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28/03/2018 | FRANCE | N°17-17951

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 mars 2018, 17-17951


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X... ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 271 du code civil ;

Attendu que, pour limiter à la somme de 20 000 euros le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme X..., l'arrêt prend notamment en considération, au titre de ses ressources personnelles, le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants communs versée entre ses mains par M. Y..., les prestations

qu'elle perçoit de la caisse d'allocations familiales, ainsi que les revenus locatifs...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X... ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 271 du code civil ;

Attendu que, pour limiter à la somme de 20 000 euros le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme X..., l'arrêt prend notamment en considération, au titre de ses ressources personnelles, le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants communs versée entre ses mains par M. Y..., les prestations qu'elle perçoit de la caisse d'allocations familiales, ainsi que les revenus locatifs d'immeubles dépendant de la communauté ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'abord, que pour apprécier la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, le juge ne pouvait prendre en considération les sommes versées par l'autre conjoint au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, ensuite, que les allocations familiales, destinées à l'entretien des enfants, ne constituaient pas des revenus bénéficiant à un époux, enfin, que les revenus locatifs procurés par les biens dépendant de la communauté, pendant la durée du régime, entraient en communauté et, après sa dissolution, accroissaient à l'indivision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme X... fondée sur l'article 1382, devenu 1240 du code civil, l'arrêt énonce que l'objectivité commande de constater qu'elle n'apparaît nullement justifiée ;

Qu'en statuant ainsi, sans analyser, même de façon sommaire, les éléments soumis à son appréciation, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 20 000 euros le montant alloué à Mme X... à titre de prestation compensatoire, et en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de celle-ci fondée sur l'article 1382, devenu 1240 du code civil, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné M. Y... à payer à Mme X... une prestation compensatoire limitée à la somme de 20 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE : « SUR LA PRESTATION COMPENSATOIRE : que l'article 270 alinéa 1er du code civil prévoit que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que l'article 271 du même code quant à lui dispose : que "la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible" ; qu'à cet effet le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage,
- l'âge et l'état de santé des époux,
- leur qualification et leur situation professionnelles,
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,
- leurs droits existants et prévisibles,
- leur situation respective en matière de pension de retraite en ayant estimé autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa" ;
que dans le cas présent, le mariage des époux a duré 25 ans, étant précisé que la durée de la vie commune contemporaine de ce mariage a été d'un peu moins de 20 ans ;
que trois enfants sont issus de cette union ;
que M. Y... a 55 ans, et Mme X... 56 ans ;
que la situation des parties s'établit de la manière suivante :
- que s'agissant de la situation de Mme X... :
qu'elle vit seule avec ses trois filles ;
qu'elle n'exerce actuellement aucune activité professionnelle ;
qu'il convient de préciser que quand le couple résidait à Mayotte, Mme X... a eu une activité professionnelle ; qu'ainsi du 1er septembre 1992 au 30 avril 1993, elle a été technicienne du bilan au Centre de bilan du Greta de Mayotte (pièce n° 23) ; puis que du 11 octobre 1993 au mois d'août 1996, elle a été employée par le CIAO en qualité de conseillère technique chargée de l'orientation des jeunes puis à la mission locale de Mayotte comme directrice adjointe du mois de septembre 1996 au 22 août 2001 ; qu'elle s'est ensuite consacrée à ses responsabilités de mère de famille ;
que son avis d'imposition de 2014 sur ses revenus de 2013 fait état s'agissant uniquement de pensions alimentaires, d'un revenu annuel de 12.000 euros, soit un revenu mensuel moyen de 1.000 euros ;
que son avis d'imposition de 2015 sur ses revenus de 2014 ne fait état d'aucun revenu imposable ; qu'elle a versé à la cause sur sommation de communiquer du mari, une déclaration sur l'honneur en date du 9 janvier 2015 indiquant notamment qu'elle perçoit trois loyers de trois immeubles (deux à Mayotte et un au Maroc) ayant les montants suivants :
- 1.200 euros par mois,
- 1.542 euros par mois,
- 1.000 euros par mois,
-----------------------------
3.742 euros de revenus locatifs au total ;
qu'elle est attributaire d'allocations versées par la CAF à hauteur de 312,29 euros par mois ;
qu'il convient de préciser qu'elle verse à la cause un certificat médical établi le 19 décembre 2016 par le Docteur B..., médecin généraliste, et dont il résulte que Mme X... est atteinte d''une affection chronique affectant très fortement sa capacité à réaliser les actes de la vie quotidienne et par conséquent rendant impossible toute activité professionnelle' (pièce n° 85) ;
que ses droits à retraite seront sensiblement inférieurs à ceux de son mari ;
qu'il lui faut par ailleurs faire face aux charge de la vie courante ;
que le patrimoine commun du couple est constitué au regard de la déclaration sur l'honneur de l'épouse par les biens suivants :
- une maison située à [...] à Mayotte ;
- un bureau situé [...]                         ;
- un local situé [...]                         ;
- une maison sise  [...] au Maroc ;
- une maison à [...] au Maroc ;
- des parts dans le bureau d'études [...] à Mayotte; - la SCI Mayotte Immo ;
- la SNC Ecailles ;
- l'hôtel restaurant "... " ;
- que s'agissant de la situation de M. Y... :
qu'il exerce la profession d'architecte ; qu'il réalise des missions tant en France métropolitaine qu'à l'étranger (notamment au Congo) ;
qu'il a été auto entrepreneur et exerce à présent son activité professionnelle en qualité de salarié de la S.A.S.U. Bruno Y..., entreprise qu'il a créée en avril 2015 ;
que son avis d'imposition de 2015 sur ses revenus de 2014 mentionne au titre des BIC la somme globale de 71.500 euros et au titre des revenus fonciers nets la somme de 37.051 euros, soit au total la somme de 108.551 euros, soit un revenu mensuel moyen pour cette année de 9.045,91 euros ;
qu'en septembre 2015, il percevait un salaire net de 1.217,03 euros (pièce n° 75-4) ; qu'il reconnaît percevoir des revenus fonciers équivalents à ceux perçus en 2014, soit de 3.087 euros par mois ; qu'il n'est pas dûment établi que sa société d'architecture d'auto entrepreneur ait cessé toute activité ;
qu'il est dommage qu'il n'ait pas fourni de justificatifs sur ses revenus de 2016 ;
qu'il doit acquitter entre les mains de Mme X... au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants la somme totale de 1.500 euros par mois ;
qu'il lui faut verser un loyer de 750 euros par mois et faire face aux charges de la vie courante ;
que le patrimoine commun du couple a été évoqué plus haut de manière détaillée ; qu'au regard de ces éléments objectifs, il convient de mettre en exergue les points suivants :
- que les durées du mariage et de la vie commune contemporaine du mariage des époux Y... X... sont conséquentes ;
- que les revenus du mari sont légèrement supérieurs à ceux de l'épouse ;
- que les patrimoines respectifs des époux sont d'importance équivalente ;
- que les droits à retraite du mari seront sensiblement supérieurs à ceux de l'épouse qui ne travaille plus depuis 2001, et connait d'importants problèmes de santé ;
- que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives au détriment de l'épouse ;
qu'il convient en conséquence d'infirmer sur ce point le jugement querellé et de condamner M. Bruno Y... à payer à Mme X... une prestation compensatoire en capital de 20.000 euros » ;

