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29/03/2018 | FRANCE | N°17-14087

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 mars 2018, 17-14087


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 janvier 2015), que le 26 janvier 2008, Brahim X..., qui déambulait sur la chaussée d'une voie rapide, a été renversé par le véhicule conduit par M. Z..., assuré auprès de la société GMF assurances ; qu'il est décédé sur le coup ; que sa mère, Mme Khédidja X..., ainsi que M. Ahmed X..., Mme Fatima X..., épouse Y..., M. Abdelkader X..., M. Djilali X..., M. Farid X... et l'association Comité de sauvegarde de l'enfance du

Biterrois, en qualité de curateur de Mme Fatiha X..., ses frères et soeurs, ont ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 janvier 2015), que le 26 janvier 2008, Brahim X..., qui déambulait sur la chaussée d'une voie rapide, a été renversé par le véhicule conduit par M. Z..., assuré auprès de la société GMF assurances ; qu'il est décédé sur le coup ; que sa mère, Mme Khédidja X..., ainsi que M. Ahmed X..., Mme Fatima X..., épouse Y..., M. Abdelkader X..., M. Djilali X..., M. Farid X... et l'association Comité de sauvegarde de l'enfance du Biterrois, en qualité de curateur de Mme Fatiha X..., ses frères et soeurs, ont assigné M. Z... et la société GMF assurances en réparation de leurs préjudices ;

Attendu que Mme Khédidja X..., Mme Fatima X..., M. Djilali X... et Mme Fatiha X... font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes à l'encontre de M. Z... et de son assureur la société GMF assurances et de les condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que pour imputer à Brahim X... une telle faute et débouter ses ayants droit de leurs demandes contre M. Z... et son assureur, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il déambulait de nuit, ivre et vêtu de sombre au milieu d'une chaussée à grande circulation et sans éclairage, et qu'il avait refusé de se ranger sur le bord de la chaussée malgré un signal donné en ce sens juste avant l'accident par un autre automobiliste, au regard de sa position extrêmement dangereuse dont il ne pouvait qu'avoir conscience ; qu'en l'état de telles énonciations qui ne caractérisent pas l'exceptionnelle gravité de la faute de Brahim X..., la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 3 juillet 1985 ;

2°/ que seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en se bornant à relever, pour retenir la faute inexcusable de Brahim X..., son état d'ébriété, le défaut d'éclairage de la chaussée, son habillement sombre et le fait qu'il ait refusé de se ranger sur le bord de la chaussée malgré un signal donné en ce sens par un automobiliste, mais sans constater l'existence d'un dispositif de sécurité qu'il aurait volontairement franchi pour accéder à la route et s'exposant ainsi, sans raison valable, à un danger dont il aurait dû avoir conscience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Brahim X..., après avoir quitté volontairement le service des urgences de l'hôpital de Carcassonne dans lequel il avait été admis pour état supposé d'imprégnation alcoolique, était parti à pied sur la rocade sud de cette commune ; qu'il déambulait de nuit, en état d'imprégnation alcoolique, au milieu d'une chaussée à grande circulation sans éclairage alors qu'il était vêtu de sombre, que selon un témoin il traversait la voie en revenant sans cesse sur ses pas et qu'il avait refusé de se ranger sur le bord de la chaussée malgré un signal donné en ce sens juste avant l'accident par un autre automobiliste au regard de sa position extrêmement dangereuse dont il ne pouvait qu'avoir conscience, et que M. Z... n'avait pu l'éviter, faute d'avoir pu l'apercevoir à temps, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée par la seconde branche du moyen que ses constatations rendaient inopérante, a caractérisé la faute inexcusable de la victime, cause exclusive de l'accident privant ses ayants droit de leur droit à indemnisation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Khédidja X..., Mme Fatima X..., M. Djilali X... et Mme Fatiha X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me I... , avocat aux Conseils, pour de Mme Khédidja X..., de Mme Fatima X..., de M. Djilali X... et de Mme Fatiha X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté Mme Khédidja X..., Mme Fatima X..., M. Djilali X... et Mme Fatiha X... de toutes leurs demandes à l'encontre de M. Z... et de son assureur la compagnie GMF et de les avoir condamnés au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes l'article 3 alinéa 1 de la loi du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs de véhicule terrestre à moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne, sans que puisse· leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ; que par application des dispositions de l'article 6 de la même loi, les limitations et exclusions applicables à l'indemnisation de· la victime directe sont opposables aux victimes par ricochet ; qu'enfin; il n'est pas discuté que constitue une faute-inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en I 'espèce, il ressort de l'enquête de police produite au dossier que le 26 janvier 2008 vers 20 heures 50, Brahim MOKHTARl, après avoir quitté volontairement le service des urgences de l'Hôpital de Carcassonne dans lequel il avait été admis pour état supposé d'imprégnation alcoolique, est parti à pied sur la Rocade Sud de cette commune et après avoir déambulé sur la chaussée, a été percuté par le véhicule conduit par Patrick Z... assuré auprès de la SA GM ; Brahim X... est décédé sur place ; qu'il est constant que des automobilistes avait aperçu le défunt avant l'accident et en particulier C... D..., lequel a précisé lors de son audition, que la voie sur laquelle Brahim X... se trouvait n'était pas éclairée, qu'il était vêtu de sombre, qu'il traversait la voie en revenant sans cesse sur ses pas, semblant tituber et n' ayant pas accepté son coup de klaxon pour l'amener à se ranger sur le bord.de la chaussée ;
qu'une autre automobiliste, Marion E... a confirmé avoir .aperçu le même marchant sur la chaussée, semblant tituber, dans un endroit dépourvu d'éclairage public, précisant n'avoir pu l'apercevoir qu'au dernier moment grâce à l'éclairage d'une voiture arrivant en sens inverse ; qu'un troisième automobiliste, Pierre F... a confirmé ces témoignages quant à la présence de Brahim X... au milieu de la chaussée et de l'impossibilité de le voir à temps, compte tenu de sa tenue ; que ces trois témoins avaient prévenu les services de police avant l'arrivée sur les lieux de Patrick Z... pour signaler le comportement dangereux de ce piéton ; que Patrick Z... a expliqué qu'arrivé sur les lieux, après avoir aperçu un petit bus stationné sur le côté, il a vu une ombre qui a surgi brusquement devant lui, percutant son véhicule au niveau du pare-brise, sans qu'il n'ait pu l'apercevoir auparavant compte tenu de la nuit noire, ayant même cru au premier instant qu'il s'agissait d'un sanglier et n'ayant vu la victime qu'après l'accident ; que les auditions des témoins quant aux circonstances de l'accident sont par ailleurs corroborées par la position du point de choc matérialisé sur le plan de I 'accident établi par les services de police, en plein milieu de la voie de circulation de Patrick Z... ; que les analyses pratiquées sur Brahim X... ont établies qu'il présentait un taux d'alcoolémie de 1,87 g/l dans le sang et était positif au contrôle de cannabis THC ; que le contrôle d'alcoolémie pratiqué sur Patrick Z... s'avérait négatif ; qu'enfin, il ressort des éléments de l'enquête que Brahim X... présentait un alcoolisme chronique (il avait fait l'objet de deux passages pour la même cause aux services des urgences pour le seul mois de janvier 2008), était sans domicile fixe et présentait un état dépressif depuis son divorce ; que compte tenu des circonstances de l'accident, aucune faute de conduite sur le plan pénal n'a été retenue à l'encontre de Patrick Z... de sorte qu'une ordonnance de non-lieu à suivre du chef d'homicide involontaire a été rendue le 21 juin 2011 ; qu'il ressort ainsi suffisamment de l'ensemble de ces éléments que le comportement de Brahim X... lors de l'accident qui déambulait de nuit en état d'imprégnation alcoolique, au milieu d'une chaussée à grande circulation sans éclairage alors qu'il était vêtu de sombre, refusant de se ranger sur le bord de la chaussée malgré un signal donné en ce sens juste avant l'accident par un autre automobiliste au regard de sa position extrêmement dangereuse dont il ne pouvait qu'avoir conscience alors que Patrick Z... n'a pu l'éviter, faute d'avoir pu l'apercevoir à temps, constitue bien une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, cause exclusive de l'accident qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants sur ce fondement de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés aux dépens de première instance » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « l'article 3 de la loi nº85-677 du 5 juillet 1985 dispose : « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ; Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis. Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi » ; qu'il est constant que la faute inexcusable est définie comme la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que l'état d'alcoolisation de la victime ne suffit pas à lui seul à caractériser la faute inexcusable ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des services de police que Monsieur X... présentait un taux d'alcoolémie de 1,87g/L dans le sang ainsi que du THC ; que trois automobilistes indiquent avoir signalé le comportement dangereux de Monsieur X... car il n'y avait aucun éclairage public, était habillé en sombre et faisait des allers et venues sur la chaussée manquant de se faire percuter une première fois par Monsieur D... ; qu'il ressort également de ces éléments que la circulation était dense et qu'il faisait nuit, les témoins automobilistes n'ayant détecté la présence de Monsieur X... que grâce à l'éclairage fourni par les autres véhicules ; que ces éléments sont corroborés par le fait que ni Monsieur Z... ni les consorts G..., témoins directs de l'accident, n'ont vu la victime avant qu'elle ne soit percutée par le véhicule ; que ce comportement consistant à déambuler en pleine nuit en tenue sombre sur une route très fréquentée en faisant des allers et retours sur la chaussée après avoir manqué d'être renversé une première fois, caractérise donc une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que sur ce dernier point, Monsieur D... qui a failli renverser une première fois Monsieur X... indique que ce dernier a manifesté son mécontentement quand il a klaxonné pour lui indiquer de rester sur le côté de la chaussée, de telle sorte qu'il a lors pu prendre conscience du danger auquel son comportement l'exposait ; que le récit de la survenance de l'accident par Monsieur Z... et les consorts G... révèle en outre que Monsieur X... a surgi devant le véhicule sans qu'ils n'aient pu le voir auparavant, le conducteur ayant même dans un premier temps pensé qu'il s'agissait d'un animal ; que le comportement de la victime est donc la cause exclusive de l'accident, la présence d'un minibus stationné avec les feux de détresse ayant attiré l'attention du conducteur afin qu'il ralentisse ne pouvant de ce fait être considéré comme la cause de l'accident ; que Monsieur X... a donc par son comportement commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l'accident ; que ce manquement fait obstacle à toute indemnisation y compris des victimes par ricochet que sont ses proches ; qu'il y a donc lieu de débouter ces derniers de leurs demandes d'indemnisation et de remboursement des frais d'obsèques » ;

ALORS d'une pat QUE seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que pour imputer à M. X... une telle faute et débouter ses ayants droits de leurs demandes contre M. Z... et son assureur, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il déambulait de nuit, ivre et vêtu de sombre au milieu d'une chaussée à grande circulation et sans éclairage, et qu'il avait refusé de se ranger sur le bord de la chaussée malgré un signal donné en ce sens juste avant l'accident par un autre automobiliste, au regard de sa position extrêmement dangereuse dont il ne pouvait qu'avoir conscience ; qu'en l'état de telles énonciations qui ne caractérisent pas l'exceptionnelle gravité de la faute de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 3 juillet 1985.

ALORS d'autre part QUE seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en se bornant à relever, pour retenir la faute inexcusable de M. X..., son état d'ébriété, le défaut d'éclairage de la chaussée, son habillement sombre et le fait qu'il ait refusé de se ranger sur le bord de la chaussée malgré un signal donné en ce sens par un automobiliste, mais sans constater l'existence d'un dispositif de sécurité qu'il aurait volontairement franchi pour accéder à la route et s'exposant ainsi, sans raison valable, à un danger dont il aurait dû avoir conscience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-14087
Date de la décision : 29/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 06 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 mar. 2018, pourvoi n°17-14087


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14087
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