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22/03/2018 | FRANCE | N°17-14500

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 mars 2018, 17-14500


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soupçonnant les magasins Cora de réutiliser leur propre logistique en fraude à ses droits, la société Chep France a saisi le président d'un tribunal de grande instance à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la requête de la société Chep France ayant été accueillie, la société Cora a saisi un juge des référés pour obtenir la rétractation de l'ordonnan

ce et l'annulation des mesures accomplies par l'huissier de justice ;

Sur le...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soupçonnant les magasins Cora de réutiliser leur propre logistique en fraude à ses droits, la société Chep France a saisi le président d'un tribunal de grande instance à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la requête de la société Chep France ayant été accueillie, la société Cora a saisi un juge des référés pour obtenir la rétractation de l'ordonnance et l'annulation des mesures accomplies par l'huissier de justice ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Cora fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande visant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de sommation établi par la SCP Didry etamp; Cunin le 27 août 2015, alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en estimant, dans ses motifs, que la demande visant à obtenir l'annulation de la sommation interpellative délivrée par l'huissier de justice instrumentaire était irrecevable en tant qu'elle échappait au pouvoir du juge de la rétractation dont l'office se cantonnait à la mesure d'instruction qui avait été confiée à l'huissier de justice, tout en confirmant, dans son dispositif, le chef par lequel le juge des référés avait débouté au fond la société Cora de cette demande, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge qui décide que la demande qui lui est soumise est irrecevable excède ses pouvoirs en rejetant ensuite cette même demande comme mal fondée ; qu'en confirmant en l'espèce l'ordonnance de référé ayant rejeté sur le fond la demande de la société Cora tendant à l'annulation de la sommation interpellative délivrée par l'huissier de justice chargée de la mesure d'instruction, après avoir énoncé que cette demande était irrecevable en tant qu'elle dépassait les pouvoirs du juge de la rétractation, la cour d'appel a violé les articles 562 et 564 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la contradiction dénoncée résulte d'une erreur matérielle qui peut être réparée selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile ;

D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 145 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de rétractation l'arrêt retient qu'il était indiqué dans la requête que la société Chep France voulait faire constater la présence dans les locaux exploités par la société Cora de palettes que celle-ci aurait dû restituer après livraison de marchandises par ses fournisseurs, ce qui supposait que le détenteur appelé à subir la mesure ne pût y faire obstacle en faisant disparaître les palettes qu'il était censé restituer ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que ni l'ordonnance ni la requête ne comportaient de motifs sur les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté que Chep France justifie d'un motif légitime d'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 28 juillet 2015, validé en conséquence l'ensemble des mesures d'instruction réalisées en exécution de ladite ordonnance et débouté la société Cora de l'ensemble de ses demandes d'annulation et de destruction, l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Nancy le 10 janvier 2017 ; remet en conséquence, sur ces seuls points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Chep France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Chep France, la condamne à payer à la société Cora la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Cora

