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28/03/2018 | FRANCE | N°16-26724

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2018, 16-26724


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 septembre 2016), que M. Y... a été engagé, le 21 février 1996, par la société Berner en qualité de voyageur-représentant-placier ; qu'il a bénéficié d'un congé individuel de formation du 16 novembre 2009 au 21 mai 2010 ; qu'au terme de ce congé, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste mais apte à un poste quasi sédentaire et sans stress ; qu'après avoir refusé un poste d'approvisionneur sédentaire dans l'Yonne, le salarié a été licencié le 2

3 juillet 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le premier ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 septembre 2016), que M. Y... a été engagé, le 21 février 1996, par la société Berner en qualité de voyageur-représentant-placier ; qu'il a bénéficié d'un congé individuel de formation du 16 novembre 2009 au 21 mai 2010 ; qu'au terme de ce congé, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste mais apte à un poste quasi sédentaire et sans stress ; qu'après avoir refusé un poste d'approvisionneur sédentaire dans l'Yonne, le salarié a été licencié le 23 juillet 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'indemnité de clientèle alors, selon le moyen, qu'en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; que l'indemnité de clientèle a pour objet la réparation du préjudice que cause au VRP la perte de la clientèle qu'il a apportée, créée ou développée pour le compte de son employeur ;qu'il en résulte qu'elle est due dès lors que le VRP a augmenté la valeur de la clientèle, peu important que le nombre de clients n'ait pas augmenté ; qu'en l'espèce, pour débouter M. Y... de sa demande de paiement d'une indemnité de clientèle, la cour d'appel a pourtant retenu que « le droit au paiement d'une indemnité de clientèle est subordonné à la preuve par le VRP demandeur d'une augmentation cumulativement en nombre et en valeur, cette carence de l'appelant à justifier du premier de ces deux critères rend sans objet l'examen d'une éventuelle augmentation en chiffre d'affaires » ; qu'en statuant ainsi, quand la perte de la clientèle qu'il a augmentée en valeur cause un préjudice au VRP que l'indemnité de clientèle a pour objet de réparer, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 7313-3 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit, à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ;

Et attendu qu'ayant constaté que le salarié ne démontrait pas que son travail personnel avait permis l'accroissement en nombre de la clientèle, qu'au contraire était établie une diminution significative du nombre de ses clients, la cour d'appel a exactement retenu, que, faute pour ce dernier de justifier du premier des deux critères, l'examen d'une éventuelle augmentation du chiffre d'affaires devenait sans objet et qu'il ne pouvait prétendre à l'allocation d'une indemnité de clientèle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'au terme d'une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments produits, la cour d'appel qui a retenu que l'inaptitude du salarié ne procédait pas d'une cause professionnelle, a, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les deux premières branches du moyen, légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen pris en sa troisième branche qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle ;

AUX MOTIFS QUE : « sur l'indemnité de clientèle sollicitée par Monsieur Philippe Y... : selon l'article L. 7313-13 du code du travail, « en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié. Ces dispositions s'appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié » ; qu'en application de ce texte et des articles L.7313-14 à L.7313-17 du même code il est en outre établi que : - l'indemnité de clientèle est réservée aux voyageurs représentants ou placiers (VRP) payés totalement ou partiellement à la commission et n'est due que lorsque le contrat à durée indéterminée est rompu soit du fait de l'employeur et sans faute grave du salarié, soit par suite d'un accident ou d'une maladie provoquant une incapacité permanente totale de travail du salarié, - le droit à l'indemnité de clientèle n'est ouvert que lorsque : * le VRP a développé la clientèle qui