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28/03/2018 | FRANCE | N°16-20020

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2018, 16-20020


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2016), que Mme D..., engagée par la société Reder (la société) en qualité d'assistante de clientèle, à compter du 1er janvier 2010, a été promue superviseur junior le 29 juin 2011 ; que, le 25 mars 2013, la société lui a notifié un avertissement au motif d'un comportement incompatible au vu de ses obligations en tant que superviseur le 2 mars 2013 ; qu'ayant contesté cet avertissement, la salariée a, le 4 avril 2013, fait l'objet

d'une convocation à un entretien préalable, assortie d'une mise à pied a titr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2016), que Mme D..., engagée par la société Reder (la société) en qualité d'assistante de clientèle, à compter du 1er janvier 2010, a été promue superviseur junior le 29 juin 2011 ; que, le 25 mars 2013, la société lui a notifié un avertissement au motif d'un comportement incompatible au vu de ses obligations en tant que superviseur le 2 mars 2013 ; qu'ayant contesté cet avertissement, la salariée a, le 4 avril 2013, fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable, assortie d'une mise à pied a titre conservatoire, au motif que le visionnage des caméras de surveillance avait montré qu'elle avait eu d'autres comportements inappropriés au cours de la journée du 2 mars 2013 ; que le comité d'entreprise, consulté sur le projet de licenciement de la salariée en raison de sa qualité de membre du CHSCT, n'a pas émis d'avis, étant en partage de voix, et que la société a, le 25 avril 2013, notifié à la salariée sa mutation disciplinaire n'entraînant pas de modification du contrat de travail ; que la salariée a été placée en arrêt maladie le 27 avril 2013 et a, le 24 mai suivant, refusé cette mutation et demandé à être maintenue dans ses fonctions ; qu'après avoir, le 16 juillet 2013, saisi la juridiction prud'homale de demandes d'annulation de l'avertissement et de la mutation disciplinaire et de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour harcèlement moral et modification de son contrat de travail non justifiée, sans son accord malgré sa qualité de salariée protégée, elle a, le 18 septembre 2014, notifié à l'employeur une prise d'acte de la rupture de son contrat ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la salariée a subi un harcèlement moral et que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul et, en conséquence, de la condamner à lui payer des sommes à ce titre et en réparation du préjudice moral spécifique résultant du harcèlement moral, alors, selon le moyen :

1°/ que ne peuvent constituer un harcèlement moral que des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que ne peut être assimilée à des actes répétés de harcèlement moral la mise en oeuvre, sur une très courte période (un mois) en quatre années de collaboration, de deux sanctions disciplinaires jugées disproportionnée, pour l'une, non justifiée, pour l'autre, mais dont il n'est pas contesté que la mise en oeuvre a été suspendue, ainsi que la remise en main propre devant les collègues d'une mise à pied conservatoire, à propos de faits partiellement reconnus par la salariée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le harcèlement moral prétendument subi par la salariée constituait un manquement de l'employeur à ses obligations faisant produire à la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail les effets d'un licenciement nul ; qu'ainsi, il existe un lien de dépendance nécessaire entre les motifs de l'arrêt concernant le harcèlement moral et ceux concernant les effets de la prise d'acte, de telle sorte que la cassation à intervenir sur la première branche du moyen emportera, par application des dispositions des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la censure par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant dit que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement nul ;

3°/ que la prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée devait produire les effets d'un licenciement nul, les seuls « manquements de l'employeur », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de manquement grave ou de manquement faisant obstacle à la poursuite du contrat, a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1237-2 du code du travail ;

4°/ que la prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant en substance que le seul prononcé de deux sanctions disciplinaires jugées avérées mais disproportionnée pour l'une, injustifiée pour l'autre mais non mise en oeuvre, ainsi que la remise en main propre devant les collègues d'une mise à pied conservatoire, faits qui se sont déroulés sur une période d'un mois sur quatre années de collaboration justifiait que la salariée prenne acte de la rupture de son contrat de travail le 18 septembre 2014, soit un an et demi plus tard, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1237-2 du code du travail ;

Mais attendu que le moyen ne tend, en sa première branche, qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Et attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve fournis par les parties, le caractère disproportionné de l'avertissement du 25 mars 2013, la nullité de la mise à pied conservatoire du 8 avril 2013 et qu'il résultait des circonstances de la rétrogradation disciplinaire prononcée le 25 avril 2013 à l'encontre de la salariée une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et que la salariée avait subi un harcèlement moral, la cour d'appel a fait ressortir que l'employeur avait commis des manquements qui rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'elle a pu en déduire que la prise d'acte, faite en cours de procédure après une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, était justifiée et produisait les effets d'un licenciement nul ;

D'où il suit que le moyen, sans objet en sa deuxième branche tirée d'une cassation par voie de conséquence, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Reder aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Reder et la condamne à payer à Mme D... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Reder

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que Madame D...           avait subi un harcèlement moral, d'AVOIR fondé la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme Anne Sophie D...          , d'AVOIR dit que la prise d'acte par Madame D...           de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société REDER à payer à la salariée les sommes de 15.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, 1.812,96 € de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, 4.264 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 426 € au titre des congés afférents, 3.198 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, 10.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral spécifique résultant du harcèlement moral, ainsi que 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission ; que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, ne fixe pas les limites du litige ; dès lors le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ; qu'en droit, lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, lorsque les faits invoqués et établis par le salarié présentent une gravité telle qu'elle est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire d'une démission ; que lorsqu'elle est justifiée, la prise d'acte ouvre droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours ; que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, alors qu'il n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ; que toutefois, dès lors que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail après avoir sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la juridiction saisie n'a plus à statuer sur le bien fondé de la demande de résiliation ; que l'employeur qui, ayant connaissance d'un ensemble de faits commis par le salarié, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner le autres faits, antérieurs à la première sanction, la notification d'une mesure disciplinaire ayant pour effet d'épuiser son pouvoir disciplinaire concernant l'ensemble des faits, même distincts, imputés au salarié pendant la période antérieure ; qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, il est établi que les manquements imputés par Mme D...           à son employeur à l'appui tant de sa demande de résiliation judiciaire que de sa prise d'acte, concernent le caractère injustifié des sanctions qui lui ont été notifiées, la modification unilatérale de son contrat de travail imposée par la société REDER alors qu'elle avait la qualité de salariée protégée et le harcèlement moral dont elle aurait été victime ; qu'en ce qui concerne les sanctions prononcées à son encontre, la salariée invoque d'une part le caractère injustifié de l'avertissement prononcé en raison de la faible importance du fait litigieux et de l'absence de perturbation qui en aurait résulté et d'autre part de l'irrégularité de la mutation disciplinaire prononcée tant à raison de la violation du principe non bis in idem, que de l'illicéité des moyens de surveillance mis en oeuvre par son employeur et de la violation de son statut protecteur ; que l'avertissement prononcé à l'encontre de Mme D...           est motivé de la manière suivante : « Nous avons eu à regretter un comportement inapproprié à vos fonctions de « Superviseur Junior » lors de la journée du 2 mars 2013, journée pendant laquelle vous aviez la responsabilité de 17 personnes sur le plateau. Vous avez mimé un « défilé de mode » avec une couronne sur la tête en dansant et ce dans l'après-midi. Madame B... Myriam, votre responsable, vous a convoquée le 11 mars 2013 pour vous demander des explications. Vous avez reconnu les faits et vous vous êtes justifiée en reconnaissant que vous aviez eu cette attitude parce que l'activité était calme. Ces faits constituent un accomplissement défectueux de la tâche prévue dans votre contrat de travail, et nous amènent donc à vous notifier ici un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel. Si de tels incidents se renouvelaient, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave
» ; qu'en l'espèce, il est établi que dans l'après-midi du 2 mars 2011, Mme D...           qui exerçait des fonctions de superviseur junior, à l'occasion de la pause qu'elle prenait sans pour autant quitter le plateau où travaillaient l'ensemble des opérateurs placés sous sa responsabilité, a, répondant à un compliment d'un salarié sur ses qualités d'encadrant, coiffé une couronne provenant de la galette des rois organisée dans l'entreprise et opéré une révérence ; que s'il est loisible à un employeur, selon la conception qu'il peut avoir de l'encadrement, de rappeler à l'ordre un superviseur dont il trouve que la familiarité du comportement à l'égard des salariés placés sous son contrôle, est de nature à affecter son autorité, l'avertissement prononcé dans de telles conditions dont il ressort que les faits litigieux qui n'ont pas été directement constatés par sa hiérarchie mais rapportés de manière déformée, le défilé de mode évoqué relevant manifestement d'une interprétation subjective, apparaît disproportionné à l'égard d'une jeune salariée exempte d'antécédents disciplinaires dont les promotions successives et rapprochées démontrent une parfaite adaptation à son emploi, le relâchement reproché s'inscrivant de surcroît dans la continuité d'un moment festif organisé au sein de l'entreprise ; que par ailleurs, la mise à pied conservatoire notifiée à Mme D...           le 8 avril 2013 est ainsi rédigée : « Nous avons été amenés à prendre connaissance des images vidéo de la journée et ce suite à votre contestation du 28 mars 2013. Les images, que nous avons visualisées, sont en effet très différentes d'une simple danse qui vous avait été reprochée et encore plus loin d'une révérence que vous indiquez sur votre courrier. Vous avez une tenue très indécente, aguicheuse, et incorrecte et ce devant des collaborateurs masculins. Ce comportement est inadmissible, notamment par rapport à votre rôle de Superviseur. C'est pourquoi nous notifions par la présente, une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat. Votre présence dans l'entreprise n'est pas autorisée car vous perturbez de façon importante son fonctionnement. Nous vous demandons de ne plus vous représenter à votre travail jusqu'à nouvel ordre
» ; qu'en outre, la mutation disciplinaire notifiée à Mme D...           le 25 avril 2013 est motivée de la manière suivante : « Vous avez été amenée successivement pendant la journée du 2 mars 2013, date où vous supervisiez seule le plateau du centre relation clients du site de Créteil, à porter une couronne sur votre tête et faire des révérences, à porter un collant sur la tête en étant accroupie en riant auprès de personnes que vous encadrez, à coiffer une personne de votre groupe » ; qu'il résulte de la notification de la mise à pied sus-visée que l'employeur reconnaît avoir à la suite de la contestation par la salariée de son avertissement, visionné les enregistrements des caméras de surveillance pour constater des comportements dont il n'avait pas encore connaissance lors du prononcé de l'avertissement initial ; que dans ces circonstances, non seulement la reprise par l'employeur de l'épisode relatif à la couronne sans indiquer comme il en avait la possibilité, qu'il avait déjà fait l'objet d'un avertissement, constitue une violation du principe non bis in idem, mais il est également avéré ainsi que cela résulte du procès verbal d'huissier, que les images retenues à faute à l'encontre de Mme D...           proviennent des caméras 5 et 6 pour lesquelles il n'est justifié d'aucune déclaration à la Cnil, étant de surcroît relevé que les deux seules caméras déclarées l'ont été à des fins de sécurité étrangères à la surveillance du personnel et qu'il n'est justifié d'aucune information individuelle des salariés, le panneau d'information invoqué, dont la localisation est incertaine, étant à cet égard particulièrement sommaire et non conforme aux exigences légales ; que la sanction prononcée dans de telles conditions à l'égard de Mme D...           est nulle et de nul effet ; que ceci étant, la décision prise par l'employeur de procéder à la mutation disciplinaire de Mme D...           sans son accord, sur un poste où elle se trouvait placée sous la subordination d'une employée, alors qu'elle occupait des fonctions d'agent de maîtrise, est de surcroît intervenue en violation du statut protecteur de l'intéressée membre du CHSCT, peu important qu'elle ne soit pas entrée en vigueur du fait du placement de la salariée en arrêt maladie et que l'employeur ait pu assortir la décision de précision concernant la conservation de son statut et de sa rémunération ; qu'au surplus, les circonstances de la rétrogradation disciplinaire prononcée à l'encontre d'une salariée qui avait antérieurement bénéficié d'une succession de promotions, à la suite de la notification d'un avertissement pour des faits dont il n'est pas démontré qu'ils aient pu effectivement affecter le fonctionnement du plateau de télé-opérateurs dont Mme D...           avait la responsabilité et de la remise en mains propres devant ces mêmes agents de la mise à pied conservatoire, en ce qu'elles procèdent d'un management volontairement humiliant, et excèdent les limites du pouvoir de direction de l'employeur, ont eux seuls eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et ont contribué à altérer sa santé physique ou mentale ainsi que cela résulte des pièces produites aux débats en particulier du rapport d'expertise psychiatrique du Docteur C... mais également de compromettre son avenir professionnel, et permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme D...           ; que la société REDER qui se contente d'estimer justifiées les sanctions prononcées à l'encontre de la salariée et d'affirmer que son affectation au service courrier sous la responsabilité d'une employée ne constituait pas une rétrogradation et que la dégradation de son état de santé est davantage liée à sa vie privée, ne justifie pas son attitude à l'égard de l'intéressée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, alors que face au refus de la salariée d'occuper le poste où il l'avait mutée, il lui appartenait de solliciter l'autorisation de procéder à son licenciement ou de donner suite à la demande de rupture conventionnelle formulée par la salariée dans un tel contexte ; que compte tenu des manquements de l'employeur à l'égard de Mme D...           à une période où elle bénéficiait de la protection de son statut de membre du CHSCT, il y a lieu de dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme D...          produira les effets d'un licenciement nul ; que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 3 ans et 4 mois pour une salariée âgée de 26 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, en particulier la dégradation de son état de santé et le fait qu'elle ne soit pas parvenue à retrouver un emploi avec un niveau de rémunération équivalent ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué une somme de 15.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que le licenciement étant nul, le salarié peut prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents tel qu'il est dit au dispositif, sur la base d'une moyenne de salaire de 2.132 € calculée sur les douze derniers mois et non de 1.985,62 € correspondant aux derniers bulletins de salaire ; qu'en ce qui concerne le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi que le souligne l'employeur, la salariée n'est pas fondée à réclamer les congés correspondant aux périodes où elle était en arrêt de travail, de sorte qu'il y a lieu de limiter à 1.812,96 € l'indemnité correspondant au solde de 24 jours de congés non pris ; qu'indépendamment des conséquences de la rupture précédemment indemnisées, s'agissant en particulier de son incidence sur les capacités de Mme D...           à retrouver un emploi, les faits de harcèlement dont elle a été l'objet et en particulier les circonstances de notification de la mise à pied et des termes connotés utilisés évoquant une conduite indécente et une attitude aguicheuse à l'encontre des collaborateurs masculins, qui ont manifestement affecté l'allant dont cet agent de maîtrise faisait preuve, tant sur le plan professionnel que sur le plan privé, est à l'origine d'un préjudice distinct qu'il convient d'indemniser à hauteur de 10.000 € » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE ne peuvent constituer un harcèlement moral que des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que ne peut être assimilée à des actes répétés de harcèlement moral la mise en oeuvre, sur une très courte période (1 mois) en quatre années de collaboration, de deux sanctions disciplinaires jugées disproportionnée, pour l'une, non justifiée, pour l'autre, mais dont il n'est pas contesté que la mise en oeuvre a été suspendue, ainsi que la remise en main propre devant les collègues d'une mise à pied conservatoire, à propos de faits partiellement reconnus par la salariée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QU' il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le harcèlement moral prétendument subi par Madame D...           constituait un manquement de l'employeur à ses obligations faisant produire à la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail les effets d'un licenciement nul ; qu'ainsi, il existe un lien de dépendance nécessaire entre les motifs de l'arrêt concernant le harcèlement moral et ceux concernant les effets de la prise d'acte, de telle sorte que la cassation à intervenir sur la première branche du moyen emportera, par application des dispositions des articles 624 et 625 du Code de procédure civile, la censure par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant dit que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement nul ;

ALORS, DE TROISIEME PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Madame D...           devait produire les effets d'un licenciement nul, les seuls « manquements de l'employeur », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de manquement grave ou de manquement faisant obstacle à la poursuite du contrat, a violé les articles L.1231-1, L.1232-1, L.1235-1 et L.1237-2 du code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant en substance que le seul prononcé de deux sanctions disciplinaires jugées avérée mais disproportionnée pour l'une, injustifiée pour l'autre mais non mise en oeuvre, ainsi que la remise en main propre devant les collègues d'une mise à pied conservatoire, faits qui se sont déroulés sur une période d'un mois sur quatre années de collaboration justifiait que Madame D...           prenne acte de la rupture de son contrat de travail le 18 septembre 2014, soit un an et demi plus tard, la cour d'appel a violé les articles L.1231-1, L.1232-1, L.1235-1 et L.1237-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-20020
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2018, pourvoi n°16-20020


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20020
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