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29/03/2018 | FRANCE | N°17-21708

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 mars 2018, 17-21708


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 26 novembre 2009 et 29 juillet 2010, Rémy X..., exerçant la profession d'infirmier libéral, a contracté deux prêts, garantis par un contrat d'assurance souscrit auprès de la société La Mondiale partenaire (l'assureur) ; que ce contrat prévoyait une clause d'exclusion de garantie selon laquelle « tous les risques décès sont garantis par l'assureur quelle qu'en soit la cause, sous réserve des exclusions prévues par le code des assurances et celles énumérée

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 26 novembre 2009 et 29 juillet 2010, Rémy X..., exerçant la profession d'infirmier libéral, a contracté deux prêts, garantis par un contrat d'assurance souscrit auprès de la société La Mondiale partenaire (l'assureur) ; que ce contrat prévoyait une clause d'exclusion de garantie selon laquelle « tous les risques décès sont garantis par l'assureur quelle qu'en soit la cause, sous réserve des exclusions prévues par le code des assurances et celles énumérées ci-dessous (...), l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants, à dose non prescrite par une autorité médicale » ; qu'à la suite du décès de Rémy X... survenu le [...]         , l'assureur a opposé à ses ayants droit cette exclusion de garantie, au motif que les investigations avaient mis en évidence un usage de stupéfiants ou de produits médicamenteux non prescrits par un professionnel de santé ; que M. Alain X... et son épouse, Mme Liliane Y..., ses père et mère, et M. Nicolas X..., son frère, (les consorts X...) ont, en qualité d'héritiers, assigné l'assureur afin d'obtenir sa garantie ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes contre l'assureur, alors, selon le moyen :

1°/ que la clause d'exclusion de garantie contenue dans une police d'assurance doit être formelle et limitée ; que n'est ni formelle ni limitée la clause qui nécessite d'être interprétée ; qu'en l'espèce, en énonçant que la clause d'exclusion de garantie opposée par l'assureur aux consorts X... n'appelait aucune interprétation tout en jugeant, pourtant, que l'expression « à dose non prescrite par une autorité médicale », qui y figurait, pouvait s'entendre comme se rapportant à toute dose médicamenteuse, quelle qu'elle soit, même dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, et non pas nécessairement à une dose excédant celle prescrite par un médecin, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à l'interprétation de la clause, n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que la clause d'exclusion de garantie contenue dans une police d'assurance doit être formelle et limitée ; qu'en l'espèce, en dotant la clause d'exclusion de garantie relative à « l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants, à dose non prescrite par une autorité médicale » d'une portée telle qu'elle pouvait s'appliquer à tout cas d'automédication se traduisant par une prise de produits médicamenteux ou tranquillisants, quelle qu'en soit la dose, y compris si elle intervient dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, la cour d'appel, qui l'a ainsi assortie d'une portée extensive, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant exactement relevé que la clause d'exclusion s'appliquait au décès causé par des médicaments pris en l'absence de toute prescription médicale, fût-ce dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, la cour d'appel, qui ne s'est livrée à aucune interprétation de cette clause, a décidé à bon droit qu'elle était formelle et limitée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu que pour débouter les consorts X... de leurs demandes contre l'assureur, l'arrêt énonce que le rapport d'expertise toxicologique, dressé le 10 juillet 2012, établit, à partir de l'analyse des prélèvements effectués, la présence, selon des taux de concentration compatibles avec un usage thérapeutique, notamment de morphine, de fentanyl et de kétoprofène, l'association de la morphine et du fentanyl ayant, selon l'auteur du rapport, très probablement engendré des troubles de la conscience sévères ainsi qu'une dépression respiratoire à l'origine du décès ; que les consorts X... ne justifient pas que ces produits anxiolytiques et antalgiques aient été prescrits à Rémy X..., exerçant la profession d'infirmier, par une autorité médicale ; qu'en l'absence de toute prescription, il apparaît sans contestation que Rémy X..., en prenant ces médicaments, même dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, a nécessairement absorbé une dose non prescrite, au sens de la clause contractuelle précitée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à l'assureur opposant aux ayants droit de l'assuré une clause d'exclusion de garantie de rapporter la preuve de la réunion des conditions de fait de celle-ci, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les consorts X... recevables en leur action formée contre la société La Mondiale partenaire, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société La Mondiale partenaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Mondiale partenaire ; la condamne à payer à MM. Alain et Nicolas X... et à Mme Liliane X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour MM. Alain et Nicolas X... et Mme Liliane X...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Alain X..., Mme Liliane Y..., épouse X..., et M. Nicolas X... de leurs demandes contre la société LA MONDIALE PARTENAIRE ;