lui a été attribuée en nombre et en valeur, * ce développement est dû à son action personnelle, * la clientèle demeure exploitable par l'entreprise employeur, * la perte de la clientèle génère pour le VRP un préjudice ; qu'il convient encore de rappeler que si l'indemnité de clientèle se cumule, notamment, avec celle versée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en revanche, elle ne se cumule pas avec l'indemnité légale de licenciement ni avec les indemnités conventionnelles de rupture prévues par la convention collective des VRP ou celle de l'entreprise, le salarié ne pouvant en cas obtenir que l'indemnité la plus élevée ; qu'en l'espèce il est établi que Monsieur Philippe Y... a été engagé par la Sarl berner, en qualité de représentant statutaire, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 21 février 1996 (pièce 1 intimée) à compter du 8 janvier 1996 ; que ce contrat comporte trois annexes intégrées à la convention se rapportant : - pour l'annexe 1 : au programme de formation dont le salarié bénéficie sur les produits et méthodes commerciales de la société (article 3 du contrat) ; - pour l'annexe 2 : au secteur et à la catégorie de clientèle prise en charge par le salarié (article 6 du contrat), - pour l'annexe 3 : à la rémunération du salarié ; que l'annexe 2 précise qu'il est attribué à Monsieur Philippe Y..., en qualité de représentant spécialisé, les secteurs géographiques suivants : département des Landes (cantons de Amou, Dax Nord et Sud, Mointfort en Chalosse, Mugron, Peyrehorade, Pouillon, Soustons, Geaune, Hagetmau), et département des Pyrénées-Atlantiques (cantons de Navarrenx, Sauveterre de Béarn, Arthez de Béarn, Lagor, Orhez, Salies de Béarn) ; qu'il est encore noté dans ce document que : * la catégorie de clients à visiter est celle de la spécialisation 'Pierre-Métal' (P.M) et, provisoirement et à titre temporaire, celle dépendant du 'Gros-Oeuvre', aucune clientèle n'étant réservée ; * la clientèle existante et confiée à Monsieur Philippe Y..., lors de sa prise de fonction sur le terrain, représente un chiffre d'affaires de 747.578 francs et se compose de 161 clients actifs ; que l'annexe 3 indique par ailleurs que la rémunération de Monsieur Philippe Y... est fixée comme suit : * un salaire mensuel fixe de 4.500 francs bruts sur 12 mois à l'exception des périodes d'absences et de congés, * une partie variable composée par : ? des commissions à taux variable selon les différents tarifs de vente avec un taux moyen de référence d'environ 4% du chiffre d'affaires et établies sur le montant net de la facture, ? des primes sur objectifs : 1.000 francs bruts par mois pour une réalisation à 100% des objectifs, une avance de 600 francs par mois étant consentie et restant acquise même en cas de non-réalisation des objectifs, ? des primes de professionnalisme variables selon le niveau hiérarchisé des représentants (confirmé - senior I - senior II - master), * le remboursement des frais professionnels engagés ; nourriture, frais administratifs et de communication, frais de véhicule, de soirée-étape et de retour de matériel ; que par avenant au contrat de travail signé le 3 mars 2005 (pièce 2 employeur), le système de rémunération des VRP a, des suites d'un accord collectif d'entreprise, été modifié à compter du 1er août 2005, en maintenant à la somme de 686 € bruts par mois la partie fixe du salaire et en réévaluant le montant des deux paliers de surcommission (1er pallier entre 14.500 € et 17.500 € de chiffre d'affaires avec coefficient de majoration de commission à 1,5 - second pallier : au-delà de 17.500 € de chiffre d'affaires avec un coefficient de majoration de 2) ; que la prime quantitative est fixée à 1,6% du chiffre d'affaires réalisé annuellement (pour 100% de réalisation), les primes qualitatives sont également redéfinies ; qu'il est également établi que Monsieur Philippe Y... a pu bénéficier d'un congé individuel de formation de responsable d'exploitation agricole, qu'il a accompli du 16 novembre 2009 jusqu'au 21 mai 2010 ; que le salarié précise avoir cessé son activité le 15 octobre 2009 ; que par ailleurs, aux termes de la visite médicale de reprise du 25 mai suivant, le médecin du travail a émis un avis défavorable à la reprise du poste avec une « reconversion professionnelle souhaitable et une nouvelle visite à quinze jours » ; que dans son second avis du 