LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 novembre 2016) et les productions, que par acte du 25 novembre 2015, la société Compagnie C Ouest (la société), agissant sur le fondement d'un arrêt ayant condamné la caisse régionale de Crédit mutuel du Languedoc (la banque) à lui payer une certaine somme, a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Banque de France au préjudice de la banque ; que cette dernière, faisant valoir que la créance de la société, en paiement de laquelle la saisie-attribution a été pratiquée, avait été rendue indisponible par l'effet d'une saisie conservatoire autorisée par une ordonnance du 6 novembre 2015, en a sollicité la mainlevée ; qu'un juge de l'exécution a dit valable la saisie-attribution pratiquée par la société et écarté son effet attributif immédiat au profit de celle-ci ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de valider la saisie-attribution que la société a pratiquée, le 25 novembre 2015 à 15 h 30, sur la créance qu'elle détient contre la Banque de France et de préciser que cette saisie-attribution a emporté attribution immédiate de la créance saisie à la société alors, selon le moyen, que tout juge devant qui un jugement est invoqué, a le pouvoir de l'interpréter ; qu'en énonçant que l'article R. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution lui interdit d'interpréter, à l'aide de la requête de la banque, l'ordonnance rendue, le 6 novembre 2015, par la juridiction de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux, que « les biens sur lesquels portent les saisies se d[oivent] d'être précisés dans l'ordonnance, sans qu'il soit nécessaire de se livrer à une interprétation par référence aux explications énoncées dans la requête », ce qui l'a conduite à conclure « que la saisie conservatoire pratiquée en exécution de cette ordonnance ne porte pas sur la créance objet de la saisie-attribution, les fonds saisis n'étant pas lors de la mise en oeuvre de cette mesure nullement indisponibles », et que « le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a écarté l'effet attributif immédiat de la saisie au profit de la société Compagnie C ouest », la cour d'appel, qui refuse d'exercer un pouvoir dont la loi la constituait détentrice, a excédé les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 461 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire devait mentionner les biens sur lesquels celle-ci portait et relevé que la banque avait été autorisée à procéder à la saisie conservatoire des créances contractuelles nées des concours bancaires consentis à la société, c'est sans refuser d'exercer ses pouvoirs que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à une interprétation par référence aux énonciations de la requête déposée à fin d'autoriser ladite mesure, a statué comme elle l'a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit mutuel du Languedoc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Compagnie C Ouest ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, qui est en partie confirmatif, D'AVOIR :
. validé la saisie-attribution que la société Compagnie C ouest a pratiquée, le 25 novembre 2015 à 15 h 30, sur la créance que la Crcam du Languedoc détient contre la Banque de France ;
. précisé que cette saisie-attribution a emporté attribution immédiate de la créance saisie à la société Compagnie C ouest ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 523-1 du code de procédure civile d'exécution dispose que lorsque la saisie conservatoire porte sur une seule créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à la concurrence du montant autorisé par le juge » (cf. arrêt attaqué, p. 5, motifs de l'arrêt, 1er alinéa) ; qu'« aux termes de l'article R. 511-4 du même code, à peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et précise les biens sur lesquels elle porte » (cf. arrêt attaqué, p. 5, motifs de l'arrêt, 2nd alinéa) ; que « la simple référence du juge à la requête qui le saisit ne suffit pas à satisfaire aux exigences du texte susvisé » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 1er alinéa) ; que « l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire rendue le 6 novembre 2015 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux dont la rédaction est qualifiée par le premier juge de "sibylline" autorise la Crcam à procéder la saisie conservatoire "des créances contractuelles nées des concours bancaires consenties à la société Compagnie C ouest" » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 2e alinéa) ; que « les dispositions de l'article R. 511-4 précité interdisent d'analyser l'autorisation fort curieusement donnée à la Crcam de saisir conservatoirement les créances que celle-ci détient à l'encontre de la société Compagnie C ouest, en une autorisation de saisir les créances dont cette société est titulaire à l'encontre de la Crcam » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 3e alinéa) ; que « les biens sur lesquels portent les saisies se devant d'être précisés dans l'ordonnance, sans qu'il soit nécessaire de se livrer à une interprétation par référence aux explications énoncées dans la requête » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 4e alinéa) ;qu'« il s'ensuit que la saisie conservatoire pratiquée en exécution de cette ordonnance ne porte pas sur la créance objet de la saisie-attribution, les fonds saisis n'étant pas lors de la mise en oeuvre de cette mesure nullement indisponibles » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 5e alinéa) ; que « le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a écarté l'effet attributif immédiat de la saisie au profit de la société Compagnie C ouest » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 6e alinéa) ;
. ALORS QUE tout juge devant qui un jugement est invoqué, a le pouvoir de l'interpréter ; qu'en énonçant que l'article R. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution lui interdit d'interpréter, à l'aide la requête de la Crcam du Languedoc, l'ordonnance rendue, le 6 novembre 2015, par la juridiction de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux, que « les biens sur lesquels portent les saisies se d[oivent] d'être précisés dans l'ordonnance, sans qu'il soit nécessaire de se livrer à une interprétation par référence aux explications énoncées dans la requête », ce qui l'a conduite à conclure« que la saisie conservatoire pratiquée en exécution de cette ordonnance [celle du 6 novembre 2015] ne porte pas sur la créance objet de la saisie-attribution, les fonds saisis n'étant pas lors de la mise en oeuvre de cette mesure nullement indisponibles », et que « le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a écarté l'effet attributif immédiat de la saisie au profit de la société Compagnie C ouest », la cour d'appel, qui refuse d'exercer un pouvoir dont la loi la constituait détentrice, a excédé les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 461 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution.