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28/03/2018 | FRANCE | N°16-25911

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2018, 16-25911


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme D... , engagée le 21 mai 2007 par la société Blanchisserie des 3 régions, occupant plus de onze salariés, en qualité de repasseuse manutentionnaire, a été licenciée pour faute grave par lettre du 22 janvier 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articl

es L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

Atten...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme D... , engagée le 21 mai 2007 par la société Blanchisserie des 3 régions, occupant plus de onze salariés, en qualité de repasseuse manutentionnaire, a été licenciée pour faute grave par lettre du 22 janvier 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'après avoir déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée comptant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, l'arrêt condamne l'employeur à payer à l'intéressée, outre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour irrégularité de la procédure ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité accordée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Blanchisserie des trois régions à payer à Mme D... épouse Y... la somme de 1 563,96 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 15 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute Mme D... de sa demande en paiement de la somme de 1 563,93 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Condamne Mme D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Blanchisserie des 3 régions

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Madame Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société Blanchisserie des 3 Régions à payer à la salariée les sommes de 3 127,56 € et de 312,78 € à titre d'indemnités de préavis et de congés payés y afférents, de 1 824,59 € à titre d'indemnité de licenciement, de 852,62 € et de 85,26 € à titre de rappels de salaires pour la période de la mise à pied conservatoire et de congés payés y afférents, de 12 000 € titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, d'avoir ordonné à la société la remise, sous astreinte, à Madame Y... des documents de travail conformes à son arrêt (bulletins de paie, attestations Pôle Emploi, certificat de travail), d'avoir fixé à quatre mois le montant des indemnités versées à Madame Y... que la société devrait rembourser aux organismes concernés en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail et d'avoir condamné la société aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QU'en droit, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'un importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, quand bien même ce dernier est en arrêt de travail pour maladie ; que l'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute grave, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixes les limites du litige ; que la lettre de licenciement du 22 janvier 2013 est rédigée comme suit : «
Madame, je vous ai convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement, entretien au cours duquel au lieu d'avoir des explications, j'ai dû encore une fois essuyer vos débordements, n'hésitant pas à me traiter de « lâche ». Vous comprendrez que dans ces conditions, je ne puis vous garder dans mes effectifs même pendant la durée d'un préavis. Les motifs qui m'amènent aujourd'hui à prononcer votre licenciement tiennent au fait qu'aucune remarque sur votre travail ne peut vous être faite par votre supérieure sans que cela provoque chez vous des débordements verbaux inacceptables dans l'entreprise, que ce soit avec mon épouse ou une collègue de travail que vous n'hésitez pas à menacer ou à faire menacer par votre conjoint. Cette attitude d'agressivité est parfaitement confirmée par votre attitude à la suite de l'avertissement que je vous ai délivré. Vous êtes arrivée à l'entreprise en vociférant, le brandissant et lorsque je vous ai convoquée dans mon bureau pour vous entendre sur ce que vous aviez à dire, vous m'avez confirmé que vous n'acceptiez pas les ordres de Madame A... et vous êtes à nouveau partie en « vrille ». Voyant cela, je vous ai demandé à plusieurs reprises de regagner votre poste, ce que vous avez refusé. Je vous ai alors dit de rentrer chez vous et vous ai remis une mise à pied, ce que vous avez refusé de nouveau, tout en faisant un nouveau scandale dans l'entreprise. J'ai dû faire venir les gendarmes pour vous faire partir, ce qui démontre là encore votre refus de l'autorité hiérarchique dans l'entreprise. Compte tenu de votre comportement dégradé, continu et sans espoir de retour, je me vois donc contraint de vous licencier pour faute grave privative de toutes indemnités. La rupture de votre contrat interviendra à l'envoi de ce courrier. Vous disposez de 113h47 heures de DIF à utiliser en liaison avec le Pôle emploi. Nous faisons établir votre solde de tout compte et documents sociaux qui vous seront adressés séparément. Veuillez agréer l'expression de nos sentiments distingués. Le Gérant Maurice B... » ; que par courrier daté du 28 janvier 2013, Madame Y... a contesté les termes de la lettre de licenciement ainsi : « Objet : réclamation d'attestation de salaire par la CPAM, courrier en recommandé avec accusé de réception. Monsieur, je soussignée, Madame Y... , avoir bien reçu la lettre de licenciement qui ne sont pas des faits réels, mais « INVENTES ». Cependant, la caisse primaire d'assurance maladie me réclame l'attestation de salaire. Merci de bien vouloir adresser l'attestation à la caisse primaire d'assurance maladie. Je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations distinguées » ; que la SARL Blanchisserie des 3 Régions sur laquelle repose la preuve des faits qui fondent le licenciement pour faute grave de Madame Y... ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations à l'exception de décisions rendues par des cours d'appel ou de la Cour de cassation donnant la définition et des exemples de faute grave commises par un salarié ; que le conseil de prud'hommes a repris ces définitions et a considéré à tort que les seules allégations de l'employeur étaient de nature à caractériser les fautes retenues d'injures, débordement verbal, insubordination, comportement dégradé ; que précédemment, le 30 décembre 2012, Madame Y... s'est vue notifier, par courrier recommandé, un avertissement rédigé en ces termes : «
Motifs : comportement et propos. Madame, le jeudi 27 décembre à 17h30, je vous ai convoquée pour un entretien au cours duquel je vous ai signifié verbalement l'importance de la bonne cohésion du personnel au sein de la blanchisserie, notamment lors de mon absence pour déplacement commercial. Je vous ai, par la même occasion, demandé de garder le contrôle verbal de vos propos concernant votre hiérarchie et d'appliquer les consignes données ainsi que de tout mettre en oeuvre pour la bonne exécution des diverses tâches qui vous sont confiées. Au terme de cet entretien cordial, il me semblait qu'il était possible de repartir sur de bonnes bases, c'est ce que vous m'avez assuré. Vendredi 28 décembre, suite à une consigne concernant le pliage faite par Madame A... qui occupe le poste de Responsable de production, vous vous êtes emportée, mon épouse assistante de direction a été obligée de vous demander de vous calmer et surtout de modérer vos propos. Preuve est de constater que profitant de mon absence sur site et malgré la discussion que nous avions eu la veille, vous refusez toute consigne de votre hiérarchie. Je ne tolèrerai plus ce genre d'écart de comportement. Concernant les heures supplémentaires que vous effectuez, vous m'avez demandé d'y mettre un terme, je suis d'accord, mais je vous demande de me signifier votre demande par écrit avec AR. Je vous prie d'agréer, Madame, mes salutations les meilleurs ». Le gérant, Maurice B... » ; que le 4 janvier 2013, Madame Y... a été reçue à sa demande à un entretien avec sa direction ; que par deux courriers du même jour, le gérant a notifié à Madame Y... sa mise à pied à titre conservatoire jusqu'à l'issue de la procédure engagée ce jour, ainsi que sa convocation à l'entretien préalable au licenciement ; que par courrier également daté du 4 janvier 2013, Madame Y... a écrit à son employeur dans les termes suivants : «
Objet : mise à pied conservatoire/avertissement. Courrier en recommandé avec accusé de réception. Monsieur, suite au courrier que vous m'avez remis en main propre et en présence des forces de gendarmerie, concernant une mise à pied conservatoire, je viens par la présente contester votre décision et vous demander de bien vouloir notifier clairement de combien celle-ci fait l'objet de jours retenus car en effet sur ce courrier rien n'est stipulé, pas plus que le motif. Suite aussi au courrier d'avertissement reçu par courrier recommandé du 30/12/2012, je conteste également le bien fondé du motif. Si effectivement j'ai eu un échange verbal avec ma collègue, votre épouse n'étant pas témoin de l'échange, elle n'avait pas à me rudoyer devant toutes les collègues sans avoir au préalable pris connaissance du litige nous opposant. Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir me répondre par retour de courrier et de me donner les renseignements demandés sur la durée de la mise à pied conservatoire et les motifs réels d'une procédure que vous semble-t-il vous allez engager. Restant à votre disposition, je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations distinguées. Signature manuscrite » ; que l'entretien préalable s'est tenu le 16 janvier 2013 en présence de Monsieur Franck G...  , conseiller du salarié ; que ce dernier a dressé un procès-verbal d'entretien rédigé ainsi : «
Mr Maurice B... : Vous arrivez dans mon bureau avec votre avertissement que je vous ai envoyé par courrier recommandé en me demandant des explications à ce sujet, je vous ai répondu que je n'ai rien à vous dire à ce sujet et je vous ai demandé de prendre votre travail à deux reprises. Suite à ça, vous me rétorquez que vous n'avez pas de réponse et devant votre insistance, je vous ai notifié votre mise à pied conservatoire immédiate (courrier remis en main propre). Malgré tout, vous continuez à me poser des questions, que vous ne compreniez pas et devant votre insistance, je finis par recourir à la force publique pour vous faire sortir de l'entreprise. Pour moi, l'entretien est clos. Conseiller du salarié : Vous souhaitez dire quelque chose Madame Y... ? Madame Y... : Je n'ai toujours pas compris le pourquoi de cet avertissement, de plus Monsieur, sachez que j'ai été très choquée de me faire sortir comme une délinquante par les gendarmes, les gendarmes sont revenus me voir sur le parking de l'entreprise pour me demander une nouvelle fois de sortir, j'étais à ce moment assise dans ma voiture pour reprendre mes esprits avant de partir, sous l'insistance des gendarmes, j'ai pris la route au risque de ma propres sécurité vu l'état dans lequel je me trouvais. Je ne vous ai jamais agressé ni manqué de respect et vous ne m'avez pas laissé le temps de vous demander des explications suite à mon avertissement ». Monsieur Maurice B... : En ce qui concerne la venue des gendarmes, je les ai fait venir à votre demande. Madame Y... : Je ne vous ai jamais demandé de faire venir les gendarmes. De plus, vous arrivez près de ma voiture pour me dire « sortez, je suis chez moi et arrêter de vous foutre de la gueule ». Monsieur Maurice B... : Pour moi, c'est une affaire close » ; que ce procès-verbal porte la signature de son rédacteur, conseiller du salarié ; qu'il n'est pas fait état de propos injurieux de part, ni d'autre, et notamment pas de l'emploi par Madame Y... à l'égard de son employeur de « lâche » ; que force est de constater que la SARL Blanchisserie des 3 Régions ne produit aucune attestation ou élément de preuve permettant d'accréditer la thèse selon laquelle Madame Y... a fait preuve de propos injurieux à l'égard de son employeur, d'insubordination et plus généralement d'un comportement agressif avec débordements verbaux ; qu'ainsi qu'il a été relevé par Madame Y..., la mise à pied n'est ni motivée ni limitée dans le temps ; que par ailleurs, les faits visés dans l'avertissement du 30 décembre 2012 relatif à l'altercation verbale avec une collègue, reconnue par Madame Y..., ne peuvent être allégués à nouveau à l'appui du licenciement ; que l'altercation des gendarmes pour expulser Madame Y... de l'entreprise, si elle n'est pas contestée par les parties, n'est pas accompagnée d'un procès-verbal d'intervention qui permettrait d'en connaître l'origine et d'en apprécier l'opportunité et la pertinence ; qu'il résulte des bulletins de paye de Madame Y... qu'elle effectuait des heures supplémentaires et percevait une prime d'assiduité ; qu'il n'est pas justifié, avant le 30 décembre 2012, d'aucune sanction disciplinaire durant cinq années et demi d'embauche ; qu'il s'ensuit que le licenciement de Madame Y... ne repose sur aucun élément précis mais sur des termes généraux qui ne permettent aucun contrôle de leur véracité ni de leur gravité ;qu'il est donc dépourvu de cause ; que sur les conséquences du licenciement, Madame Y... produit aux débats l'intégralité de ses fiches de salaire depuis son embauche le 21 mai 2007 ; qu'au 31 décembre 2012, le cumul brut annuel s'établissait à 18 767,17 €, soit 1 563,93 € par mois ; que sur l'indemnité de préavis, Madame Y... est fondée dans sa demande du versement de la somme de 3 127,86 € au titre du préavis, outre la somme de 312,78 € au titre des congés payés afférents ; que sur l'indemnité légale de licenciement, Madame Y... a été employée par la SARL Blanchisserie des 3 Régions du 21 mai 2007 au 22 mars 2013 (préavis inclus) ; qu'elle dispose par conséquence d'une ancienneté de 5 ans et 10 mois ; qu'en application de l'article R 1234-2 et de la Convention collective de la blanchisserie, elle peut prétendre au paiement de la somme de 1 824,59 € ; que sur les rappels de salaire, Madame Y... est fondée à revendiquer la retenue sur salaire imputée sur son bulletin de paye du mois de janvier 2013 au titre de la mise à pied infondée, à savoir la somme de 852,62 € outre les congés payés afférents, soit la somme de 85,26 € (
) ; que sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame Y... démontre par les pièces produites aux débats l'incidence sur son état de santé de son licenciement brutal et de son expulsion de l'entreprise le 4 janvier 2013 où elle travaillait depuis plus de cinq ans, en présence de ses collègues et par les gendarmes suivi de sa mise à pied immédiate et donc, de la privation de son salaire ; que le même jour, le 4 janvier 2013, Madame Y... a consulté le docteur C... E... , médecin à Dreux, lequel certifie qu'elle lui a déclaré avoir été sortie de force par les gendarmes de son lieu de travail, sur demande de son employeur ; que ce praticien a constaté que suite à cet incident, Mademoiselle D... présente un état de choc psychologique nécessitant un arrêt de travail ainsi qu'un traitement médical ; que le médecin a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 18 janvier 2013 ; qu'il a été prolongé de quinze jours pour syndrome dépressif ; que Madame Y... a été dirigée par un spécialiste ;que le 12 janvier 2013, Madame F..., psychologue clinicienne, a établi une attestation mentionnant notamment « un syndrome dépressif associé à des crises d'angoisse et un stress omniprésent » suite à l'altercation avec son employeur ; que Madame Y... s'est trouvée en recherche d'emploi et a été prise en charge par le Pôle emploi jusqu'au 9 mars 2015 ; qu'elle a perçu les allocations d'aide au retour à l'emploi du 2 mars 2013 au 20 février 2015 ; que les circonstances de ce licenciement particulièrement vexatoire et le préjudice financier qui en découle justifient l'octroi d'une indemnité à la charge de l'employeur à hauteur de la somme de 12 000 € ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement; qu'en s'abstenant d'examiner le grief expressément énoncé dans la lettre de licenciement et tiré des menaces faites par Madame Y..., par l'entremise de son mari, à l'égard de sa supérieure hiérarchique, la Cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART et subsidiairement, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir le caractère injustifié du licenciement de Madame Y..., que « la SARL Blanchisserie des 3 Régions ne produit aucune attestation ou élément de preuve permettant d'accréditer sa thèse selon laquelle Madame Y... a fait preuve de propos injurieux à l'égard de son employeur, d'insubordination et plus généralement d'un comportement agressif avec débordements verbaux », sans cependant examiner les deux attestations de Madame A... datées des 2 janvier 2013 (pièce n°2 versée aux débats) et du 12 septembre suivant (pièce n°8 versée aux débats), lesquelles établissaient pourtant la réalité du grief expressément énoncé au sein de la lettre de licenciement et tiré du comportement menaçant adopté par Madame Y... et son mari à l'encontre de la supérieure hiérarchique de celle-ci, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENSUITE, QUE constitue une faute tout manquement volontaire du salarié à la discipline de l'entreprise et aux obligations découlant de sa relation de travail ; qu'en affirmant, pour rejeter le caractère fautif du refus de Madame Y... d'exécuter la mise à pied conservatoire notifiée par son employeur le 4 janvier 2013, que « l'intervention des gendarmes pour expulser Madame Y... de l'entreprise, si elle n'est pas contestée par les parties, n'est pas accompagnée d'un procès-verbal d'intervention qui permettrait d'en connaître l'origine et d'en apprécier l'opportunité et la pertinence » quand il n'était pas contesté par les parties que l'intervention de la gendarmerie dans l'enceinte de l'entreprise était consécutive au refus de la salariée d'exécuter la mise à pied conservatoire qui venait de lui être notifiée, la Cour d'appel a statué par motif inopérant, privant en conséquence sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN et subsidiairement, QU'après avoir rappelé que « son employeur va lui demander de reprendre son poste et, celle-ci le refusant, il va lui remettre en main propre, le 4 janvier 2013, une lettre la mettant à pied à titre conservatoire jusqu'à l'issue de la procédure « que nous engageons ce jour » en lui demandant de rentrer chez elle », l'exposante avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que « Madame Y... va refuser, démontrant qu'elle n'entendait faire que ce qu'elle voulait, au point que pour mettre un terme à ce scandale dans l'entreprise et le danger de dégénérescence, l'employeur sera contraint de demander à la Gendarmerie d'intervenir afin que le choses ne dérapent pas et que Madame Y... quitte l'entreprise » (page 3) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que le refus de la salariée d'exécuter la mise à pied conservatoire notifiée par l'employeur revêtait un caractère fautif, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Blanchisserie des 3 Régions à verser à Madame Y... la somme de 1 563,96 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande au titre du non-respect de la procédure, Madame Y... soutient que l'entretien préalable à son licenciement s'est tenu débout devant le bureau du gérant et a duré quatre minutes, de sorte que les griefs invoqués n'ont pu lui être expliqués et qu'elle n'a pu faire valoir ses explications conformément aux modalités prévues par l'article L. 1232-3 du Code du travail ; que l'employeur conteste cette allégation et indique que le procès-verbal rédigé par le conseiller salarié démontre qu'il a été satisfait aux obligations légales ; que la Cour constate que le procès-verbal énoncé porte l'indication suivante : « Début de l'entretien 8h30, fin de l'entretien 8h34 » ; que ce laps de temps ne permet pas une discussion véritable entre l'employeur et la salariée leur permettant pour l'un d'énoncer les griefs invoqués à l'appui d'une faute grave de façon exhaustive, et pour la salariée d'y répondre ; que d'ailleurs, les termes mêmes de ce compte-rendu qui ne sont pas contestés par les parties révèlent qu'il n'y a eu aucune discussion ; que d'ailleurs, l'employeur a réitéré ses précédents propos dans le cadre de l'avertissement selon lequel « il n'avait rien à vous dire » ; que ce manquement caractérisé à la vocation de l'entretien préalable justifie la condamnation de la SARL Blanchisserie des 3 Régions à payer à Madame Y... la somme de 1 563,96 € correspondant à un mois de salaire à titre d'indemnité ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article L. 1232-3 du Code du travail qu'« au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié » ; qu'en justifiant la condamnation de la société à verser à Madame Y... une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement par l'absence de « discussion véritable entre l'employeur et la salariée », laquelle résulterait non seulement du « laps de temps » de 4 minutes entre le début et la fin de l'entretien, mais aussi du fait que « l'employeur a réitéré ses précédents propos dans le cadre de l'avertissement selon lequel « il n'avait rien à vous dire », quand il ressortait expressément du compte-rendu de l'entretien préalable, établi par le conseiller du salarié, que l'employeur avait indiqué à Madame Y... les motifs du licenciement envisagé et recueilli les explications de celle-ci, la Cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, violant ainsi les dispositions de l'article susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART et subsidiairement QUE l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité accordée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque le salarié compte plus de deux années d'ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés ; qu'en condamnant la société Blanchisserie des 3 Régions à verser à Madame Y..., outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour irrégularité de la procédure, quand elle avait constaté que « l'entreprise emploie plus 11 salariés » et que la salariée bénéficiait d'une ancienneté de « cinq années et demi », la Cour d'appel a violé les articles L1235-2 et L1235-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-25911
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2018, pourvoi n°16-25911


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25911
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