7 juin 2010 le médecin du travail a déclaré Monsieur Philippe Y... inapte à son poste mais « apte à un poste quasi-sédentaire et sans stress » faisant référence à son courrier du 1er juin à l'employeur répondant aux interrogations de ce dernier sur les aptitudes restantes de son salarié VRP en vue de son reclassement ; que Monsieur Philippe Y... a été licencié par courrier recommandé avec avis de réception du 23 juillet 2010, après refus des propositions de reclassement qui lui avaient été faites, pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement (pièce 8 employeur) ; qu'ainsi, et en l'absence de tout licenciement pour faute grave, Monsieur Philippe Y..., dont la qualité de VRP pour la Sarl Berner n'est pas discutable, est en droit de solliciter une indemnité de clientèle telle que prévue par l'article L. 7313-13 du code du travail précité, sous réserve d'établir qu'il a, conformément aux conditions posées par ce texte, par son travail personnel, apporté, créé ou développé en nombre et en valeur la clientèle qui lui a été confiée par la Sarl Berner depuis sa prise de fonctions, que sur le premier critère tenant au développement en nombre de la clientèle : qu'il résulte des éléments versés aux débats, ce que le salarié appelant reconnaît expressément, qu'il lui a été confié, à la date de son engagement par la SARL Berner, un portefeuille de clientèle composé de 161 clients actifs (page 7 de ses dernières conclusions), ce chiffre correspondant aux mentions contractuelles figurant dans l'annexe 2 de son contrat de travail ; qu'il ressort par ailleurs des pièces 3, 11 à 13 et 32 et 33 produites par l'employeur, sur lesquelles d'ailleurs le salarié appelant s'appuie pour justifier des clients nouveaux qu'il a apportés à la société au cours de ses trois dernières années d'exercice de 2006 à 2009, que : - pendant la première année d'activité de Monsieur Philippe Y... (de fin mars 1996 à fin mars 1997) le nombre de clients est passé de 163 en début de période à 180 en fin de période, - en 2002/2003 : le nombre de clients enregistrés a été ramené à 169, - en 2003/2004 : le total de clients était de 160, - de fin mars 2006 à fin mars 2007 : le nombre total de clients actifs était de 131, - en 2007/2008 : les clients actifs comptabilisés étaient 129, - de fin mars 2008 à fin mars 2009 : il était de 120 clients actifs, - de fin mars 2009 à fin septembre 2009, date de la fin d'activité du salarié pour congés et congé de formation, les clients actifs enregistrés n'étaient plus que 108 ; qu'à partir de ces constatations chiffrées, qui ne sont au demeurant pas contestées par le salarié appelant, il est établi que le portefeuille de clientèle confié à Monsieur Philippe Y... en 1996, lors de sa prise de fonctions, n'a cessé, au moins depuis l'année 2002, de régresser passant de 161 clients actifs à l'origine à 108 à la cessation de son activité ; que même si les pièces produites attestent que, comme le relève Monsieur Philippe Y..., de nouveaux clients (15 en 2006/2007 - 14 en 2007/2008 - 16 en 2008/2009 et 5 en 2009/2010) ont été apportés au cours, notamment, de ses trois dernières années d'activité, cette circonstance est sans influence sur la constatation d'une réelle diminution en nombre des clients actifs de la société qui sont passés de à 108, en dépit du fait que l'importance de cet écart négatif puisse être diminuée au vu du nombre de 146 clients confiés, dès le 14 septembre 2009, à Monsieur Bruno A... engagé à cette date, en contrat à durée déterminée en remplacement de Monsieur Philippe Y... ; que sur la base des mêmes pièces que celles déjà examinées pour justifier de l'évolution annuelle réalisée par Monsieur Philippe Y..., en nombre de clients (3, 11, 12, 13, 32 et 33), il est également possible de constater que les objectifs quantitatifs arrêtés par la Sarl Berner ont, au cours de ces années, été baissés ainsi qu'il suit : - 1996/1997 -pièce 3- objectif : 185 (réalisé 180), - 2002/2003 -pièce 32-
objectif : 186 (réalisé 169), - 2003/2004 -pièce 33- objectif : 171 (réalisé 160), - 2006/2007 -pièce 11- objectif : 146 (réalisé 131), - 2007/2008 -pièce 12- objectif : 122 (réalisé 129), - 2008/2009 -pièce 13- objectif : 132 (réalisé 120) ; que toutefois, la Sarl Berner soutient que cette diminution des objectifs correspondait pour elle à la nécessité de les adapter aux résultats de Monsieur Philippe Y... afin de fixer, chaque année, à ce salarié, selon les réalisations obtenues, des limites raisonnables à atteindre en appuyant ces dires sur les objectifs à la hausse et résultats correspondants obtenus par le successeur de l'appelant, Monsieur A... ; que la Sarl Berner justifie en effet, des résultats obtenus par Monsieur A..., à compter de 2010 (pièces 18-19-20-25-26-28 et 29), qui montrent : - dès le remplacement de Monsieur Philippe L., à compter d'octobre 2009 alors que l'objectif était fixé au chiffre de 120 clients correspondant au résultat obtenu par le salarié appelant (pièce 13), Monsieur C. parvenait à 134 clients (entre octobre et fin mars 2010), - en 2010/2011 : objectif à réaliser de 133 clients - résultat 143 clients, - en 2011/2012 : objectif à réaliser de 144 clients - résultat 146 clients, - en 2012/2013 : objectif à réaliser de 140 clients - résultat 164 clients, - en 2013/2014 : objectif à réaliser de 157 clients - résultat 174 clients, - en 2014/2015 : objectif à réaliser de 168 clients - résultat 215 clients ; qu'au vu de ces éléments il est établi d'une part, que la Sarl Berner adaptait effectivement les objectifs qu'elle assignait annuellement à ses VRP aux résultats obtenus par eux l'année précédente et que, d'autre part, en intervenant sur les mêmes secteurs de produits et géographiques que ceux dévolus à Monsieur Philippe Y..., Monsieur A..., qui lui a succédé, a généré des résultats en constante progression d'une année sur l'autre, ce retour immédiat à une augmentation du nombre des clients actifs révélant ainsi les potentialités commerciales existantes et manifestement non exploitées par le salarié appelant lors de son exercice ; que le salarié appelant ne conteste pas que le nombre des clients qui lui a été confié a diminué au cours de sa période de travail ; qu'il explique toutefois qu'aucune comparaison ne peut être faite entre ses résultats et ceux de Monsieur A... car la Sarl Berner aurait, après son départ, modifié la comptabilisation des clients affectés à chaque VRP. Cette affirmation est cependant contredite par les historiques produits par l'employeur et analysés ci-dessus qui, présentant les mêmes renseignements en termes d'objectifs à atteindre, de clients actifs, de nouveaux clients .., a au contraire permis une appréciation comparée complète et circonstanciée des situations ; que par ailleurs, force est de constater que l'évocation par l'appelant d'un contexte économique difficile pour expliquer la diminution du nombre de ses clients ne s'appuie sur aucun élément concret et significatif ; qu'elle est au demeurant contredite par les données chiffrées sus rapportées ; qu'il ne peut non plus être tenu compte, pour légitimer la baisse de résultats observée, des périodes au cours desquelles Monsieur Philippe Y... s'est vu confier la formation de différents représentants ; qu'en effet, les documents produits sur ce point par la Sarl Berner, établissent que ces missions, d'une semaine chacune, ont été réalisées essentiellement de 2001 à 2004 (formations en février, juin, novembre 2001 - avril, juillet, novembre, décembre 2002 - juillet 2003 - janvier et mars 2004) et ces 10 semaines de formation assurées sur une période de 4 ans ne peuvent sérieusement expliquer la baisse constante et régulière enregistrée par le salarié avant comme après cette période ; que l'argumentation de Monsieur Philippe Y... fondée sur le temps prétendument consacré à la formation de son successeur, Monsieur A..., doit également être écartée dès lors que la Sarl Berner démontre que Monsieur A... a pris ses fonctions le 14 septembre 2009 comme son contrat de travail l'établit, et que sa formation, qui s'est déroulée selon les conditions prévues à l'annexe 1, n'a pu être dispensée par Monsieur Philippe Y... qui a quitté l'entreprise un mois plus tard ; qu'en considération de ces éléments il doit être constaté que Monsieur Philippe Y..., demandeur à l'indemnité de clientèle, est défaillant à démontrer, conformément aux dispositions de l'article L. 7313-13 du code du travail, que son travail personnel a permis l'accroissement en nombre de la clientèle qui lui avait été confiée lors de son engagement, la Sarl Berner, justifiant au contraire d'une diminution significative du nombre de ses clients au jour de la cessation des fonctions de Monsieur Philippe Y... ; que dès lors que le droit au paiement d'une indemnité de clientèle est subordonné à la preuve par le VRP demandeur d'une augmentation cumulativement en nombre et en valeur, cette carence de l'appelant à justifier du premier de ces deux critères rend sans objet l'examen d'une éventuelle augmentation en chiffre d'affaires et permet d'écarter l'application des dispositions de l'article L. 7313-13 du code du travail et de débouter Monsieur Philippe Y... de sa demande à ce titre ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement dont appel de ce chef » ;

ALORS QU' en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; que l'indemnité de clientèle a pour objet la réparation du préjudice que cause au VRP la perte de la clientèle qu'il a apportée, créée ou développée pour le compte de son employeur ; qu'il en résulte qu'elle est due dès lors que le VRP a augmenté la valeur de la clientèle, peu important que le nombre de clients n'ait pas augmenté ; qu'en l'espèce, pour débouter M. Y... de sa demande de paiement d'une indemnité de clientèle, la cour d'appel a pourtant retenu que « le droit au paiement d'une indemnité de clientèle est subordonné à la preuve par le VRP demandeur d'une augmentation cumulativement en nombre et en valeur, cette carence de l'appelant à justifier du premier de ces deux critères rend sans objet l'examen d'une éventuelle augmentation en chiffre d'affaires » (arrêt, p. 11, alinéa 6) ; qu'en statuant ainsi, quand la perte de la clientèle qu'il a augmentée en valeur cause un préjudice au VRP que l'indemnité de clientèle a pour objet de réparer, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit régulier et légitime le licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement prononcé à l'encontre de M. Philippe Y... le 23 juillet 2010 et, en conséquence, de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

AUX MOTIFS QUE : « sur le licenciement de Monsieur Philippe Y... pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé le 23 juillet 2010 : qu'aux termes des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est débiteur, à l'égard de ses salariés, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre toutes les mesures nécessaires, telles que précisées aux termes de ces dispositions, pour assurer la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en application de ces textes, il est constant que le non-respect par l'employeur des règles relatives aux visites médicales obligatoires prévues aux articles R. 4634-11, R. 4624-16 et R. 4624-22 du code du travail, qui concourent à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, constitue un manquement à cette obligation de sécurité de résultat pouvant justifier, dans la mesure où ce manquement a empêché la poursuite du contrat de travail, sa rupture aux torts de l'employeur ; que l'article R. 4624-14 prévoit ainsi l'organisation d'examens médicaux périodiques du salarié devant être organisés au moins tous les deux ans par le médecin du travail, cette périodicité pouvant être supérieure à vingt-quatre mois sur agrément du service de santé au travail ; qu'il importe de relever en premier lieu que les pièces produites par Monsieur Philippe L. n'établissent pas contrairement à ce qu'il soutient, la carence de l'employeur qui n'aurait plus organisé, les visites médicales périodiques le concernant, entre le 24 mai 2002 et l'année 2007 puisque le dossier médical communiqué débute avec l'examen réalisé par le Docteur B... médecin du travail à Pau le 8 septembre 2008 et que le salarié, engagé en janvier 1996, reconnaît avoir bénéficié des examens obligatoires jusqu'au 24 mai 2002 ce qui établit le caractère manifestement incomplet du dossier produit ; qu'il ressort en outre des éléments versés aux débats par la Sarl Berner, que Monsieur Philippe Y... a été vu à trois reprises par le médecin du travail : le 28 février 2007 pour une visite périodique, le 8 septembre 2008 pour une nouvelle visite périodique et le 25 juin 2009 pour une visite de reprise ; qu'or, le dossier médical produit par le salarié ne mentionne pas l'examen du 28 février 2007 qui a été réalisé par un autre médecin du travail, le Docteur C..., sur un autre site de service de la médecine au travail situé à Orthez, ce qui peut expliquer que les éléments historiques du dossier médical ne soient pas intégralement repris ; que par ailleurs, il convient de constater que, même dans