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la société Chep France justifie d'un motif légitime d'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 28 juillet 2015 celle-ci étant régulière en la forme et sur le fond, d'AVOIR validé en conséquence les mesures d'instruction réalisées en exécution de cette ordonnance et d'AVOIR débouté la société Cora de l'ensemble de ses demandes d'annulation et de destruction ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Cora soutient en premier lieu qu'il n'est justifié ni dans la requête, ni dans l'ordonnance y faisant droit des circonstances exigeant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement au sens des articles 812 et 875 du code de procédure civile ; qu'il était toutefois indiqué dans la requête que la société Chep France voulait faire constater la présence dans les locaux exploités par la société Cora de palettes que celle-ci aurait dû restituer après livraison de marchandises par ses fournisseurs, ce qui supposait que le détenteur appelé à subir la mesure pût y faire obstacle en faisant disparaître les palettes qu'il était censé restituer ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'il est rappelé que la requête sollicitait désignation d'huissier de justice aux fins de procéder aux décomptes des palettes Chep entreposées à [...] et de constater l'existence d'un atelier de préparation de commandes qui utiliserait les palettes Chep ; que Chep France produit aux débats deux courriers en date des 20 novembre et 17 décembre 2014 faisant état de difficultés de communication et de l'impossibilité d'obtenir une date pour une réunion de travail aux fins de régler ce litige ; que ces documents établissent un constat d'immobilisation anormalement long des palettes depuis, au moins, janvier 2013 ; que les explications fournies à l'appui de la requête justifient la délivrance de l'ordonnance par adoption de motifs et visa des pièces jointes ; qu'il était dans la logique de cette décision d'autoriser la présence d'un responsable de Chep France auprès de l'huissier afin de lui fournir les explications techniques nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; que le silence de la société Cora et son inertie face aux demandes de rencontre et de réunions de Chep France pouvaient légitimement laisser craindre à cette dernière un risque de disparition de preuve dans le cadre d'un débat contradictoire ; que si ce principe doit rester la règle, Chep France justifie qu'en l'espèce, il y soit dérogé alors même que le préjudice invoqué apparaît important et qu'il est nécessaire de rappeler que Chep France n'est pas le propriétaire des palettes, mais uniquement loueur ; qu'il y a, dès lors, un motif légitime à écarter le contradictoire ;

ALORS QU'il peut être ordonné sur requête toutes mesures d'instruction légalement admissibles lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; qu'à cet égard, les motifs propres à caractériser l'existence de circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction doivent figurer dans la requête ou dans l'ordonnance rendue à la suite de cette requête, sans que le juge de la rétractation puisse suppléer une carence de motivation de cette ordonnance ; qu'en l'espèce, ni la requête du 24 juin 2015 ni l'ordonnance du 28 juillet 2015 ne comportaient de motifs justifiant de déroger au principe de la contradiction pour investiguer dans les locaux de la société Cora ; qu'en retenant néanmoins que l'argumentation figurant dans la requête de la société Chep France « supposait » que le détenteur des palettes aurait pu faire obstacle à la mesure d'instruction en faisant disparaître ces dernières, ou en estimant encore, par motif éventuellement adopté, que l'attitude de la société Cora pouvait laisser craindre un risque de disparition de l'élément de preuve recherché, quand aucune de ces considérations n'était évoquée par la requête de la société Chep France ou par l'ordonnance rendue sur son fondement, la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 875 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Cora de sa demande visant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de sommation établi par la SCP Didry etamp; Cunin le 27 août 2015 ;

AUX MOTIFS QUE la société Cora soutient en quatrième lieu que la société Chep France a, sans en informer le juge, sollicité l'huissier instrumentaire par lui désigné pour qu'il procède à une sommation interpellative d'un tiers présent sur les lieux, ce qui constitue un procédé déloyal ; que ce moyen ne peut toutefois être accueilli par le juge de la rétractation qui ne peut que statuer que sur le mérite de la requête, et non sur la validité des opérations effectuées en exécution de l'ordonnance y ayant fait droit ;

1) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en estimant, dans ses motifs, que la demande visant à obtenir l'annulation de la sommation interpellative délivrée par l'huissier instrumentaire était irrecevable en tant qu'elle échappait au pouvoir du juge de la rétractation dont l'office se cantonnait à la mesure d'instruction qui avait été confiée à l'huissier de justice, tout en confirmant, dans son dispositif, le chef par lequel le juge des référés avait débouté au fond la société Cora de cette demande, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le juge qui décide que la demande qui lui est soumise est irrecevable excède ses pouvoirs en rejetant ensuite cette même demande comme mal fondée ; qu'en confirmant en l'espèce l'ordonnance de référé ayant rejeté sur le fond la demande de la société Cora tendant à l'annulation de la sommation interpellative délivrée par l'huissier chargée de la mesure d'instruction, après avoir énoncé que cette demande était irrecevable en tant qu'elle dépassait les pouvoirs du juge de la rétractation, la cour d'appel a violé les articles 562 et 564 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-14500
Date de la décision : 22/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 10 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 mar. 2018, pourvoi n°17-14500


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14500
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