1°/ ALORS QUE pour apprécier les ressources du conjoint créancier à la prestation compensatoire au regard de la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, le juge ne peut prendre en considération les sommes versées par l'autre conjoint au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; que pour fixer à un certain montant le capital dû par M. Y... à Mme X... au titre de la prestation compensatoire, la cour d'appel a retenu que cette dernière avait perçu pour l'année 2013 uniquement au titre des pensions alimentaires un revenu annuel de 12 000 euros, soit un revenu mensuel moyen de 1 000 euros (arrêt attaqué p. 8, §2) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;

2°/ ALORS QUE l'aide versée à la famille sous forme d'allocations familiales est destinée à bénéficier aux enfants et non à procurer des revenus à celui qui la reçoit de sorte que le juge n'a pas à en tenir compte pour apprécier les ressources de l'époux créancier à la prestation compensatoire ; que pour fixer le capital dû par M. Y... à son épouse au titre de la prestation compensatoire, la cour d'appel a retenu au titre des revenus dont elle disposait que cette dernière « était attributaire d'allocations versées par la CAF à hauteur de 312,29 euros par mois » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;

3°/ ALORS QUE pour apprécier les ressources du conjoint au regard de la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, le juge ne peut prendre en considération les revenus locatifs qui entrent en communauté pendant la durée du régime et accroissent à l'indivision après sa dissolution ; que pour fixer à un certain montant le capital dû par M. Y... à son épouse au titre de la prestation compensatoire, la cour d'appel a retenu que cette dernière percevait trois loyers d'immeubles ayant les montants suivants : 1 200 euros par mois, 1 542 euros par mois et 1 000 euros par mois soit un total de 3 742 euros de revenus locatifs ; qu'en statuant ainsi, alors que les revenus locatifs procurés à l'épouse provenaient de biens dépendant de la communauté de sorte qu'il ne pouvait en être tenu compte dans l'appréciation de ses ressources personnelles, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir débouté l'exposante de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240 du même code) ;

AUX MOTIFS QUE : « SUR LES DEMANDES DE DOMMAGES ET INTERETS TANT AU TITRE DE L'ARTICLE 266 DU CODE CIVIL QU'AU TITRE DE L'ARTICLE 1240 DU CODE CIVIL : que l'objectivité commande de constater que les demandes de dommages et intérêts de Mme X... tant au titre de l'article 266 du code civil qu'au titre de l'article 1240 du même code n'apparaissent nullement justifiées ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil ; qu'il y a lieu par ailleurs après réformation sur ce point du jugement querellé, de débouter Mme X... de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil (anciennement l'article 1382 du code civil) » ;

ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que pour infirmer en l'espèce le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné M. Y... à verser à l'exposante la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240 du même code), la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « l'objectivité commande de constater que les demandes de dommages-intérêts de Mme X... tant au titre de l'article 266 du code civil qu'au titre de l'article 1240 du même code n'apparaissent nullement justifiées » ; qu'en se déterminant ainsi, par une affirmation générale, sans analyser même de façon sommaire les éléments soumis par l'exposante à son appréciation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-17951
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 09 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 mar. 2018, pourvoi n°17-17951


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17951
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