l'hypothèse où certaines visites périodiques n'auraient pas été réalisées entre 2002 et 2007 comme le soutient l'appelant, ce dernier a néanmoins, au cours de cette période, normalement poursuivi, et sans aucune protestation, l'exécution de son contrat de travail, cette éventuelle carence de l'employeur n'ayant donc pas été de nature à justifier la cessation de la prestation salariale ; que le dossier médical du salarié qu'il produit révèle en revanche des dépressions nerveuses antérieures avec suivi psychiatrique en lien avec une situation personnelle ; qu'ainsi le 4 mai 2010, lors d'une visite réalisée à la demande du salarié, le médecin du travail note « récidive de dépression nerveuse depuis septembre 2008 - troubles bipolaires type II » ; qu'il précise que Monsieur Philippe Y... suit actuellement une formation agricole pour devenir exploitant et fait état de la lettre du psychiatre jugeant nocive la poursuite de son activité ; qu'il ajoute que le traitement suivi est incompatible avec la conduite et que le salarié indique ne plus vouloir reprendre son travail trop stressant s'épanouissant en outre dans sa nouvelle formation ; que le courrier évoqué par le médecin du travail est celui adressé par le Docteur D..., psychiatre, le 29 avril 2010 qui déclare connaître Monsieur Philippe Y... « depuis plus de 18 mois pour des troubles anxio-dépressifs assez sévères et invalidants qui s'intègrent fort probablement dans un trouble bipolaire de type II » ; que ce spécialiste ajoute avoir « l'impression que son travail .....(mot illisible) ces troubles en augmentant son anxiété » ; que les examens des 25 mai et 7 juin 2010 intervenus à l'issue de la formation suivie par Monsieur Philippe Y... concluent en effet à son inaptitude à la reprise de son poste avec une reconversion professionnelle à envisager et une aptitude à un poste quasi sédentaire et sans stress ; que sur intervention de l'employeur auprès du médecin du travail pour rechercher des solutions les plus adaptées au reclassement du salarié, le docteur B... indiquait (pièces 12 appelant) : - par courrier, daté manifestement par erreur du 4 janvier 2010 car répondant à un courrier de la Sarl Berner du 10 juin 2010, que les « postes de formateur et d'approvisionneur envisagés étant situés dans l'Yonne n'intéresseront probablement pas votre salarié. Mais il le dira encore mieux lui-même en refusant peut-être cette mutation le poste de formateur, comportant des déplacements en voiture sur toute la France et n'étant sûrement pas exempt de stress et de pressions en rapport avec la réalisation d'objectifs, ne répond sûrement pas aux critères médicaux évoqués dans l'avis d'aptitude, le poste d'approvisionneur semblerait possible, sous réserve du problème de localisation » ; - par courrier du 1er juin 2010, en réponse à la demande de l'employeur du 31 mai 2010, « l'état de santé de Monsieur Philippe Y... incite à envisager un reclassement professionnel. C'est du reste dans cette démarche qu'il a demandé et obtenu une formation en CIF. Actuellement les contre-indications à observer pour lui proposer un nouveau poste sont : * pas de conduite automobile supérieure à 50/80 kms par jour, * pas de situation stressante ni pressions habituelles chez les commerciaux. Etes-vous actuellement dans la possibilité d'offrir un poste quasi-sédentaire et sans situations stressantes pour répondre à ces critères. Dans la négative je pense que concrétiser son projet établi lors de cette formation CIF sera le plus logique et vous pourrez, après confirmation de son inaptitude, le licencier pour cause médicale et absence de reclassement possible » ; que c'est dans ces conditions et après refus de Monsieur Philippe Y... d'être reclassé sur un poste d'approvisionneur sédentaire, situé à Saint-Julien-du-Sault, dans le département de l'Yonne, qui lui a été proposé le 28 juin 2010, que la Sarl Berner a prononcé, par courrier recommandé avec avis de réception du 23 juillet suivant, son licenciement pour inaptitude médicale à son poste et impossibilité de reclassement (pièce 8 intimée) ; que les éléments médicaux produits par le salarié démontrent clairement qu'il a connu plusieurs dépressions nerveuses en lien avec sa situation personnelle et qu'il souffre, depuis plusieurs années d'un syndrome anxio-dépressif identifié par son médecin psychiatre comme troubles bipolaires de type II pour