisaient les caractéristiques essentielles des dessins et modèles invoqués se rapportant au seul modèle communautaire n° 398 565-0015 du 9 septembre 2005 et étant étrangères au modèle international n° DM/063 200 du 20 mars 2003 et au modèle communautaire n° 663 562-0006 du 2 février 2007, la cour d'appel, dont les motifs ne caractérisent pas en quoi les bijoux incriminés ne produiraient pas sur un utilisateur ou un observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de l'impression procurée par les deux modèles qui précèdent, a privé sa décision de motifs en violation des textes visés au moyen ;
"3°) alors, enfin, que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur un observateur ou un utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ; que pour décider que la société La Coque de Nacre s'était rendue coupable de contrefaçon de modèles, la cour d'appel a retenu que les bagues de cette société reproduisaient les caractéristiques essentielles des modèles invoqués au point d'engendrer la même impression visuelle d'ensemble que les différences qu'elle a relevées n'étaient pas de nature à faire disparaître ; qu'en statuant de la sorte sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que la caractéristique tenant à la présence d'un double anneau, destinée à réaliser un « anneau tournant », correspondait à un simple effet technique et fonctionnel, sans rechercher, comme elle y était également invitée, si, sous différentes modalités, telles que configuration, espacement, nombre de vis, les modèles invoqués ne tendaient pas à la protection du genre des bijoux à motifs de vis emprunté au fonds commun de la bijouterie et sans rechercher, comme l'avaient retenu les premiers juges, si le fait que les bagues de la société La Coque de Nacre ne sont pas fabriquées dans la même matière précieuse que celles de la société Cartier création studio et constituent des bijoux de fantaisie et non des objets de joaillerie n'était pas de nature à produire sur un observateur ou un utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, et violé les textes visés au moyen" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour retenir en premier lieu la validité des dessins ou modèles contrefaits, l'arrêt attaqué relève que les trois modèles enregistrés par la société Cartier Création Studio sous les numéros communautaires 398565-0015 du 9 septembre 2005, qui présentent un double anneau tournant, qui ne se retrouve pas sur les modèles antérieurement divulgués par la société Cartier ou par d'autres sociétés, [...] du 2 février 2007 et international 063 200 du 20 mars 2003, qui se caractérisent par une grande largeur d'anneau, ne sont en rien identiques aux modèles antérieurs invoqués par la prévenue pour contester leur nouveauté et produisent une impression visuelle d'ensemble différente même s'ils reprennent la vis qui figure sur des bijoux diffusés par la société Cartier depuis les années 1970 ; que pour retenir le caractère contrefaisant des produits saisis, les juges, après avoir énuméré les caractéristiques des trois modèles qui n'étaient pas reprises par les bagues de la société La Coque de Nacre, retiennent qu'en ce qu'elles présentent des têtes de vis à fente unique, faisant corps avec l'anneau, espacées entre elles par un intervalle régulier et centrées sur un axe médian sur le pourtour de la bague, le pas de vis étant orienté dans la même direction, peu important que les vis soient fonctionnelles ou décoratives et en ce qu'elles suggèrent l'existence d'un double anneau, reproduisent, pour l'observateur averti, les caractéristiques essentielles des trois dessins ou modèles enregistrés au point d'engendrer la même impression visuelle d'ensemble que les différences relevées ne sont nullement de nature à faire disparaître ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, d'où il résulte que, d'une part le double anneau n'était pas uniquement fonctionnel mais participait du caractère propre et nouveau de la création protégée et, d'autre part, les juges, pour dégager l'impression visuelle d'ensemble, ont procédé à la comparaison, que ce soit par ressemblance ou dissemblance, de tous les éléments caractéristiques des dessins ou modèles contrefaits, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions, et caractérisé, sans dénaturation des modèles protégés, par des motifs dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, la contrefaçon fautive commise par la société La Coque de Nacre, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511-2, L. 511-3, L. 511-4, L. 511-6, L. 521-1, L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société La Coque de Nacre à payer à la société Cartier international AG, subrogée dans les droits de la société Cartier création studio, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice économique ou moral résultant de la contrefaçon de dessins ou modèles ;
"aux motifs que la société La Coque de Nacre a commis une faute en contrefaisant les modèles dont elle ne pouvait ignorer l'existence en sa qualité de professionnel de la bijouterie ;
"alors que le délit de contrefaçon de modèle, délit intentionnel, n'est établi qu'à condition qu'une atteinte ait été portée sciemment aux droits sur les modèles déposés ; qu'en se bornant à énoncer que, en sa qualité de professionnel de la bijouterie, la société La Coque de Nacre ne pouvait ignorer l'existence des modèles qui lui étaient opposés, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette société, en utilisant un motif décoratif largement répandu (la tête de vis) ne s'était pas contentée de puiser dans le fonds commun de la bijouterie afin de s'inscrire dans un courant de la mode masculine pour laquelle avaient été remis au goût du jour les bijoux en acier revêtus de décors de vis, ce qui était exclusif de toute intention d'imiter les modèles qui lui étaient opposés, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction et violé les textes visés au moyen";
Attendu que, pour retenir le caractère intentionnel du comportement de la société La Coque de Nacre et caractériser à sa charge une faute civile, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations d'où il résulte que la cour d'appel, qui a écarté toute bonne foi de la société La Coque de Nacre, professionnel de la bijouterie qui ne pouvait ignorer l'existence des trois modèles en cause, a retenu qu'il avait été sciemment porté atteinte aux droits sur les modèles déposés, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511-2, L. 511-3, L. 511-4, L. 511-6, L. 521-1, L. 521-7, L. 521-10 du code de la propriété intellectuelle, 4 à 7 du règlement CE n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné la société La Coque de Nacre à payer à la société Cartier international AG, subrogée dans les droits de la société Cartier création studio la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice économique et moral résultant de la contrefaçon de dessins ou modèles ;
"aux motifs que la société La Coque de Nacre, dans la limite des faits objet de la poursuite, a porté une atteinte aux droits de la société Cartier création studio et au vu des pièces produites et des arguments présentés notamment ceux relatifs à la mauvaise qualité des bagues litigieuses et ce quand bien même les bagues n'auraient pas été mises sur le marché et auraient été détruites, ce dernier point n'étant pas confirmé, le dommage économique et moral résultant des faits sera réparé par la somme de 20 000 euros ;
"alors que l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts la juridiction prend en considération distinctement 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, 2° Le préjudice moral causé à cette dernière, 3° Les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirés de la contrefaçon ; que les bagues déclarées contrefaisantes des modèles de la société Cartier ayant été intégralement saisies par l'administration des douanes en vue de leur destruction et n'ayant pas été mises sur le marché, il ne pouvait y avoir lieu au profit de la société Cartier à la réparation d'un préjudice économique ; qu'en énonçant au contraire que, pour la réparation du dommage résultant de la contrefaçon, incluant un dommage économique, il était indifférent que les bagues n'aient pas été mises sur le marché et qu'elles aient été détruites, la cour d'appel a violé l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle ensemble les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'en fixant à la somme de 20 000 euros les dommages-intérêts alloués à la société Cartier Création Studio, la cour d'appel n'a fait qu'apprécier souverainement le préjudice nécessairement attaché aux pratiques contrefaisantes, tel que défini par l'article L.521-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société La Coque de Nacre devra payer à la société Cartier international AG au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre avril deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.