Aux motifs que : « les conditions générales des contrats d'assurance souscrits par Rémy X... prévoient au paragraphe 5 intitulé « garantie décès », au titre des exclusions :

« Tous les risques décès sont garantis par l'assureur quelle qu'en soit la cause, sous réserve des exclusions prévues par le code des assurances et celles énumérées ci-dessous (
), l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants, à dose non prescrite par une autorité médicale. »

Cette clause formelle, limitée et imprimée en caractères gras satisfait aux exigences des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances. Rédigées en termes clairs et précis, elle ne souffre par ailleurs d'ambiguïté et n'appelle aucune interprétation.

Le médecin légiste ayant procédé à l'autopsie du corps de Rémy X... certifie dans une note en date du 27 novembre 2012 que le décès survenu le [...]          est en rapport avec un surdosage médicamenteux.

Le rapport d'expertise toxicologique dressé par le Docteur B..., biologiste, professeur des universités et expert sur la liste de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 10 juillet 2012 établit, à partir de l'analyse des prélèvements effectués, la présence de taux de concentration compatibles avec un usage thérapeutique, notamment de morphine, de fentanyl et de kétoprofène, l'association de la morphine et du fentanyl ayant, selon l'auteur du rapport, très probablement engendré des troubles de la conscience sévères ainsi qu'une dépression respiratoire à l'origine du décès.

Les consorts X... ne justifient pas que ces produits anxiolytiques et antalgiques aient été prescrits à Rémy X..., exerçant la profession d'infirmier, par une autorité médicale.

En l'absence de toute prescription, il apparaît sans contestation que Rémy X..., même dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, a nécessairement absorbé une dose non prescrite, au sens de la clause contractuelle précitée.

Dès lors, c'est à juste titre que la société La Mondiale Partenaire a opposé aux consorts X... un refus de garantie » ;

1. Alors que, d'une part, la clause d'exclusion de garantie contenue dans une police d'assurance doit être formelle et limitée ; que n'est ni formelle ni limitée la clause qui nécessite d'être interprétée ; qu'en l'espèce, en énonçant que la clause d'exclusion de garantie opposée par la société LA MONDIALE PARTENAIRE aux consorts X... n'appelait aucune interprétation tout en jugeant, pourtant, que l'expression « à dose non prescrite par une autorité médicale », qui y figurait, pouvait s'entendre comme se rapportant à toute dose médicamenteuse, quelle qu'elle soit, même dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, et non pas nécessairement à une dose excédant celle prescrite par un médecin, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à l'interprétation de la clause, n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

2. Alors que, d'autre part, la clause d'exclusion de garantie contenue dans une police d'assurance doit être formelle et limitée ; qu'en l'espèce, en dotant la clause d'exclusion de garantie relative à « l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants, à dose non prescrite par une autorité médicale » d'une portée telle qu'elle pouvait s'appliquer à tout cas d'automédication se traduisant par une prise de produits médicamenteux ou tranquillisants, quelle qu'en soit la dose, y compris si elle intervient dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, la cour d'appel, qui l'a ainsi assortie d'une portée extensive, a violé l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

3. Alors qu'enfin et à titre subsidiaire, c'est à l'assureur qu'il appartient de prouver que les éléments de fait d'une exclusion de garantie prévus au contrat sont remplis et qu'il ne doit donc pas sa garantie ; qu'en l'espèce, en retenant que les ayants droit de l'assuré ne prouvaient pas que les produits anxiolytiques et antalgiques absorbés par M. Rémy X... lui avaient été prescrits par un médecin pour leur opposer le jeu de l'exclusion de garantie, quand il appartenait pourtant à l'assureur de prouver que ces produits n'avaient pas été prescrits à l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 1353 nouveau, 1315 ancien, du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-21708
Date de la décision : 29/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 mar. 2018, pourvoi n°17-21708


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.21708
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