lequel il est traité, au moins depuis septembre 2008 par médicaments et suivi psychothérapique, le traitement ayant au moins été poursuivi jusqu'en fin d'année 2012, et donc bien après son licenciement, ainsi qu'en atteste le docteur E... dans le certificat établi le 4 octobre 2012 ; le certificat médical établi le 23 février 2016 par le docteur F..., médecin généraliste, indiquant que Monsieur Philippe Y... n'est pas atteint de troubles bipolaires apparaissant très insuffisant pour écarter non seulement l'existence ancienne de ces troubles mais encore leur persistance constatées par deux médecins spécialistes dans le domaine des troubles psychiatriques ; que ces éléments contredisent suffisamment l'affirmation du salarié selon lesquelles les troubles dont il était affecté trouvaient leur origine dans ses conditions de travail dont il n'est pas non plus démontré qu'elles aient été anormales ou contestables, l'incompatibilité des fonctions exercées par Monsieur Philippe Y... avec son état de santé résultant de la fragilité de cet état de santé et non l'inverse ; qu'il ressort ainsi de ces éléments et de l'analyse conduite supra, que Monsieur Philippe Y... ne démontre pas que son employeur ait commis une faute en relation avec la dégradation de son état de santé et il est au contraire établi que la Sarl Berner a respecté son obligation en recherchant avec le médecin du travail les mesures adaptées à son état de santé ; qu'en conséquence, il convient de déclarer que le licenciement contesté est régulier et légitime et ainsi de débouter Monsieur Philippe Y... des demandes présentées à ce titre » ;

ALORS 1/ QU'il incombe à l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat dont il doit assurer l'effectivité, de justifier qu'il a fait procéder aux visites médicales périodiques du salarié ; qu'en retenant pourtant que « les pièces produites par M. Philippe Y... n'établissent pas, contrairement à ce qu'il soutient, la carence de l'employeur qui n'aurait plus organisé les visites médicales le concernant entre le 24 mai 2002 et l'année 2007 » (arrêt, p. 12, alinéa 3), quand il appartenait à l'employeur de justifier qu'il avait fait procéder aux visites médicales, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article R. 4624-16 du code du travail ;

ALORS 2/ QUE les examens médicaux périodiques auxquels doivent être soumis les salariés concourent à la protection de leur santé et de leur sécurité ; que leur absence cause nécessairement au salarié un préjudice tenant à une dégradation des conditions de travail, peu important qu'elle ne rende pas immédiatement impossible la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel a pourtant retenu en l'espèce que « même dans l'hypothèse où certaines visites périodiques n'auraient pas été réalisées entre 2002 et 2007 comme le soutient l'appelant, ce dernier a néanmoins, au cours de cette période, normalement poursuivi, et sans aucune protestation, l'exécution de son contrat de travail, cette éventuelle carence de l'employeur n'ayant donc pas été de nature à justifier la cessation de la prestation salariale » (arrêt, p. 12, alinéa 5) ; qu'en statuant ainsi par un motif impropre à écarter l'imputation de la détérioration de l'état de santé de M. Y... à l'absence de visite médicale régulière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 4624-16 du code du travail ;

ALORS ET EN TOUT ETATE DE CAUSE 3/ QUE lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un emploi approprié à ses capacités ; que la recherche de reclassement doit s'effectuer à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur parmi toutes les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'une seule proposition de reclassement avait été adressée à M. Y..., à savoir un « poste d'approvisionneur sédentaire, situé à [...] , dans le département de l'Yonne » (arrêt, p. 13, alinéa 2) ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement rechercher si la société Berner était membre d'un groupe et, dans l'affirmative, si elle avait tenté de reclasser M. Y... parmi toutes les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-26724
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 29 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2018, pourvoi n°16-26724


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26724
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